Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   1, 2   >   >>

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Entendez nos rugissements !

Morgana.




    L'alliance entre le duc Marc-Antoine di Leostilla et le prince Pierre von Kolspinne se rendit à Gorbio afin d'établir son arrière-base. Mais l'infâme Morgane di Leostilla, réfugiée à Nice, avait semé dans le castel de Gorbio un mal terrible, issu d'élevage de rats et de cadavres ; elle y avait laissé la peste. Surpris, les deux chefs de guerre y laissèrent plusieurs de leurs hommes. Ils se détournèrent du vicomté avec rapidité, et rejoignirent le seigneur Sigebert de Beyrac aux alentours de Nice, assemblé au milieu des bannerets demeurés fidèles à Marc-Antoine di Leostilla.

    Nice fut assiégée. Morgane di Leostilla, secondée messire Laurent di Leostilla, et par Osfrid Rasmussen, son terrible bras droit, n'avait pourtant pas dit son dernier mot. Elle échafauda un noir dessein, consistant à jouer sur l'amour porté par Marc-Antoine di Leostilla à son enfant et unique héritier, Marc-Aurèle, qu'elle détenait en otage. Le drapeau blanc fut levé. Messire Osfrid fut chargé de transmettre la lettre de dame Morgane au duc. En échange de Nice, et de Marc-Aurèle, la Sorcière réclamait le titre de duchesse du Bugey, qu'elle avait conquis à feu César di Leostilla.

    Les réflexions allèrent bon train. Et Marc-Antoine accepta les conditions de son ennemie, par égard à son fils, et à Ulrika di Leostilla, restée à Vercelli, qui comptait sur son mari pour lui ramener leur fils sain et sauf... Un traité de paix et de compromis fut signé entre Marc-Antoine et Morgane. Les tensions furent constantes. L'explosion n'eut pas lieu cependant. Et en quelques heures, l'armée de la Leostilla quitta Nice en bon ordre. Messire Osfrid fut chargé de rendre l'enfant une fois la troupe loin dans l'horizon. Et c'est ce qu'il fit. Il remit Marc-Aurèle dans les bras de son père le duc, qui menaça le guerrier qu'il le retrouverait, et qu'il le tuerait, lui et tous ceux qui avaient servi sa perfide parente.

    Morgane et son armée gagnèrent le Bugey et commencèrent à le fortifier. Pendant ce temps, Messire de Saint-Julien, missionné par la Sorcière, ramenait dame Amédiane di Leostilla à sa maîtresse, afin qu'elle ait un nouvel otage à jouer. Hélas, une fois en Savoie, ils furent attaqués par des soldats de Marc-Antoine, mené par messire Amalio di Leostilla, neveu du duc réapparu en Italie. Celui-ci blessa Saint-Julien qui s'enfuit et lui laissa la future vicomtesse. Il la ramena au Lion, qui promit de l'anoblir pour ce service rendu. Marc-Antoine remporta un vassal et sa pupille, et Morgane perdit une occasion de peser sentimentalement dans les batailles qui s'annonceraient...




Morgana.


        Et maintenant, la suite...



    Un étendard flotte dans la haute-cour froide des ducs du Bugey. Réfugiée à l'intérieur, dans l'un des salons du donjon sublime, dame Morgane se préparait à prendre ses quartiers d'hiver à Ambérieu. Près de la fenêtre, la terrible di Leostilla regarde l'horizon, et surtout, le Sud. Marc-Antoine di Leostilla s'y trouve. Au chaud. A Nice. Dans l'imprenable citadelle qu'elle lui avait cédée plusieurs mois auparavant. Elle n'aurait jamais cru qu'il accepterait les termes de leur accord de paix, et qu'il s'y tiendrait. Il n'a pas attaqué le Bugey, et l'a laissée tranquille. Pourquoi ? Certes, on n'assiège pas avant la saison la plus froid, au risque d'être soi-même assiégé par la température et la neige. Elle est sûre qu'il attend le printemps et le redoux de la terre. Mais elle patientera ! Et surtout, elle recrutera soldats, mercenaires, elle fortifiera ses murs, préparera ses tranchées de pièges et de piques. Jusqu'en janvier, jusqu'en février, jusqu'en mars ! l'hiver est long en Savoie.

    Elle boit la dernière gorgée d'un vin délicat, et pose la coupe sur le buffet devant elle. Devant elle, les étendards volent au vent. Celui du Bugey, qui a eu plusieurs maîtres en si peu de temps. Et celui des di Leostilla, qui flotte un peu partout en Savoie. On se demande toujours sur lequel on va tomber, et surtout, si on a trouvé le bon camp... Quoiqu'il en soit, Marc-Antoine ne sort plus de ses remparts. On le dit affaibli par la dernière campagne. Il a regagné néanmoins tous ses alliés, et non les moindres. Morgane, elle, est seule. Il n'y a que les courants d'air qui passent dans le salon pour lui murmurer deux ou trois mots. Il y a parfois Laurent, pour qui elle a gardé une affection particulière, qui ne la délaisse pas. Mais sinon, qui a-t-elle ?

    Elle s'efforce quand même de sourire, quand la fenêtre lui renvoie son reflet triste. Elle n'en a que faire des amis après tout. Ce dont elle avait besoin, c'étaient surtout d'alliés, ou alors, de soldats, d'énormément de soldats. Elle ne regarde pas à la dépense. Cadeau du château des ducs, une certaine nuit de juillet. Cadeau du Bref, comme on le surnomme. Cadeau bien involontaire.

    Quelle folie se cache donc en eux, les Leostilla ? Pour vouloir toujours plus ? Pour être toujours plus puissants, plus forts, pour aller plus loin, plus haut ? La survie de leur nom passe par tout une pléthore d'ancêtres qui ont marqué leur temps. La profusion de branches familiales en a créé de tout poil. Du plus innocent, au plus excentrique et sauvage. On est généralement fou de père en fils. Et plus les générations avancent, plus la folie prend des degrés hallucinants. Etre le fils de Marc-Antoine, c'était déjà quelque chose. César ne peut plus en témoigner d'ailleurs. Etre le fils de Laurent... aurait-on vu pire depuis Caligula et Néron ? Pourquoi cette race supérieure ne s'éteint-elle pas ? Peut-être à cause de l'admiration qu'elle impose. Peut-être à cause de son rayonnement. Et si se faire la guerre entre parents, et si être responsable des pires massacres, et si être fou à lier, apportait l'éternité pour soi et ses descendants ? Folle pensée. Si ce n'était pas l'immortalité, c'était du moins la crainte. Qui ne craint pas un di Leostilla ne fanfaronne pas longtemps ici-bas. Quand la dague plonge lentement dans son coeur, depuis son dos, qu'il sent le métal froid aspirer sa vie et son âme loin de son sang chaud, quand ses jambes ne le tiennent plus et qu'il s'écrase par terre, voyant l'un de ces terribles visages italiens, l'un de ses lions qui rugissent un rocailleux "vae victis" sorti des profondeurs de la terre, il est trop tard pour avoir peur.


