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[RP] Huit ans

Hyacinthe.
La Flêche, hiver 1465.

« Toutes ces années... toutes ces années j'ai... non mais attends... Il se gondole un peu. Tu peux pas lâcher ça comme ça et me demander comment j'vais après c'est... c'est un peu trop gros. C'est comme si j'te disais, petite lampée bière, alors hier j'ai rencontré un dragon, il était un peu grognon mais on a causé un peu, oui oui je sais parler aux dragons je t'avais pas dit ? Et du coup on a décidé d'échanger nos pouvoirs, moi je peux maintenant cracher du feu et le dragon lui, j'lui ai filé mon royaume en échange, oui parce que je suis roi aussi mais, ho, j'ai pas beaucoup de terres en fait... mais bref, sinon ça va toi ? Il s'enfile les dernières gorgées dans le gosier. Non parce moi j'y ai cru ouais, que t'avais voulu partir. Ça avait l'air un peu con comme mise en scène mais j'y ai cru. Alors raconte. Comment t'as su, qu'il était mort ? Raconte c'que tu peux me raconter. »



Vers le Sud-Ouest, 1457.

Gaffe, gaffe, recule ! Le petit coup de pied qui frôle les parties c'est toujours un peu flippant. Une main posée sur le point d'impact, pour parer un prochain coup qui ne viendra pas et rassurer le petit bout d'intestin broyé à l'intérieur, Hyacinthe observe Aurore. C'est mal on t'a dit. C'est mal. Le jeunot fronce le nez et secoue brièvement la trogne : « Quhégné ? Hein ? »

Mais c'...
Cherche pas.
Ma...
Cherche pas on t'a dit.

Puis à l'époque, c'est pas comme s'il était rodé aux réactions féminines. Ça le prend encore de court. Ça le prend encore de court aujourd'hui, sauf qu'il le cache vachement mieux. Pour l'instant, 1457, il tire juste une tête de gland avec l'impression d'avoir commis une bourde qu'il peut pas piger et qu'on lui expliquera de toute façon pas.

Ça va j'lui ai pas tâté la ch'ville !
Ttt ttt tttt ! Chut. Écrase.

Droit comme un piquet mais pas suffisamment haut pour atteindre le sommet de son agacement, il lâche un sec :


« Ouais. J'ai vu ça. »

Puis un galant :

« Bouge-toi, on va voir la mer. »
Isaure.beaumont
[La Flêche, hiver 1465]

Elle rit. L’alcool avait eu raison de sa nervosité, à moins qu’elle ne se soit simplement réhabituée à la présence de Hyacinthe. Il avait toujours cette fraîcheur qu’elle lui avait connue autrefois sans être alors capable de l’apprécier. Mais ce soir, elle avait ri, entraînée par le débit impressionnant de ses mots.

Sa tête était agréablement vaporeuse et rien ne semblait pouvoir atteindre son moral. Elle s’était détendue et appréciait presque le goût de la bière, que par mimétisme, elle vida d'une traite.


- Alors raconte. Comment t'as su, qu'il était mort ? Raconte c'que tu peux me raconter.

Elle pencha légèrement la tête sur le côté, massant sa tempe droite. Elle semblait réfléchir mais elle en était en fait bien incapable, l’esprit embrumé par l’alcool. Elle balaya la salle des yeux avant de les reposer de nouveau sur Hyacinthe.


- Pas ici. Viens, allons prendre l’air.


Elle se leva alors, se retenant à la table pour ne pas s’étaler au sol quand la terre tourna. Elle ramassa ses affaires, un sourire béat plaqué aux lèvres, et contournant la tablée, saisit le bras de Hyacinthe qu’elle tira vers la sortie, le pas peu assuré. Elle essayait d’avoir l’air digne et de marcher droit, mais si comme toutes les personnes alcoolisées il lui semblait y parvenir à la perfection, la réalité était toute autre…




[Vers le Sud-Ouest, hiver 1457]


- Bouge-toi, on va voir la mer.

