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[RP] Fleurette

Aimbaud
Les senteurs d'une cinquantaine de plats différents, refroidis, et les odeurs des invités écœurés par un si long repas, avachis, crevés, s'étaient mélangées dans l'ambiance générale de la pièce, pour former une nappe lourde et douceâtre. Certains convives s'étaient endormis, le front à côté de leur assiette, ou la tête renversée sur leur siège, un restant de sauce au coin des lèvres. Les restes des victuailles, découpées, tranchées, triturées, n'évoquaient plus rien d'appétissant. On avait retrouvé la décadence de la Rome finissante ! C'était une belle fête d'hiver.

Le marquis de Nemours avait les yeux presque clos, assommé qu'il était par la digestion. Un résidu de sourire lui tirait encore les coins de la bouche, comme s'il ressassait le souvenir de toutes les belles saveurs qui lui étaient passées sur la langue. Cela le laissait rêveur et content.

Il avait déplacé une jambe en direction de la sortie, mais son derrière était encore trop fermement vissé à la banquette pour envisager de s'en extraire. Il était lourd. Très lourd. De plus en plus lourd. Il ne savait plus rebondir comme par le passé. Monter à cheval en sautant. S'accroupir pour ramasser une épée. Il n'avait plus le ressors du cabri, lorsqu'il abordait les femmes, lorsqu'il descendait les escaliers. Il ne s'amusait plus à sauter les marches, elles lui étaient toutes nécessaires. C'était comme si la terre l'appelait puissamment. Elle le tirait, le tirait, et n'avait de cesse de le tirer qu'à la fin de la journée lorsqu'enfin, il était allongé.

Envisageant l'effort qu'il lui faudrait pour se relever, il flattait sa panse d'une main pensive. Le vin, et le trop-plein de nourriture l'avaient complètement grisé. Il observa la taille de femme qui passait près de lui pour rejoindre la sortie et, mu par un animal automatisme, se leva à la suite de cet objet (sans plus se soucier de l'effort), pour y apposer la main. Il avait reconnu la Casas et adressé cette caresse avec discrétion.

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Axelle
Fermer les yeux. Dormir. Et surtout, laisser son ventre en paix. Oui, en paix, au risque sinon, qu'il ne se mette vraiment en rogne et refuse encore de faire son boulot à-peu-près correctement. Oui, pioncer pour faire passer le trop plein comme la plupart des survivants de ce banquet interminable de plats. Mais dormir ici, au milieu des ronflements et autres sonorités plus ou moins identifiables. Non.

Non, la manouche, foutrement délicate, et pudique, et sauvage quand elle s'y mettait, n'avait aucune envie d'exhiber son sommeil ainsi. Elle n'avait dès lors qu'une seule idée en tête, retrouver sa chambre, ses draps blancs fleurant bon le savon et surtout, se débarrasser de ces bijoux qui lui coupaient la peau et du kohl lui piquant les yeux.
Alors, elle se redressa, prenant des airs de rien, des airs de tout va bien en laissant son pas aller avec une légèreté feinte portée à bout de bras par l'espoir, d'enfin, pouvoir câliner son oreiller de tout son souffle.

C'était un beau départ, un départ magnifique même, port de tête haut, hanches souples, regard sombre posé loin et tout ce qui va avec. Sauf que voilà, de tous, c'était bien lui qu'elle espérait voir profondément endormi. Lui qui après l'avoir dupé, inondait sa vue de sa carrure pour l'arrêter dans son élan d'une main à la taille qui lui coupa le souffle. Comme piquée par une abeille, elle recula d'un pas vif pour s'échapper à présence trop proche, le museau bas sur ses sandales ridiculement antiques, et d'un souffle trop court.
Que veux-tu ?
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Aimbaud
Il observa la dérobade d'Axelle sous sa main, avec dérision. Il était assez drôle, quand on la connaissait, de la voir adopter des attitudes de vertueuse mijaurée. Ce ne pouvait être sa pudeur, qu'il venait de froisser. Son orgueil alors, sûrement. Il rabaissa la main et fit mine de poursuivre la marche qu'il avait entamée aux côtés de cette invitée, jetant un coup d’œil prudent à la ronde avant de chuchoter :

Un instant en privé.

