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[RP] "Qui est comme Dieu"

Albin.
[Du jour où j'ai posé mon regard sur toi, Ombeline. J'étais convaincu que tu avais le droit de vivre...Aujourd'hui, j'ai la certitude que tu le dois.] Songe d'Albin

Mon attention ne pouvait se détacher de cette silhouette au milieu des draps. Ses longues boucles noires s'étalaient sur l'oreiller et cette mèche grise si caractéristique de sa personne. Elle était dans mon lit, nue, à blottir contre son sein, ce petit être fraîchement venu. Ses mouvements avaient découverts son épaule, exhibés son sein gonflé de lait et moi, je restais comme un con à la contempler sans mot dire. J'aurai voulu lui avouer comme elle était belle sans la contrariété qui durcissaient cruellement son visage, lui montrer ses traits apaisés avant qu'elle ne les crispe à son réveil.

Je vidais une bouteille de cidre pour excuser mon insomnie. Demain matin, on reprenait la route pour l'Anjou et sa putain de guerre éternelle. Mes doigts broyaient mon godet rien qu'à songer à cette idée tordue. Je lui ai écrit maintes et maintes fois, collé devant les yeux milles menaces pour qu'elle reste ici avec le bébé mais elle était têtue comme une mûle! Elle voulait rien entendre...Qu'est ce ce que je ne donnerais pas pour retrouver la parole à cet instant. Mon soupir fut aussi bruyamment que mon cœur fut lourd cette soirée-là.

Qu'est-ce que j'avais foiré depuis tout ce temps, hein ? Mes yeux se voilèrent de mélancolie alors que je retraçais cette dernière année à la recherche du faux pas. J'avais beau me creuser les méninges, je trouvais pas. Je me souvenais comme si c'était hier du jour où j'ai juré de ne plus l'abandonner. Je rempilais un verre d'alcool pour faire avaler ce souvenir amer. Yves Lisreux, mon patron venait de rompre une partie de mon contrat : il venait de mourir. Ses enfants légitimes étaient tous au courant mais tout le monde s'était bien gardé de le dire à la tripotée de bâtards qu'il avait égrainé. Alors comme d'habitude, on me refilait le sale boulot. J’enchaînais les villes et les chiards égarés pour leur annoncer la nouvelle. Les réactions étaient diverses mais je m'y attendais plus ou moins. La seule dont je doutais encore de l'attitude était celle qui dormait paisiblement devant moi au moment où je partais dans mes songes.

Ça faisait un certain temps que je ne l'avais pas croisé : aux dernières nouvelles, elle avait fait l'acquisition de quelques mètres carré en Anjou où elle soutenait leur indépendance de manière assez folklorique. Rien qu'à m'en souvenir, j'ai dû presser ma main sur ma bouche pour ne pas rire à gorge déployée. Jamais dans les clous, la Rayée et le pire, c'était qu'elle avait même changé de nom. « Sainte Thérèse » qu'elle se faisait nommer. Je serra mon poing sur mes lèvres parce que là, vraiment, j'allais les réveiller. Sincèrement, elle pourrait se renommer de mille manières que son physique atypique la trahirait toujours.

Le rire étant passé, mes doigts se détendirent pour venir masser mes articulations douloureuses, que voulez-vous l'âge nous rattrape toujours... Enfin sauf si j'avais pas été là pour elle à cet instant précis. Mes sourcils se froncèrent tout en dévisageant la manchote dans mon lit. Je ne savais toujours pas si je lui pardonnerai un jour parce qu'après avoir sillonné toutes les terres angevines sans que personne ne puisse me dire où elle s'était évaporée, il fallut que je la retrouva à demi-morte dans ses quartiers parisiens. Elle était grosse de plusieurs mois, intoxiquée à divers poisons, complètement paranoïaque et en prise de violentes hallucinations. J'étais persuadé de connaître l'origine de son état traumatique mais avant d'aller le faire payer à qui de droit, je l'ai rapatrié chez moi, ici, en Bretagne pour la sauver...une seconde fois.