Elle ne releva pas le nez. Il devrait patienter encore un peu, le temps qu’elle finisse de soulager ses pieds tourmentés par les chemins raides et caillouteux. Elle s’attendait à le voir planter devant elle, mais il avait déjà fait volte-face et partait en direction de la mer.

- Hé !!!


Il n’allait tout de même pas la planter là ? Non… si ?! Elle abandonna alors sa séance d’auto-massage pour bondir sur ses pieds et tenta de remettre ses chausses. A peine avait-elle eu le temps d’en chausser une qu’il avait disparu dans le virage.

- Hyacinthe !!! Par le saint cul d’Eusaias ! Il me lâche !


Elle s’était lancée à sa poursuite, une chausse à la main, l’autre au pied, clopinant-courant à sa suite.

- HYACINTHE !

_________________
Hyacinthe.
Vers le Sud-Ouest, 1457.

Rien à fout'.

Ils ont taillé la route dans le sens strict du terme, et Hyacinthe n'a plus décroché un mot jusqu'à ce que la mer soit bien en face. Là, on la voit la grande bleue. Quoiqu'à cette heure elle soit plus vert-grisée. C'est la fin de l'après-midi et monsieur Soleil a déjà entamé sa chute, ça fait des halos orangés dans un ciel pas ouf. Le poudrin salé vient picoter les narines du jeune Hyace qui a oublié depuis une petite lurette qu'il en avait plein l'cul. Ses ressentiments, lorsqu'ils traversent son âme, le font toujours bien vite et le pas léger. Il se dit que ça pourrait aussi adoucir la râleuse de se prendre des embruns plein l'pif, et d'attendre la nuit face à un truc grand comme ça qu'on en voit pas le bout, un truc qu'a l'air tellement immense qu'à côté forcément tu te sens minus, ridicule, particulaire, en bref, face à la mer. De quoi se remettre les idées en place. On est las, on pieutera là, dans la bruyère sèche qui dit merde aux marécages.

Mais avant la poésie, retour à l'esprit pratique.

« Faut qu'on ramasse des branches et des trucs secs. T’embarrasse pas du bois flotté, ça prend mal. »

Parce que toi j'pense que t'as pas encore la sciences des feux. Mais ça viendra.

S'éloignant en sens inverse, Hyacinthe, en recherche d'une nature à cramer, entonne une vieille chanson.


« Mignonne, mignonne,
La camarde te guette,
J'vais faire mes emplettes,
Des jolies figues blettes,
Mignonne, mignonne,
J'en lance une dans ton gosier,
ça fait fuir le tenancier,
Dans son cercueil en osier."
Mignonne, mignonne,
N'te grille pas les éminences,
Bellement charnues contre l'foyer,
Évite surtout les véhémences,
Des sursauts d'graisse embraséeeeeeeee... »




La Flêche, hiver 1465.

C'est donc traîné par une Aurore nouvellement décomplexée du gland qu'il quitte le rade. Elle pense qu'elle gère. Là il commence à entraver que les effets de l'alcool ont pris leur petite ampleur chez elle. Lui, la descente plus entraînée, ne commente ni les chaloupées de la démarche, ni cette assurance neuve et se contente de suivre le mouvement en lançant de brefs sourires aux quelques regards qu'il croise, non, non, c'est pas c'que vous croyez mais, de toute façon, elle se rend compte de rien et j'ai pas le temps d'expliquer.

Heureusement, la porte est déjà ouverte. C'est par là. On va marcher un peu dans l'bled, hein.
Isaure.beaumont
[La Flêche, hiver 1465]


Elle titubait, trébuchait. La réalité lui échappait, ce qui lui permettait alors de ne pas s’offusquer des regards qui convergeaient sur eux. La brise glacée, qui les accueillit à l’extérieur, parvint à calmer ses ardeurs alcoolisées et elle ralentit le pas. Son sourire s’il ne s’était pas effacé, s’était amenuisé. La démarche était encore incertaine, mais elle lâcha Hyacinthe. Ils marchèrent côte à côte en silence, la main d’Isaure se raccrochant parfois au bras ami quand elle trébuchait ou qu’il lui semblait perdre l’équilibre. La foule d’abord dense se raréfia quand ils quittèrent le quartier commerçant. Elle s’arrêta un instant pour retirer un gravillon de sa chausse, s’appuyant contre la façade d’une habitation.