    - Noël approche. Fais partir des invitations à tous les di Leostilla. Je les invite à un dîner mémorable. Après tout, ce sera la naissance du Prophète, mais également d'Amédiane, qui devient majeure. Cela se fête, non ? Ils apprécieront de voir nos défenses. Charge-toi de tracer un chemin d'accueil qui leur fasse voir le maximum de choses. La dissuasion est une arme de temporisation. Je te ferai part de quelques autres noms d'invités... disons... proches de la famille, enfin cela dépend du côté où l'on se trouve, bien évidemment.

    Le Limier, fidèle bras droit de Morgane s'incline. Il n'est jamais bien loin d'elle. Elle le sait. Elle ne craint jamais rien. Elle n'est donc pas si seule ? Oh, si... On ne choisit pas ses gardes-du-corps pour l'affinité qu'ils procurent, mais pour leur efficacité, doivent-ils avoir la douceur de l'ours, et le langage d'une tombe.


Morgana.


    Et quelques jours plus tard, plusieurs colombes immaculées s'envolent de la volière du château d'Ambérieu. Entre leurs pattes se glissent les invitations très spéciales pour la Noël. Outre les di Leostilla, quelque autre homme et femme illustres ont été contactés... Seront-ils au rendez-vous ? Dame Morgane a l'obligation de respecter les règles antiques de l'hospitalité. En sera-t-il ainsi ?...

    Le jour du dîner, une pléthore de domestiques et de gardes surveillent la haute-cour où sont attendus les chevAux et autre fiacre des invités. La Sorcière, elle, patiente sur le parvis du château, les épaules couvertes d'une cape de douce fourrure, une somptueuse tenue pourpre, loin du rouge vulgaire et du rougeâtre non luxueux. La couleur des empereurs. Les mains jointes devant elle, dame Morgane a un sourire jusqu'aux oreilles. Car s'il est osé d'envoyer des invitations, il est encore plus malpoli pour les hôtes de n'y point répondre et d'être absent le jour venu. On se ferait trop remarqué, et la honte serait sur vous. En outre, il n'y aurait que des nobles gens. On n'est pas à la taverne d'en-bas.

    La nuit est tombée, et le chemin dans la haute-cour menant jusqu'au parvis est illuminé de bougies vacillantes posées au sol. La chose est féérique. Cette soirée ne peut que bien se passer.

    Qui du duc Marc-Antoine di Leostilla, de la duchesse régnante Arwenn de Bouvignes, du couple princier Pierre et Mélisende von Kolspinne, du sulfureux seigneur de Castellar, du diplomate et discret monsieur de Tournefort, de la jeune Floriana Balwer, appréciée par Laurent, de tous les autres di Leostilla, et finalement de la principale intéressée, seraient là ?



      Citation:


        De Dame Morgane di Leostilla, maistresse en le Bugey,
        A Vous Tous, Chers Hôtes ;



        Annonçons qu'un dîner sera organisé au château d'Ambérieu, la veille de Noël, pour célébrer la Nativité du Prophète, et également celle de notre douce Amédiane di Leostilla, qui recevra des mains de Sa Grâce Marc-Antoine di Leostilla le vicomté de Gorbio, pour sa majorité, et selon les lois de la Hérauderie Savoyarde.

        Nous vous attendons avec impatience, afin de rehausser de votre présence la très noble assemblée qui se réunira ce soir.


        Que ma joye demeure !

        Fait le 14 décembre 1464
        A Ambérieu, cité des ducs du Bugey.









_________________



Alessandro.di.leostilla
    Château d’Ambérieu, le vingt-quatrième jour de décembre de l’an de Grasce mil quatre cent soixante-quatre.

      « 20:1 Puis je vis descendre du ciel un ange, qui avait la clef de l'abîme et une grande chaîne dans sa main.
      20:2 Il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable et Satan, et il le lia pour mille ans.
      20:3 Il le jeta dans l'abîme, ferma et scella l'entrée au-dessus de lui, afin qu'il ne séduisît plus les nations, jusqu'à ce que les mille ans fussent accomplis. Après cela, il faut qu'il soit délié pour un peu de temps.
      20:4 Et je vis des trônes ; et à ceux qui s'y assirent fut donné le pouvoir de juger. Et je vis les âmes de ceux qui avaient été décapités à cause du témoignage de Jésus et à cause de la parole de Dieu, et de ceux qui n'avaient pas adoré la bête ni son image, et qui n'avaient pas reçu la marque sur leur front et sur leur main. Ils revinrent à la vie, et ils régnèrent avec Christ pendant mille ans. »
      – Apocalypse selon Saint Jean.


En ces temps de festivités et de réjouissances aristotéliciennes visant à célébrer la naissance du Christ dans la gloire et le faste qui lui sont théoriquement dus, il n’était jamais bon que l’on eût réuni l’entièreté de la ténébreuse et tumultueuse dynastie leostillienne en un même lieu, du moins que cette idée traversa l’esprit d’un seul, sauf s’il était mû par la louable et salvatrice envie que les massacrer afin d’apporter ce millénium tant promis dans les Saintes Ecritures lors du retour du Messie, après la mort de cet Antéchrist aux multiples visages qu’était ladite famille maudite. Cependant, nul n’avait eu cette lucidité teintée d’une incommensurable folie que de songer à cela et c’était l’un des aliénés de ce même clan qui s’était dévoué à convier ses parents à célébrer cet événement majeur pour la foy, mais également un autre, d’une moindre importance aux yeux de Dieu mais qui n’en était pas moins insignifiant pour les Leostilla, la majorité d’une des leurs, permettant à iceux d’enfin exploiter tout le potentiel qu’elle contenait en elle, c’est-à-dire pouvoir envisager de l’unir avec un homme de haute lignée qui assurerait une alliance forte et pérenne entre la Leostillie et cet autre noble lignage qui serait toutefois à son tour contaminé par la malédiction qui pèse sur chacun des Leostilla ainsi que sur toute personne gravitant dans leur entourage. Etait-il encore nécessaire de rappeler, ne serait-ce que pour mil quatre cent soixante-quatre, tous les tragiques événements qui avaient touché et meurtri la famille ? Des luttes intestines, des guerres, de lâches assassinats, des morts, et au final, un déchirement de plus en plus profond de cette glorieuse dynastie que l’on craignait autant que l’on haïssait sans jamais mépriser en Savoie et dans les pays alentours.

