Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] La chapelle de Nemours

Isaure.beaumont
Rien n’avait changé. Tout au plus les arbres avaient poussé. Depuis la rive droite du Loing, Isaure contemplait le château, un pincement au cœur. Nemours et son château. Nemours sans sa marquise. Elle ferma un instant les yeux, essayant de se remémorer le temps où Clémence rayonnait encore. Elle essaya de faire réapparaître mentalement ses traits et sa blondeur. Les années étaient passées, et si elles n’avaient pas érodé sa peine, elles avaient peu à peu estompé l’image du visage aimé. Arrivée trois jours plus tôt au village, elle avait d’abord interrogé, le plus innocemment du monde, les villageois sur le marquis et son enfant (avait-il survécu ? Oui.), espérant que le château serait inoccupé. Malheureusement, d’après les quelques renseignements qu’elle avait réussi à obtenir, Aimbaud de Josselinières et son entourage y résidaient. Le jour se levait seulement. Le paysage, paisible, était emprisonné sous une écorce de gel, qui ne fondrait pas avant plusieurs heures. L’air était glacial et du Loing s’élevait une brume qui donnait au lieu une aura mystique, propice à l’apparition de créatures surnaturelles et de fantômes.

Isaure quitta la berge afin de rejoindre le pont qui la mènerait en direction du château. Elle longea alors le Loing, sans trop s’approcher du château, puis le contourna afin de prendre la direction de la chapelle, à l’écart de la demeure némourienne. La lumière était encore assez faible pour qu’elle puisse s’aventurer sur les terres sans trop attirer l’attention des serviteurs. Alors qu’elle rejoignait le chemin qui menait à la chapelle, emprunté tant de fois aux côtés de Clémence, elle dût s’en écarter et se dissimuler dans la végétation : elle avait naïvement pensé que la température inhospitalière et l’heure avancée du jour garderaient la valetaille au chaud. Pourtant, des hommes et des femmes bravaient le froid. Elle dut traverser un mur de ronces, s’écorchant les mains et les jambes malgré ses bas épais.

A quelques pas seulement de l’édifice religieux, Isaure dut rester cacher quelques minutes. Les allers et venues incessantes de quelques gardes l’empêchaient d’atteindre son but ultime. Immobile, elle resserra contre elle sa cape, couvrant le bas de son visage. C’était une cape de seconde-main qu’elle venait d’acquérir : si elle avait le mérite d’être chaude, elle sentait affreusement mauvais, un mélange de fumier et d’alcool, héritage de son ancien propriétaire. Mais lorsqu’on s’appelait Aurore, on ne pinaillait pas sur de tels détails pour être au chaud à petit prix. Les hommes armés s’immobilisèrent pour échanger quelques mots, se tournant à l’unisson en direction du château. Ce fut ce moment qu’Isaure choisit pour courir jusqu’aux portes de la chapelle dans laquelle elle se faufila.

L’air était à peine plus chaud qu’à l’extérieur mais elle goûta la quiétude des lieux, savourant cette douce odeur d’encens et de cire. Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas mis les pieds dans un lieu saint. Elle avait tourné le dos au Très-Haut, tout comme il l’avait fait avec elle. Elle n’avait pas prié, ni ne s’était signée depuis que Hyacinthe l’avait tirée d’affaire, huit ans plus tôt. Elle resta immobile un instant, le temps que ses yeux s’habituent à la pénombre. La lumière du jour commençait à transpercer l’épaisseur des vitraux, projetant leurs ombres colorées sur les dalles froides. Elle regarda l’autel, face à elle, et la représentation de Christos. Elle le fixait, le défiait de châtier cette impudente qui osait venir dans sa Maison ; cette pécheresse qu’elle était.

Enfin, elle abandonna son duel pour se concentrer sur sa quête initiale. Clémence. Elle la repéra bientôt. Elle était allongée, de marbre, sur un lit de pierre. S’approchant timidement, Isaure posa une main timide sur le bras du gisant.


- Bonjour Clémence.

Elle ne parlait pas fort, comme si elle craignait de troubler son repos éternel. Sa main glissa le long du bras de Clémence et remonta jusqu’à son épaule, aussi frêle que dans son souvenir. Ses yeux s’embuèrent alors même qu’il se posait sur le visage calcaire de sa cousine. Il était délicatement sculpté, si réel. Elle semblait si sereine dans la mort. Elle s’agenouilla alors à ses côtés et posa sa tête contre la poitrine froide et ferme de la statue.

- Oh Clémence…. Pourquoi … ?


Pourquoi es-tu morte ? Pourquoi m'as-tu abandonnée ? Pourquoi suis-je si malheureuse ? Pourquoi ? Pourquoi ? Tant de pourquoi qui ne trouvaient pas de réponse.