- Je suis retournée là où nous habitions.
Elle désigna une direction, comme s’il s’agissait de celle de Verneuil. A quelques lieues de l’étang où tu m’as trouvée. Des biens que nous possédions, c’était son préféré, moi je ne m’y plaisais pas. La dernière fois que je l’ai vu, c’était un manoir bien entretenu, la bâtisse comme les extérieurs. Ce n’était plus le cas quand j’y suis passée.

Elle avait repris la marche, oxygénant son cerveau.

- J’ai continué vers la ville, et j’ai croisé un groupe de lavandières. Je les ai interrogées, l’air de rien. Il est mort. Elles n’ont pas su me dire depuis quand, ni comment, mais le fait est là : il est mort.


Elle se retourne brusquement vers lui, lui saisissant les poignets.

- JAMAIS ! Tu ne dois JAMAIS en parler. A personne. N’est-ce pas !


Les deux yeux, couleur cobalt, le fixèrent intensément, sondant la profondeur de son regard.


[Vers le Sud-Ouest, hiver 1457]


Elle l’avait suivi tant bien que mal. Le soulier avait été réenfilé à la hâte afin de pouvoir suivre la cadence. Il ne lui adressa pas un mot, elle en fit de même. Elle pestait en silence, braquant sur son dos un regard chargé de reproches, et proférant à son encontre des insultes isauriennes muettes qu’accompagnait un petit chapelet de grimaces éloquentes.

Elle cessa ces singeries seulement une fois parvenue devant l’immensité bleue.
Elle l’avait déjà vu, quand quelques années plus tôt, ce qui lui semblait représenter une éternité du haut de ses dix-sept automnes, la St Just les y avait emmenés. Elle habitait alors l’Alabrena avec celle qui était devenue sa suzeraine.

Elle se perdit dans l’infini de l’eau saline, hypnotisée par la danse des vagues. Elle admira les rouleaux qui venaient cingler le sable. Elle était comme un grain de sable, dans un rouleau. Minuscule, sans prise sur sa vie. Elle subissait les courants. Tout s’agitait autour d’elle sans qu’elle ne puisse rien y faire.

- Faut qu'on ramasse des branches et des trucs secs. T’embarrasse pas du bois flotté, ça prend mal.

Elle fut tirée de sa contemplation philosophique par les consignes de Hyacinthe. Elle le regarda s’éloigner. Son sauveur… Il n’avait rien du chevalier, mais il l’avait tirée des griffes de la Mort. Qu’elle aille ramasser du bois ?

- Et puis quoi encore ? Il m'a vraiment pris pour sa soubrette !


Elle était lasse, elle n’avait la force de rien. Elle n’avait pas encore conscience que pour survivre, il lui faudrait apprendre à se débrouiller seule.
Elle se laissa tomber sur un coin d’herbe qui lui parut suffisamment moelleux. Après avoir ôté ses souliers, elle s’allongea et regarda passer les nuages au-dessus d’eux.

_________________
Hyacinthe.
La Flêche, hiver 1465.

La patience de Hyacinthe peut s'étirer au moins autant que le string de ta mère. Servir de tuteur pendant une balade bourrée ? Pas de problème. Né pour ça. Pendant qu'ils marchent, les tambourins dans sa tête jouent un nouveau rythme sur lequel il cale ses pensées et conjectures sur l'histoire d'Aurore. Alors elle se met à en cracher des miettes qu'il récolte silencieusement, le regard oscillant entre les murs de la ville qui l'a vu grandir. En bref, il la ferme jusqu'à ce qu'on attende une réponse de lui et là, poignets entravés, faut bien causer.

