Morgana.
Quand Morgane va faire demi-tour et se rendre auprès de ses invités, un nouvel arrivage a lieu. Il s'agit du soi-disant Leostilla que Marc-Antoine a ramené de Rome. Son neveu. Elle est dubitative. N'importe quel opportuniste aurait pu dire qu'il appartenait à la glorieuse dynastie. Qu'est-ce qui a fait croire au Niçois qu'il disait la vérité ? Sans doute quelques documents volés, et des renseignements lancés au hasard mais qui ont fait mouche... Le maudit a surtout réussi à empêcher Morgane de récupérer Amédiane, en combattant la petite troupe menée par messire de Saint-Julien. Elle saurait s'en souvenir... Mais en attendant, elle offre un sourire de circonstance à ce nouveau cousin, l'invite à entrer dans le château et lui dit :
- Le retard n'est pas un affront, messire cousin. L'absence en revanche peut l'être. Mais vous êtes venu, ce n'est au moins pas comme la volaille couronnée qui nous sert de régnante. La famille saura se rappeler, et la salue bien. Peut-être pourrions-nous lui donner la Bresse comme fief de retraite ? Elle serait auprès de ses semblables ainsi !
Elle voit des poignards levés, des cris, du sang, des corps par terre. En ce moment, ce genre de visions la rassure, loin de l'inquiéter. Qui sait quand elle les mettra à exécution ? Ce soir ? Quand Amalio disparaît, Morgane soupire. Alors, de derrière un pilier, sort le puissant garde du corps de la di Leostilla, le Limier, tout en armure et en armes. Pierre von Kolspinne l'a bien deviné. La Vipère l'entend dans son bruit de métal, et avec son souffle de buf. Elle quitte alors le parvis. Tout le monde est plus ou moins là. Elle ordonne à son bras droit de fermer les portes, et tous les deux se réfugient à l'intérieur.
Ils déambulent dans les couloirs, suivant le tapis pourpre installé pour l'occasion, ainsi que les gardes et valets qui formaient une allée sereine, ou inquiétante. Le Limier sur les talons, elle parvient dans la salle des festivités. Deux tables de banquet sont disposées le long des murs, proposant les mets de Noël les plus raffinés. Les domestiques proposent des godets du vin le meilleur. Les tapisseries le long des murs portent les armes du Bugey, le terrible Lion qui faisait ombrage au Lion Antoine, ainsi que celles, glorieuses, des di Leostilla. L'ambiance est terne, grise, triste, assombrie par un nombre insuffisant de chandelles allumées. Dans les hauteurs de la pièce, sur le balcon d'honneur, quatre musiciens commencent à jouer les airs les plus connus. Les cordes grincent, l'air grave. Prennent alors place, à l'étage, au-dessus des invités, une dizaine de soldats aux armes du Bugey. Morgane ne montre pas qu'elle est satisfaite. Cela sent le traquenard à plein nez.
- Bienvenue à tous ! et merci d'avoir honoré cette invitation à célébrer Noël, et l'anniversaire de demoiselle Amédiane. Le banquet, et le vin sont à vous !
Pourtant, elle s'approche d'Amédiane et de Pierre, invitant le duc de Nice à les rejoindre.
- Ma petite colombe, votre Altesse : nous vous écoutons pour ce début de cérémonie, mon Prince.
Elle lui propose un sourire, et accepte le verre qu'un domestique lui tend sur un plateau. Le portant à ses lèvres, elle écoute le héraut de Savoie en action.
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