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Axelle
Pourquoi ses paupières semblaient-elles si lourdes ? Pourquoi était-ce si difficile de remonter les yeux et d'affronter ce regard quand la présence d'autres ne lui permettait plus de s'offrir l’abri de la raillerie et de l'indifférence ? Bordel, que ses sandales étaient sans intérêt et pourtant si salvatrices à inspecter sous toutes les coutures. Pour pimenter l'examen, elle aurait bien pu gigoter ses orteils, comme des petites poupées dialoguant entre elles. « Oh, tiens, tu vas bien toi, ça fait longtemps que je je t'ai pas vu. Ah non, ça va pas du tout, cette lanière me coupe méchamment. Oui, on est brimés », et patati et patata. Le genre de choses dont tout le monde se fiche mais qui peut, par moment, comme celui-ci tout particulièrement, se révéler singulièrement pratique. Aussi, se contenta-t-elle de hocher lentement la tête en esquissant quelques pas vers le balcon, inspirant à pleins poumons le courage qui lui manquait encore pour, enfin, depuis de si longs mois, affronter ce regard en plein tête-à-tête. Mission dangereuse s'il en était, à bien des titres.
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Aimbaud
Les battants de bois se refermèrent derrière eux. Aimbaud les tira silencieusement l'un contre l'autre, avec un dernier regard, par le vitrail épais qui s'y trouvait enchâssé, à la foule de convives et de serviteurs circulant dans la salle à la lumière des bougies. Sur cet étroit balcon de pierre, versant sur la cour du château, et en proie aux courants d'airs qui circulaient dans l'enceinte de l'édifice, notre marquis fut soudain saisi par le froid.

La nuit était tombée depuis quelques heures, et le ciel, dégagé, laissait à la lune tout le soin d'éclairer la scène. Aimbaud jeta un regard bref en contre-bas. Ils étaient assez haut pour ne pas entendre distinctement la discussion des valets et des gardes groupés en bas autour de torches. Et assez haut, aussi, pour donner un semblant de vertige à notre marquis. Il sentit son estomac effectuer un nœud autour du fascinant mélange des plats qu'il avait ingérés pendant le festin. Il recula légèrement du bord et garda le dos contre le mur de pierre, comme si ce contact suffisait à le rassurer. L'air, très frais, lui ramena du sang-froid.


J'ignorais que vous participiez à ces festivités.

Confia-t'il à Axelle, peinant à trouver une meilleure introduction pour leur échange. Il y avait vraiment longtemps qu'ils s'étaient vus, et leurs échanges épistolaires s'étaient soldés de manière dramatique.

Il l'observa un court instant. Elle portait un pittoresque costume d'égyptienne qui faisait la part-belle à ses bras nus. Elle devait avoir froid. Il hésita un instant, avant de défaire le gros drap qu'il avait jeté pardessus lui, afin de mimer une toge. Il était, en dessous, vêtu normalement et cet accessoire ne lui était pas nécessaire pour résister au gel de l'hiver. Il tendit ce tissu pour l'approcher des épaules de la jeune-femme.


