La sulfureuse légende de la mesnie Montjoye n'évoquait point trop d'histoires de mondanités, et pour cause. Le port altier de Messire le Lion était peut-être un tantinet moins austère que celui de sa Dame la Musteile, quelque peu chaloupé par une dionysiaque consommation d'Armagnac, mais celui-ci versait davantage dans la geste épique plutôt que dans les pas de saltarelle. Le Marquis d'Arlon, longtemps désargenté avant de reconquérir partie de son héritage à la pointe de l'épée, dépensait fort peu. A vrai dire, Amédée passait la moitié de son temps en selle, à guerroyer et chasser, quand il ne se trouvait pas plongé dans la multitude de manuscrits que recelaient ses donjons dominant les Ardennes... ou encore dans les bras de son épousée.
Son amour des coursiers, des faucons et autres lévriers lui coûtait bien plus cher que sa garde-robe. Aussi, pour toute coquetterie des grands jours, l'héritier maudit n'arborait que sa couronne acquise à coups de sang, une dague héritée de son illustre paternel, ainsi qu'une vêture de velours fourrée de martre. En cette historique occasion, il avait fait son entrée au bras de Scath, qui bien malgré-lui l'avait entraîné saluer la grand maître des cérémonies de France. En diplomate, il s'acquitta de la politesse, mais la silhouette qui attirait alors son regard était celle bien plus discrète de son beau-père, le Capitaine de la Garde. Diantre, seul Amédée savait que le visionnaire du rattachement de la Lorraine à la France, c'était bel et bien lui et ses airs de routier...
Sancte Iohannes von Frayner, Amédée l'avait envoyer paître, et pourtant, le Prince de Clichy avait vu juste. Mais ça, c'était bien avant que les dernières élections ne placent un histrion sur le trône du Saint Empire. Après l'avoir salué d'une inclinaison du chef que seuls les plus fins observateurs purent percevoir, le Montjoye avait parcouru la salle de son regard à la fois éthylique et perçant. Le Carmin était là, cet autre animal sanguin qui s'acoquinait parfois au Lion, entre bisouilles et coups de boule. En face de lui, messire Kirinn, semblait représenter à lui tout seul les Bandes Noires de par sa taille de géant.
"Clochards peut-être, mais clochards célestes..." avait alors murmuré Messire Amédée, en entendant certains échanges musclés opposant les deux guerriers, souriant en coin aux sarcasmes de l'autoproclamé Roi en guenilles.
"Nous verrons bien qui tiendra la distance en cette fin de conflit qui s'annonce acharnée, Pontoise... en attendant, c'est un plaisir de découvrir le Louvre. Aurons nous l'honneur de rencontrer sa majesté la Reine ?"_________________