Par la force des choses, et dans ses malheureuses épopées l’unique chance d’avoir été épargné d’assister à ces conflits fratricides, Alessandro était parvenu à se tenir à l’écart des tragiques évènements de cette année. Bon nombre de Leostilla envierait très certainement sa position, celle d’un porté-disparu cinq années durant réapparaissant quasi-miraculeusement après le massacre de Perosa Argentina suivi de la lutte entre Marc-Antoine et Morgana pour le contrôle du Bugey et de Nice. A cela venait s’ajouter la disparition de son ainée, Fiorella Deliciosa Lise début juillet, tandis que son seul fils s’emparait du château ducal avec quelques compagnons d’armes huguenots, le tout couronné par le décès de sa cadette Celestina il y a un an de cela désormais, ce dont il avait eu vent lors de son retour en Savoie à la mi-septembre. En soi, ce qu’il avait vécu n’avait rien d’enviable, et nul homme ne pouvait le souhaiter à un autre, tout monstre fut-il ; mais il paraissait chanceux de ne point avoir eu à choisir entre le camp de César puis de Marc-Antoine ou celui de Morgana, et d’aucuns ne pouvaient encore lui demander de se prononcer à l’heure actuelle sur ce sujet. Ainsi, le Revenant jouissait d’une relative tranquillité lui permettant de côtoyer en toute quiétude les deux clans, comme en ce réveillon de la Nativité qu’il avait daigné accepter de célébrer en grandes pompes avec d’une part ses parents et d’autre part – du moins était-ce prévu – avec d’illustres mais inconnus nobles savoisiens ; quoi qu’il s’en serait bien passé s’il ne serait point passé pour un malappris en refusant pareille invitation.


    « – Ma nièce. Il est bon de vous revoir. »

_________________
Laurent.leostilla
Chaque seconde s'écoule dans le sablier sous la forme d'un grain ouvragé, du sable venant des terres du sud, inconnu et vaste. Fascinante délivrance du temps vers les souvenirs tissés de toute part pour former une tapisserie éblouissante de l'histoire des Hommes. Le Castellar observait la poudre former un cône dont la pointe se faisait recouvrir par une centaine d'autres grains identiques. Sa main posée sous son menton, ses pensées étaient volubiles. Son salon était vide et glacial. Le feu n'était plus assez fort mais il avait interdit à son intendant d'entrer. Il aspirait à la solitude et à la réflexion. Quand le dernier grain tomba finalement sur la pyramide sablonneuse, il quitta son fauteuil, plaça le cercle doré sur sa tête puis se dirigea vers les portes menant à la salle du trône.

L'intendant l'attendait, là. Il était prêt à tout pour satisfaire l'Homme de Fer.


Tout est-il prêt ?

Comme vous l'avez souhaité, Seigneur.

Bien. Nous serons de retour dans deux ou trois jours. Vous connaissez vos instructions.

Oui Seigneur.

Et que tout soit en ordre. Nous comptons sur vous.

Satisfait, Laurent quitta la forteresse à bord d'un carrosse. Ceci ne lui était pas coutume mais il avait un détour à faire avant de se rendre directement à Ambérieu. Depuis l'intérieur de l'habitacle, le Castellar fixait l'horizon. La réunion de famille exceptionnelle, organisée par Morgane, risquait d'être assez épique. Il ne s'attendait pas vraiment à des troubles en cet évènement mais la tension serait certainement palpable. Un rictus légèrement amusé vint marquer les lippes du Leostilla. Il avait hâte de voir ce que donnerait la cérémonie entourée des factions opposantes de leur famille.

Un peu plus tard, l'arrivée à Annecy venait sortir l'homme de ses réflexions. L'attelage vint s'arrêter devant une demeure prestigieuse. Laurent n'attendit pas que le cocher lui ouvre la porte pour en descendre prestement. Comme son ultime cousin, il portait des gants de cuir. Sa tenue était celle des grands jours. Une cape d'un rouge flamboyant couvrait ses épaules robustes, développés au fil des entrainements qu'il effectuait chaque jour. Son pourpoint était marqué d'or et de vert, en velours car le froid était intense. Un col de fourrure avait été ajouté pour prémunir du mauvais temps. Son épée ne le quittait pas, attachée à son baudrier pendant à sa ceinture.

Approchant de quelques enjambées la demeure, il se fit annoncer auprès de sa protégée.


Veuillez nous annoncer, Laurent di Leostilla, Seigneur de Castellar et Prévôt des maréchaux.

Nerveux ? Il n'y paraissait pas. Dans le regard bleu glacial du Castellar, nul n'aurait pu déceler son appréhension et son impatience. Pourtant, son sang brûlait activement dans ses veines. A son apparition, il s'inclina respectueusement, puis ôtant son gant, il attrapa sa main pour y effleurer de ses lèvres le dos de celle-ci.
_________________
Vikentios




    Ce fut une voiture bien escortée qui pénétra dans la cour du château d'Ambérieu. Le duc Marc-Antoine di Leostilla était de sortie. Voilà bien des mois, depuis qu'il avait récupéré Nice à dire vrai, qu'on ne l'avait pas revu. Il était resté prostré dans son château, non dans la détresse et la mélancolie, mais dans la colère et l'impuissance. Pourquoi était-il venu, me direz-vous ? Parce que Morgane avait invité tout le monde, même la duchesse régnante, même les von Kolspinne, en hérauts. Elle l'avait bien pris au piège en osant affirmer qu'il remettrait Gorbio à Amédiane ce soir-là, tant et si bien qu'il était obligé de le faire, de peur du ridicule devant les autres. Antoine prétexterait même, si on le lui demandait, qu'il avait organisé cela. Amédiane... la voilà donc majeure, apte à gouverner... De cela, il n'en était pas trop sûr. Mais il veillerait sur elle, il lui proposerait un conseiller à lui, qui saurait quoi faire en cas de doute. Et puis Gorbio n'était pas trop loin de Nice. Le duc pourrait aisément s'élancer à la rescousse du vicomté, en ralliant à lui Monaco qui plus est.

    C'est un homme qu'on dut trouver changer qui descendit de la voiture, devant le parvis. Son visage était pâle, et fatigué. Ses joues s'étaient creusées, et ses traits marquaient indubitablement la traversée de diverses épreuves douloureuses. Tout indiquait un être ravagé du moins physiquement, surtout avec la barbe épaisse qui lui avait poussé, et les cheveux hirsutes qui se dressaient assez aléatoirement sur son crâne, là où la calvitie ne les avait encore pas chassés. Peut-être paraissait-il dépravé, mais intérieurement il fulminait et était en totale possession de ses moyens.

