Heloise
ON EST TOUS DANS LE MÊME BAIN.
LITTÉRALEMENT.
LITTÉRALEMENT.
Après plusieurs journée de voyage à bringuebaler dans la poussière que soulèvent les sabots des canassons, à pieuter sur les paillasses usées des tournebrides miteux, à faire des pauses pipi derrière les buissons, le petit groupe de pérégrins vire, il faut le dire, franchement crasseux. Cependant, les hauts remparts de Rodez, franchis à laudes, s'étaient fait annonciateurs d'une hygiène corporelle bientôt reconquise puisque la capitale du Rouergue ne pouvait décemment se voir dépourvue d'établissements dédiés au bain et à la mise. C'est ainsi qu'une partie de la troupe avait déjà programmé une après-midi consacrée au décrassage en règle des carcasses fourbues, à la détente des muscles mis à la géhenne, au décapage de la peau nue, et espérait donc dénicher promptement quelque étuve saine.
Héloïse est membre de cette joyeuse unité de sagouins qui, sur les recommandations d'un gai luron, emprunte les venelles étroites menant aux quais de l'Aveyron. Le lieu qu'on leur a conseillé, bien que ne profitant pas d'une distribution des heures d'ouverture selon le sexe de la clientèle, comme cela se fait parfois, bénéficie d'une bonne réputation auprès de ses contemporains et habitants du coin qui le prétendent volontiers salubre, peu cher et point encore trop gangrené par le commerce de la chair. La devanture boisée fait grande impression et, chacun des compères ayant donné son approbation, lourde est poussée d'un geste nonchalant de l'épaule pour permettre au groupe tapageur de faire irruption. Planquez vos savons et vos crèmes, ILS sont dans le game.
Les quatre paires de petons foulent l'algide carrelage aux motifs géométriques qui compose le parterre d'une vaste antichambre faisant à la fois office d'accueil, de vestiaires et de boutique d'apothicaire. Les prix sont affichés de quelques chiffres de craie sur le sombre d'une ardoise : pour profiter des étuves et de l'onde des baquets, l'escarcelle doit se voir allégée de huit écus et soixante deniers, ainsi que d'une piécette supplémentaire par condiment désiré (morceau de savon gallique, fiole de jus de bette ou de casseligne, drap de lin etc.). Les patères enfoncées sur toutes la longueur des murs peints à la chaux ainsi que l'assise de divers bancs en bois de bouleau sont destinés à recevoir, pèle-mêle ou sagement pliés, les défroques des visiteurs impatients de s'immerger. Cette entrée offre l'accès à deux espaces jumeaux dont les parois adornées de mosaïques d'inspiration orientale plongent le futur baigneur dans l'atmosphère ouateuse d'un Eden d'eau claire, de clapotis doucereux et d'effluves de saponaire. Celle de droite est une spacieuse salle de bain avec, en son milieu, une large cuve creusée semblable au bassin d'un lavoir que l'on aurait affecté à l'entretien des épidermes crottés, et garnie sur ses côtés d'une dizaine de baquets pouvant contenir jusqu'à deux corps plus ou moins emboîtés. L'alcôve de gauche est la salle d'étuve à proprement parler, rappelant le laconicum romain dont le plafond, constitué d'une massive maçonnerie, trouve son apogée dans l'arrondi d'une coupole percée au travers de laquelle s'échappent l'air chaud et les soupirs délassés.
Bonnetain, donzelle du peuple, fille de rien, n'a jamais fait trempette que dans l'espace impudique des bains publics ou dans l'eau chantante d'une rivière clairette. A contrario d'Isaure, la pauvrette, Héloïse est icelieu, sans mauvais jeu de mot, comme un poisson dans l'eau, elle qui n'a jamais connu les baignades à domicile au sein d'une baignoire laquée qui lui aurait été entièrement réservée. Aussi prend-elle naturellement la tête de la file pour se planter devant la fripée qui, visiblement, tient les ficelles de l'officine et qui, face à roussette, plisse suspicieusement les mirettes.
Nous informons nos aimables clients que les gourgandines ne sont pas acceptées dans l'établissement, grince la vioque en croisant ses deux bras décharnés sur sa poitrine en chute libre.
Dis donc l'antiquité, j'veux bien comprendre que t'aies plus l'eau chaude à tous les étages, mais c'pas parce que y'a un environ un siècle tu faisais le tapin pour remplir ta gamelle que c'est l'cas de tout l'monde, hein ? J'ai une tronche de puterelle ? Faut revoir ta politique d'accueil de la clientèle ! Oui, Bonnetain est un tantinet colère-colère puisque, vraisemblablement, elle a la tête à avoir ouvert plus de braguettes que de dictionnaires. L'ancêtre, probablement rompue à l'éréthisme des usagers fumasses et légèrement plus effrayants que cette boule rose à l'horrible tignasse, accroche ses petits yeux méchants au seul spécimen masculin de la bande, ce dernier se traînant un air peu avenant.
Ici on respecte les bonnes moeurs et la pudicité d'son voisin : si l'envie vous prend de faire la bête à deux dos, y'a des chambres pour c'la en haut.
On a aut' chose à faire qu'aller sencanailler sur tes couchettes dégueulasses, la vieille, rétorque rouquemoute en déposant douze écus sur le comptoir de faux marbre, file moi une savonnette et deux linges au lieu de dégoiser tes ganacheries séniles, que je puisse aller me baigner tranquille.
Ah la belle entrée en matière que voici ! Héloïse, déjà rendue pimbêche et revêche par la fatigue d'un périple éprouvant, maugrée de plus belle en récupérant son paquetage avant de se laisser choir sur l'un des bancs voués à l'effeuillage. Après avoir perdu son aimable enjouement il est temps de faire de même avec ses vêtements.
Parce que la précision "RP ouvert" n'est plus la bienvenue dans l'intitulé des topics, nous en avons épargné le titre. Néanmoins ce RP est plus qu'ouvert à tout personnage crado et désireux de se savonner le croupion et/ou de mater quelques tendrons !
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