Isaure.beaumont
A première vue cétait un endroit paisible. Rien dans la beauté virginale du paysage hivernal ne pouvait laisser penser que ce lieu avait été le théâtre dun drame quelques années plus tôt. La rumeur voulait que, bien quaucun corps nait été retrouvé, le fantôme dune jeune Dame hante les lieux. Chacun y allait de son histoire et de son analyse : certains prétendaient que la jeune femme, éplorée après la disparition énigmatique de son enfant, sétait noyée dans létang, lestant ses chevilles de pierres dans lespoir de ly retrouver. Dautres affirmaient quelle sétait empoisonnée et que sa dépouille avait été emportée et dévorée par des bêtes féroces et affamées. Peu nombreux étaient ceux à penser que la jeune femme avait été ensevelie vivante par un amant jaloux, théorie irréelle quand on avait connu la dame en question. Enfin, rares étaient ceux qui avaient osé soumettre lidée que peut-être lépoux était à lorigine de cette étrange et soudaine disparition. Le temps avait effacé le nom et le visage de la disparue. Elle était devenue le personnage sans nom, ni identité dune histoire modifiée au fil des années par la mémoire ou les goûts des conteurs. Ce quelle avait réellement été avait été oublié, et ce quon disait delle séloignait bien souvent de la vérité.
Tel le fantôme quelle aurait dû être, Isaure savança dans la clairière, en direction de létang près duquel on avait mis en scène son suicide . Elle navait pas voulu venir ici. Elle sétait toujours refusé à revenir sur les lieux de son agonie. Huit ans plus tôt, à peu de chose près, lhomme de main de son époux lavait conduite dans cette clairière, quelle affectionnait. Comment sappelait-il déjà ? Le souvenir étais confus, brumeux. Elle navait pas de souvenir précis des évènements. Elle revoyait simplement ce visage aussi juvénile quimpavide, penché sur elle. Hugo ? Oui cétait cela. Hugo. Les mains du maître.
Cétait une étrange et soudaine urgence de vengeance qui, tant dannées plus tard, avait guidé ses pas jusquà Verneuil, jusquau petit manoir que le couple Von Frayner occupait autrefois. Elle avait trouvé les contrevents fermés. Le petit domaine, sans prétention, ne semblait plus entretenu. Les arbres, bien que dépourvus de leur feuillage, semblaient étirer leurs branches dans tous les sens, sans aucune retenue. La nature reprenait peu à peu ses droits, sans quaucun ne sen préoccupe.
Traînant sa mule, Hortense, derrière elle plus quelle ne la guidait, elle prit le chemin de la ville. Il ne fallut pas longtemps à la jeune femme pour croiser un trio de femmes se rendant au lavoir, et qui la langue bien pendue, lui apprirent que le seigneur des lieux était décédé quelques mois plus tôt, à moins que ce soit quelques années à présent. Elles ne savaient pas dire de quoi il était mort, mais elles avaient su dévier sur la tragique disparition de sa jeune épouse bien des années plus tôt. Elle les avait gentiment interrompu, ne souhaitant pas en entendre davantage, et avait bifurqué en direction de cette même clairière où elle se tenait à présent, malgré elle.
Judas. Mort.
Dabord il y eut le soulagement. Après tout, quaurait-elle fait si elle sétait trouvée face à lui, seule et désarmée ? Avait-elle compté sur leffet de surprise que sa réapparition aurait pu provoquer ? Avait-elle espéré quil ferait une apoplexie en croyant voir une revenante ? OU encore quil sagenouillerait devant elle, enfouissant sa tête dans ses jupes élimées, en quête de son pardon, consumé pendant des années par le remord de son geste ?
Puis la déception sinvita brièvement. Elle avait bien souvent rêvé de ce jour où elle pourrait lui faire payer tout le mal quil lui avait fait. Il lui avait tout volé : sa vie, son nom, ses enfants, sa foi. Enfin ce fut la colère. : ce lâche était mort avant quelle ait pu elle-même le tuer. Quil ait tenté de lassassiner, soit. Mais quil transforme son crime en suicide ?! Il laurait condamnée à la fosse commune, sans messe ! Sur une terre non consacrée !
Elle quitta bientôt les lieux, reprenant sa route. Elle avait cru quune fois Judas mort, elle serait libérée. Mais il nen était rien : elle restait Aurore, sans issue possible pour Isaure. Comment pourrait-elle réapparaître subitement après tant dannées ? Comment pourrait-elle reprendre une existence normale ? Comment pourrait-elle seulement oublier ? Elle marcha plusieurs lieues, jusquà atteindre Le Mans où elle sinstalla, le temps de passer lhiver et de décider ce quelle ferait ensuite. Peut-être retournerait-elle simplement doù elle venait
Les jours passèrent. Létrange sentiment qui lavait oppressée ces derniers jours sétait estompé. Elle écumait les marchés autour du Mans, vendant à qui voulait bien lui en acheter quelques fagots de branchages quelle était allée ramasser les jours précédents. Hortense, la mule, était de nouveau chargée, prête pour le départ. La journée à la Flèche sétait révélée bonne. Elle avait gagné six écus, une truite et une miche. Tirant Hortense derrière elle, comme bien souvent, elle se frayait un passage dans la foule qui venait à contre-sens quand elle crut le reconnaître. Elle simmobilisa, le regard fixé sur la silhouette, perdue dans le flot de la masse.
