Euphorbe
...
Le décalage est trop grand entre le moment
où on écrit une lettre et celui où elle est lue.
de Gil Bluteau / Meurent les alouettes
Le décalage est trop grand entre le moment
où on écrit une lettre et celui où elle est lue.
de Gil Bluteau / Meurent les alouettes
[Castillon Mars 1465]
Le Lac.
Cétait la seconde fois quelle y venait aujourdhui, la Perchée. Sa visite première navait eu pour intention, que ses ablutions matinales. Après une nuit de chevauchées et quelques heures de sommeil un peu agité, elle avait apprécié de pouvoir sy délier les muscles tendus et de chasser de son épiderme, la couche de sueur et de poussière due au chemin et aux chevaux. Sans réellement craindre dêtre découverte lanimation ici étant plus probablement faite par les virevoltants quun quelconque être vivant sur deux jambes elle avait tout de même choisit un coin discret où se dévêtir. Et cest à cet endroit précis quelle était à nouveau revenue. Le corps sain mais lesprit confus.
Quelle idée daccepter !
Et quelle idée de poursuivre !
Cétait pourtant plus fort quelle. Elle se retrouvait projetée quatre années en arrière et Euphorbe avait toutes les peines du monde à tenir Ellis. Quelle ironie aussi. Quatre ans pour que seulement quelques heures suffisent à tout mettre à mal. Orius allait hurler. Assise sur lherbe fraîche, sur le tout bord de la rive, la jeune femme remonta ses genoux contre elle et les enserra de ses bras. Lil posait sur leau et ses mouvements, elle laissa les secondes puis les minutes sécouler dans cette observation. Et son esprit était aux antipodes du calme apparent. Une nouvelle baignade ny changea rien malgré ses espoirs et la jeune Féline se résigna à coucher sur papier ce qui la travaillait tant.
Citation:
- Lupino,
Jai appris je te laisse deviner par qui - que tu étais désormais dans les alentours de Constantinople. Tu mettras surement plusieurs semaines, si ce nest plusieurs mois à recevoir cette lettre alors que jai mille et une question pour toi, comme toujours, mais une plus que les autres : Pourquoi ?
Jai longuement réfléchis et finis par déduire que deux coïncidences aussi grossières ne pouvaient pas en être vraiment. Sauf si la providence à décider de mettre son nez dans mes affaires, ce qui tu le reconnaitras est assez peu probable. Est-ce bien toi, ce fameux Stephano mayant passé commande de se sceau présent chez nul autre que ton frère, cet automne ? As-tu réellement eu des ennuis à Bordeaux cet hiver ? As-tu seulement été dans la ville à cette période ? Jai la furieuse sensation que malgré moi quelquun à tout fait pour que ma route croise à nouveau celle de ton cadet et je ne vois nulle autre personne que toi dans ce rôle coupable. Alors, je me répète : Pourquoi ?
Depuis hier, je fais à nouveau route avec lui. Nous sommes à Castillon aujourdhui et serons à Bergerac demain. Une étrange à faire de vol et de fille, et je ne suis pas certaine que ça soit dans cet ordre-là. Jai laissé les enfants à Orius, ils nous suivront de loin. Inutile de te dire que le vieux Lion nest guère enchanté et je tannonce dès à présent quen cas de représailles de sa part, je me déchargerais totalement sur toi ! Trêve de plaisanterie. Ton frère ne sait évidemment rien deux et bien quune part de moi le souhaiterais je doute de le mettre dans la confidence un jour. Tu connais mes raisons. Hier, aujourdhui, demain peut-être, jai eu et j'aurai Tommaso face à moi cétait agréable, c'est difficile à admettre mais c'est vrai - et cest un peu comme si ses quatre années navaient pas vraiment existaient. Mais jattends de voir quand et pourquoi Dante réapparaîtra. Car nous savons tous deux, n'est-ce pas, nous le savons qu'il revient toujours.
A présent, pardonne-moi si je me trompe mais sincèrement, je serais assez surprise que cela soit le cas.
Et si jai raison, fais-toi pardonner en me racontant Constantinople et en faisant attention à toi.
Noublie pas de revenir.
Que le Très-Haut te protège.
E.
Fait à Castillon, le troisième mois de l'an 1465.