Tenez, s'il vous plait.
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Sancte
Après le gras de sauce, le parfum à l'eau de rose. C'est que lui aussi a besoin d'une balade innocente, après ce qu'il a ingurgité dans la dernière ligne droite. Non qu'il soit satisfait d'avoir échoué au pied du podium ce qui est à ses yeux la pire place envisageable, mais il a quand même mis une raclée à Aimbaud sur le terrain de la bouffe, et ça, ça n'a pas de prix. C'est donc couci-couça droit qu'il marche vers le balcon pour prendre l'air. « Ohé, quoi, demeurez couci-couça dans le coin, restez dans la longe, me laissez pas seul comme naguère, aveuglé dans le noir. Oui, arrêtez-vous, ne vous inquiétez pas, je ne suis pas là pour vous embêter, pas le moins du monde, ou alors juste bénignement. Voilà, établissons-nous au balcon, à la fraîche. Non, voilà, cajolons nos ventres alourdis et allons vers une digestion bienheureuse. » Du moins, c'est ce qu'il aurait voulu dire. Car la béatitude de la bombance se disputait avec une lancinante envie de vomir, et superstitieux, il ne pouvait s'empêcher de craindre qu'ouvrir la bouche pour asséner de telles conneries lui vaudrait quelques représailles de l'estomac. Il se contenta donc de leur sourire, de ces sourires à la fois un brin cruels, et quelque peu idiots.
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Axelle
La manouche avait toujours des idées merveilleuses. Si. Si. Et si le doute persistait, il suffisait de considérer la dernière en date pour en être convaincu. Oui, pouvait-il y avoir idée plus intelligente que d'aller se fourrer sur un balcon battu par le vent de l'hiver tout juste vêtue d'une espèce de robe d'époque de lin fin et sandales aux pieds ? N'était-ce pas particulièrement lumineux ? Si. Et quand en outre, elle filait attraper la mort accompagnée de l'amant à la figure duquel elle avait jeté un monceau d'insultes de tous genres, alors voilà qui touchait presque du génie. Oui. Voilà. Du génie. Génie d'avoir les dents qui claquent suffisamment et les genoux qui s'entrechoquent assez pour pouvoir se faire pardonner de tous les baragouinages qui pourraient bien sortir de sa bouche.

Mais alors qu'elle pensait être réchauffée par une pluie de reproches, ce fut un drap épais qui se posa à ses épaules. Sans doute en d'autres circonstances l'aurait-elle refusé, par pure bêtise et fierté exacerbée, mais elle s'y serra, s'y blottit, le remontant contre son cou pour y enfouir son museau, et laissa, Ô miracle, son regard remonter en toute simplicité, en toute facilité, pour se loger, reconnaissant, au creux des mirettes du Marquis.
Merci. Beaucoup. L'effort fut pénible, pourtant, de ne pas fouiller l'étoffe à la recherche du parfum qui s'y cachait sans doute. Je crois que je ne vais pas recommencer de sitôt ce gen....

Froid a-t-on dit ? Géniale a-t-on démontré ? Mais que les mots pouvaient soudain paraître trop petits, quand déjà pas très haute depuis cette main déposée à sa taille, elle se sentait encore fondre sous un sourire se dessinant au coin de son œil. Sourire cruel peut-être, goguenard sûrement. Et oui, à défaut d'être géniale, elle était foutrement bien dans la m*rde en étranglant péniblement un Votre Altesse, il fait bien meilleur ici, non ? Oui, quand on ne sait pas quoi dire pour sembler un brin maline, mieux vaut se taire, mais cette leçon là devait encore être revue.
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Lucie
Point de ballonnement chez Fleur au ventre creux, mais l’esquisse d’une migraine travaillée à grands coups de parfums mêlés dans la touffeur ambiante. Il y a trop de monde dans ces salles et dextre vissée à une tempe liliale qu’elle masse légèrement, distraite Saint-Jean s’impose sur le premier balcon trouvé dans une inspiration soulagée qui a tôt fait de mourir alors qu’elle rentre presque dans le dos de l’Altesse. A la transparence de son regard scène étonnante se profil, et tandis que les mirettes s’attardent au drap épais qu’un peu plus tôt elle lissait au fort poitrail de Nemours et qui à présent couvre les épaules de trop grande beauté, Lucie sent le sang affluer à ses pommettes pour les colorer d’une nuance gênée. Coupable de rien, elle se sent comme prise en faute. Son estomac vide se tord. D’un poing inconscient elle froisse sa toge aux brocards d’or.

“Courage, fuyons” commandent les petons qui déjà amorcent une marche arrière. C’est sans compter sur la bouche hardie qui s’ouvre pour déverser pépiements enroués qu’elle regrette avant même qu’elle ait terminé de les prononcer. Foutue logorrhée qui la prend quand l’angoisse vient, affichage honteux d’une fragilité qu’elle porte en bandoulière à défaut d’avoir jamais su la couvrir de quelque masque que ce soit.