    Quand il grimpa les marches du parvis du château qui était sien normalement, il tint sa cape noire sur son bras. Ses vêtements avaient gagné en obscurité et en sobriété ces derniers mois. Il était vêtu de gris ou de noir, et contrasta fortement avec les couleurs de Morgane. A la hauteur de celle-ci, Antoine s'immobilisa quelques secondes, et observa sa parente, sans mot dire. La tension était palpable. Elle était bien digne de ce nom glorieux de Leostilla. Ou du moins aurait-elle pu en être digne si seulement elle ne s'en était pas pris à un des siens.

    Au milieu des flocons qui voletaient autour d'eux et qui rendaient malgré tout la scène très belle, une brise légère animaient leurs capes, et seules celles-ci donnaient de la voix. Finalement, comme il était invité, Antoine s'avança vers elle :

    - Ma Dame...

    Puis sans ajouter quoi que ce soit, il lui passa devant et pénétra dans la demeure, guidé par les domestiques vers la salle des festivités, tandis que les différentes escortes et gens demeuraient à l'extérieur et dans les dépendances et écuries laissées à leur disposition, prêts toutefois à tirer leurs épées au moindre signe suspect... La soirée serait longue et tendue.





_________________
Morgana.


    Le premier petit nègre à arriver à Ambérieu est l'un de ses oncles, Alessandro di Leostilla, réapparu récemment dans les radars leostilliens. Qui est-il ? Il n'est autre que le père du triste complice de Morgane, Octave. Quand elle le voit gravir le parvis vers elle, elle se pose de questions. Faut-il tout lui indiquer ? Faut-il tout lui apprendre sur le coup de génie de son fils et d'elle ? Est-il suffisamment de confiance pour faire cela ? C'est un di Leostilla ; elle doit tout entreprendre pour l'avoir de son côté. Elle doit alors faire preuve de mesure, de patience, et lui montrer quel est le meilleur des camps. Comment prendrait-il le fait que des milliers d'écus du duché soient cachés là, dans son trésor ? Comment prendrait-il le fait qu'Octave ait trahi d'abord le duché, puis ensuite ses compagnons d'armes, pour rester loyal à sa cousine ? Dame Morgane préfère se taire pour l'instant, et sourire quand il est devant elle. Depuis combien de temps ne l'a-t-elle pas revu ? Il a un peu vieilli, mais comme devant chaque visage disparu depuis longtemps, on est bercé par l'émotivité. La Leostilla est touchée par les premiers mots de son oncle. Elle répond par une très légère révérence et un large sourire.


    - Soyez le bienvenu, mon oncle. Vous revoir est une joie. Suivez le chemin jusqu'à la salle-à-manger. Je vous y rejoindrai avec les autres invités.

    Peu après Alessandro di Leostilla, c'est Laurent di Leostilla qui s'approche de Morgane. Le sulfureux seigneur de Castellar. On l'annonce à sa cousine. Il lui baise la main, selon un protocole parfaitement maîtrisé. Elle lui répond par une révérence et un sourire qu'elle ne prend qu'avec lui. Ils s'entendent parfaitement. Ils sont complices depuis toujours. Alliés dans le crime, joints dans l'action, ensemble dans les projets à venir... Aux côtés de Laurent, la duchesse Floriana de Chenot, l'invitée de Laurent, et donc de Morgane, cela va de soi.

    - Bienvenue Laurent. Va donc, je vous rejoindrai tous plus tard. Votre Grâce, chère Floriana, vous êtes la très bienvenue ici. Merci à vous d'avoir honoré notre invitation. Suivez-donc le seigneur de Castellar.

    L'invité suivant... et non des moindres... c'est Marc-Antoine di Leostilla. Quand Morgane voit les armes du fiacre à la lueur des flammes du jardin, elle inspire avec difficulté, et déglutit plusieurs fois en quelques secondes. Le duc sort de la voiture. Il n'a pas changé depuis le règlement de compte à Nice. Il ne se rase plus, ne s'entretient plus. S'il continue ainsi, il ne ressemblera plus à rien, pense-t-elle. Malgré ce laissez-aller, il garde un charme certain, et un charisme des plus déstabilisants. Il est toujours difficile pour Morgane de se retrouver seule face à lui. Surtout quand il s'immobilise, et reste silencieux quelques instants. Elle ne dit rien non plus, et plonge son regard dans le sien. Il n'y a plus d'affection entre eux, seule de l'animosité. Et pourtant elle sourit. Et quand i la salue, elle répond aussitôt, et d'une voix sûre :

    - Votre Grâce...

    Puis elle s'efface devant lui, lui faisant signe de la main de pénétrer dans le château, et de suivre la rangée de serviteurs et de gardes. Quant à elle, elle reprend ses esprits suite à ce face-à-face psychologique, retrouve une respiration et un battement de cœur sereins, puis s'apprête à accueillir les invités restants.



_________________
Amediane


[14 ans.
Je ne suis plus une enfant.
Pas non plus tout à fait grande.
Dis-moi, maman, ce qui m'attends ... ]


A travers la vitre de la voiture, le paysage défilait relativement vite. Les montagnes s'assombrissaient à mesure qu'ils approchaient du lieu qui verrait sa vie complètement changer. Le soir tombait doucement, étendant ses bras au-dessus du monde, le plongeant finalement dans une obscurité assassine. Amédiane guettait de ses océans la lumière fébrile du soleil qui s'échappait derrière les pics enneigés. Le froid s'échappait de ses lèvres poudrées de rose, formant de petits nuages amusants. Et la puérile Leostilla s'en divertit un temps avant que ses tourments ne reprennent le dessus et que ses prunelles ne replongent dans l'observation de l'horizon, formulant dans son esprit les scenarii les plus dramatiques d'une soirée sulfureuse.

Morgane avait eu l'idée folle de souhaiter organiser son anniversaire et par là même, la cérémonie de la remise du fief laissé par sa mère à ses soins. Et cette idée la tétanisait complètement. Revoir celle qui l'avait faite enlever et utiliser pour faire pression sur son père adoptif, lui était tout bonnement impensable. Mais comment refuser l'invitation ? Sa cousine avait tout organisé, tout prévu, sans lui demander son avis. Elle n'avait été qu'un pion dans son échiquier. Morgane s'était montrée aimante, protectrice lors de la disparition de Marc-Antoine. Aujourd'hui, la jeune fille savait que sa cousine n'avait aucun coeur, aucune pitié. Naturellement, elle doutait que celle-ci n'organise cette cérémonie que dans un but bien précis. Et ce but, encore une fois, ne la concernait pas, elle, Amédiane, petite blonde Leostilla, à la sensibilité inconnue de sa famille. Cette faiblesse qu'elle devait cacher à tout prix car celle-ci, ils ne l'accepteraient jamais.

