Yohanna.
La meilleure façon de résister à la tentation, c'est d'y céder.
Oscar Wilde - fait péter l'originalité.
Oscar Wilde - fait péter l'originalité.
« Je n'ai pas envie d'être le cocu du village »
Ca te fait rire, un peu. Tu as du arrêter de compter au bout du sixième homme qui t'a dit ça. Et le sixième, c'était il y a très longtemps. Puis il y a eu Marc. Et cette phrase t'as percuté en pleine face. Ne pas faire de lui le cocu du village. Dans sa bouche, cette phrase prenait tout son sens. Il semblait tellement fragile, tellement abîmé. Ce serait le coup de poignard qui l'achèverait totalement, lui qui t'avait sauvé. Lui qui te respectait plus qu'aucun autre ne l'aura jamais fait. Alors tu tétais tenue tranquille, autant que possible. Aussi longtemps que possible. Et tu avais fini par étouffer. Comme toujours.
Départ. Route. Adieu. Chute.
Il n'était pas le cocu du village, il était cocu juste par une rencontre, l'abandon d'un soir, parce que tu avais oublié à quel point coucher pour coucher, ça faisait du bien. Puis étaient venu les remords, les vrais, les puissants. Tu ne pouvais plus lui mentir. La Yoh, sa chère Yoh, tu venais encore une fois de la tuer. Celle qu'il avait réussi à réveiller, à tenir éveillée, tu l'avais effacé d'un revers de main. D'une gorgée de trop en taverne. La lettre de rupture avait été écrite dans les larmes et le sang, lettre qui n'a jamais reçu de réponse, et tu étais enfin de nouveau H. L'ancienne, la libre, sans remord ni regret. Sans question, sans attache.
Après deux demandes en mariage et trois propositions de ''vraie histoire'' plus tard, que tu avais dégagé tant bien que mal et encore, vachement mal pour l'une d'entre elle tu es tombé sur un homme Ce genre d'homme secret, qui d'abord t'as possédé avant d'exiger plus. Il avait touché du bout du doigt la façon de t'attraper pour de bon. Et ça te perturbait. Il t'hypnotisait. Il savait parfaitement jouer de toi par les mots, les gestes, les provocations. Tu le voulais. Et il te voulait Mais pourquoi ? Impossible à savoir. Peut-être ce goût de l'inconnu. Sa façon de ne pas s'ouvrir pour continuer à te tenir par cette curiosité qui te ronge. Il était plus fort que toi. Il semblait te connaître mieux que toi même.
Le « Je n'ai pas envie d'être le cocu du village » avait suivi un « quand vous aurez fait jouir la moitié de la ville. » Et ça, tu l'avais mal pris. Parce qu'il avait touché juste, comme à chaque fois qu'il te lançait un reproche ou te révélait un fait que tu t'échines pourtant à cacher. Finalement, quoi ? Tu n'étais plus qu'une catin sans valeur ? Tu avais perdu toute ta dignité à céder à toutes les avances qu'on te faisait, et tu continuais ainsi la route, cherchant à faire céder ceux qui n'avaient pas fait le premier pas.
Yohanna, tu n'es plus la H, tu es la souillon, la tapineuse qui se perd dans un chapelet de jouissances pour oublier le vrai but de ta vie ou de tes envies. Tu n'es plus que l'ombre de toi-même, perdue car personne pour te guider avec une lumière plus forte que celle que tu dégageais, avant Tu te crois libre, mais tu es plus prisonnière que jamais. Prisonnière de toi même. Liens plus serrés que n'importe quelle bague au doigt. Torture plus grande que toutes les geôles d'Angers.
Il veut que tu sois fidèle. Comme tous les autres. Il veut que tu essayes. Comme toujours.
Alors tu vas essayer. Te tenir à carreaux. Savoir tes limites. Tester tes limites.
Oui, voilà Tester Dans tes veines se met à couler ce désir De tester. Tu as envie d'aller chasser. Goûter. Savoir si tu sais résister. Le désir est la plus puissante des drogues. Et y succomber n'est pas si dangereux pour la santé. Alors pourquoi t'en empêcher ? .
Dans les ruelles d'Angers, tu marches d'un pas lent, analysant les visages, te rappelant. Angevin. Royaliste. Pauvre habitant en train de crever la dalle. Jeune fille inconnue.
Jeune homme. Déjà vu.
Proie.
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