Seleste
Trop de monde, trop de bruits, trop de tout... Bordeaux n'avait pas été la ville du nouveau départ espéré. Elle ne laissait rien ... même pas de regrets. Assise à l'arrière de la charrette qui l'emmenait loin de la capitale Guyennoise, Seleste fixait les lumières qui disparaissaient peu à peu à sa vue. Pas une larme nétait venue souiller ses joues depuis si longtemps. La source était tarie et le cur sétait asséché lui aussi. Une couverture sur ses épaules, elle se recroquevilla un peu plus afin de garder de la chaleur par la nuit froide qui l'enveloppait petit à petit. Bordeaux avait emporté ses rêves et ses espoirs en un clin dil. Sa soif d'aventure pour retrouver son père, sa rencontre avec celui qui devait être son instructeur, son abandon brutal ... elle laissait tout là bas.
La bourse du montant de son loyer avait été déposée à la tombée de la nuit sur le comptoir du propriétaire qui lui louait sa chambre.... Sa chambre.. comment pouvait on appeler cela une chambre en y refleurissant bien. Durant des mois elle avait côtoyer les rats et les mites. Certes elle aurait pu continuer de profiter de la "générosité" de l'italien mais elle avait préféré disparaitre de sa vue, de son existence. Comment avait elle pu croire que cet homme lui ouvrirait des nouveaux horizons ? Il ne pensait qu'à lui ... comme tous les hommes au fond.
Sans un mot sans rien, la brune sétait éclipsée de la vie de Dante Tommaso Cereza di Venezia. Elle avait vécu de petits travaux de domestiques ici et là à travers la ville et ses bas fonds. Elle aurait pu faire fortune lui avait on dit .... mais il aurait fallu pour ce la qu'elle se vende elle même et cela elle s'y était refusée tant qu'elle l'avait pu. Lors d'un voyage grassement payé pour accompagné un couple à Bergerac, elle avait trouvé un léger apaisement dans la petite ville a la fois proche géographiquement de Bordeaux mais tout à son opposé dans le vie que les gens y menaient. Sans vraiment se faire d'amis, la jeune fille devenue femme par la force des choses, avait prit la décision de s'y installé.
Par cette nuit de février elle prenait la route vers ce qu'elle espérait la paix.
Ses blessures elle les cacherait ainsi que sa colère. Certes elle n'avait pas été réduite à soumission par le cauchemar de son enfance mais elle avait du se résoudre à faire des choses pour survivre qu'elle voulait oublier. Sans regret la veille elle avait rendu les clés des "Cinq sens" et avait vendu la robe que l'italien lui avait un jour offerte et pour réunir la somme suffisante pour régler ses dettes. Seleste revoyait le visage peint de la tenancière quand elle avait demandé du "travail"
- T'es sure de toi la gamine ? tu pourrais gagner des sommes folles ici si tu voulais te laisser faire ....
- Je ne me trahirai pas moi même je vous l'ai dit ... je fais juste "certaines" choses point ! Mettez moi à l'essai ...
Et elle avait alors mit le doigt dans l'engrenage jusqu'à s'en dégouter elle même. Bien qu'ayant réussi à ne jamais se donner totalement, la brunette pouvait être sure dêtre à jamais damnée par le très haut .... quoique .... avec le meurtre dont elle sétait rendue coupable au fond, cétait sans doute à cela qu'elle était vouée ... rester du mauvais coté des choses. Se convaincre qu'elle faisait cela pour gagner suffisamment d'argent pour partir ne lui tenait pas chaud la nuit, couchée sur sa paillasse quand à la lueur de la bougie elle relisait inlassablement les derniers mots de son père à lui en bruler les yeux. Elle se relèverait ....
Adieu Bordeaux .......Adieu Dante
Seleste
Sa première journée à Bergerac sétait bien passée. Elle avait prit une chambre à l'auberge municipale en échange de son travail et cela lui convenait pour le moment. Elle avait vécu dans une cage dorée quelques mois mais tout cela était à présent derrière elle. Dans cette petite chambre à elle ... rien qu'à elle, Seleste se sentait en sécurité.
Loin du confort de la maison de l'italien, elle se contentait sans peine du lit aux draps propres, de la commode où elle rangea son unique robe et de la table et de la chaise qui complétaient la décoration. La bougie qui éclairait la pièce la réchauffait de sa lueur et rendait lendroit presque chaleureux. Une fois de plus elle sétait allongée épuisée mais non sans lire la lettre de son père.
Le parchemin commençait à s'abimer à force d'avoir été plié et déplié.... cela lui serra le cur. Son seul lien affectif était lui aussi de l'abandonner. Était elle maudite ? Sur cette note noire, elle ne tarda pas à fermer les yeux. Demain était un autre jour et elle se devait dêtre à la hauteur dans la tache qu'on lui avait assignée afin de lui permettre de rester vivre ici le temps d'avoir assez d'argent pour faire mieux.