Ma vessie commençait à me gonfler sévèrement donc j’achevai mon verre et sorti me soulager dans les latrines extérieures.
Umbra
A la sortie d'Albin, l'air frais et iodé s'infiltra dans la maison jusqu'à rouler sur la chair nue de l'Ombre. Son grain de peau s'irisa et les paupières s'ouvrirent si promptement qu'on aurait pu croire qu'elle feignait le repos jusque là. Les iris de jais balayèrent furtivement la pièce tandis que la dextre abîmée se posa sur le ventre de l'enfant endormi à ses côtés. Au cliquetis de l'huis, Umbra déduisit que l'homme de main venait de sortir. Avec précaution, elle réajusta le drap autour du petit avant de les délaisser. La Noiraude enfila une chemise traînant au bord du lit puis alla attiser le feu dans l'âtre afin de se réchauffer. Son regard se porta ensuite au delà du carreau embué : en observant l'astre luisant, elle jaugea l'heure approximativement. Il était assez tôt pour que rien ne justifia le réveil du roux mais trop tard pour le renvoyer au lit. Les billes noires glissèrent alors sur la table où trônait un godet en terre cuite ainsi qu'un fond de cidre et un soupir chargé de reproches s'échappa des lèvres mauves. Ombeline se servit le reste d'alcool et prit place en attendant le retour de son compagnon.

Sans répit, ses pensées l’assaillirent : la décision qu'elle avait prise un mois auparavant se concrétiserait dans quelques heures et les doutes ne cessaient toujours pas. Faisait-elle bien de reprendre ses activités au détriment du repos de son fils ? Albin lui avait confirmer que non, c'était une mauvaise idée mais l'ennui pesant tellement dans sa nouvelle vie de mère que la mercenaire se confortait dans l'espoir d'une existence plus opulente pour la chair de sa chair. Elle le comblerait de tout ce dont elle avait manqué, elle lui avait promis à sa naissance. Bientôt les craintes se confondirent en souvenirs. Derrière ses paupières closes, la Manchote revoyait les dernières lettres laissés par le Muet :

« Ombeline, revenir à tes démons ne sauvera pas ton ange ! Tu ne peux pas prendre le risque de te faire tuer pour espérer que ton fils vive mieux. Personne ne vit mieux en l'absence de ses parents et tu le sais mieux que quiconque. »

« Être mère ne t'a donc pas fait mûrir ! La vie ne t'a donné aucune leçon ?! Tu veux ressembler à ta mère assassinée ? A ton père qui t'a renié ? Si ton fils est réellement ta vie alors épargne-le d'une mort certaine ! »

« Veux-tu vraiment faire de ton fils, un orphelin, un beau matin ? Qui payera le monastère pour qu'il survive ? Qui le sauvera de tes ennemis revanchards? »

« Ce ne sont ni l'or ni les terres qui le rendra plus heureux, Ombeline. C'est ta présence et ton amour qui feront de ton fils, un homme riche. Ne l'appauvris pas dès sa naissance pour des prétextes argentés. »

« Devenir maman n'est donc pas suffisant pour mademoiselle ! Il faut encore qu'elle aille courir les coupes-gorges pour tromper l'ennui ?! Si les nuits d'insomnies ne te crèvent pas assez, je pourrais te clouer de quelques coups au lit afin de te remettre les idées en place! »

« Comment peux-tu trouver le temps de t'ennuyer alors que tu n'arrives déjà pas à te reposer, Ombeline ? Ton fils te prend toute ton énergie, tu ne dégainerais même pas ton arme que tu serais déjà morte ! Cesse donc tes puérilités ! Tu n'es plus une adolescente, tu es une mère, maintenant! »


Les phrases défilaient à toute allure dans l'esprit torturé de la jeune femme. Chaque mot était plus acerbe que le précédent. La Boiteuse lâcha son verre pour venir soulager ses maux de tête d'une pression du pouce et de l'index sur les coins internes de ses yeux. Plus qu'un geste, un toc pour la migraineuse. Le soulagement fut de courte durée car déjà les pleurs de l'enfant retentirent. L'Ombre délaissa son alcool pour aller réconforter sa progéniture. Sa voix se fit douce et profonde pour le rassurer. Quelques caresses pour chasser les larmes qui ne venaient pas et au final, le petit se rendormit aussitôt. Umbra resta un instant au dessus de lui à contempler ses traits se radoucir. Un cauchemar s'intima-t-elle mais ses sourcils arqués trahirent le trouble qu'elle ressentait intérieurement. Le fils ressentait-il l'anxiété récente de la mère? Car voilà plusieurs nuits que son sommeil semblait bien agité. La dextre se glissa délicatement dans le duvet brun recouvrant le petit crâne avant que la bouche vienne se poser avec autant de douceur sur le front de l'endormi.

