Milon.vidal
[Cabinet médical de Vivia Corleone, un jour comme les autres]
Milon Vidal entre en courant dans léchoppe de barbier. La cloche sonne, échos aux battements impatients de son cur dadolescent. A dix ans révolus, on est adolescent. Surtout à la Cours des Miracles.
Les secondes ségrènent mais la rousse napparaît pas. Quà cela ne tienne, son rat il le sauvera tout seul.
Le petit brun passe sans hésitation dans la salle de consultation pour étendre le rongeur sur la paillasse, qui reçoit dhabitude un autre genre de raclures. Avec toute la douceur dont sont capables ses doigts inexperts, le môme tâte la bestiole, comme il a vu faire la Corleone. Ce rat, il faut quil vive !
Pourquoi celui-là en particulier ? Parce quil vient de le trouver au détour dun amas de détritus et que, dans sa petite tête aux sentiments encore enfantins, il lassocie à sa propre personne. A ce quil était, il y a quelques années, blottis contre un tas dordures pour se réchauffer aux gaz de fermentation, le corps parcourut de spasmes et les poumons en feu. Dans son délire, était apparue une silhouette improbable, un sourire quun gamin des Miracles ignore, une douceur quil nimagine même pas. La médicastre lui avait sauvé la vie et depuis, il passait à son cabinet chaque fois que cétait possible. Il la regardait faire, écoutait ses conseils, suivait ses apprentissages. On ne pose pas de question à sa bonne étoile quand elle daigne descendre sur Terre pour prendre soin de vous. Surtout à la Cours des Miracles.
Donc ce rat, il faut le sauver !
Ils vont devenir les meilleurs amis du monde. Il laidera à chaparder. Et puis quelle fierté de montrer à la rousse son petit miracle. Les yeux bruns furètent sur les étagères, car la place fait également pharmacopée. Il y a un endroit doù la médicastre sort régulièrement un remède efficace pour de nombreux maux.
Cest par là
Les doigts crasseux glissent le long de létagère, sarrêtent, semparent dun petit sachet. Imitant lattitude de son mentor, Milon dessert le cordon et hume le paquet. Lodeur est caractéristique, il ne saurait dire de quoi, mais il la connait. Le môme allume un feu, et pendant que leau chauffe dans le petit chaudron, il revient vers son patient. De la pointe du doigt, il lui verse des gouttes deau fraîche le long du museau, passe un linge humide sur ses poils trempés de sueur. Dune voix calme, il utilise les mots que la médicastre emploie pour tranquilliser ses clients.
Au chant de leau qui boue, il se précipite et saupoudre le liquide de racines séchées et pilées. Il regarde le breuvage, le sachet, en rajoute un peu, on ne sait jamais. Dune louche en bois il remue lentement. Quand il lui semble que leau sest légèrement colorée, un chiffon autours de lanse il retire le chaudron du foyer.
Le petit brun courre vers une autre étagère où sentassent mortiers et autres récipients. Il sempare dun bol et retourne saccroupir près de son patient. Dune main habile, il verse le médicament puis le rapproche de ses narines, humant la vapeur qui sen dégage. Lodeur est toujours là, presquentêtante. Cest la première fois quil va sauver la vie de quelquun !
Avec douceur, il souffle sur sa préparation pour quelle refroidisse. Il ne faudrait pas brûler le rongeur et empirer son mal. Le gamin continue de rassurer lanimal de sa litanie de mots tendres. Il laime déjà, ce petit rat, comment ce dernier pourrait-il ne pas le lui rendre après que le môme lui ait sauvé la vie ?
Lespoir, le rêve, ce sont les clés du bonheur pour un gosse de dix ans. Surtout à la Cours des Miracles.
Il continue de souffler, trempe son auriculaire dans leau, la trouve suffisamment tiède.
Soudain, un doute lui serre le ventre. Et sil sétait trompé dans les doses ?
Un rat cest beaucoup plus petit quun homme ! Lidée fait son chemin dans la tête de Milon.
Il ne faudrait pas le tuer, son futur copain. En même temps, il ne peut pas le laisser comme ça, et la Corleone ne revient pas. Un sourire éclaire le visage sale du gamin des rues. Il suffit quil goûte en premier !
La solution n'a pas plus tôt fait son chemin dans l'esprit du petit Vidal, que ses lèvres gercées se trouvent sur le bord du bol, mouillées par le breuvage.