Son corps chaud contre la dépouille froide de Clémence, elle se laissa aller à son chagrin. Ses épaules s’agitèrent tandis qu’elle sanglotait. Il lui sembla une seconde que Clémence était réellement près d’elle, comme si sa main s’était posée sur son épaule, tandis que l’autre effleurait sa joue inondée.


- Huit ans que vous êtes là. Allongée sous cette pierre, seule. Je suis seule moi aussi. Désespérément seule, Clémence. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même. Je…. Je ne suis plus qu’une pécheresse. Je me répugne. Vous devriez me mépriser! Oh Clémence ! Ce n’est pas juste ! J’aurais dû mourir… Mourir avec vous. Alors nous aurions été heureuses ensemble ! Huit ans que vous êtes morte et que j’aurais dû mourir.

_________________
Aimbaud
Aimbaud repoussa son couteau d'argent du bout des doigts, laissant une traînée de jus de poire sur la nappe. Il se frotta les mains dans un carré de toile, puis essuya dans sa paume, les gouttes de son repas encore collés aux poils de sa barbe. Sur la table, un reste de brioche trônait, entouré d'une armée de miettes, des amandes et des noix éventrées, des coquilles d’œufs, une carafe de vin blanc.

Une lumière blanche passait par le battants des fenêtres à croisées. Elle venait mettre en relief cette belle nature morte, et plus loin, le front d'Ysilgonde, bien beau et rond, penché sur un plat de compote. Elle mangeait tout en récitant un couplet de Thibaut de Champagne, dont les paroles tantôt lui échappaient, tantôt lui revenaient, selon qu'elle touillait sa compote, ou ne la touillait pas.

Le marquis sourit, l'air rassasié. Il pesa sur ses accoudoirs pour s'extraire de son siège, puis écouta la fin du poème en grattant, à travers l'épais velours de son pourpoint, la panse qui ne cessait de lui pousser par devant comme un rempart face à la rude saison. Il clôtura le repas par un baiser sur le front de sa fille, et ordonna, comme tous les matins, qu'on lui couvrit les épaules afin qu'il allât prier.

Danhatiskoll le suivit au dehors. Il traversèrent prudemment la cour du château dont le sol de terre battue s'était liquéfié, puis avait gelé. Parfois, le bras d'Aimbaud appuyait subitement sur celui de son serviteur (ce serviteur censé le protéger de tout mal, et notamment, du mal de glisser comme un veau marin, sur le verglas). Arrivé à une croisée, sur la rive du fleuve, le marquis laissa cet homme en poste, et arpenta seul le petit chemin buissonneux qui menait à la chapelle. Les pans de son énorme mantel agrippèrent quelques ronces et orties, puis il poussa la grille du lieu saint, en ôtant d'une main la toque bourguignonne qui lui couvrait le chef.

Il s'avança dans l'édifice, mu par des gestes habituels, les yeux encore aveugles au détail anormal qui résidait dans l'obscurité. Mais lorsqu'en se signant, son regard, élevé vers la croix aristotélicienne, retomba sur une forme chuintante et noire, dégoulinant du tombeau de l’Épine, une meute de frissons coururent dans ses veines, les yeux lui sortirent des orbites, et tout son corps se propulsa vers l'arrière comme s'il avait été frappé par une lance.


SAINT BYNARR SA MÈRE !

Rugit-il en se retenant à un prie-Dieu, une autre main lui malaxant le poitrail où taquinait la crise cardiaque.


HHaa...! Rah. Rah. La vache.

Il ne fallait pas lui faire des coups comme ça. Il avait du cholestérol. Il releva un regard à la fois faible et furieux vers la créature agrippée au gisant de sa femme, qu'il avait désormais identifiée comme étant une paysanne ou une souillon du château.

Qui quoi ? Que faites-vous là ?

_________________
Isaure.beaumont
Trop absorbée par sa peine, elle n’avait pas prêté plus d’attention aux bruits environnants. Elle n’entendit pas la grille grincer, ni même les pas pourtant lourds du maître des lieux se rapprocher. Les larmes avaient séché et un sentiment de paix commençait à l’envahir.


- SAINT BYNARR SA MÈRE !


Son cœur fit un bond dans sa poitrine et elle glissa lamentablement de la pierre. Masse sale et informe sur la dalle froide. Elle se redressa alors pour faire face à l’intrus qui troublait sa quiétude. Elle engloba alors du regard la silhouette du marquis, sans tout d’abord faire le lien. Puis les yeux remontèrent sur le visage arrondi par l’amour de la bonne chère et du bon vin : s’il était plus gras que huit ans auparavant, il restait cependant fort reconnaissable. La bouche s’entrouvrit en même temps que les yeux s’écarquillèrent


- HHaa...! Rah. Rah. La vache.

