Evroult
Citation:
À toi, Hel,
De moi, Chasseur impénitent,
Salut.
Ne te demande pas pourquoi je t'écris ce jour. Une plume qui démange, l'ennui qui ne ronge pas mon frein autant que je le souhaiterais, l'implacable silence qui m'entoure ces derniers jours. L'envie de te lire, que veux-tu, de retrouver l'abri offert à ma carcasse il y a bien longtemps. En fait, c'est tout comme si c'était hier, & le goût que ta main tendue m'a laissé en bouche me réconforte encore. Et là, vois-tu, j'ai affreusement besoin d'écorcher mes yeux sur la candeur de ta peau, de croire que si tu le voulais bien, tu luirais si fort dans le noir que mon chemin n'en serait jamais obscurci.
Une maladie idiote me cloue dans la franche Saumur, à quelques heures à peine d'une Blanche qui va mal, je crois. Je crains que mes aventures se soient vengées d'une infidélité à laquelle elles ne pouvaient prétendre. Tu me connais, un peu, & s'il fait bien longtemps que nous ne nous sommes vus, tu sais combien je crève de me contenter d'un seul cur. Je crois même que ma condition n'a rien à voir avec tout cela : on me dit insatiable, & je suis suffisamment peu idiot pour savoir que ça n'est pas toujours un compliment. Tu vois, le jeûne et l'inertie ne me réussissent pas, je divague & ne sais plus bien pourquoi j'avais décidé de t'écrire.
Raconte-toi, bel ange. Je m'ennuie de ton immaculé, là où je n'ai trouvé que des peaux burinées des travaux, des peaux cuivrées d'exotisme. Il n'y a pas grand chose dans ces couleurs qui m'excite, tu sais. Elles ne marquent pas si bien que la pâleur rosée, ou mieux ! que la transparence de ta chair.
Raconte-toi, bel ange. Dis-moi que tu viendras, que je viendrais peut-être, que nous nous retrouverons, grandis. La dévotion que je plaçais en toi ce soir où je me croyais fini n'a pas faibli au fil du temps, tu sais. Toi qui doit être femme, maintenant, comprend combien l'honneur d'un homme, tout aussi courtisan que je puisse l'être, pleure de ne pouvoir encore te rendre la pareille.
Raconte-toi, bel ange.
Pieusement, du moins autant qu'on me le permet,
Evroult.
De moi, Chasseur impénitent,
Salut.
Ne te demande pas pourquoi je t'écris ce jour. Une plume qui démange, l'ennui qui ne ronge pas mon frein autant que je le souhaiterais, l'implacable silence qui m'entoure ces derniers jours. L'envie de te lire, que veux-tu, de retrouver l'abri offert à ma carcasse il y a bien longtemps. En fait, c'est tout comme si c'était hier, & le goût que ta main tendue m'a laissé en bouche me réconforte encore. Et là, vois-tu, j'ai affreusement besoin d'écorcher mes yeux sur la candeur de ta peau, de croire que si tu le voulais bien, tu luirais si fort dans le noir que mon chemin n'en serait jamais obscurci.
Une maladie idiote me cloue dans la franche Saumur, à quelques heures à peine d'une Blanche qui va mal, je crois. Je crains que mes aventures se soient vengées d'une infidélité à laquelle elles ne pouvaient prétendre. Tu me connais, un peu, & s'il fait bien longtemps que nous ne nous sommes vus, tu sais combien je crève de me contenter d'un seul cur. Je crois même que ma condition n'a rien à voir avec tout cela : on me dit insatiable, & je suis suffisamment peu idiot pour savoir que ça n'est pas toujours un compliment. Tu vois, le jeûne et l'inertie ne me réussissent pas, je divague & ne sais plus bien pourquoi j'avais décidé de t'écrire.
Raconte-toi, bel ange. Je m'ennuie de ton immaculé, là où je n'ai trouvé que des peaux burinées des travaux, des peaux cuivrées d'exotisme. Il n'y a pas grand chose dans ces couleurs qui m'excite, tu sais. Elles ne marquent pas si bien que la pâleur rosée, ou mieux ! que la transparence de ta chair.
Raconte-toi, bel ange. Dis-moi que tu viendras, que je viendrais peut-être, que nous nous retrouverons, grandis. La dévotion que je plaçais en toi ce soir où je me croyais fini n'a pas faibli au fil du temps, tu sais. Toi qui doit être femme, maintenant, comprend combien l'honneur d'un homme, tout aussi courtisan que je puisse l'être, pleure de ne pouvoir encore te rendre la pareille.
Raconte-toi, bel ange.
Pieusement, du moins autant qu'on me le permet,
Evroult.
Il lui fallut relire deux fois avant de se convaincre du bien fondé de son envoi. Evroult était resté sourd à sa dernière missive, occupé qu'il était à savourer la grasse, fertile & bovine Limousie. Et maintenant qu'il était retenu par la faiblesse d'un corps qui se remettait à peine, il revenait, les oreilles basses, tartinant ses paroles de toutes les simagrées dont il était capable.
Diable ! que l'amitié était complexe.
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