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Info: Après ses mésaventures grecques, Alessandro di Leostilla part pour Chypre, en proie à une violente guerre entre la reine légitime Charlotte de Lusignan et son demi-frère, Jacques II le bâtard, revendiquant lui aussi la couronne. Désireux de compenser ses pertes financières, le romain va s'impliquer dans ce conflit fratricide pour espérer en tirer profit, le tout sur fond de tensions régionales entre ottomans, mamelouks et occidentaux.
[RP] Imbroglio chypriote
Alessandro.leostilla
Port de Limassol, le sixième jour du mois de juillet de lan de Grasce mil quatre-cent soixante-et-un.
Une légère brise tiède venant de louest caressait le visage du quasi-quadragénaire. Malgré le rafraichissement quelle semblait lui procurer, elle restait insuffisante pour permettre de rendre plus supportable la chaleur étouffante qui frappait la ville de Limassol, cité portuaire majeure de lîle de Chypre, en cette journée estivale de juillet. Dans la plus grande des indifférences, le soleil, à son apogée, frappait toutes les âmes qui osaient, non sans témérité voire même folie, braver sa puissance et laffronter. Sil avait été habitué aux canicules romaines, dans sa jeunesse et son adolescence révolues depuis fort longtemps, le Leostilla avait néanmoins perdu lhabitude de ses fortes températures, et surtout, navait jamais gouté à celles de lOrient, sinon très brièvement en Grèce. Pour sen protéger, et sinspirant ouvertement des pratiques byzantines puis ottomanes de Constantinople, il sétait vêtu dun foulard entourant lintégralité de son visage sans pour autant recouvrir ses yeux, son nez et sa bouche , ce qui, selon ses propres dires, le faisait paraître pour un mahométan auprès des locaux. Alessandro considérait cela comme un désavantage assuré sur cette île qui, depuis plus de deux siècles désormais, luttait vaillamment contre lenvahisseur tantôt égyptien tantôt ottoman, qui, inlassablement, espérait semparer du dernier Rhodes exclu bastion aristotélicien en Méditerranée orientale ; et lesquels avaient intégré ce port dun foulard, ou dun tissu en général, pour se protéger de la chaleur dans leurs pratiques vestimentaires usuelles. Néanmoins, cette solution ne semblait guère être des plus satisfaisantes pour notre homme, qui, bien que dune grande patience, quasiment inégalable, tendait à être agacé par les sempiternels mouvements de son foulard, provoqués par cette même brise qui lui était pourtant relativement appréciable compte-tenu de la température. Le Zéphyr, ce vent douest qui soufflait habituellement sur lîle, nétait plus vraiment en odeur de sainteté auprès du marchand. Mais, nonobstant toute la puissance que pouvait légitimement et somme toute assez modestement aussi prétendre posséder le Leostilla grâce à la colossale fortune quil était parvenu à constituer au gré des années, il ne pouvait rien face à la force de la Nature, sinon sy soumettre, ce quil avait compris à ses propres dépens, il y a deux ans de cela, lorsquil avait fait naufrage au large de La Rochelle à cause dune tempête.
Si le Leostilla était, comme tout homme à vrai dire, impuissant face à la force destructrice et irrésistible des éléments naturels, il nétait toutefois point dépourvu darmes face aux êtres vivants de son espèce. En effet, le quasi-quadragénaire comptait parmi les grandes fortunes que pouvait compter en ces temps la Terre quoi que la sienne était encore assez modeste, ou au moins convenable, comparé à ce quelle deviendrait quelques années plus tard et surtout par rapport à dautres dignes de la mythique richesse de Crésus , et si la connaissance était une forme puissante de pouvoir, largent la complétait grandement, et ainsi, lon pouvait aisément dominer le monde. Il ne faisait nul doute que quiconque possédait ne serait-ce quun petit monticule de pièces dargent, voire dor pour les plus heureux, possédait conséquemment un pouvoir bien supérieur à tout autre, fût-il politique et spirituel, car lun comme lautre nécessitent perpétuellement ce premier pour subsister. Qui pourrait imaginer que lon obéisse à un seigneur réduit à laumône mais menaçant ses sujets de pendaison ? Personne, car il naurait point les moyens de ses ambitions, et toute la puissance quincarnerait sa fonction ne serait alors que poussière, alors qua contrario, le simple bourgeois fortuné aurait quant à lui un véritable pouvoir puisquil pourrait parvenir à ses fins par sa simple fortune. Daucuns objecteront fort certainement que « L'argent est comme une maison neuve bas de gamme qui tombe en morceaux au bout de dix ans. Le pouvoir cest la vieille maison en pierre de taille qui tient des siècles. »* Et pourtant, en ces temps bien sombres, il apparaît que toutes les vieilles maisons en pierre de taille se sont finalement successivement effondrées tandis que de nouvelles fortunes nont eu de cesse de se constituer, les plus anciennes se solidifiant pour celles qui nétaient point trop intrinsèquement liées au pouvoir. Lui était plutôt dans la première catégorie : il avait habilement su profiter des opportunités pour construire progressivement, au fil des années et décennies, une fortune que beaucoup pouvaient lui envier bien quelle avait perdu de son éclat depuis son naufrage et parvenait tant bien que mal à léloigner le plus possible du pouvoir politique, qui lui paraissait être une véritable menace pour ses propres intérêts tant il changeait de propriétaire trop souvent à son goût.