    - Oh. Vous êtes ici, Marquis. Je suis navrée, je ne voulais pas vous déranger. Je… Il faisait trop chaud en-dedans. Quinquets trop clairs effleurent Clichy. Reviennent à Gitane Splendeur qui ne semble pas plus à sa place qu’elle et à qui, d’une innocence généreuse, tentant de gommer la jalousie qu’inspirent forcément la majesté de ses traits et l’attention du sien fiancé, elle tend un sourire timide. Nous nous sommes déjà croisées, mais n’avons jamais été présentées je crois. Lucie.

Foin d’exposition de nom et de titres. Auprès de ceux-là elle se sent de toute façon bien petite.
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Keuwa ? Une bannière sans blason ? T'inquiète pas mon petit poulet, on l'oublie pas. Pis s'tu veux l'voir, il est .
Aimbaud
Mais...

C'est pas vrai ? Clichy et son sourire de fouille-merde. Gêne palpable. Changement d'ambiance. Aimbaud lisse, du pouce, un sourcil broussailleux en cache à son regard baissé. Il n'y a plus qu'à attendre que le vent glacial refoule l'intrus vers l'intérieur. Peut-être faudra-t'il d'abord le complimenter sur sa performance stomacale. Cela pourrait accélérer les choses...

Mais p...

Pourquoi ! Lucie. Le battant s'ouvre à nouveau, et son visage pâle (hugh !) apparaît. Le balcon devient le centre de la contre-soirée. À la lumière de la lune, les nouvelles couleurs d'Aimbaud savent rester discrètes. Il ressent toutefois comme une brûlure au troisième degré. Il fait aller son regard de la fiancée à l'amante, derrière une main en suspend, qui a oublié d'être utile.

Mais pas du tout. Vous ne dérangez pas.


Répondit-il à la jeune-fille, le front barré par un air sérieux, de ces airs sérieux empruntés au registre des sérieux de dangers sérieux. Comme le sérieux d'un homme dans une fosse aux serpents. Ou le sérieux du type perdu en forêt qui voit venir trois loups.
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Axelle
La manouche avait cette qualité là de se souvenir des visages. Et parfois même des noms les accompagnant. Et lorsque le visage pâle posa à son tour un pied sur le balcon, elle le reconnu aussi vite, d'autant plus facilement que les longues soirées de guerre étaient propices à toutes sortes de bavardages. Une simple semaine à prendre les armes et toutes les histoires de cœurs, de fesses ou d'intérêt étaient sues. Alors, avec trois mois de guerre dans les pattes, la manouche en savait à présent presque plus qu'elle ne l'aurait souhaité. Si elle fut un brin surprise, ce ne fut que de n'avoir pas remarqué la présence de la jeune femme lors du banquet. Mais bon, occupée qu'elle avait été à tenter de vider son assiette à droite à gauche, cela pouvait se comprendre. Quoiqu'il en soit, la manouche n'avait qu'une certitude, la peau claire de la Saint-Jean faisait d'elle l'épouse parfaite pour Aimbaud. Pour le reste, la Casas n'avait aucune envie de le savoir ni même de s'y intéresser. Encore moins en cet instant où, plantée sur un balcon froid, tout augurait que l'instant en privé ne finisse par une séance plus que barbante à se regarder en chien de faïence. Et cette seule perspective lui donnait à elle seule l'envie d'aller voir ailleurs.

Mais somme toute, animée d'une pointe de politesse couplée au refus de mettre le marquis dans la panade en tournant les talons comme l'amante agacée qu'elle était, elle étira un fin sourire de circonstance à la future épousée.


Axelle se présenta-t-elle sommairement. Nous nous sommes effectivement croisées furtivement, quand vous étiez employée au Pacte d'Orphée. Repoussant le battant de bois dans son dos, elle héla rapidement un valet. Ma cape je vous prie. Puis se retournant vers l'improbable trio, dégagea ses épaules du drap épais pour le rendre à son propriétaire. Qu'importait que le froid rende la pointe de ses seins arrogante sous le lin trop fin. Ceux-ci étaient trop menus pour faire loucher Clichy et Aimbaud les connaissaient sur le bout des doigts. Quant à Lucie, peut-être en serait-elle soulagée au vu du regard posé sur le drap quelques instants plus tôt.