Combien lui avait reproché ce trait de caractère ? De l'insouciance, cette façon de voir le bien partout et de ne pas faire attention, de ne pas se rendre compte du mal que l'on pouvait lui faire ? Et Morgane en avait usé et abusé, de cette faiblesse. Ses larmes, son amour des autres, son désir de bien faire, toujours, tout le temps. D'autres que sa famille le lui avaient également reprochés. Mais rien n'arrivait à modifier la petite Leostilla, en marge de sa famille si respectée. L'ex-chancelière avait fuit la Savoie pour la Lorraine. La raison était simple. Un décès qui l'avait bouleversée, un conseil ducal qui ne croyait pas en elle, un amour interdit, une prise en otage familial. Elle s'était précipitée à la recherche d'une bouffée d'air, d'un autre monde où se réfugier. Son père s'étant retranché à Nice, elle ne s'était pas senti le droit de l'humilier encore plus et de lui faire part de ses soucis. Solitaire, la gamine Leostilla s'était aventurée seule sur les chemins.

Et la Lorraine avait été sa retraite. Elle y avait continué son travail d'ambassadrice. Elle avait été accueillie par les Habsbourg. Ils lui avaient fait visiter la Lorraine et elle s'était un peu amusée, oubliant le temps de quelques semaines la peine qui était en elle, en Savoie. Ce retour ravivait les marques de son coeur.

A l'approche d'Ambérieu, son coeur se serra. Elle s'y était déjà rendue, quand César était vivant. Morgane souillait de sa présence ce lieu préféré de son presque frère. Et être anoblie en son château était un privilège qu'elle aurait aimé partager avec lui, qui n'était plus. Une larme s'échappa de ses yeux bleus. Ils étaient posés sur la bastide dont les flambeaux chassaient les ombres de la nuit. Le carrosse s'introduisit dans la cour et s'arrêta devant le parvis où se dressait la silhouette bien connue de la jeune fille : Morgane. Un frémissement parcourut l'échine d'Amédiane. La porte s'ouvrit. Pour se couvrir du froid et des flocons qui tombaient lentement dans le ciel, Amédiane posa sur sa chevelure une capuche de fourrure blanche et de soie argentée dont le tissus se prolongeait en une cape assortie, mêlant des bandes de soie à de la fourrure immaculée.

Posant un pied sur le sol glacé, la jeune fille se redressa face à sa cousine, posant un regard plein d'appréhension. Sa robe précieuse, bleue et blanche mêlée de fils d'argent renforçait ses prunelles écumées de mer. Elle s'approcha de Morgane, souhaitant faire bonne figure malgré leur passé récent. Elle lui fit une légère révérence.

Cousine, je suis heureuse de vous revoir ce soir. Vous êtes radieuse. Je vous remercie pour cette fabuleuse soirée que vous avez organisée en mon honneur.

Courtoise, la jeune fille espérait, malgré ses craintes, que Morgane avait peut-être changé. Après tout, sa cousine avait obtenu ce qu'elle voulait. Souhaitait-elle faire amende honorable en se montrant gentille ? Le serpent pouvait-il cesser de mordre ? La sorcière pouvait-elle cesser de lancer des mauvais sorts ? L'avenir proche le dirait bientôt.

_________________
Floriana.de.chenot
    J'étais prête. Comme ma grand-mère Alinoë, je n'aimais pas faire attendre. C'était un défaut. Les grandes dames doivent se faire désirer. Ma grand-mère avait été une très grande dame et je préférais faire comme elle.

    J'avais reçu une invitation quelques jours auparavant. Dame Morgana Di Leostilla, m'invitait à un souper et pas n'importe lequel, c'était en réalité pour un anniversaire, celui de sa jeune cousine Amédiane. L'invitation me surprit, n'étant pas proche de cette dame ni de la famille Di Leostilla.
    Je croisais bien sur le Duc de Nice au ban avant qu'il ne se retire. Puis je compris, j'étais devenue plus proche d'un de ses membres, Laurent. Nous échangions correspondance.

    Je portais une belle robe marron et or que m'avait confectionnée mon autre cousine chérie, Melisende Von Kolspinne dans ses ateliers de Bielle. L'autre cousine était Lisa de Bouvignes.

    J'étais encore dans mes appartements quand on vint m'annoncer que le Seigneur de Castellar était arrivé et m'attendait dans le petit salon.
    Dès que j'entrai, Il vint à ma rencontre, enlevant son gant pour m'effleurer la main. Je tenais les miens, ne les ayant pas encore enfilés.


    - Je suis heureuse de vous voir, Seigneur. Avez-vous fait bon voyage ?


    On me porta mon manteau de fourrure blanc et nous partîmes sur le champs. Nous devisions pendant le trajet, parlant politique entre autres choses.
    Arrivés au château, Dame Morgana attendait sur le seuil. Après l'avoir salué, elle nous invita l'attendre dans la salle à manger.
    Comment allait se dérouler ce repas ?

_________________
Beyrac
C'est avec une mine fermée que Beyrac s'apprêta à son hôtel belleysan pour se rendre à l'invitation bugeysienne. Il n'y avait aucun enthousiasme chez lui et il avait un temps pensé refuser, ne cultivant plus que des liens assez distants avec la famille Leostilla. Le Duc de Nice était retiré depuis de longs mois et avait manifesté une certaine indifférence voire une certaine froideur envers son fidèle. La jeune Amédiane s'était quelque peu perdue, tourmentée entre les déceptions sentimentales et les tiraillements familiaux. Quant à Morgane et Laurent, le loyalisme de Sigebert faisait qu'il conservait ses distances d'une manière générale, bien qu'il n'eût pas d'hostilité irréductible envers leurs personnes.

Ambérieu n'était pas très éloigné de Belley. C'était un argument pour se rendre quand même à l'événement. Et puis, il était quand même le parrain d'Amédiane. Il n'avait pas souvenir de s'être rendu à la citadelle du temps où elle était tenue par feu son ami le Duc César. Ce serait l'occasion.

C'est à cheval et seul que le Chancelier de Savoie se présenta aux herses bugeysiennes. Beyrac était un homme agile, guère engoncé dans les lourdeurs protocolaires, les gardes et autres choses de prestige. S'il goûtait le luxe de l'apparat, il répugnait en revanche aux précautions innécessaires boursouflant sa suite. Et il préférait le cheval à la voiture. Rare saillie rurale chez un homme profondément citadin et mondain.

Il tâcha de mettre de côté son état d'esprit soucieux et las pour arborer une figure courtoise à défaut d'être véritablement solaire comme elle savait l'être. Trop de nuages s'amoncelaient sur sa tête froide en cette fin du mois de décembre pour qu'il pût avoir avec les choses et les gens le naturel ouvert qui était le sien. Le poids des affaires de l'Etat et des querelles politiciennes occupaient trop son esprit pour laisser une place aux réjouissances privées. D'autant qu'il avait rarement été aussi seul, et que c'est comme tel qu'il se présentait à la maîtresse des lieux, en terrain peu amical :


Ma Dame. fit-il en s'inclinant et en baisant avec courtoisie la main de Morgane qui accueillait les visiteurs, tandis qu'un laquais conduisait sa monture à l'écurie.