- Diantre, ce qu’il est gros !


Cela lui avait échappé en même temps que le souffle qu’elle retenait jusqu’alors. Elle n’avait pas le temps de se remettre du choc de cette rencontre, il fallait qu’elle trouve une échappatoire. Elle ne pouvait pas prendre le risque qu’il la reconnaisse.

- Qui quoi ? Que faites-vous là ?

- Je… Je priais !


Elle ne demanda pas son reste et amorça sa fuite. A peine eut-elle fait quelques pas précipités que son évasion fut stoppée par la fourberie d’une dalle déchaussée, la propulsant contre le marquis, aux pieds duquel elle termina sa folle course.


-Hmpffff.

_________________
Danhatiskoll
Here, A Souvenir... Tiens, un souvenir

***

La vie à Nemours prenait un tournant étrangement paisible, en cette saison que redécouvrait le Rouge. Si le manteau de la dame blanche était loin de lui être inconnu, cette brume naturelle l'amusait/le gênait au point de lui imaginer un brin de mysticisme arthurien, si pour autant sa cervelle gelée se décidait de penser à autre chose que de retrouver la bonté du foyer. Le maquereau avait l'allure d'un pantin mal huilé dans ses promenades de gardien.

Parfois, il lui venait à l'esprit de se demander si ce n'était pas une punition silencieuse du Marquis que d'être le second fer glacé du verrou nemourois. L'impatience ne faisait pas partie des défauts du blond, mais son endurance n'était pas non plus légendaire. Ainsi, alors que le trésor récitait ses devoirs face à son unique admirateur, le marin maudissait à sa manière les griffes affutées de l'hiver, variant quelques marches forcées et apportant son aide aux plus proches de son poste. Les lèvres gercées étaient le cadet de ses problèmes, puisqu'un vieil ennemi faisait lentement son bonhomme de chemin : l'ennui.

Alors, lorsque le Maître engrossé décida enfin à son tour de changer quelques habitudes, il ne gêna absolument pas Dan d'accepter son rôle temporaire - espérons - de troisième jambe, voyant l'offre comme une aubaine pour sortir de cette prison de sombre glace. Il avait même l'espoir de pouvoir converser avec le bourreau concernant leur futur en commun, si, simplement, ce dernier ne décidait pas de vouloir prier encore une fois sa plus tenace perte.

Ce parcours de malheur, miné par les ongles de Gaïa, n'inspirait au Rouge qu'une envie oppressante de quitter au plus vite la dernière litanie d'une mère parti trop vite. Il ne l'avouait jamais oralement, mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir presque privilégié face à l'héritière, elle pleurant chaque soir son âme brisée, vide de toute douceur de son premier guide.
Pourtant, comme souvent, l'homme d'armes adressa un signe de tête respectueux envers son seigneur, son aphonie dépeignant si bien le malaise de ses douloureux souvenirs, le laissant aller vaquer à il ne sait quels pamphlets ; Évidemment, l'étranger mis de côté toute remarque ou optimisme, tant cela lui semblait si désuet.

Resserrant le col de sa cape salvatrice, le marin prit la place qu'il lui revint, et s’apprêta à soupirer une longue insulte envers le hasard... Jusqu'à ce que le bourru Sanglier se fit soudain entendre, amorçant sans le moindre doute un malsain engrenage...
Dan n'entreprit aucun cri de détresse, trop concentré à vouloir avaler la distance qui sépare les deux plumes du contrat. Dans sa hâte, le bas de sa cape hurla ses crevasses, tant les jambes coupèrent bêtement à travers ronces et nuisibles naturels.
Ce n'est qu'une fois à l'entrée de l’édifice religieux que l'anglois laissa échapper sa stupéfaction, alors que ses yeux de boue fixèrent l'inconnu encapuchonné apparemment aux pieds de son coq aux crêtes d'or...


SEIGNEUR ?!


Personne d’autre n’avait le droit d’être aussi proche de cette tombe... Dan n'hésita pas un instant à déclarer personnellement la silhouette emmitouflée comme un danger, et se rua froidement vers l'inquisitrice. Quelques grains de sable s'écoulèrent avant que la rudeur d'une semelle en plein ventre ne fasse rappel au Tiers État de son statut icelieu. Les présentations furent faites. La lugubre lame ne tarda pas à rugir hors de sa cage, et de sa pointe menacer le visage assombri par le capuchon.
L'adrénaline en sœur, les yeux de boue noircis par la froide colère anglaise, le serviteur déclara à l'attention de la tâche au tableau :


Montre ton visage... Que mon seigneur se réserve le droit de savoir ce que tu perdras en premier pour avoir pénétrer dans cette chambre sacrée. Doucement. Un geste brusque et tu perds un œil.


Musique : Akik de Ez3kiel

_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)