Le chant du coq la tira d'un sommeil sans rêve et las comme si elle n'avait pas dormi, elle se leva et s'habilla de sa robe. Une toilette rapide pour lui rafraichir le visage et elle contempla son reflet dans le miroir qui lui faisait face. La brune ne se reconnaissait plus ... son regard pétillant était devenu dur, son sourire sétait figé. Elle avait changé, à bien des points. La vie lui donnait leçon sur leçon mais au fond .. cela était une bonne chose. Elle ne voulait plus dépendre de quiconque. Fini le temps des excuses, fini le temps de la soumission !! Elle avait fait plier des hommes et elle s'en était sentie forte. Ils la voulaient et auraient fait n'importe quoi pour ne serait ce que la toucher. Elle les avait tenu en son pouvoir et en avait joué sans jamais leur céder. Dante aurait presque pu être fier d'elle ...
Dante ... mais pourquoi fallait il qu'elle songe encore à lui !!
De rage elle envoya valser la serviette qu'elle tenait à la main et descendit prendre son service. Mieux valait faire table rase du passé pour se découvrir un futur.
Lorsqu'elle pénétra dans la salle, celle ci était encore déserte. Seleste se rendit alors en cuisine où elle trouva la tenancière qui lui confia la tache d'accueillir les clients et de les servir jusqu'au repas de midi. Puis elle devrait aller faire les chambres à l'étage et revenir aider au service du soir. Autant dire que la journée allait être longue mais après tout, ainsi elle séviterait la peine de penser.
Des hommes venaient de franchir le seuil de la l'auberge et s'installaient bruyamment. S'armant de courage et accrochant un sourire à ses lèvres, elle s'approcha pour prendre leurs commandes.
- Bonjour Messires !!! Quel beau soleil vous nous apportez là !!! Qu'est ce que je vous sers ??
Les regards se posèrent sur elle... pas de lubricité, juste de la surprise. En même temps ils ne la connaissaient pas et peut être étaient ils méfiants. Décidant de jouer la carte de l'amabilité commerçante elle ajouta histoire de faire plus accueillante..
- Je suis Seleste ! Toute nouvelle à Bergerac !!
Elle leur servit un pichet de vin et les écoutât tandis qu'ils restaient toujours silencieux...
- voyons messires !! ne soyez pas timides !! La cuisinière s'est surpassée ce jour !! laissez moi choisir pour vous.. vous m'en direz des nouvelles..
Le sourire qui étira alors les lèvres des 3 hommes la rassura quelque peu et elle se mit au travail. Ses premiers clients savérèrent charmants et avenant. Georges était charpentier, Louis, forgeron et Gustave, éleveur de cochons. Ils étaient amis d'enfance et se retrouvaient toutes les semaines à l'auberge pour manger ensemble. Avec plaisir elle les écouta tout en travaillant raconter les histoires de Bererac ce qui fit qu'à la fin de la journée elle eut presque l'impression de connaitre tout le monde !
Chantonnant alors qu'elle nettoyait les tables, elle ne vit pas de suite qu'un homme était entré et s'installait. U n mouvement de surprise la trahit lorsqu'elle se rendit compte que le client était un borgne à l'air peu avenant.
La jeune femme se reprit assez vite. Apres tout elle en avait vu d'autre aux 5 sens ..
- Bonsoir Messire !! Que désirez vous ? Je suis Seleste ! A votre service
Elle se mordit la lèvre... il fallait qu'elle perde cette habitude. Elle nétait plus au service de personne !
L'oeil qui la toisait de bas en haut la mit de suite mal à l'aise tandis qu'il sortait elle ne savait quoi de son pourpoint. Seleste recula d'un pas tenant serré contre elle le plateau de fer blanc.
- Un verre de vin Messire ?
Donnez le change pendant qu'elle examinait les possibilités de fuites le cas échéant.
Sans un mot il sortit une lettre et un objet emballé dans un mouchoir de soie de sa veste et lui tendit.
Interloquée la jeune femme ne réagit pas, le regardant sans comprendre.
- Z'etes Seleste ... la Seleste de l'italien .... c'est pour vous... j'dois attendre la réponse.. et ... un pichet d'vin et à manger...
Le plateau lui échappa des mains et rencontra les dalles au sol. Le bruit métallique ne la fit même pas tressaillir.... Fébrile elle prit le pli tendu et l'objet. Ses jambes ne la portaient plus et elle du s'assoir face au borgne. Délicatement elle déplia le mouchoir. De la soie evidemment... Dante adorait les belles choses. A la vue de la croix, elle su que l'homme disait vrai et qu'il était bien le messager de qui il prétendait l'être. Ses doigts glissaient sur le ciselage du bijoux qu'elle connaissait bien. La missive la laissa de marbre en apparence mais en son sein elle fulminait. Ainsi même alors qu'elle était partie il la considérait comme sa chose !!! Lui qui du jour au lendemain l'avait traitée comme une salissure sur sa botte, lui qui etait parti sans mots dire alors qu'elle ... qu'elle ... assez !!!! Elle chiffonna la missive et la tendit au borgne les yeux brillants de colère.