Le vent glacé s'engouffra à nouveau dans la pièce et la carcasse légèrement vêtue frissonna de nouveau. La Corneille se redressa pour jauger d'une oeillade fatiguée l'entrant avant de le rejoindre silencieusement à la tablée centrale. Leurs regards cernés se croisèrent et se soutinrent avec intensité. Avec le temps dépensé ensemble et toutes leurs péripéties communes, leurs yeux avaient appris à communiquer là où les mots leur faisaient défaut. Albin jaugeait donc sa protégée d'un air désapprobateur, sûrement qu'il se demandait pourquoi elle s'était éveillée si tôt. Elle-même de son côté lui rendait pour savoir ce qu'il faisait debout si tard. Ils restèrent ainsi à se regarder en chient de faïence quelques minutes avant que le mutisme soit rompu par un mouvement de l'enfant dans le lit. L'homme de main se redressa légèrement pour l'observer et Ombeline déclara d'une voix grave et basse :


Ce n'est rien, ces nuits sont encore un peu agitées...

Mais le murmure fit résonner une certaine angoisse que le roux n'ignora pas.
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Albin.
Au ton de sa remarque, mon attention se reposa sur la Noiraude, face à moi. Peut-être sentit-elle mon oeillade insistante jusqu'à en détourner légèrement le visage dans son verre. Qu'est-ce qu'elle avait changé en si peu de temps... Son regard cendré se froissait maintenant de ridules et d'autres fractures déci-delà brisaient la jeunesse de ses traits. La vie l'avait usé avant l'âge et cette amertume assombrissant inlassablement son teint d'albâtre. Oh Ombeline, qu'as donc tu fait de tes belles années ? Fleur flétrie avant d'avoir éclose, fanée de l'intérieur. Mes pupilles soulignaient chaque imperfection de sa gueule cassée, je les connaissais par cœur que j'aurai pu les redessiner à main levée, tous ses défauts qui faisaient d'elle ce qu'elle était : Cette Bâtarde.

Je me souviendrais toujours de ce jour et je le chérirai comme l'aurait fait un père. Car si je n'eus pas la chance de te voir grandir, je te vis mûrir, ma chère. Chaque nuit que tu partageas avec moi, chaque jour qu'il prospéra. Je me détourna lorsque sa mine se fit plus sévère, et me rapprocha de l'âtre. Aidé par les flammes crépitantes, je me remémora ce souvenir tout aussi chaleureux.

J'avais dilapidé une petite fortune dans ses soins et tant bien que mal, les médecins jugeaient son cas pratiquement stable. Deux médicastres m'avaient annoncé une mort certaine en couche si celle-ci n'emportait pas l'enfant avec. La dose de psychotropes et autres poisons ingérés avaient été si importantes que beaucoup affirmaient qu'il était impossible d'y survivre. Je ne me fis pas avoir par ces jugements hâtifs, cernant bien le genre d'oiseau que j'hébergeai. Pour se protéger et sûrement, inclus dans son apprentissage, la Corneille, comme elle se nommait dans le mercenariat, augmentait sa tolérance à divers poisons en ingérant quotidiennement des quantités infimes de ces derniers. En somme, ces pratiques étaient assez répandues dans le métier pour qui avaient les connaissances et les moyens. Bien que je trouvais ça stupide, je ne préféra pas m'étaler dessus.

Par précaution, je l'attachais au lit lorsqu'il me fallait partir, histoire qu'elle ne me fila pas entre les doigts. Ombeline avait le don de disparaître sans laisser de trace mais comme je l'avais averti, une fois qu'elle fut complètement lucide : "Je ne te sauverai pas une troisième fois". La Noiraude accepta son sort plus facilement que je ne le pensa. Était-ce le contrecoup de toutes les merdes ingérées ? En tout cas, elle resta tranquillement ici, chez moi jusqu'à son accouchement, prématuré d'un mois.

Je rentrai du domaine lorsque je l'entendis hurler d'un timbre qui me glaça le sang. D'ailleurs, mes paumes frictionnèrent un instant mes avant-bras réactifs, rien que la souvenance.