Le menton haut, le regard noir glissa de la promise au promis, puis du promis à la promise avant de revenir s'ancrer aux prunelles sombres. Il me semble que des félicitations aux futurs époux s'imposent. Félicitations, donc.Puis se tournant vers son suzerain, laissant ses lèvres se dégourdir d'un large sourire. Et à vous, Votre Altesse, pour votre bon classement.

Dans son dos, le battant à nouveau fut poussé et sur un signe de tête poli, le valet fut remercié alors que les épaules ambrées retrouvaient la chaleur de la fourrure.


Partir ou ne pas partir: telle est la question. Parce qu'être témoin d'une séance de roucoulades dans les règles de l'art de la bienséance, perchée sur un balcon, n'avait rien qui puisse plaire à la manouche. Pourtant, elle décida de rester, juste pour savoir si aux félicitations fallacieuses seraient rendus remerciements. Juste pour voir si le marquis aurait le courage d'imposer ce petit instant en privé réclamé.
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Sancte
« Notre classement n'est même pas honorable Casas et finir juste derrière la dernière marche du podium est plus risible qu'autre chose, mais nous vous remercions de l'intention. »

En cet instant, et même si un gentilhomme se doit d'avoir le dos large, il eût presque pitié d'Aimbaud, contre lequel s'abattait une chasse aux sorcières prodiguée par une bien vilaine providence. Aveuglé par le charme d'Axelle, il n'avait pas remarqué posé sur lui les soupiraux inquisiteurs de sa fiancée, qui semblait le tenir aussi près du regard que le pêcheur devant sa prise, une fois celle-ci ferrée à l'hameçon. Non qu'il lui en fasse reproche : c'est dans l'ordre des choses, la hyène ne lâche pas si facilement la jugulaire, lorsque par miracle elle a su poser sa mâchoire sur un lion. Il n'est de crainte plus féroce que celle de voir nous échapper le bonheur qui nous a été promis. Notamment lorsque l'on est une femme et que l'on subit en première ligne le poids du réel. Pour cela, il leur voue une perpétuelle et profonde admiration, et c'est sans doute la raison pour laquelle il n'a pas nécessairement envie de les voir se donner en public telles qu'elles sont susceptibles d'être lorsqu'il s'agit de s'imposer auprès d'un même mâle. Alors, finalement, il n'a guère de raisons de se réjouir de la situation.

« Donc oui, félicitations Josselinière ! Il nous tarde de mieux faire connaissance avec le fauve qui aura su s'imposer dans le coeur d'un parti si courtisé. Ma dame, nous vous prions de ne point prendre ombrage de l'image qui n'a pas vocation à se montrer dévalorisante, bien au rebours. Et s'il est vrai que vous avez travaillé auprès d'une maison aussi illustre que le Pacte d'Orphée, nous nous doutons que vous ne pouvez être dotée d'un esprit assez chagrin pour y voir offense. Mais commençons par un peu de formalisme, cela ne fait jamais de mal. Nous supposons qu'Aimbaud de Josselinière va nous faire le plaisir des présentations. »

Pas vrai ? Allez, remue-toi mon vieux, t'as l'air d'un flan aux quetsches.
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Aimbaud
Aimbaud accompagna le geste d'Axelle sans la quitter des yeux, traçant, entre les deux écoles du balcon, un passage pour le drap qu'il disciplina en le ramenant sur son bras. L'étoffe blanche trancha dans la pénombre. Il était si raide que ses mains s'étaient comme caparaçonnées et n'avaient rien ressenti au contact de celle qui lui tendait l'étoffe. Toutefois ses yeux, deux billes folles, s'aimantaient dans toutes sortes de directions interdites, implorant l'intimité dont on l'avait dépossédé.

Tandis qu'Axelle couvrait ses appâts, dont le modelé et le piquant n'échappaient à personne - pas même à la lueur du soir, qui s'empressait de les embrasser - (un cas d'école de peinture renaissante), notre marquis essayait tant bien que mal de se hisser hors du terrible marécage des flans aux quetsches où l'on sait qu'il est plus prudent de ne pas trop se débattre.