- Dame Viviaaa !
Milon Vidal entre en courant dans léchoppe de barbier. La cloche sonne, échos aux battements impatients de son cur dadolescent. A dix ans révolus, on est adolescent. Surtout à la Cours des Miracles.
Les secondes ségrènent mais la rousse napparaît pas. Quà cela ne tienne, son rat il le sauvera tout seul.
Le petit brun passe sans hésitation dans la salle de consultation pour étendre le rongeur sur la paillasse, qui reçoit dhabitude un autre genre de raclures. Avec toute la douceur dont sont capables ses doigts inexperts, le môme tâte la bestiole, comme il a vu faire la Corleone. Ce rat, il faut quil vive !
Pourquoi celui-là en particulier ? Parce quil vient de le trouver au détour dun amas de détritus et que, dans sa petite tête aux sentiments encore enfantins, il lassocie à sa propre personne. A ce quil était, il y a quelques années, blottis contre un tas dordures pour se réchauffer aux gaz de fermentation, le corps parcourut de spasmes et les poumons en feu. Dans son délire, était apparue une silhouette improbable, un sourire quun gamin des Miracles ignore, une douceur quil nimagine même pas. La médicastre lui avait sauvé la vie et depuis, il passait à son cabinet chaque fois que cétait possible. Il la regardait faire, écoutait ses conseils, suivait ses apprentissages. On ne pose pas de question à sa bonne étoile quand elle daigne descendre sur Terre pour prendre soin de vous. Surtout à la Cours des Miracles.
Donc ce rat, il faut le sauver !
Ils vont devenir les meilleurs amis du monde. Il laidera à chaparder. Et puis quelle fierté de montrer à la rousse son petit miracle. Les yeux bruns furètent sur les étagères, car la place fait également pharmacopée. Il y a un endroit doù la médicastre sort régulièrement un remède efficace pour de nombreux maux.
Cest par là
Les doigts crasseux glissent le long de létagère, sarrêtent, semparent dun petit sachet. Imitant lattitude de son mentor, Milon dessert le cordon et hume le paquet. Lodeur est caractéristique, il ne saurait dire de quoi, mais il la connait. Le môme allume un feu, et pendant que leau chauffe dans le petit chaudron, il revient vers son patient. De la pointe du doigt, il lui verse des gouttes deau fraîche le long du museau, passe un linge humide sur ses poils trempés de sueur. Dune voix calme, il utilise les mots que la médicastre emploie pour tranquilliser ses clients.
Au chant de leau qui boue, il se précipite et saupoudre le liquide de racines séchées et pilées. Il regarde le breuvage, le sachet, en rajoute un peu, on ne sait jamais. Dune louche en bois il remue lentement. Quand il lui semble que leau sest légèrement colorée, un chiffon autours de lanse il retire le chaudron du foyer.
Le petit brun courre vers une autre étagère où sentassent mortiers et autres récipients. Il sempare dun bol et retourne saccroupir près de son patient. Dune main habile, il verse le médicament puis le rapproche de ses narines, humant la vapeur qui sen dégage. Lodeur est toujours là, presquentêtante. Cest la première fois quil va sauver la vie de quelquun !
Avec douceur, il souffle sur sa préparation pour quelle refroidisse. Il ne faudrait pas brûler le rongeur et empirer son mal. Le gamin continue de rassurer lanimal de sa litanie de mots tendres. Il laime déjà, ce petit rat, comment ce dernier pourrait-il ne pas le lui rendre après que le môme lui ait sauvé la vie ?
Lespoir, le rêve, ce sont les clés du bonheur pour un gosse de dix ans. Surtout à la Cours des Miracles.
Il continue de souffler, trempe son auriculaire dans leau, la trouve suffisamment tiède.
Soudain, un doute lui serre le ventre. Et sil sétait trompé dans les doses ?
Un rat cest beaucoup plus petit quun homme ! Lidée fait son chemin dans la tête de Milon.
Il ne faudrait pas le tuer, son futur copain. En même temps, il ne peut pas le laisser comme ça, et la Corleone ne revient pas. Un sourire éclaire le visage sale du gamin des rues. Il suffit quil goûte en premier !
La solution n'a pas plus tôt fait son chemin dans l'esprit du petit Vidal, que ses lèvres gercées se trouvent sur le bord du bol, mouillées par le breuvage.