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[RP] Cours particulier : masculin > féminin

Evroult
*
« Il sait bien, le chasseur, où tendre ses filets à cerfs ;
il sait bien les vallées que hantent les grognements du sanglier ;
l'oiseleur connaît le bocage ;
celui qui tient l'hameçon suspendu connaît les eaux où nagent beaucoup de poissons.
»
Ovide, L'Art d'Aimer, LIVRE I.

    C’était une de ces maisons de passe qui n’y paraissait pas, lovée en plein cœur de la ville entre le taudis & la place du marché, auberge particulière aux services nombreux. Il y avait élu domicile comme il faisait souvent, proposant ses talents contre une maigre rétribution qui entendait le couvert, le toit, & quelques maigres piécettes bien durement gagnées. La veille, un groupe de plus avait pris quelques chambres, laissant la soirée calme & la nuit agitée. Lui, pourtant, n’avait fait que veiller, couvant les filles de joie d’une œillade attentive, protecteur malgré lui de leur bon traitement.

    - Chasseur, attends !

    Il se figea, un pied dans l’escalier, l’autre trop près du comptoir.
    - L’auberge est pleine, j’t’ai mis une fille dans la piaule.
    - Une fille ?

    Le sourcil haussé, garni de quelques cernes, attestait s’il le fallait d’un épuisement non feint. Il rêvait d’un sommeil profond, & l’annonce d’une cliente aussi tard, aussi tôt, ne sembla pas l’exciter autant qu’il le fallait.
    - Ouais, une fille… elle est tombée comme une pierre, hier. Tente d’la contenter avant d’te r’poser. La maison fait pas dans l’insatisfaction.
    Un grognement répondit à l’épaisse maquerelle, qui finit sa réplique d’un bougon étouffé lancé à la paresse d’une jeunesse si fraîche. Elle indiqua les cuisines où il prépara, armé de bâillements bruyants, le plateau nécessaire à un réveil en douceur. Quelques brioches de gros sucre, un brouet trop solide en cannelle & des poires si finement coupées qu’il failli par deux fois y perdre le bout d’un doigt.

    Là, enfin, il monta, pieds nus traînant la carcasse lassée d’une soirée improductive. Ce n’est qu’une fois le plateau déposé sur un guéridon vacant qu’il redressa le buste, vint se pincer les joues, secouer sa mèche folle, & enfin paru tel le courtisan qu’il avait bien la flemme d’être au petit jour.

    - Bonjour, rayon de soleil, souffla-t-il au creux d’une esgourde recouverte de l’épais duvet. Il n’était pas encore temps de découvrir les chairs, & malgré la chaleur diffusée par l’âtre au rez-de-chaussée il faisait assez frais pour que l’odeur de cannelle la séduise tout à fait. Lui pourtant n’était toujours vêtu que de braies aux lacets lâches, torse nu invitant, comme si la fatigue n’avait plus lieu d’être déjà, à une luxure bien matinale. Un doigt caressa la joue molle de sommeil pour relever une mèche & voir un peu mieux la créature qu’il allait devoir baiser.

*
« Avant tout, que ton esprit soit bien persuadé que toutes les femmes peuvent être prises :
tu les prendras ; tends seulement tes filets.
Les oiseaux se tairont au printemps, en été les cigales, le chien du Ménale fuira devant le lièvre,
avant que la femme résiste aux sollicitations caressantes d'un homme.
Celle même, dont tu pourras croire qu'elle ne veut pas, voudra.
»
Ovide, L'Art d'Aimer, LIVRE I.

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Esperance_


    La nuit était tombée. Depuis peu, et pourtant j'étais déjà entre les bras de Morphée. A peine sortie des quatre murs du couvent qui avaient mené à ma guérison, l'appel des chemins s'était fait sentir. Ce n'était pas pour rien, que l'on disait de moi "Le vilain petit canard". J'avais habitée au Louvre, j'avais même fais partie d'une mesnie. Mais cela n'était pas, et ne sera jamais réellement moi. Toutes ces richesses, toutes ces manières. Il était bien plus agréables de vivre au jour le jour, sans jamais prévoir ou devoir rendre des comptes ! C'était d'ailleurs pour ces deux raisons que j'avais en cours de route rejoint le groupe de deux jeunes hommes, assez aimable et bien muets pour faire chemin. Je ne savais rien d'eux, si ce n'est qu'ils allaient dans la même direction que moi, et c'était bien suffisant. J'entendais pourtant d'ici les remontrances mortes de ma défunte mère, autant que je voyais le doigt accusateur de la vieille Emile. Ne suit pas les inconnus, surtout moins les hommes. On ne sait jamais ce qu'ils ont en tête. Les chemins sont dangereux.

