Maryah
La Bridée avait attendu la nuit pour faire diversion et s'enfoncer dans les bois sans être repérée. La pleine Lune lui donnait suffisamment de lumière pour avancer, lentement mais sûrement à travers les fourrés, appuyée sur sa béquille.
Oui, elle le savait, une promenade au clair de lune n'allait pas améliorer la cicatrisation de sa plaie et pouvait contribuer à son infection. Mais Maryah, plongée en pleine époque médiévale, nourrissait bien d'autres croyances et pensait que la surinfection inexpliquée de sa plaie était due à un mauvais sort qu'on lui aurait lancé ... bien plus que le fait de dormir à même le sol, de mal s'alimenter, de boire du sang d'ennemis encore vivants, de fumer toute sorte de cochonneries, et d'oublier des jours durant de se laver.
Elle n'était pas dupe, son état se dégradait depuis quelques temps : elle dormait difficilement en proie à des cauchemars vivaces, elle avait perdu l'appétit, elle avait pourtant de fréquentes nausées, elle était irascible en permanence, crachait son venin pire qu'un dragon l'aurait fait avec un jet de feu ...
Elle rencontrait beaucoup trop d'ennemis pour que ce soit le fruit du hasard, les mauvaises nouvelles s'amoncelaient, provoquant des crises de paranoïa plus fréquentes et plus violentes, elle était même tombée au combat, et ses plaies, malgré tous les bons soins prodigués, refusaient de cicatriser. Son ventre se creusait, elle maigrissait et palissait de jour en jour, et elle était persuadée de pourrir de l'intérieur.
Imaginez qu'elle tombe en lambeaux comme Desideratum ...
Non. Non !
Les vivants, autant le dire clairement, ne pouvaient plus rien pour elle. Elle devait invoquer des forces beaucoup plus puissantes.
N'était-ce pas un sort de Torvar, qui de là où il était, dansait avec les dieux et voulait lui retirer son dernier souffle de vie ? Ou son cousin qui, pour la punir et accomplir ses menaces de mort, lui avait envoyé le mauvais il ? Les cosaques avaient leur ... chat... chamane, disaient ils. Et si la force de ses envouteurs guérisseurs étaient aussi forts que celle de leurs guerriers, elle était mal barrée.
Y avait aussi Kheldar, qui pourrait chercher à lui nuire, ou bien Axelle pour justement s'assurer que les secrets restent bien enterrés,
Ou ... comme elle avait retrouvé Ober et Cobra, peut être était-ce Hilde, ou une autre femme jalouse, qui voulait la voir crever,
Ou ... n'importe quel ennemi qu'elle avait défié ... et là ils étaient trop nombreux pour les citer,
Mais la pire des hypothèses qu'elle pouvait envisager était celle liée à P'tiote. Ce bébé kidnappé qu'elle n'avait pas su protéger, qu'elle avait laissé se faire massacrer par la Blanche Kel.
Bref, autant dire que chercher celui ou celle qui lui avait envoyé le mauvais il, était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Toutefois, il fallait qu'elle trouve comment inverser la donne, comment renvoyer le mal à son expéditeur, et surtout quoi faire pour ne pas mourir à petits feux.
Elle avait donc sagement attendu la nuit, se bourrant d'opium toute la journée, de cognac et de whiskey, cherchant à interrompre le flot de ses pensées angoissées et angoissantes.
Parce que, le matin même, après avoir prié Déos une bonne partie de la nuit, elle avait vu arriver Merance aux abords de la taverne, elle avait compris que c'était un signe. Que Déos lui avait envoyé LA sorcière pour l'aider à se débarrasser de tout ça. LA solution était là ! Devant elle ! Elle allait pouvoir l'aider à se débarrasser de tout ça, et bien que Maryah n'ai pas franchement confiance en elle ou n'importe quelle sorcière, elle se rappelait que le Clan des Azzurro avait foi en ses dons.
Elle s'était assurée qu'Arael soit occupé pour ne pas être suivie, et avait vérifié consciencieusement que les amis du CO étaient attablés autour d'un bon tonnelet de cognac. Elle avait pris la tangente, boitillant le plus silencieusement qu'elle le pouvait, emportant avec elle ses dagues, et le poulet encore vivant à qui elle avait ficelé le bec et les ailes. Mais elle savait d'avance que ses dagues étaient de bien piètres armes contre une sorcière.
Il lui sembla qu'elle avait marché depuis des heures quand elle arriva enfin à la croisée de l'arbre et de la rivière. Comme indiquée, elle vira à droite, et compta les deux cents pas requis. Alors, droit devant elle, elle reconnut la flamme dansante d'une bougie. Elle en était sûre à présent, c'était là.
Elle s'avança, nerveuse, se tournant parfois de part et d'autre, sentant comme des regards posés sur elle, mais sans jamais en trouver la source.
Elle dépassa quelques étranges cailloux, et se souvint des visions de Percy qui voyait en chaque nuage, en chaque rocher, une forme d'animal ... le plus souvent féérique. La pensée de son fils la réconforta, et elle franchit les derniers mètres qui la séparaient du seuil de la porte de la chaumière.
Elle posa au sol, la besace de cuir contenant le baume du matin, peut être empoisonné, et le poulet qui avait cessé de gigoter. Elle déposa la béquille, ne voulant pas paraître trop faible, vérifia la présence de chaque dague sur ses lacets de cuir cachés sous la peau d'ours qui lui servait de mantel, et frappa rapidement 7 coups secs à la porte ...
Merance ... C'est Maryah ...
Ouvrez-moi ...
" ou le chasseur me tuera", aurait-elle pu ajouter si elle avait été d'humeur marrante. Mais elle ne l'était pas. Un fond de peur, devant cette inconnue, un sentiment proche de la panique avec une once de désespoir sur fond de résignation, et cette pauvre voix qui lui répétait :
" Une sorcière ? Rien que ça... Mais tu es complètement folle, ma pauvre fille ! "
Oui folle, et peut être possédée ...
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