Or, son immobilité scrupuleuse, sa tétanie de la langue, et sa frigorifie faciale, avaient beau ralentir sa progression vers l'agonie, elles ne constituaient pas une solution durable. Sancte. La carte du fou. Sa bouée de sauvetage, ou son couteau dans le dos. Il orienta un regard sombre vers cette pioche douteuse.


Je vous remercie. Cette jeune personne est Lucie de Saint-Jean, vicomtesse de Barbazan-Debat. Elle ne s'est pas imposée. Sinon comme une évidence.

Il soutint un instant le regard de Sancte, oubliant d'être expressif. Puis à Lucie, qu'il invita à s'avancer, avec un bref sourire, quoi que toujours tendu :

Et voici Sancte Iohannes Von Frayner, Prince de Clichy. Vous connaissez déjà Axelle Casas.

Sa langue parlait toute seule, comme un cheval au pas, tirant un équipage dont le charretier était mort en route.

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Sancte
« Halte, Casas ! Vous n'allez tout de même pas partir maintenant, alors que nous avons la chance inespérée, de nous retrouver pour une fois en exquise compagnie. »

Tout à leur lourde digestion, les hommes menaient les débats avec un train de sénateur très approprié à l'ambiance antique. Aimbaud était finalement parvenu à sortir de son pot, comme un Flamby dont on aurait subitement tiré la languette, et après qu'il se soit égosillé douloureusement, l'atmosphère avait presque recouvré une apparence de normalité alors qu'aucune combinaison de protagonistes n'aurait pu le mettre plus mal à l'aise. Admirez le prodige de la faconde - (quand en réalité, il ne connaissait quasiment rien de l'établissement que l'on nommait le "Pacte d'Orphée"). Contrairement au coureur fougueux qu'il a pu être et l'impression qu'il donnait parfois aujourd'hui, Iohannes était devenu de ces baudets à l'impassibilité très endurante, avançant avec prudence, pour s'être déjà trop abîmés dans la vie. Quelque part, il pressentait intérieurement que la situation présente, cette improbabilité casuelle, donnait naissance à une proximité en chantier, forgeant ainsi un équipement duquel en bon charreton, il pourrait prendre le contrôle et en tirer parti, évitant les obstacles, pour mieux parfois s'y jeter.

« Oh, vous connaissiez déjà la Casas ? En quelles circonstances exactement ? Et bien sûr, il va sans dire que vous serez toujours la bienvenue à Clichy. Nous nous doutions bien que rien n'aurait pu vous réunir si rapidement, sinon l'évidence d'être faits l'un pour l'autre. Vous avez raison Aimbaud, elle semble bien trop pure pour oser s'imposer là où la grâce d'un battement de ses cils suffit à ouvrir les portes du consentement. Autrement, pardonnez-mon ignorance, mais où se situe cette Vicomté de Barbazan-Debat ? En terre Sainte ? À Chypre ? En Lybie ? Mais je vous remercie en tous les cas d'avoir pris la peine de vous joindre à nous, en dépit du déplorable spectacle orgiaque que nous vous offrons présentement en cette fin de soirée. »

... dont les prolongations ont visiblement trouvé une (mal)saine interruption.
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Axelle
Les mots claquaient, le balcon gelait. « Prenez garde tous, la cruauté s'invite ce soir », braillait la lune timide au-dessus de ces quatre têtes que jamais rien n'aurait dû réunir. Oh, qu'il serait mensonger de nier l'avoir aimé, ce Pierrot rencontré au hasard de la cour du Louvre, braillant elle ne savait même plus quoi, les joues rouges et la goutte au nez. Oh comme il avait su l'émouvoir de cette maladresse touchante, osant à peine effleurer sa peau sous les poutres d'un grenier oublié de tous, à Montauban. Oh, comme il l'avait chaviré, en se révélant si gourmand de sa peau, de ses soupirs abandonnés. Oui, elle l'avait aimé, et certainement, au secret de ses tempes brunes, ni demain ni après-demain, ni encore les jours suivants n'y changeraient pas grand-chose. Défaut d'un cœur fidèle s'opposant à la versatilité des sens.

