Isaure.beaumont
Rien navait changé. Tout au plus les arbres avaient poussé. Depuis la rive droite du Loing, Isaure contemplait le château, un pincement au cur. Nemours et son château. Nemours sans sa marquise. Elle ferma un instant les yeux, essayant de se remémorer le temps où Clémence rayonnait encore. Elle essaya de faire réapparaître mentalement ses traits et sa blondeur. Les années étaient passées, et si elles navaient pas érodé sa peine, elles avaient peu à peu estompé limage du visage aimé. Arrivée trois jours plus tôt au village, elle avait dabord interrogé, le plus innocemment du monde, les villageois sur le marquis et son enfant (avait-il survécu ? Oui.), espérant que le château serait inoccupé. Malheureusement, daprès les quelques renseignements quelle avait réussi à obtenir, Aimbaud de Josselinières et son entourage y résidaient. Le jour se levait seulement. Le paysage, paisible, était emprisonné sous une écorce de gel, qui ne fondrait pas avant plusieurs heures. Lair était glacial et du Loing sélevait une brume qui donnait au lieu une aura mystique, propice à lapparition de créatures surnaturelles et de fantômes.
Isaure quitta la berge afin de rejoindre le pont qui la mènerait en direction du château. Elle longea alors le Loing, sans trop sapprocher du château, puis le contourna afin de prendre la direction de la chapelle, à lécart de la demeure némourienne. La lumière était encore assez faible pour quelle puisse saventurer sur les terres sans trop attirer lattention des serviteurs. Alors quelle rejoignait le chemin qui menait à la chapelle, emprunté tant de fois aux côtés de Clémence, elle dût sen écarter et se dissimuler dans la végétation : elle avait naïvement pensé que la température inhospitalière et lheure avancée du jour garderaient la valetaille au chaud. Pourtant, des hommes et des femmes bravaient le froid. Elle dut traverser un mur de ronces, sécorchant les mains et les jambes malgré ses bas épais.
A quelques pas seulement de lédifice religieux, Isaure dut rester cacher quelques minutes. Les allers et venues incessantes de quelques gardes lempêchaient datteindre son but ultime. Immobile, elle resserra contre elle sa cape, couvrant le bas de son visage. Cétait une cape de seconde-main quelle venait dacquérir : si elle avait le mérite dêtre chaude, elle sentait affreusement mauvais, un mélange de fumier et dalcool, héritage de son ancien propriétaire. Mais lorsquon sappelait Aurore, on ne pinaillait pas sur de tels détails pour être au chaud à petit prix. Les hommes armés simmobilisèrent pour échanger quelques mots, se tournant à lunisson en direction du château. Ce fut ce moment quIsaure choisit pour courir jusquaux portes de la chapelle dans laquelle elle se faufila.
Lair était à peine plus chaud quà lextérieur mais elle goûta la quiétude des lieux, savourant cette douce odeur dencens et de cire. Il y avait bien longtemps quelle navait pas mis les pieds dans un lieu saint. Elle avait tourné le dos au Très-Haut, tout comme il lavait fait avec elle. Elle navait pas prié, ni ne sétait signée depuis que Hyacinthe lavait tirée daffaire, huit ans plus tôt. Elle resta immobile un instant, le temps que ses yeux shabituent à la pénombre. La lumière du jour commençait à transpercer lépaisseur des vitraux, projetant leurs ombres colorées sur les dalles froides. Elle regarda lautel, face à elle, et la représentation de Christos. Elle le fixait, le défiait de châtier cette impudente qui osait venir dans sa Maison ; cette pécheresse quelle était.
Enfin, elle abandonna son duel pour se concentrer sur sa quête initiale. Clémence. Elle la repéra bientôt. Elle était allongée, de marbre, sur un lit de pierre. Sapprochant timidement, Isaure posa une main timide sur le bras du gisant.
- Bonjour Clémence.
Elle ne parlait pas fort, comme si elle craignait de troubler son repos éternel. Sa main glissa le long du bras de Clémence et remonta jusquà son épaule, aussi frêle que dans son souvenir. Ses yeux sembuèrent alors même quil se posait sur le visage calcaire de sa cousine. Il était délicatement sculpté, si réel. Elle semblait si sereine dans la mort. Elle sagenouilla alors à ses côtés et posa sa tête contre la poitrine froide et ferme de la statue.
- Oh Clémence . Pourquoi ?
Pourquoi es-tu morte ? Pourquoi m'as-tu abandonnée ? Pourquoi suis-je si malheureuse ? Pourquoi ? Pourquoi ? Tant de pourquoi qui ne trouvaient pas de réponse.
Son corps chaud contre la dépouille froide de Clémence, elle se laissa aller à son chagrin. Ses épaules sagitèrent tandis quelle sanglotait. Il lui sembla une seconde que Clémence était réellement près delle, comme si sa main sétait posée sur son épaule, tandis que lautre effleurait sa joue inondée.
