Anaon
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Un ourlet d'embruns vient border le rivage. Rideau de bruine qui fait un voile de mariée à l'horizon pâlie. En ce matin de février, le mercure reste caché sous la masse froide et immobile de l'air hiémal. La bise tantôt s'essouffle, tantôt cisaille, dans cette aube naissante que le cri des mouettes vient à peine perturber. Un décor gelé, que seul le roulis des vagues anime de sa langoureuse cadence. Sur la palette pastel du ciel en éveil, la figure sombre de la galère dresse ses mâts pailletés de gouttelettes comme les pinacles d'une église constellés de givre. Les mains épaisses des débardeurs éventrent le navire de ces précieuses marchandises, camouflées dans de lourdes caisses qui ne laissent rien transparaître des trésors exotiques qui sommeillent en leur sein.
Un ballet discret et parfaitement rythmé que les yeux bleus comme le sombre des mers ne quittent pas une seule seconde.
Elle se tient immobile, spectatrice de l'agitation tranquille qui tire le port de sa torpeur. Seule femme de ce décor à l'attrait singulier, aucune coiffe ne vient ceindre sa tête d'une noble convenance. Les longues mèche brunes battent sa tempe au fil de la bise, fugitives d'une demi-queue où se perd quelques filins blancs, témoins muets d'un âge passant sur ce visage qui ne saurait trahir aucune année. La mâchoire termine l'ovale doux d'un minois que l'on imagine volontiers tendre naguère, mais que la sévérité des traits d'hui vient nimber d'un troublant paradoxe. La vie a posé l'estampille de son expérience et sa rudesse, vorace et implacable, creusant une ride du lion régnant en maître entre les sourcils qui rehaussent les iris d'un azur sombre, impénétrable de pensées et pourtant si cinglant d'attention. Un col de zibeline vient étreindre son cou, surmontant une longue cape noire dont la forme si près du corps laisse envisager que ce n'est pas de jupons qu'elle a drapé ses hanches. Cependant, parmi ce tableau de particularités qui fait sa personne, rien ne serait, sans doute, être aussi prégnant que les balafres blanches qui taillent ses joues d'un sourire postiche.
Ses narines se gonflent comme celle d'un limier en traque. Elle cherche parmi l'iode qui emplit l'air de sa senteur de sel, la fragrance rance et organique de la sueur. Car dans cette arche aux merveilles voguant depuis l'Orient, se tient des marchandises païennes que s'arrachent encore les mains des nantis méditerranéens. Des Maures, des Ottomans, dépréciés de l'Église, criminels à ses yeux d'avoir seulement choisi un dieu unique qui n'est pas le sien.
La galère a accosté dans ce petit port, à l'écart de l'agitation et des taxes des grandes villes. Elle, elle est venue de loin pour acquérir ses êtres à la peau de bronze que d'autres ont su adorer avant elle. Elle n'a voulu attendre ni les foires trop bruyantes, ni la concurrence d'une clientèle trop zélée. C'est avant même que le petit jour ait pu étendre toute sa clarté qu'elle s'est rendue ici, dans l'espoir de cueillir au pied levé un marchand trop peu réveillé pour avoir l'ardeur de négocier.
Un mouvement différent anime soudainement les hommes sur le pont. Des mots plus secs ébrouent l'atmosphère suspendue du port et l'on aperçoit bientôt, dépassant de la balustrade, des figures échevelées de crins noirs, le regard hagard et la mine épuisée. La tête de la femme pivote sans que regard ne se tourne vers un homme d'une quarantaine d'année flanqué à ces côtés en tenue de garde, à un pas derrière elle, comme pour s'assurer que lui aussi voyait bien que les informations délivrées n'étaient point trompeuses. Le visage buriné de l'homme s'incline d'un infime acquiescement et l'attention de la femme revient toute entière sur les esclaves qui empruntent lentement la coupée du navire.
L'il de Prusse décèle bien vite sur l'appontement l'individu devant un scriptorium portatif qui semble tenir le décompte du défilé ininterrompu des marchandises. Une botte de cuir noire outrepasse alors un pan de la longue cape et la silhouette féminine se met en branle, le pas immédiatement emboîté par le quadragénaire. Ombre de sa Dame, il se tient en retrait tant qu'il ne lui est pas demandé d'endosser le rôle qu'il lui faudrait peut-être revêtir. Le duo se rapproche puis s'immobilise près du propret accaparé par son registre. Après quelques secondes, la voix de la femme interpelle, profonde et monocorde.
_ C'est toi qui possède ces hommes ?
Musique : "The Fields Of Ard Skellig" dans "The Witcher 3 : Wild Hunt" composée par Marcin Przybylowicz & Mikolai Stroinski
[ Ce RP est entièrement ouvert. Si vous vous sentez l'envie d'interpréter le marchand, un autre client, un esclave, une mouette, n'hésitez pas. Nul besoin de me MP par avance, intervenez dans la cohérence, et surtout, dans le plaisir de jouer !
A cette époque, l'esclavage se pratiquait encore sur les non-chrétiens, notamment dans le pourtour méditerranéen. L'inverse était aussi vrai de l'autre côté de la mer. Il va de soi que si nous exposons dans ce RP les mentalités et les stéréotypes de l'époque, il n'est en rien le reflet de la façon de penser de ses joueurs. Il en ira de même si des propos sexistes ou autres notions sont exposés dans ce contexte. Ne confondons point joueurs et personnages.
Au plaisir de vous lire ! ]
A cette époque, l'esclavage se pratiquait encore sur les non-chrétiens, notamment dans le pourtour méditerranéen. L'inverse était aussi vrai de l'autre côté de la mer. Il va de soi que si nous exposons dans ce RP les mentalités et les stéréotypes de l'époque, il n'est en rien le reflet de la façon de penser de ses joueurs. Il en ira de même si des propos sexistes ou autres notions sont exposés dans ce contexte. Ne confondons point joueurs et personnages.
Au plaisir de vous lire ! ]
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