Mais jamais la manouche, aussi forts puissent-être ses sentiments, ne s'était battue pour un homme. Comédienne à ses heures, cette représentation là était trop honteuse, trop dégradante pour seulement y jouer d'un seul bout d'index. Son cœur pouvait bien brailler d'injustice, de colère, de tristesse, rien n'y changerait. La messe était dite. Et du sermon, la manouche retenait une certitude. Mieux valait la solitude, soit-elle pesante, soit-elle effrayante, qu'être désirée dans l'ombre la plus opaque. Même à en perdre la tête. Amen.


Un dernier regard, ciselé de tendresse, accroché loin dans les prunelles du Marquis en déposant à ses pieds la dernière offrande qu'il lui restait à distribuer d'une capuche relevée sur son visage. Aux propos de Clichy, elle secoua doucement la tête.


Je vous prie de m'excuser, mais cette orgie de trop de plats m'a épuisée.
Une simple inclinaison de la tête. Je vous souhaite la bonne nuit, et d'être heureux. Sincérement. Marquis. Une fourmilière dévastait ses jambes alors qu'elle s'éloignait. Pourtant, elle su garder cette démarche nonchalante, qui faisait sa réputation imbécile, malgré cette saloperie de khôl qui faisait pleurer ses yeux.
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Lucie
Cela ne fait pas un mois qu’ils sont fiancés, pas une semaine que contrat de mariage est signé. Sûre ou presque de s’être perdue dans quelque songe improbable où Nemours l’aura remarquée, elle, parmi une foultitude d’autres, elle s’est faite infiniment prudente, ne se laissant aller à la confidence qu’auprès des Noldor-Firenze amis et n’apprenant la chose qu’à son héraut de père. Et pourtant déjà on sait. Déjà on les enrobe de félicitations sans fond auxquelles elle ne répond que par un sourire qui ne lui monte pas jusqu’aux yeux. S’il fallait prouver que les rumeurs se répandent plus vite chez la noblesse que la peste sur un bateau chargé de rats, la chose est faite.

En quête d’un courage capable de lui faire affronter tant la gouaille railleuse du prince que le regard dévorant que le marquis pose à la peau brune, Lucie inspire la grande bouffée d’air qu’elle était venue chercher là en prime instance et se glisse docilement à la place qui lui revient en cette étrange arène. Ne reste plus qu’à prier pour qu’elle ne finisse pas encornée et ce qu’importe le sens du terme employé.


    - Allons Votre Altesse, cela vient d’être dit ; nous nous sommes croisées alors que j’oeuvrais en l’établissement susmentionné. Ceci dit, le terme connaître n’est sans doute pas approprié quand de cette époque qui me semble bien lointaine il ne me reste qu’une vague habilitée à m'apercevoir que les dés sont pipés, souffle Saint-Jean, les fins bracelets d’or décorant son maigre poignet tintinnabulant joliment alors qu’elle ajuste le châle empesé qui protège ses épaules. Du reste, et si vous n’oubliez pas la votre aimable invitation aussi vite que le début de cette conversation, j’aurai évidemment grand plaisir à un jour venir à Clichy et à vous rendre la pareille si jamais l’envie vous prend de visiter le Béarn où se trouve Barbazan et où, soyez-en assuré, l’on ne croise ni fauves, ni demoiselles battant des cils comme les papillons des ailes. Tout au plus à l’avenir risque-t-on d’y voir quelque sanglier.

Puis Casas d’annoncer son départ avec dans le regard une lueur qu’elle reconnaît sans pouvoir s’y tromper pour avoir, avant ce jour, était celle devant s’effacer à l’heure où amour ne suffit pas à s’assurer une existence comblée et où tout ce qu’on a à offrir n’est rien face aux charmes de fleurs plus que soi parfumées. Et pitié malvenue quoique dénuée de toute condescendance de s’inviter à son coeur, plus forte que n’importe quel mauvais sentiment, plus grande que n’importe quelle rosse jalousie. Décidément, être une femme - libérée ou non - c’est pas si facile.

    - Puissent vos bons vœux vous être retournés.

Venant d'elle la phrase ne vaut rien. A tout le moins est-ce sans fausse candeur qu'elle est offerte.
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Keuwa ? Une bannière sans blason ? T'inquiète pas mon petit poulet, on l'oublie pas. Pis s'tu veux l'voir, il est .
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