Il l'ignorait, mais l'apostrophe avait été la même que celle du Duc de Nice qui l'avait précédé. Sans doute un écho à leur ancienne proximité.
Pierre_von_kolspinne
Mille quatre cent soixante quatre. Cela faisait mille quatre cent soixante quatre ans, moins un jour, qu’était supposé né un mystique nommé Christos dans un coin perdu de Galilée. Supposé car à y regarder de plus prêt, cher lecteur, rien n’est moins sur. A commencer par les récits qui décrivent les troupeaux à l’air libre, très peut conforme avec l’hiver, même sous des latitudes plus clémentes que les notre. Cette date du 25 décembre n’a été retenu que quatre siècle plus tard pour tenter, et réussir, à remplacer les fêtes païennes se déroulant à la même période de l’année. Et puis l’année exacte n’est pas très sure non plus. Il est mentionné que l’événement se serait déroulé sous le règne d’Hérode. Hors Hérode le Grand est mort en l’an -4. Soit plus tôt que la naissance supposée. Et en outre il est mentionné un recensement qui n’a eu lieu qu’en -6 ou -7. Dés lors Christos serait né bien plus tôt que prévu.

Mais après tout, peut importe ce qui se passa en Galilée sous Hérode, et la date précise de cet événement. Peut importe car ce qui intéressera notre récit, c’est la naissance, ou du moins l’anniversaire de la naissance, d’une enfant, devenant en ce jour femme, quelque part en Savoie.

Ainsi donc le récit de cette soirée débutera, pour ma part, par une voiture aux armes flamboyantes, entremêlées de vieilles familles savoyardes, de quelques terres de par nos vallées, et d’un peu de Pologne. Ce véhicule, cahotant sur les routes incertaines reliant Culoz et Ambérieux, Ambérieux en Bugey, à ne pas confondre avec Ambérieux en Dombes, transportait le couple princier Von Kolspinne. Mode de transport inhabituel pour le Valendras, lui qui usait bien plus volontiers de la selle et du cheval.

Récipiendaires d’un courrier d’invitation, Pierre avait tenu à ne donner aucune réponse. Il semble qu’il avait voulu laisser planer le doute quand à leur participation. A quelles fins ? Peut être désir malsain de se faire remarquer ? Ou alors hésitation quand à leur participation effective ? La guerre qui avait impliqué sa maison, après tout, avait laissé quelques traces et pouvait laisser craindre quelques mauvaises aventures. Celle qui les invitait n’avait elle pas, délibérément, laissé la peste derrière elle ? Ils avaient alors été troublés, décontenancés, mais savaient désormais quelles étaient les manœuvres de la Leostilla. Ou alors, tout simplement, n’avait il pas eu le temps, pris par d’autres occupations. Mais, comme nous l’avons déjà dit, il semble bien que cet oubli était volontaire.

Toujours est il que, sans attendre, ils étaient venus s’installer en Bugey, dans leur baronnie de Culoz, celle que Pierre tenait de son défunt géniteur. Et cela sans prévenir personne. Le déménagement depuis Challes s’était opéré de nuit. Et avec une suite réduite. Comme s’ils avaient voulu que leur arrivée en ce lieu passe inaperçu. Que firent ils une fois sur place ? Difficile à savoir. Je n’ai pas réussi à mettre la main sur le moindre document où le Valendras donne, ne serais ce qu’une idée, sur la façon dont il occupa ses journées. Une seule certitude : ils étaient en Bugey le 16, c’est à dire qu’ils n’avaient pas perdu de temps pour venir. Quelques rumeurs, dans leur suite, laissent entendre que, tout les jours, Pierre sortait du château, habillé comme un gueux et accompagné de trois fidèles, en semblable accoutrement.

Subsiste, en fait, un seul et unique document de la période où ils étaient à Culoz, signé de la main de Pierre. Et ce document ne peut que nous pousser à nous interroger encore un peu plus. Il s’agit d’un simple croquis du château de Saint Germain, à Ambérieux, en Bugey donc.




Et tout ceci mit bout à bout ne peut que nous laisser un goût étrange en bouche : le prince de Bytom se faisait il discret afin de mieux observer ? On pourrait être tenté de le croire. Mais qui sait réellement ?

Le véhicule qui transportait le couple Von Kolspinne, en tout cas, n’avait aucune chance de passer inaperçu. Flanqué d’une solide escorte, on aurait pu croire qu’ils craignaient de courir au devant se quelques embûches.

Saint Germain était une fortification imposante. De celles que l’on considère facilement comme inexpugnables. La construction datait du XII° siècle et constituait donc une nouvelle représentation des fortifications féodales classiques. Comprenant la haute cour noble à l’ouest et la basse cour, refuge à manants, à l’est. La Demeure seigneuriales, qui jouxtait le mur séparant les deux cours, dominait la plus haute des deux. Une chapelle s’y trouvait à proximité. Face à elle, à l’extrême ouest de cette haute cour, était percée une porte de forme ogivale qui donnait accès au Bourg, lui même entouré de fortifications prolongeant le mur de séparation des deux cours.

Les voyageurs avaient traversé le bourg et avaient passé la porte ogivale sans le moindre soucis. A partir de l’entrée dans le bourg, Pierre s’était porté à la fenêtre de sa voiture et avait semblé observer attentivement tout ce qui se passait. Une fois la porte passée, ils étaient descendu de leur véhicule. Sur leur gauche se tenait les écuries. Tournant la tête vers la droite, ils pouvaient apercevoir le cellier. Et face à eux, à une trentaine de mettre, se trouvait le logis seigneurial. La chapelle, à l’entrée, se trouvait sur la gauche, derrière un petit mur de fortifications. Derrière cette chapelle, une petite tour qui flanquait le mur de séparation des deux cours. Sur leur droite, flanquant le même mur, se trouvait la tour maîtresse de la demeure. Et entre les deux, l’aula, la salle de réception, à l’entrée de laquelle se trouvait Morgana.

Laissant derrière eux la majeure part de leur escorte, s’encombrant seulement de trois hommes de confiance, sans doutes les trois mêmes qui accompagnaient Pierre dans ses mystérieuses excursions, ils s’avancèrent vers leur hôtesse. Ces trois hommes accompagnaient Pierre en toute occasion. Ils étaient trois fidèles, parmi les fidèles, que nous aurons sans doute l’occasion de décrire ultérieurement. Le premier, Espan du Lion, était rusé comme un renard. Le second, Arnaud Guilehm de Moncade, était la fidélité même. Quand au dernier, Arnauton d’Espagne, il s’agissait d’un colosse, fort comme un bœuf.