Est-ce qu'on en a déjà parlé à quelqu'un au fait ? Pas qu'on sache. Ça n'est pas le genre d'histoire à redorer son image. Ou alors pour alimenter les curiosités malsaines mais Hyahya, il tisonne pas trop par là. Ou alors il aurait sorti ça pour impressionner une donzelle ? « Hé, tu sais quoi ? Un jour j'ai trouvé une fille sur la route avec son sang autour. Sinon tu fais quoi dimanche matin ? » Hum. Nan. Nan, il avait gardé ça pour lui. Une vraie tombe.


« Une tombe. Pas pour ton mari ! Qui est mort... non moi, une tombe. J'dirai rien. Tu peux creuser à... pfff, soixante pieds sous terre, j'dirai toujours rien. Même avec des pelles en or massif et la fratrie des puisatiers du Toulousain, y trouveront rien, que dalle. »


Oui, moi aussi je te regarde en face. Tu peux lâcher mes poignets quand tu seras convaincue.



Vers le Sud-Ouest, 1457.

Entre les bruyères il avait de l'amadou coincé dans la fente d'une branche de tilleul, mêlé d'un peu de sable – pour une fois qu'il sert pas juste à te gratter la nuque celui-là, et Hyacinthe, les deux paumes sur un bâton qu'il faisait lentement tourner, contemplant la silhouette là-bas qui foutait rien. C'est l'hiver. C'est pas loin de la mer, alors oui c'est charmant mais la nuit, la nuit Aurore, est en train de tomber et ça va devenir vachement moins charmant si on fait rien pour te réchauffer les miches quand ce sera le cas.

Si j'y arrive, parce que pour l'instant ça prend pas. Et la mauvaise nouvelle que tu ignores encore, c'est que si ça prend pas, nous on va devoir reprendre, la route, histoire de pas se transformer en glaçons.

Ça prend toujours pas. Il pourrait partir sans elle.

Toujours pas. Non, elle serait capable de boire de l'eau de mer.
Isaure.beaumont
[Vers le Sud-Ouest, hiver 1457]


C’est la désagréable sensation d’être gelée jusqu’aux os qui la fit enfin se lever. L’inactivité et le déclin du soleil avait précipité la chute de sa température corporelle et elle grelottait presque à présent. Sa cape ne suffisait plus à la réchauffer suffisamment pour qu’elle reste oisive. Aussi remit-elle ses chausses afin de rejoindre Hyacinthe.


- Eh bien ? Ca vient ? Vous n’avez toujours pas réussi à faire jaillir une étincelle ?

Elle s’accroupit à ses côtés, observant ses gestes en silence. Il s’y prenait mal, c’était certain. Sinon le feu les aurait réchauffés depuis bien longtemps.

- Vous vous y prenez mal. C’est évident. Il faut souffler pour que ça prenne ! Je l’ai déjà vu faire !

Et avant même qu’il ait eu le temps de réagir, elle s’agenouillait déjà pour souffler sans retenue sur l’amadou, anéantissant tous les efforts du pauvre Hyacinthe.


[La Flêche, hiver 1465]

Les yeux sondèrent encore un instant ceux de son vis-à-vis. Ils étaient vraiment bizarres. Si étranges qu’elle ne savait jamais sur lequel se fixer. Elle détourna enfin le regard tandis qu’elle lui relâchait les poignets.

- Je ne t’ai jamais remercié comme il se doit, Hyacinthe. Je te suis redevable. Je ne sais pas quand, ni comment, mais je te promets qu’un jour, je te le revaudrai.

Elle reprit la marche en silence. Ils dépassèrent un groupe d’enfants occupé à se disputer. L’air glacial la ramena huit ans plus tôt, non loin de cette plage où ils s’étaient autrefois arrêté. Et elle se sentit d’ajouter :

- Je sais allumer un feu, désormais. Certainement moins vite que toi, mais j’y arrive !
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