Theodoric_
Chouette ! Une fête !
Faut bien comprendre qu'en PA, le seul sujet d'amusement, c'est la prévôte et ses fringues hors de prix. Au fond de lui, Théo la haïssait, mais il fallait bien avouer qu'elle le faisait rire. Durant tout le trajet qui les ramenait à Périgueux, lui qui avait réussi à s'incruster avec femme et gosse, il n'avait eu de cesse de bercer son bébé près des oreilles d'Orkaange. Et vu qu'il s'y prenait comme un manche, le petit Grégoire Clodomir beuglait, et vu qu'il beuglait, Orkaange n'aimait pas ça. Il espérait, tout innocemment, qu'elle finisse par avaler sa langue et meurt dans de terrible souffrance. Cela aurait fait une bonne leçon à son fils "Tu vois, Grég', nous les Walburghe, on peut tuer les gens rien qu'en existant, c'est dingue, ça, naaan ?" Mais cela ne s'était pas produit. Au lieu de ça, ils étaient arrivés sans encombre et la Prévote n'avait même pas essayé d'étouffer le gamin.
Et puis aujourd'hui, la foule était rassemblée dans les ruelles sales et encombrées de la capitale. Un événement majeur avait lieu à Périgueux : la pénitence d'Isolda. La gentille dame qui avait failli piller Cahors et que la Guyenne, bien incapable d'assurer sa propre justice chez eux, avait envoyé en PA. L'affaire avait été close très rapidement. Théodoric, en tant que procureur, avait demandé une peine d'une cruauté sans nom : le supplice de la chèvre. Vous êtes assis en hauteur et une chèvre vient vous lécher les petons. Mais au lieu de cela, la juge, Monseigneur de lÉjaculée Conception, qu'il vénérait plus que tout, avait demandé une peine beaucoup plus clémente : se balader dans les rues de Périgueux accompagné du père Sifflard. Théo avait été déçu, il aurait préféré son supplice à lui.
C'est donc un procureur un peu dépité qui s'était mis en hauteur, au première étage d'une taverne, pour voir passer le défilé. Sur son petit balcon, fromage, pain et vin de Mombazillac, pour apprécier comme il se doit, en bon noble Normand, l'humiliation publique d'une femme.
Agitant son petit drapeau : "Angoulême !" En référence à Monseigneur d'Angoulême, il beugla à l'adresse de la blonde Juge :
HOURRA MONSEIGNEUR ! J'AURAIS QUAND MÊME PRÉFÉRÉ QU'ON LA TORTURE, MAIS BON, L'HUMILIATION PUBLIQUE C'EST QUAND MÊME TRÈS EFFICACE !
Nan mais tahu comment il fait de la lèche ?! Ben oui, mais Théo, avant d'être au service du Comté, était surtout serviteur servile et dévoué de la cause Aristotélicienne et des Évêques qui sortaient de l'ordinaire. Une décision prise par un Prince de lÉglise était obligatoirement une décision juste, même si cela ne lui plaisait pas.
Puis, la condamnée arriva, et Théo siffla son verre de vin blanc, jusqu'à ce que...
Oh, par Aristote !
Mais elle était nue ?! Théo en laissa tomber son verre de vin, et se cacha les yeux. Il n'avait jamais vu de femme nue avant, hormis son épouse, mais ça ça compte pas. Très vite, de la foule, montèrent des quolibets, puis, il y eut une altercation. Théo, écartant légèrement les doigts comprit que cette décision, pourtant sainte et juste ne plaisait pas à tout le monde. Agitant de nouveau son drapeau "Angoulême", le Walburghe hurla à l'Evêque :
Vous laissez pas démonter, Monseigneur ! Vous avez prit une excellente décision en demandant à ce que cette femme soit traitée comme une catin et humiliée publiquement ! Écoutez les gens ! Le peuple vous remercie, le peuple vous adore ! ILS VOUS AIMENT MONSEIGNEUR !
En réalité, le peuple commençait à s'agiter. Mais Théo qui ne fréquentait jamais la populace, ne le comprenait pas. Les gentils sauvages, à ses yeux, prenaient juste un peu de bon temps. Une révolte, des barricades, il ne pouvait le concevoir. Et puis, jamais un paysan n'oserait s'en prendre à un duc comme lui. Manquerait plus que ça... Le Très Haut, gardien de l'ordre social, foudroierait immédiatement ledit paysan pour sauver la vie du Noble. C'était bien connu, m'enfin ! La vie d'un riche compte bien plus que celle d'un pauvre, aussi Aristotélicien soit il.