Quand j'entra dans la maison, elle se tenait le ventre, sa longue chemise de nuit trempée. Je compris de suite ce qu'il se passa et couru chercher de l'aide. Ma petite chaumière se transforma alors en une véritable salle de torture. Je n'avais pas d'enfants, moi et je n'avais vu aucune femme ou amante d'Yves Lisreux dans cet état. Autant vous dire que ça me faisait un sacré choc de la voir comme ça. Pour moi, la petite Ombre était une jeune fille, une gamine un peu perdue, laissée en plan par le reste du monde et aujourd'hui, c'était elle qui donnait au monde un bout d'elle-même. Putain, vous n'imaginez pas ce que ça faisait de voir ça ! Je ne savais plus où me mettre, j'avais envie de la soutenir et de me défiler, j'avais envie de l'encourager et de pleurer, j'étais là mais caché et les heures passaient...

Ses cris m'assourdissaient, je n'entendais plus que ça jusqu'à ce qu'à sa voix rauque se mêla le cri aigu et grésillant du nouveau-né. J'ai cru que mon cœur s'arrêta de battre un instant. Les médecins que j'avais réquisitionner à coup de dizaines d'écus s'agitaient entre la cheminée et le lit. Je n'entendais plus la voix de ma protégée. Avait-elle souffert à s'en briser la voix ou.... ?

Je ne pus m'empêcher de me retourner pour la regarder afin de me rassurer encore et toujours de sa présence. Sa silhouette décharnée, trop légèrement vêtue s'affairait déjà à clore les dernières malles en silence.

Le départ approchait à grand pas...
Umbra
Umbra avait achevé son verre en accusant le regard lourd d'Albin. Pour partager son quotidien, elle lisait bien sur son visage qu'il n'était pas ivre ni énervé, il semblait simplement soucieux comme depuis un mois lorsqu'elle lui avait fait part de son irrévocable décision. Ne supportant plus son oeillade perçante, la Manchote entreprit de ranger les dernières affaires dans sa malle. Pour autant, la sensation de cette attention toujours focalisée sur sa personne ne la quittait pas. Elle soupira longuement et s'occupa l'esprit à son tour.

Les derniers mois avec son fils avaient été pesants, ennuyants aurait été le terme le plus exact. Maintenant qu'il faisait ses nuits et qu'il tenait en équilibre, Ombeline ressentait moins la fatigue physique, s'installa alors l'engourdissement de l'esprit. Elle, qui chevauchait entre Paris et Saumur, qui cavalait d'une mission à une offre, là voilà cantonnée dans une modeste chaumière sur les quais de Saint-Pol en Bretagne depuis plus d'un an. La Noiraude n'était pas séquestrée mais les difficultés suite à l'accouchement l'avaient beaucoup fragilisés un temps. Elle était restée alitée un long mois après la naissance avant de devoir apprendre à ménager ses efforts par la suite.

Dans sa bonté, l'homme de main Lisréen avait tenté de la distraire par des jeux de cartes et de dés pris aux marins du coin. Il s'occupait des courses afin que leur foyer ne manqua jamais de rien. L'Ombre, se sentant vaine, s'essaya à la couture, pensant pouvoir vendre ses pièces mais sans réel succès. Le roux ne lui demanda aucune contribution financière et prit sur ses économies le luxe de les choyer. La seule requête qu'il lui confia fut celle d'apprendre à être une bonne mère. Ce que la Noiraude s'exerça à faire longtemps à son goût : lui donner le sein, veiller à son hygiène, préserver sa santé, se faire présente en toute circonstance, l'éduquer...le chérir.

Intiment, quand elle posait ses bille de jais sur le visage poupin, un vide immense se creusait en elle-même. Ce petit être grandissant à vue d'oeil chaque jour, se muait lentement mais sûrement en son père. Celui qu'elle avait vachement abandonné et fui à l'orée de leur union. Dans la précipitation, la Rayée était incapable de savoir si elle l'avait informé de sa grossesse. S'en était-il douté ? Et maintenant, que tout s'était arrangé de son côté, est-ce que du sien tout allait bien ? La naissance de leur fils demeurait, à son estime, le reflet de son égoïsme, de sa solitude et de sa puérilité.