- Huit ans que vous êtes là. Allongée sous cette pierre, seule. Je suis seule moi aussi. Désespérément seule, Clémence. Je ne suis plus que lombre de moi-même. Je . Je ne suis plus quune pécheresse. Je me répugne. Vous devriez me mépriser! Oh Clémence ! Ce nest pas juste ! Jaurais dû mourir Mourir avec vous. Alors nous aurions été heureuses ensemble ! Huit ans que vous êtes morte et que jaurais dû mourir.
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Isaure quitta la berge afin de rejoindre le pont qui la mènerait en direction du château. Elle longea alors le Loing, sans trop sapprocher du château, puis le contourna afin de prendre la direction de la chapelle, à lécart de la demeure némourienne. La lumière était encore assez faible pour quelle puisse saventurer sur les terres sans trop attirer lattention des serviteurs. Alors quelle rejoignait le chemin qui menait à la chapelle, emprunté tant de fois aux côtés de Clémence, elle dût sen écarter et se dissimuler dans la végétation : elle avait naïvement pensé que la température inhospitalière et lheure avancée du jour garderaient la valetaille au chaud. Pourtant, des hommes et des femmes bravaient le froid. Elle dut traverser un mur de ronces, sécorchant les mains et les jambes malgré ses bas épais.
A quelques pas seulement de lédifice religieux, Isaure dut rester cacher quelques minutes. Les allers et venues incessantes de quelques gardes lempêchaient datteindre son but ultime. Immobile, elle resserra contre elle sa cape, couvrant le bas de son visage. Cétait une cape de seconde-main quelle venait dacquérir : si elle avait le mérite dêtre chaude, elle sentait affreusement mauvais, un mélange de fumier et dalcool, héritage de son ancien propriétaire. Mais lorsquon sappelait Aurore, on ne pinaillait pas sur de tels détails pour être au chaud à petit prix. Les hommes armés simmobilisèrent pour échanger quelques mots, se tournant à lunisson en direction du château. Ce fut ce moment quIsaure choisit pour courir jusquaux portes de la chapelle dans laquelle elle se faufila.
Lair était à peine plus chaud quà lextérieur mais elle goûta la quiétude des lieux, savourant cette douce odeur dencens et de cire. Il y avait bien longtemps quelle navait pas mis les pieds dans un lieu saint. Elle avait tourné le dos au Très-Haut, tout comme il lavait fait avec elle. Elle navait pas prié, ni ne sétait signée depuis que Hyacinthe lavait tirée daffaire, huit ans plus tôt. Elle resta immobile un instant, le temps que ses yeux shabituent à la pénombre. La lumière du jour commençait à transpercer lépaisseur des vitraux, projetant leurs ombres colorées sur les dalles froides. Elle regarda lautel, face à elle, et la représentation de Christos. Elle le fixait, le défiait de châtier cette impudente qui osait venir dans sa Maison ; cette pécheresse quelle était.
Enfin, elle abandonna son duel pour se concentrer sur sa quête initiale. Clémence. Elle la repéra bientôt. Elle était allongée, de marbre, sur un lit de pierre. Sapprochant timidement, Isaure posa une main timide sur le bras du gisant.
- Bonjour Clémence.
Elle ne parlait pas fort, comme si elle craignait de troubler son repos éternel. Sa main glissa le long du bras de Clémence et remonta jusquà son épaule, aussi frêle que dans son souvenir. Ses yeux sembuèrent alors même quil se posait sur le visage calcaire de sa cousine. Il était délicatement sculpté, si réel. Elle semblait si sereine dans la mort. Elle sagenouilla alors à ses côtés et posa sa tête contre la poitrine froide et ferme de la statue.
- Oh Clémence . Pourquoi ?
Pourquoi es-tu morte ? Pourquoi m'as-tu abandonnée ? Pourquoi suis-je si malheureuse ? Pourquoi ? Pourquoi ? Tant de pourquoi qui ne trouvaient pas de réponse.
Son corps chaud contre la dépouille froide de Clémence, elle se laissa aller à son chagrin. Ses épaules sagitèrent tandis quelle sanglotait. Il lui sembla une seconde que Clémence était réellement près delle, comme si sa main sétait posée sur son épaule, tandis que lautre effleurait sa joue inondée.
- Huit ans que vous êtes là. Allongée sous cette pierre, seule. Je suis seule moi aussi. Désespérément seule, Clémence. Je ne suis plus que lombre de moi-même. Je . Je ne suis plus quune pécheresse. Je me répugne. Vous devriez me mépriser! Oh Clémence ! Ce nest pas juste ! Jaurais dû mourir Mourir avec vous. Alors nous aurions été heureuses ensemble ! Huit ans que vous êtes morte et que jaurais dû mourir.
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