« Voyez, mon bon ami, combien cette île est un gâchis. Lon ne peut que contempler la beauté de ses plages, de ses terres, de ses montagnes et de ses eaux ; mais à côté, lexaspération est la seule chose que lon puisse ressentir lorsquon voit ces pathétiques guerres fratricides, qui laffaiblissent, et pis encore, la rendent vulnérable face aux mamelouks et aux ottomans. Et ce nest point à vous que japprendrai combien ces êtres sont dangereux. Pourtant, nous allons être contraints de nous allier, fût-ce temporairement, à ceux-ci car nos intérêts en dépendent, croyez bien que le simple fait dy songer me donne la nausée. »
Depuis de longs instants déjà, le Leostilla était resté figé, droit, le regard perdu dans limmense horizon bleuté qui soffrait à lui, dos à toute la cité de Limassol dans laquelle il devait dès lors saventurer afin daller à la rencontre dun homme à lhistoire somme toute assez originale et au destin prometteur, du moins était-il là pour sen assurer et contribuer à ce quil le soit véritablement. Il ne sagissait point de nimporte quel individu puisque celui-ci nétait autre que Jacques II de Lusignan, roi de Chypre ou au moins revendiqué comme tel. Certes, le Leostilla avait toujours mis un point dhonneur à ne jamais se mêler aux affaires politiques, mais il était parvenu à un point où fatalement, il devenait nécessaire de sy intéresser voire y prendre part pour que son commerce puisse continuer de prospérer et de sétendre sur tous les rivages de lancienne Mare Nostrum. Ainsi, après le misérable échec de ses aventures grecques, ruinées par linvasion ottomane de la Morée un an auparavant, et aux lourdes pertes financières qui sen étaient suivies, Alessandro avait décidé de séloigner du continent et lui préférer les îles orientales afin dy faire profit, ou espérer, et la situation chypriote lui paraissait être tout à fait opportune pour ce faire. En effet, moins dun an auparavant, ledit Jacques sétait proclamé roi de Chypre et avait rallié lîle, alors gouvernée par sa demi-sur légitime Charlotte de Lusignan, à la tête dune puissance armée constituée de mamelouks afin de chasser icelle des terres quil considérait être comme siennes, lui qui avait initialement été destiné à la vie ecclésiastique après avoir été nommé archevêque de Nicosie, charge à laquelle il nexcella quen faisant assassiner les partisans de sa belle-mère quil exécrait profondément. Dès lors, il avait pris le contrôle de la quasi-totalité de lîle, à lexception de la forteresse de Cérines où la reine et ses plus fidèles sétaient barricadés, espérant un miracle pour renverser la situation, quasi-impossible. Ainsi, la guerre semblait quasiment gagnée pour Jacques II, et linvestissement était, aux yeux du quadragénaire, très peu risqué puisquil était tout à fait certain que dans les mois à suivre, la forteresse tomberait et les loyalistes seraient massacrés, ou au moins que Charlotte abandonnerait toute prétention sur le trône chypriote. Or, cette guerre nécessitait dimportantes sommes dargent que ni Jacques ni le Caire ne pouvaient fournir indéfiniment, du fait de leur pauvreté respective, tandis que le romano-savoisien regorgeait quant à lui de richesses nattendant quà être dépensées pour être ensuite fructifiées.