Albin partait régulièrement au Ker Lisreux, domaine familiale de son père ou découchait de longues nuits pour remplir une tâche. C'était dans ces moments-là plus que tout, qu'elle se retrouvait confronter à elle-même face à la prunelle de ses yeux. Plus le temps passait, plus le fardeau était lourd à supporter. Umbra avait réfléchi à disparaître une nouvelle fois, trahissant la confiance de son protecteur et abandonnant la seule chose qu'il lui restait maintenant. Jamais, elle n'eut le cran et toujours elle accepta son sort en silence.

Les premières syllabes ne tardèrent pas à résonner dans la maison :


Pa...pa

Et ne répondirent à cet enthousiasme que le mutisme et l'écho des larmes de la mère. Comme un tabou, l'absence du géniteur avait toujours été secrètement épargné. Aucun adultère n'avait été commis, comme si le cœur avait été mis à couvert avant qu'il ne revienne mais il ne reviendrait pas et les adultes en étaient conscients.

Un pincement serra douloureusement le cœur de la jeune mère qui s'habillait convenablement après avoir fermer la dernière malle. Au dehors, malgré le ciel toujours nocturne, les quais commençaient à s'animer des premiers travailleurs les plus matinaux.

Au levé du jour, une nouvelle vie débuterait.

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Umbra
Au dernier cliquetis des malles, Albin prit la relève tandis que l'Ombre s'habillait. Le visage fermé, il n'émit pas le moindre soupir en s'emparant des coffres pour les charger sur la charrette. Umbra, quand à elle, avait ressortie ses vieilles habitudes du placard. Elle avait bandé ses renforts de cuir sur sa chair fragilisée, rangé ses mystérieuses poudres à portée de main et sanglé ses diverses lames. Son couvre-chef avait été repiquée d'une plume de corneille fraîche et le crochet scintillait à sa ceinture. Dehors, elle entendait les montures hénir d'empressement alors que l'homme de main les harnachaient.

Le plus délicatement possible, elle vint quérir son fils dans le lit et l'emmaillota chaudement. L'enfant gémit mais la douceur de sa mère le rassura rapidement. En une bonne heure, tout le monde était fin prêts à partir et la tension restait palpable. Ombeline fuyait visiblement le regard du roux, tant est si bien qu'il déposa à contre cœur, sa dernière lettre sur le banc de la voiture au lieu de lui donner en main propre. Le temps qu'il ferma sa maisonnée, la Bâtarde, son fils au creux des bras, décacheta le pli et le lut.


Ombeline,

Si nous partons aujourd'hui, c'est par ta seule volonté. Je ne la comprends pas mais peut-être est-elle aussi plus forte que toi. Dieu a tracé pour chacun de nous, un implacable destin. J'aurai pu tenter de te décourager de partir par tous les moyens que tu aurais tout de même réussi à t'échapper car tel est le tien. Mais toi, crois-tu en ta Destinée ?


Délaissant ses dernières lignes d'encre, le regard cendré vint se poser sur le visage du petit garçon. Dans son dos, la Corneille sentit la présence silencieuse du Muet et répondit sans lâcher des yeux la chair de sa chair.

Il y a un peu plus d'un an que j'ai commencé à y croire, Albin. Tu le sais tout aussi bien que moi.

L'homme de main Lisréen acquiesça d'un mouvement de tête et vint prendre place à l'avant de la charrette. La Noiraude glissa le vélin sous sa cuisse pour libérer sa dextre gantée et passa ses doigts sur les joues rondes et rougies du petit.

Le jour où mon fils est né, j'ai senti toute l'importance et la fragilité d'une vie. J'ai compris son inestimable valeur et...

Les lèvres mauves se pincèrent sous l'émotion. Tout son corps trembla à l'ébranlement de la voiture. Les chevaux emboîtèrent le pas sur ordre du Muet. L'étreinte entre la mère et le fils se renforça et la bouche sombre se posa sur le petit front.

Toi qui échappa à la mort, qui sera béni et chéri. Toi, mon fils...Lazare Amadeus Cornelius. Mon Destin est scellé au tien.

L'émotion dérida les traits d'Albin couvant les Bâtards Lisreux-Corleone d'une oeillade protectrice. Umbra n'avait d'yeux alors que, pour son fils. Il grandissait à vu d'oeil, trop vite à son goût. Il ressemblait de plus en plus au père, à celui qui fut le Sauveur à l'orée de la vie. Maintenant, une nouvelle existence s'offrait à eux, la fatalité faisait place à la destinée. Et ce, malgré l'absence de Celui qui fut comme Dieu.
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