Evroult
- La plume tremblait en répandant son encre sur le parchemin vierge, au rythme des frémissements d'une courte bougie gouttant sur la paillasse. Il aurait pu foutre le feu en un claquement de doigt, un mouvement trop brusque, mais quelle espèce d'importance ? Blanche était partie.
La nouvelle lui était parvenue avec le retour de sa dernière missive. Un petit mot lâché, comme on glisse un pense-bête, comme on oublie une liste de courses. Rien de plus, rien de moins que l'annonce d'un décès. Ni date, ni lieu, ni sceau. Pas même de raison. Un pavé dans la mare, démerdez-vous, bonsoir.
Citation:
A vous, Limousie,
Salut.
Jai pris la plume ce jour & ne sais pas encore si cest une bonne idée. Peut-être ce courrier ne vous parviendra-t-il même pas, parce que je naurais pas trouvé de pigeon, que vous ne seriez plus chez vous, ou que je naurais plus eu le cur de lenvoyer. Quimporte. Je vous lécris, nous verrons bien, nest-ce pas ?
Blanche Aliénor nest plus, & lécrire me détruit. Je ne saurais dire même si javais eu loccasion de vous la conter. Nous sommes nés, à quelques mois dintervalle, du même bordel mais de mères différentes. Je fus des rares garçons à rester en ces murs, parce que sa mère, maquerelle, décida de me prendre sous son aile. Peut-être que sa grossesse avancée, déjà, au moment où jarrivais, la rendit plus gracieuse. Quen sais-je ? Elle méleva comme si jétais son fils, tant la mienne, de mère, vulgaire & indifférente, ne senquérait que du gain de ses passes. Blanche naimait pas ma mère. Mais jaimais Blanche, vous savez.
Je laime comme un fou.
Cela peut vous paraître étrange, daimer, quand on est courtisan. Pourtant jen crève, Eldearde. Je ne sais plus respirer. Le sol se dérobe sous mes pieds, mon cur semble battre au ralenti, résonnant dans le trou béant que ma laissé la nouvelle. Je ne la verrais plus. Est-ce possible, vraiment ?
Dites-moi que vous me répondrez.
Je nai pensé quà vous.
Evroult.
Salut.
Jai pris la plume ce jour & ne sais pas encore si cest une bonne idée. Peut-être ce courrier ne vous parviendra-t-il même pas, parce que je naurais pas trouvé de pigeon, que vous ne seriez plus chez vous, ou que je naurais plus eu le cur de lenvoyer. Quimporte. Je vous lécris, nous verrons bien, nest-ce pas ?
Blanche Aliénor nest plus, & lécrire me détruit. Je ne saurais dire même si javais eu loccasion de vous la conter. Nous sommes nés, à quelques mois dintervalle, du même bordel mais de mères différentes. Je fus des rares garçons à rester en ces murs, parce que sa mère, maquerelle, décida de me prendre sous son aile. Peut-être que sa grossesse avancée, déjà, au moment où jarrivais, la rendit plus gracieuse. Quen sais-je ? Elle méleva comme si jétais son fils, tant la mienne, de mère, vulgaire & indifférente, ne senquérait que du gain de ses passes. Blanche naimait pas ma mère. Mais jaimais Blanche, vous savez.
Je laime comme un fou.
Cela peut vous paraître étrange, daimer, quand on est courtisan. Pourtant jen crève, Eldearde. Je ne sais plus respirer. Le sol se dérobe sous mes pieds, mon cur semble battre au ralenti, résonnant dans le trou béant que ma laissé la nouvelle. Je ne la verrais plus. Est-ce possible, vraiment ?
Dites-moi que vous me répondrez.
Je nai pensé quà vous.
Evroult.
Il hésita longtemps. Il hésita, en fait, du lever du soleil jusqu'à l'ouverture des portes du bordel de la franche Saumur. Le tintement de la cloche le sortit de sa torpeur, réveillant la douleur de muscles atrophiés d'être restés crispés, & Evroult se leva. Un bras maigrelet fut saisi au vol, la lettre flanquée dans la petite main aux ongles noirs, le destinataire soufflé sans souffrir d'hésitation. Blanche était morte.
- Madame, je suis vôtre.
Et il fallait se remettre à l'ouvrage.
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