« Ils ne resteront point éternellement, jen suis intimement convaincu. Le peuple les exècrera bien assez tôt si cela nest point déjà fait et exigera leur départ, ou pire, leur mort, et Jacques sera contraint de se plier à sa volonté pour éviter que sa tête ne soit à son tour réclamée. A ce moment, si nous jouons finement dès le début, nous serons alors les grands gagnants de cette guerre. Vous et moi. »
Port de Limassol, le sixième jour du mois de juillet de lan de Grasce mil quatre-cent soixante-et-un.
Une légère brise tiède venant de louest caressait le visage du quasi-quadragénaire. Malgré le rafraichissement quelle semblait lui procurer, elle restait insuffisante pour permettre de rendre plus supportable la chaleur étouffante qui frappait la ville de Limassol, cité portuaire majeure de lîle de Chypre, en cette journée estivale de juillet. Dans la plus grande des indifférences, le soleil, à son apogée, frappait toutes les âmes qui osaient, non sans témérité voire même folie, braver sa puissance et laffronter. Sil avait été habitué aux canicules romaines, dans sa jeunesse et son adolescence révolues depuis fort longtemps, le Leostilla avait néanmoins perdu lhabitude de ses fortes températures, et surtout, navait jamais gouté à celles de lOrient, sinon très brièvement en Grèce. Pour sen protéger, et sinspirant ouvertement des pratiques byzantines puis ottomanes de Constantinople, il sétait vêtu dun foulard entourant lintégralité de son visage sans pour autant recouvrir ses yeux, son nez et sa bouche , ce qui, selon ses propres dires, le faisait paraître pour un mahométan auprès des locaux. Alessandro considérait cela comme un désavantage assuré sur cette île qui, depuis plus de deux siècles désormais, luttait vaillamment contre lenvahisseur tantôt égyptien tantôt ottoman, qui, inlassablement, espérait semparer du dernier Rhodes exclu bastion aristotélicien en Méditerranée orientale ; et lesquels avaient intégré ce port dun foulard, ou dun tissu en général, pour se protéger de la chaleur dans leurs pratiques vestimentaires usuelles. Néanmoins, cette solution ne semblait guère être des plus satisfaisantes pour notre homme, qui, bien que dune grande patience, quasiment inégalable, tendait à être agacé par les sempiternels mouvements de son foulard, provoqués par cette même brise qui lui était pourtant relativement appréciable compte-tenu de la température. Le Zéphyr, ce vent douest qui soufflait habituellement sur lîle, nétait plus vraiment en odeur de sainteté auprès du marchand. Mais, nonobstant toute la puissance que pouvait légitimement et somme toute assez modestement aussi prétendre posséder le Leostilla grâce à la colossale fortune quil était parvenu à constituer au gré des années, il ne pouvait rien face à la force de la Nature, sinon sy soumettre, ce quil avait compris à ses propres dépens, il y a deux ans de cela, lorsquil avait fait naufrage au large de La Rochelle à cause dune tempête.
Si le Leostilla était, comme tout homme à vrai dire, impuissant face à la force destructrice et irrésistible des éléments naturels, il nétait toutefois point dépourvu darmes face aux êtres vivants de son espèce. En effet, le quasi-quadragénaire comptait parmi les grandes fortunes que pouvait compter en ces temps la Terre quoi que la sienne était encore assez modeste, ou au moins convenable, comparé à ce quelle deviendrait quelques années plus tard et surtout par rapport à dautres dignes de la mythique richesse de Crésus , et si la connaissance était une forme puissante de pouvoir, largent la complétait grandement, et ainsi, lon pouvait aisément dominer le monde. Il ne faisait nul doute que quiconque possédait ne serait-ce quun petit monticule de pièces dargent, voire dor pour les plus heureux, possédait conséquemment un pouvoir bien supérieur à tout autre, fût-il politique et spirituel, car lun comme lautre nécessitent perpétuellement ce premier pour subsister. Qui pourrait imaginer que lon obéisse à un seigneur réduit à laumône mais menaçant ses sujets de pendaison ? Personne, car il naurait point les moyens de ses ambitions, et toute la puissance quincarnerait sa fonction ne serait alors que poussière, alors qua contrario, le simple bourgeois fortuné aurait quant à lui un véritable pouvoir puisquil pourrait parvenir à ses fins par sa simple fortune. Daucuns objecteront fort certainement que « L'argent est comme une maison neuve bas de gamme qui tombe en morceaux au bout de dix ans. Le pouvoir cest la vieille maison en pierre de taille qui tient des siècles. »* Et pourtant, en ces temps bien sombres, il apparaît que toutes les vieilles maisons en pierre de taille se sont finalement successivement effondrées tandis que de nouvelles fortunes nont eu de cesse de se constituer, les plus anciennes se solidifiant pour celles qui nétaient point trop intrinsèquement liées au pouvoir. Lui était plutôt dans la première catégorie : il avait habilement su profiter des opportunités pour construire progressivement, au fil des années et décennies, une fortune que beaucoup pouvaient lui envier bien quelle avait perdu de son éclat depuis son naufrage et parvenait tant bien que mal à léloigner le plus possible du pouvoir politique, qui lui paraissait être une véritable menace pour ses propres intérêts tant il changeait de propriétaire trop souvent à son goût.