- Alors écoutez moi bien .... retournez d'où vous venez et dites à votre "maitre" que je ne rentrerai pas à Bordeaux. Que mon séant se porte à merveille et qu'il n'a pas l'intention de bouger d'ici ! Quand à ce bijou ..... je le garde en guise de paiement des gages que je n'ai jamais eu pendant que Messire le Don Juan était je ne sais où.
Elle tourna les talons allant se réfugier dans la cuisine ou elle se laissa choir sur le sol secouée...
Seleste
Cela faisait deux jours qu'elle ne dormait plus ... Une angoisse perpétuelle lui saisissait la gorge et lempêchait de respirer. Avait-elle peur ? En fait oui .... et à la fois non. Pleine de contradiction, la brunette se tenait la tête dans les mains une fois de plus recroquevillée sur son lit. Seleste restait des heures ainsi à ruminer. La main caressait inlassablement la croix d'or qui pendait à son cou depuis la visite du borgne. Nul doute que Dante napprécierait pas sa réponse ni son geste. Et contrairement à ce qu'elle avait affirmé haut et fort, elle ne s'en fichait pas. Au contraire, elle avait fuit l'italien qui devenait trop important à ses yeux.
Les yeux dans le vague à regarder la lune qui elle luisait de son plus bel éclat, la jeune femme songeait à son apparence, à l'image qu'elle renvoyait. Rien de bien glorieux bien qu'elle ait changé de façon avantageuse daprès les hommes qu'elle avait rencontrés.
Comment expliquer à l'italien qu'elle n'en pouvait plus dêtre une chose, de nêtre rien ou si ... un caillou dans la chaussure qu'on traine inlassablement. Oui elle avait honteusement profiter de son absence pour quitter la maison protectrice, oui elle n'avait pas laissé de mot, oui elle était partie sans rien .... mais elle l'avait fait pour tenter d'exister.... et elle avait échoué lamentablement. Épuisée elle finit par s'endormir d'un sommeil sans rêve.
Seleste !!!!! Debout !!!! C'est l'heure !!!
Grimace et réveil difficile pour la jeune femme qui avait la douloureuse impression de n'avoir fermé les yeux qu'un instant. Sans entrain elle se leva et passa de l'eau fraiche sur son visage dont les grands yeux perdus lui semblaient prendre toute la place de son reflet. La croix d'or brillait lui rappelant ses actes. Pourquoi la portait elle ? Peut être pour essayer d'exorciser ses démons. Mais pour l'heure, elle devait accrocher un sourire à ses lèvres comme on met un chapeau sur sa tête et aller travailler.
La salle était déjà emplie des clients habituels ... enfin quand elle disait habituels cela faisait juste quatre jours qu'elle était là mais des têtes revenaient chaque jour, mêmes heures, mêmes demandes, mêmes conversations....
Un soupir songeant aux discussions animées et passionnantes qu'elle avait pu avoir et entendre en d'autres lieux. Mécaniquement elle servit, sourit, lava, essuya ... Rien à voir avec le coté bucolique des feux de camps, des parties de pêches lors de son voyage vers Bordeaux. Seleste ressaisit toi !!! C'est mieux ainsi .
Son travail dans les chambres terminé, elle redescendit en salle afin d'aider au service du midi qui était déjà bien entamé. De tables en tables, elle distillait les sourires, les mots gentils mais le cur n'y était pas. Et si elle sétait trompée ?
Un homme au fond de la salle réclamait à boire, elle s'excusa auprès du couple qu'elle venait de servir s'essuya les mains dans son tablier et s'approcha du messire prête à remplir son pichet.
- Du vin Messire ?
La main qui la saisit était sans appel tout comme le timbre des mots qui la percutèrent en plein. Déséquilibrée elle se retint à la table laissant sortir la croix d'or qui à labri entre ses monts avait décidé de lui rappeler elle aussi que certaines choses étaient immuables.
Ses émeraudes rencontrèrent le noir de son regard et elle frissonna. Il avait cette faculté de vous transpercer jusqu'à lâme d'un simple regard et vous mettre à sa merci. Il avait changé... il semblait épuisé, et ... en colère. Cela n'augurait rien de bon pour elle. Ne cherchant pas l'affrontement surtout pas en ce lieu, la jeune femme chercha une alternative et s'entendit proposer...
- Pas ici je vous en prie, laissez moi finir mon service et ensuite vous pourrez me hurlez dessus la haut ....
La situation était surréaliste... elle l'avait fuit et l'avait même bravé et en cet instant ,elle le suppliait. Toujours penchée sur lui le poignet prisonnier d'un étau elle cherchait dans son regard une réponse à une question qu'elle ne poserait pas.... était il là juste pour la croix ? Il nétait pas question de sentiments, mais d'admiration qu'elle voulait cacher.