    Le soleil frappait, du moins c'est ce que je pensais. C'était je crois un de ces jours lourd d'été, ceux là même ou une brise est la bienvenue pour se rafraîchir, mais qui ne vient jamais. Les pieds dans l'eau, j'étais vêtu d'une saie blanche, comme celle que l'on utilisait durant les cérémonies du printemps, en Bretagne. Peut-être était-ce même au bord du lac de Combourg que je me laissais aller. Pourtant, je ne voyais pas le château qui dormait à son pied, ni même la forêt plus à l'ouest. Étrange. Fermant les yeux, j'inspirais l'air chaud qui m'emportait dans des songes colorés et bienveillants, jusqu'à ce qu'un pelage se frotte à mon bras. J'aurais du avoir peur, pourtant je ne fis que le moindre effort, n'ouvrant qu'un oeil afin d'identifier le malotru qui s’immisçait dans ce moment. Et quel malotru ! Un magnifique loup à la robe sombre s'était assit à mon côté, comme si nous étions de vieux amis digne d'un roman pour enfant.

    - Bonjour, rayon de soleil

    Sursautant, j'ouvrais les yeux, revenant au monde réel, insistant contre mon gré la légère pression d'un doigt contre ma joue. Ça, ce n'était pas normal. Et ça, ce n'était pas un rêve. Tournant le minois endormie, je découvris un jeune homme , penché au dessus de moi. Et ma première réaction ne se fit pas attendre. Les jambes battaient le drap qui me couvrait, autant que les bras fendaient l'air dans une panique totalement démesurée ; s'alliant à un perçant hurlement.

    - Qui êtes vous ? Que me voulez vous ! Je n'ai pas d'argent ! Frappez les côtes, les côtes !

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Evroult
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« Si ton amour reçoit un accueil peu caressant & peu affable,
supporte tout & tiens bon : bientôt elle s’adoucira.
Courbez une branche d’arbre avec précaution ; elle se plie ;
tu la brises, si tu fais sur elle l’essai de (toutes) les forces.
»
Ovide, L'Art d'Aimer, LIVRE II.

    Evroult avait ses habitudes. Elles s’étaient manifestées dès ses toutes premières passes, reliquats de trop nombreuses années entourées par celles qui deviendraient ses collègues, où il s’était imprégné, telle une éponge de mer, du pesant flot des rites & des coutumes des lupanars. Ainsi, il évitait toujours de trop ouvrir la bouche : non pas qu’il ait une haleine dérangeante – l’hygiène n’était pas de ces soins qu’il laissait de côté –, mais il fallait l’expérience de l’âge pour soutenir une conversation invitant à la luxure. Lui, trop tenté par la pique salace & les sourires mutins empreints de cet agaçant sous-entendu, se savait peu enclin à séduire discrètement de cette langue-là.

    Soit, il avait ses habitudes. Son approche consistait souvent, toujours même, à jouer l’éternel compagnon reprenant la place qui lui était due. Ainsi, pas de malaise, pas d’hésitations, pas de cette infernale transition qui voulait qu’on apprenne à se connaître avant de procréer pour quelques pièces sonnantes & trébuchantes. Cliente était rassurée ; le temps était mieux usité. Forcer la proximité était, de loin, la meilleure approche à tenir pour espérer obtenir les faveurs d’une belle.
    Et ça marchait à tous les coups.
    Absolument tous.
    Tous.

    Enfin, peut-être pas lorsque la belle au bois dormant se levait du pied gauche.
    Lui qui espérait une passe rapide dut se rendre à l’évidence : il fallait d’abord vaincre l’explosion de plumes & de duvet d’une couche agressive. Il reçut un coup d’un peton joliment mignon, en eut le souffle coupé, alors même que le cri strident perçait soudainement ses tympans dans un auto-encouragement inquiétant pour ses côtes. Il voulut lui saisir les poignets &, incapable de la tenir un véritable instant, se rabattit sur une cheville nue. De là, il lui fut presque aisé de soumettre la seconde & de calmer la bête en la tenant comme un magnifique brochet d’une pêche pénible.

    - Là, là… Vous allez vous calmer, joli cœur ?! Est-ce des manières de traiter le brave qui vous apporte le petit déjeuner ? Ce n'est pas ainsi qu'on remercie son hôte !

    Le cerne de l’onyx s’était tourné vers le plateau fumant posé à même le guéridon, l’éphèbe profitant d’une brève accalmie pour reprendre ses esprits, malmenés par la brusque violence de sa cliente.
    Il fallait être bien endurant pour être courtisan.


*
« L’amour est une espèce de service militaire.
Arrière, hommes lâches : ce ne sont pas des hommes pusillanimes
qui doivent garder ces étendards.
»
Ovide, L'Art d'Aimer, LIVRE II.

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