Quand ils arrivèrent à hauteur de leur hôtesse, Pierre s’inclina légèrement, lui pris la main et la baisa.


Le bon soir Madame.

Et désignant du regard ses trois acolytes.

J’espère que vous ne prendrez pas ombrage à ce que je me sois fait accompagner par mes amis.
Morgana.


    C'est ainsi que les petits nègres s'enchaînent. Le suivant n'est autre que la principale intéressée. Amédiane di Leostilla. L'ingrate, pense Morgane en la voyant s'avancer. Au moins est-elle bien vêtue pour cette soirée mémorable. Son aînée la regarde progresser vers elle, et ne peut réprimer un certain rictus méprisant. Ce qui, avec le sourire qu'elle se force à afficher, lui donne une mine assez terrifiante. Elle observe la révérence d'Amédiane, mais n'y répond point. La jeune fille n'est rien. Rien. Morgane vient vers elle et l'enlace rapidement, quasiment sans le moindre contact. Puis elle recule, s'efface et lui propose d'entrer.


    - Je suis heureuse de te revoir aussi, petite colombe. Comme tu as changé. Avance, et rejoins les premiers arrivés. Nous allons commencer.

    Elle l'accompagne quelque peu, puis revient au parvis où un cavalier étrange descend de sa monture. Sigebert de Beyrac, seul, sans escorte. Ah, il est venu, pense Morgane. Soit il est fou, soit il ne tient que très peu à sa vie. Peu importe. Elle ne l'aime pas. Il n'est pas grand-chose, le petit baron qui gravit les échelons de maître en maître. Comment réagirait-il face au duc qui lui a donné sa toute première chance ? Quel ingrat, lui aussi, songe-t-elle. Reconnaissance, zéro. Tous, autant qu'ils sont. Il baise sa main. Très bien. Elle lui retourne une révérence tout aussi parfaite.

    - Baron. Je ne pensais pas vous voir. Votre dernière lettre m'a quelque peu déçue, je dois l'avouer. Mais avec ou sans vous, j'ai pour habitude de remporter les combats que je mène.

    Elle lui sourit, tout aussi carnassière. Elle lui en a voulu, certes, de son non soutien à la mairie. Il faut aussi se rappeler qu'il a rejoint Marc-Antoine et qu'il a assiégé Nice avec lui. Elle ne l'oublie pas. Peut-être a-t-elle tenté de le racheter quand elle lui a écrit... Qui sait quelles étranges choses se passent vraiment dans les cerveaux des di Leostilla... Morgane invite Beyrac à entrer dans la demeure.

    Les prochains petits nègres sont Pierre et Mélisende von Kolspinne, les hérauts de la cérémonies à venir. Ils sont venus, par bonheur. Eux aussi doivent être légèrement fou. Après tout, ils ont été là, à Gorbio, à Nice... Moins fous cependant que Beyrac, ils sont bien escortés, et ils poussent même le vice jusqu'à imposer à Morgane trois de leurs serviteurs armés. Mais à vice, vice et demi. Ce n'est pas à la Vipère qu'on joue de tels tours. Elle fait une révérence au couple, comme ils l'ont bien saluée, puis rétorque en leur faisant signe d'avancer vers l'intérieur :


    - Bienvenue à vous deux, vos Altesses. Je vous en prie, vos hommes sont les bienvenus eux aussi, tant que vous ne prenez vous-même point ombrage des divers hallebardiers et arbalétriers qui veilleront sur nous tous ce soir.

    Il ne manquait plus qu'Amalio di Leostilla, et la duchesse régnante. Viendraient-ils ? N'ayant point reçu de réponses à ses invitations, Morgane décide d'attendre encore un peu, puis elle rejoindrait les autres pour commencer la soirée.

    Sera-ce un Réveillon pourpre ? Un Noël sanglant ? A suivre...



_________________
Laurent.leostilla
L'attente ne fut pas longue pour le Castellar, à l'intérieur du petit salon où il fut conduit par un des serviteurs de la duchesse. Il s'était approché de l'âtre pour y réfléchir et patienter. A son entrée, le Leostilla s'était incliné respectueusement, écoutant la voix mélodieuse qui l'avait accueilli.

Nous sommes heureux de vous rencontrer enfin, Damoiselle. Nous avons fait excellent voyage. Permettez-nous de vous complimenter pour votre beauté. Vous êtes bellissime.

L'aidant à revêtir son manteau de fourrure, osant prendre la place de sa domestique, Laurent lui offrit son bras pour l'amener à son carrosse. Il l'aida à monter à l'intérieur avant de la suivre et s'installer en face d'elle. Naturellement, ils s'étaient mis à discuter de toute sorte de sujet passionnant qu'ils partageaient depuis quelques temps par courrier.

Ambérieu, le soir du réveillon de Noël

Sur le parvis du castel, Morgane jouait les hôtesses bienveillantes. Laurent n'avait aucune idée de ce qu'il se passait dans la tête maléfique de sa cousine. Il aida à descendre Floriana et l'accompagna sur les marches menant à l'intérieur. Ils eurent un regard échangé, étrange, comme toujours. Mais pour une fois, ce soir, le Leostilla n'avait pas en tête de chercher à comprendre sa cousine. Il avait d'autres préoccupations. Il avait fait venir un présent pour sa jeune cousine, pour son anniversaire. Le paquet assez conséquent fut emmené à l'intérieur et placé dans la salle avec d'autres.

L'invité surprise fut Alessandro. Laurent n'avait pas souvenir du fameux Leostilla. Mais son visage lui rappelait des portraits muraux à Nice. Il eut un murmure à Floriana, discret, alors qu'il l'amena près d'un âtre qui la réchaufferait. On la débarrassa de son manteau et de la cape de Laurent, ainsi que de ses gants.

Nous sommes ici dans l'antre des Leostilla. Cet homme doit être un Leostilla mais nous ne sommes pas sûr de son nom. Nous ne nous souvenons pas de lui. Allons le saluer.

Approchant d'Alessandro, Laurent s'inclina.

Cher Parent, nous sommes Laurent di Leostilla. Nous sommes honoré de vous revoir parmi nous. Nous vous présentons notre amie et invitée, sa grâce Floriana de Chenot.

Une coupe de vin fut servie au passage.
_________________
Pierre_von_kolspinne
Pierre répondit simplement à leur hôtesse avec un léger sourire. D’après ce que j'ai pu comprendre, du peut qu'il en dit, il ne s'attendait surement à rien de moins qu'à ce que lui annonçait Morgane. On disait les Leostilla fous. L'étaient ils réellement ? En tout cas rien ne prêtait à penser que leur sois disant folie les portait vers l'inconscience. Hors il aurait été totalement inconscient de préparer telle fête, d'avoir tels invités et de ne pas se prémunir quelque peut. Et Morgane était une Leostilla. Du reste lui même, en pareille circonstance, aurait pris des précautions équivalentes. Aussi le Valendras n'afficha pas le moindre début d'étonnement.