- Hyacinthe ?!
Elle lavait murmuré. Du moins pensait-elle lavoir murmuré car au même instant leurs regards se croisèrent. Alors, il ny eût plus de doute possible.
Tel le fantôme quelle aurait dû être, Isaure savança dans la clairière, en direction de létang près duquel on avait mis en scène son suicide . Elle navait pas voulu venir ici. Elle sétait toujours refusé à revenir sur les lieux de son agonie. Huit ans plus tôt, à peu de chose près, lhomme de main de son époux lavait conduite dans cette clairière, quelle affectionnait. Comment sappelait-il déjà ? Le souvenir étais confus, brumeux. Elle navait pas de souvenir précis des évènements. Elle revoyait simplement ce visage aussi juvénile quimpavide, penché sur elle. Hugo ? Oui cétait cela. Hugo. Les mains du maître.
Cétait une étrange et soudaine urgence de vengeance qui, tant dannées plus tard, avait guidé ses pas jusquà Verneuil, jusquau petit manoir que le couple Von Frayner occupait autrefois. Elle avait trouvé les contrevents fermés. Le petit domaine, sans prétention, ne semblait plus entretenu. Les arbres, bien que dépourvus de leur feuillage, semblaient étirer leurs branches dans tous les sens, sans aucune retenue. La nature reprenait peu à peu ses droits, sans quaucun ne sen préoccupe.
Traînant sa mule, Hortense, derrière elle plus quelle ne la guidait, elle prit le chemin de la ville. Il ne fallut pas longtemps à la jeune femme pour croiser un trio de femmes se rendant au lavoir, et qui la langue bien pendue, lui apprirent que le seigneur des lieux était décédé quelques mois plus tôt, à moins que ce soit quelques années à présent. Elles ne savaient pas dire de quoi il était mort, mais elles avaient su dévier sur la tragique disparition de sa jeune épouse bien des années plus tôt. Elle les avait gentiment interrompu, ne souhaitant pas en entendre davantage, et avait bifurqué en direction de cette même clairière où elle se tenait à présent, malgré elle.
Judas. Mort.
Dabord il y eut le soulagement. Après tout, quaurait-elle fait si elle sétait trouvée face à lui, seule et désarmée ? Avait-elle compté sur leffet de surprise que sa réapparition aurait pu provoquer ? Avait-elle espéré quil ferait une apoplexie en croyant voir une revenante ? OU encore quil sagenouillerait devant elle, enfouissant sa tête dans ses jupes élimées, en quête de son pardon, consumé pendant des années par le remord de son geste ?
Puis la déception sinvita brièvement. Elle avait bien souvent rêvé de ce jour où elle pourrait lui faire payer tout le mal quil lui avait fait. Il lui avait tout volé : sa vie, son nom, ses enfants, sa foi. Enfin ce fut la colère. : ce lâche était mort avant quelle ait pu elle-même le tuer. Quil ait tenté de lassassiner, soit. Mais quil transforme son crime en suicide ?! Il laurait condamnée à la fosse commune, sans messe ! Sur une terre non consacrée !
Elle quitta bientôt les lieux, reprenant sa route. Elle avait cru quune fois Judas mort, elle serait libérée. Mais il nen était rien : elle restait Aurore, sans issue possible pour Isaure. Comment pourrait-elle réapparaître subitement après tant dannées ? Comment pourrait-elle reprendre une existence normale ? Comment pourrait-elle seulement oublier ? Elle marcha plusieurs lieues, jusquà atteindre Le Mans où elle sinstalla, le temps de passer lhiver et de décider ce quelle ferait ensuite. Peut-être retournerait-elle simplement doù elle venait
Les jours passèrent. Létrange sentiment qui lavait oppressée ces derniers jours sétait estompé. Elle écumait les marchés autour du Mans, vendant à qui voulait bien lui en acheter quelques fagots de branchages quelle était allée ramasser les jours précédents. Hortense, la mule, était de nouveau chargée, prête pour le départ. La journée à la Flèche sétait révélée bonne. Elle avait gagné six écus, une truite et une miche. Tirant Hortense derrière elle, comme bien souvent, elle se frayait un passage dans la foule qui venait à contre-sens quand elle crut le reconnaître. Elle simmobilisa, le regard fixé sur la silhouette, perdue dans le flot de la masse.
- Hyacinthe ?!
Elle lavait murmuré. Du moins pensait-elle lavoir murmuré car au même instant leurs regards se croisèrent. Alors, il ny eût plus de doute possible.