« Voyez, mon bon ami, combien cette île est un gâchis. Lon ne peut que contempler la beauté de ses plages, de ses terres, de ses montagnes et de ses eaux ; mais à côté, lexaspération est la seule chose que lon puisse ressentir lorsquon voit ces pathétiques guerres fratricides, qui laffaiblissent, et pis encore, la rendent vulnérable face aux mamelouks et aux ottomans. Et ce nest point à vous que japprendrai combien ces êtres sont dangereux. Pourtant, nous allons être contraints de nous allier, fût-ce temporairement, à ceux-ci car nos intérêts en dépendent, croyez bien que le simple fait dy songer me donne la nausée. »
Depuis de longs instants déjà, le Leostilla était resté figé, droit, le regard perdu dans limmense horizon bleuté qui soffrait à lui, dos à toute la cité de Limassol dans laquelle il devait dès lors saventurer afin daller à la rencontre dun homme à lhistoire somme toute assez originale et au destin prometteur, du moins était-il là pour sen assurer et contribuer à ce quil le soit véritablement. Il ne sagissait point de nimporte quel individu puisque celui-ci nétait autre que Jacques II de Lusignan, roi de Chypre ou au moins revendiqué comme tel. Certes, le Leostilla avait toujours mis un point dhonneur à ne jamais se mêler aux affaires politiques, mais il était parvenu à un point où fatalement, il devenait nécessaire de sy intéresser voire y prendre part pour que son commerce puisse continuer de prospérer et de sétendre sur tous les rivages de lancienne Mare Nostrum. Ainsi, après le misérable échec de ses aventures grecques, ruinées par linvasion ottomane de la Morée un an auparavant, et aux lourdes pertes financières qui sen étaient suivies, Alessandro avait décidé de séloigner du continent et lui préférer les îles orientales afin dy faire profit, ou espérer, et la situation chypriote lui paraissait être tout à fait opportune pour ce faire. En effet, moins dun an auparavant, ledit Jacques sétait proclamé roi de Chypre et avait rallié lîle, alors gouvernée par sa demi-sur légitime Charlotte de Lusignan, à la tête dune puissance armée constituée de mamelouks afin de chasser icelle des terres quil considérait être comme siennes, lui qui avait initialement été destiné à la vie ecclésiastique après avoir été nommé archevêque de Nicosie, charge à laquelle il nexcella quen faisant assassiner les partisans de sa belle-mère quil exécrait profondément. Dès lors, il avait pris le contrôle de la quasi-totalité de lîle, à lexception de la forteresse de Cérines où la reine et ses plus fidèles sétaient barricadés, espérant un miracle pour renverser la situation, quasi-impossible. Ainsi, la guerre semblait quasiment gagnée pour Jacques II, et linvestissement était, aux yeux du quadragénaire, très peu risqué puisquil était tout à fait certain que dans les mois à suivre, la forteresse tomberait et les loyalistes seraient massacrés, ou au moins que Charlotte abandonnerait toute prétention sur le trône chypriote. Or, cette guerre nécessitait dimportantes sommes dargent que ni Jacques ni le Caire ne pouvaient fournir indéfiniment, du fait de leur pauvreté respective, tandis que le romano-savoisien regorgeait quant à lui de richesses nattendant quà être dépensées pour être ensuite fructifiées.
« Ils ne resteront point éternellement, jen suis intimement convaincu. Le peuple les exècrera bien assez tôt si cela nest point déjà fait et exigera leur départ, ou pire, leur mort, et Jacques sera contraint de se plier à sa volonté pour éviter que sa tête ne soit à son tour réclamée. A ce moment, si nous jouons finement dès le début, nous serons alors les grands gagnants de cette guerre. Vous et moi. »