Merance
On était des enfants sans âge
On en a pris dans la gueule des crochets
Comme les oiseaux s'tirent de leur cage
Pour devenir enfin ceux qu'on était
Claudio Capeo - Enfants Sauvages -
On en a pris dans la gueule des crochets
Comme les oiseaux s'tirent de leur cage
Pour devenir enfin ceux qu'on était
Claudio Capeo - Enfants Sauvages -
- Assise sur le mur en face de la bâtisse, Mérance observait. Tout comme elle l'avait fait quelques mois plus tôt lorsqu'elle avait eu cette idée saugrenue d'ouvrir une boutique à Paris où l'on pourrait y rencontrer les tourments et la mort. C'était ça qui avait maintenu la sorcière à la surface durant ces longues semaines, c'était ça qui l'avait fait se lever tous les matins afin d'aider sur le chantier et le superviser un peu, du coin de l'il, car elle savait très bien que Guylhem le faisait pour elle.
Guylhem justement était encore en retard. Il avait dû s'endormir tardivement la veille, peut être même avait-il était traîner la gueuse pour prendre du bon temps Mérance sourit malgré elle d'imaginer son ami dans les bras d'une sauterelle et secouant la tête afin de ne pas voir d'images s'imposer à son esprit, elle reprit le fil de sa journée.
La porte devant elle ne demandait plus qu'à être ouverte et bientôt peut être même que le premier client la pousserait afin de venir réclamer une potion pour rendre amoureux son voisin ou bien rendre malade le bétail du maquignon du coin un long frisson parcourut l'échine de la sorcière et elle jeta ses deux pieds en avant afin de se laisser tomber du mur quand elle aperçut Guylhem arriver la tignasse en bataille. Un sourire léger flotta alors sur ses lèvres et sa main se leva afin de le saluer.
- J'ai cru que tu avais perdu ton chemin entre la bicoque du Père Eusèbe et ici. J'ai failli attendre
Le regard pétillant en disait long sur ce qu'elle ressentait. Et il était tellement rare de la voir ainsi, sans masque derrière lequel elle se cachait que ces instants restaient précieux. Mais l'instant resta comme à l'accoutumé fugace, Mérance reprit rapidement son visage impassible tout en sortant une clé de sa poche. Elle la fit danser devant les yeux de Guylhem tout en murmurant :
- Prêt ?
Deux cliquetis se firent entendre libérant enfin la porte de son interdiction de laisser passer les gens. Mérance fit un pas vers l'avant et s'engouffra dans la grande pièce qui semblait dégager un sentiment de chaleur à peine entré. Les yeux de la sorcière se posèrent partout, d'une étagère à l'autre, des pots en verre qui lui avaient couté une fortune à ceux plus sombre, en poterie, qui dissimulaient des ingrédients dont elle voulait garder le secret.
Quelques pas et déjà ses doigts fins prenaient possession du comptoir en bois travaillé que Thomas avait mis des semaines à faire sortir de son imaginaire. Il pouvait passer pour banal mais la jeune femme savait que ce n'était pas le cas. En glissant ses mains sur le bois patiné, elle pouvait deviner chaque coup de rabot donné et quand elle passa derrière, elle découvrir des tiroirs à profusion ainsi que certains petits recoins secrets qui ne s'ouvraient que si on connaissait l'astuce pour le faire.
- Thomas a été ingénieux. Il faudra le remercier en conséquence. Je te donnerais une bourse bien remplie afin de régler nos dettes auprès de lui ceci avec un petit plus
Elle parlait à Guylhem et elle savait qu'il le savait. Merance lui donnait toujours ces missions-là à finaliser. Elle n'aurait pas été de taille à défendre son bien si on avait voulu lui substituer tandis que le blondinet A cette pensée, la sorcière releva la tête vers son ami et lui sourit doucement.
- Sans toi, tout ceci n'aurait pas pu prendre vie. Tu as ta place ici maintenant, avec moi. Tu en seras le gardien
Elle montra du bout de l'index la porte du fond, là où elle devinait la présence de Moïra à chaque fois qu'elle pénétrait dans la pièce.
- Et tu pourras même t'adonner à tes propres essais si tu le souhaites. Le père Eusèbe t'a assez enseigné pour que tu puisses te lancer.
Elle savait qu'il ne versait pas forcément dans les poisons mais Guylhem était doué lui aussi. Et au pire, il passerait pour le gentil de la maison, prêt à proposer filtre d'amour et potion d'attirance. Tout ça serait dans ses cordes, elle n'en doutait pas. A elle incomberait le plus délicat le commerce des sorts puissants, de ceux qui invoquent la mort ou la maladie
Tapotant dans ses mains comme si une armée de farfadets allaient venir illuminer la pièce, Mérance virevolta sur elle-même puis attrapa les avant-bras de Guylhem.
- Allume le foyer tu veux. Il est temps que le monde sache qui nous sommes !
*La Petite Boutique des horreurs (Little Shop of Horrors) est un film musical américain réalisé par Frank Oz, sorti en 1986, adapté de la comédie musicale de Broadway Little Shop of Horrors.
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En constante recherche de RP... n'hésitez pas à me MP