En revanche ce qui l’étonnât grandement, mais qu'il ne laissa pas voir, ce fut que la Leostilla les accueillit de la sorte, seule. Elle s'exposait de façon inconsidérée. Très discrètement il avait passé sa main sur sa houppelande. Et s'il avait senti quelque chose de dur, n'allait pas imaginer que c'était là le témoignage du bonheur de voir leur hôtesse. Tout aurait pu se finir là, rapidement, et en toute simplicité. Mais les Leostilla n'étaient pas inconscients, rappelons le. A l'évidence elle devait avoir conscience de tout cela, et si elle était là, dans cette posture, c'est que sans doute elle en avait déjà mesuré tous les risques. Sans doute avait elle voulu, ainsi, démontrer quelle n'avait nullement peur et ainsi en imposer à ses invités, prendre un ascendant sur eux.

Mais il y avait fort à parier qu'elle avait une protection cachée. Aussi les Valendras allèrent rejoindre ceux qui les avait précédé. En ce portant à l'entrée de la salle de réception, Pierre commença par regarder, un à un, ceux qui étaient déjà là.

A commencer par un homme, seul, la quarantaine passée. Il l'avait croisé à la chancellerie et avait échangé avec lui, sur quelques sujets d'importance. Il avait, pour la première fois, vu son nom dans les annonces de la chancellerie, quand celui si avait acquis le prédicat d'excellence. Alessandro Di Leostilla. Pierre lui fit un salut, d'un simple mouvement de tête.

Venait ensuite Marc Antoine. Il avait l'air sombre. Ou plutôt, non, il était d'une paleur qui fit frissonner le Valendras. Son vieux complice avait, sans le moindre doute, passé enfermé à se morfondre. La perte de son fils ainé avait été rude pour lui. Pierre lui fit un sourire et le salua d'un autre mouvement de tête.

Puis venait celle qui, normalement, devrait être au centre des attentions. Mais à la réflexion, rien n'était moins sur. En tout cas Amediane paraissait comme un agneau entouré de lions. Pierre la salua également.

Enfin, il aperçu Tournefort. Un mouvement machinal poussa sa main à aller tâter la dureté qu'il avait testé tout à l'heure qui n'était, toutefois, toujours pas le témoignage d'un plaisir. Le Valendras avait eu un rictus. Il avait cru, il y a deux mois, que l'homme pourrait représenter un espoir de renouveau pour la Savoie. Il n'en était rien. L'homme paraissait brillant en public, tout autant qu'il paraissait à Pierre, aujourd'hui, lâche et sournois, habité de sa seule ambition. Pour celui là, sans doute, aucun garde n'aurait fait le moindre geste.

Il détourna son regard du chancelier savoyard. Un silence embarrassent régnait. Chaque présent semblait à l'écart des autres. Aussi le Valendras fit son choix. Et c'est vers la jeune femme qu'il se dirigea. Lui baisa la main.


Bonsoir Amediane. Comment allez vous ? C'est un moment important que vous vous apprêtez à vivre.

A peine avait il prononcé ces quelques paroles qu’apparurent le Castellar et Floriana. Pierre fut surpris de voir une De Chenot invitée à une fête leostillienne. Il adressa un sourire et un salut chaleureux aux deux, Laurent se portant vers Alessandro.
Amelio_
En effet, aucun retour n’était parvenu à la Di Leostilla. Tout simplement parce que notre blond n’avait pas daigné y répondre. Non pas qu’il souhaitait insulter sa cousine, non… Simplement parce qu’il avait été bien de trop occupé à étudier. L’hiver était la saison parfaite pour se retirer au monastère. Et le monastère, étrangement, était un lieu qui plaisait énormément a Amalio, il s’y sentait à son aise. Le silence, l’ordre et l’organisation simple des journées étaient tout autant de choses importante pour son équilibre. Surtout après les derniers évènements. Si il était fier d’avoir sauvé sa jeune cousine, si il était heureux d’avoir prouvé a son oncle qu’il était digne de confiance, son âme devait être lavée des péchés qu’il avait commis. Et sans doute, que ne pas répondre à sa cousine allait être un péché de plus a se faire pardonner.
Mais ma foi… Il avait tout de même daigné sortir de son monastère, à contre cœur, et uniquement parce que l’abbé lui avait clairement signifié que si il ne se présentait pas ce n’était pas unqiuement sa cousine qu’il insulterait, mais la totalité des invités…
Cependant, il était en retard, pas de beaucoup certes, mais ce petit affront suffisait entièrement a satisfaire le jeune homme. Aussi c’est endimanché mais tout dans la sobriété que réclamait son futur statut de clerc que le jeune Leostilla fit son entré sur les terres de celle qui avait mordue la main qui la nourrissait…
Une fois descendu de voiture le jeune homme se dirigea vers la maitresse de maison… Un baise main parfait à une femme qui n’en était pas moins parfaite. Elle était belle la vipère… Elle avait cette beauté qui poussait aux péchés… Une chose de plus qu’Amalio méprisait chez les femelles… En plus de leur tendance à se croire égales des hommes, leur conversation inutiles, leur tendance a l’hystérie et aux larmes.
Mais c’était sa cousine. Et il aimait cette famille, même si cela signifiait devoir supporter les discutions futile et sans intérêts de jeunes gourdes…


Ma Dame, veuillez pardonner mon retard, mes études mon tenu éloigné d’Empire un moment… J’ai été si honnoré par votre invitation que je n’ai point pu me résoudre a vous envoyer un vulgaire coursier pour vous répondre et ai-je décidé de prendre la route… Mais l’on m’a menti… Votre domaine est bien plus éloigné de mon monastère que ce que j’avais prévu. J’espère que vous saurez pardonner à ma pauvre personne cet immonde affront.

Le tout fut assorti d’un sourire contrit et d’un air on ne peut plus aimable. Oui, le nombre de flagellation journalier venait d’augmenter. Une chance que ce fut le dos de son serviteur et non le siens qui prenait !
D'ailleurs c'était le pauvre martyr qui le dos courbé les yeux sur le sol, servait d'unique escorte au jeune homme. Il gouterait son vin et sa nourriture, car il n'y avait pire mort que celle par le poison.
Lèche cul… Lèche bottes… Futur ecclésiastique, oui un jour il devra prétendre aimer le merdeux et la pauvresse… Autant qu’il s’entraine le plus tôt possible, histoire d’être crédible !
See the RP information <<   1, 2   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)