Une femme se présenta pour aider Isolda, tandis que Soeur Robert tentait tant bien que mal de contenir la foule. Alors là, Théo vit rouge. Mais keskel fait, elle ?! Elle va pas interrompre la représentation ?!
Ha bah merci hein ! Merci de gâcher le spectacle nomého ! J'ai payé moi pour voir ça putaiiiin ! Mais ouate ze feuque ! Vous êtes qui sérieux pour gâcher le plaisir des honnêtes gens, bordeeel ! Z'imaginez pas la vie que le peuple endure : travailler, travailler, payer des impôts, subir les coups de fouets. Alors pour une fois qu'on lui offre de quoi se divertir v'nez pas nous faire chier, sérieux !
Des "OUAAAAIS !", "C'EST CLAIIIR !" ou bien encore des "A QUAT' PATTE LA VOLEUSE ! A QUAT' PATTE" jaillirent de la foule.
Aaaah, flatter les plus bas instincts de la populace. C'était une première, et Théo adorait ça. L'ordre, c'était dans les églises. Pas dans les rues. L'ordre, c'était le Très Haut, l'autorité des prêtres, pas celle des autorités temporelles. Si tout cela pouvait virer en émeute, finalement, il n'en serait pas si triste que ça. Cela prouverait à tout le monde que l'Eglise était essentiel au maintient du peuple. Et puis, cela montrerait aussi que la Prévote était une incompétente crasse... Gnéhéhéhé.
A MOOOORT LA CONDAMNEE !
Ha, le joyeux luron. A peine beuglé, le slogan devint à la mode. Et chacun espérait enfin que le vrai spectacle allait commencer : une mise à mort en bonne et due forme. Puis, quelqu'un cria "Au feu" et les cloches sonnèrent. Un incendie ?! Raaaaaah, mais fallait vraiment que tout soit gâché !
PETRICORIENS ! LA VILLE BRÛLE CAR C'EST LA VOLONTÉ DU TRES HAUT ! PRIIIEZ ! PRIIIIEZ POUR VOS ÂMES SOUILLÉES !
Se précipitant hors de la taverne, craignant de la voir flamber, il rejoignit la rue, où un petit attroupement de pieux aristotéliciens s'étaient mis à genoux et pleuraient. Théodoric leur dit :
Êtes vous réellement assez purs, pour aller au Paradis Solaire ? Je ne crois pas, car vous avez de l'argent sur vous ! Et l'argent est mal ! L'argent, c'est le vice, ce qui corrompt les conseillers ! Ce qui finance les campagnes royales des sodomites notoires ! Comment feraient les brigands pour se nourrir s'ils n'avaient pas d'argent hein ?! Alors donnez moi vos bourses, que je les porte à la Cathédrale, pour expier vos faute.
Une pluie d'or lui tomba sur le coin de la gueule. La naïveté avait du bon c'était certain. Empochant le tout, il se dirigea vers l'attroupement comtal, dans la rue. Juste histoire d'en rajouter un peu plus. Croisant Soeur Robert et Orkaange qui mettaient en route la chaine de sceaux d'eau, Théo leur décocha un :
Sérieux, je n'ai jamais vu un service d'ordre aussi déplorable. J'ai mal à mon pértri...heu Perigord. Oué. C'est de votre faute si c'est le bordel...
Nan parce que oui, Théo pouvait aussi jouer le mec outré. Faussement scandalisé. Il adorait ça, en fait, le bordel.
Voyant lÉvêque d'Angoulême avec la Comtesse, il s'inclina profondément devant Elizabeth, puis dit un vague et méprisant, en retroussant les narines comme si elle venait de lui larguer une grosse caisse dans le pif :
Ha vous, êtes là vous ?
Il prit un air gravissime et dépité :
C'est la volonté du Très Haut toussa, hein. N'en doutez pas !
Puis, concernant le céleri, il dit à voix très haute, pour que les fuyards dont les maisons allaient certainement brûler entendent bien :
Comtesse Keyfeya ! Vous faisiez la cuisine ?! Ne me dites pas que c'est vous qui avez laissé votre marmite sur le feu trop longtemps ?! Que c'est à cause de VOUS que la ville flambe et que le petit Corentin, de son prénom, risque de mourir brûlé vif dans l'incendie de sa maison ? Z'avez pas fait ça, Comtesse ? NAAAN ?
Ouais, on appelle ça souffler sur les braises...
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