Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3   >   >>

[RP] Le Petit Monde de Key

Fauve_ebene
A la porte qui s'était ouverte, à ce regard amical, presque maternel qui se posait sur moi, je m'apaisais un peu. Déjà je sentais que j'avais bien fait de venir me confier à elle.
Sans le savoir nous avions quelques points communs. Notamment celui d'avoir besoin de temps avant de se sentir "chez sois" en Memento. Mes raisons étaient sans doute bien différentes des siennes cela dit. Les mois passant m'avaient permis de m'y épanouir, de peu à peu y prendre ma place, d'y faire mes marques.

Je la laissais me guider vers sa cuisine, émeraudes balayant distraitement le décor. Juste assez pour ressentir la chaleur de l'endroit. J'étais bien plus à l'aise ici que dans une des pièces du Castel. Flattée aussi qu'elle m'ouvre les portes de son nid.

Mes fins doigts enlacèrent le bol tendu, remerciant la Carmine d'un hochement de tête et d'un sourire léger.


Nous pourrions nous s'asseoir si cela ne vous dérange pas, je suis un peu fatiguée...


Un peu? Nan, complètement épuisée, à plat pour dire vrai. Je gagnais un fauteuil de la pièce voisine pour m'y glisser, gardant précieusement mon bol dans le creux de mes mains. Ainsi installées, nous serions bien pour discuter.

Et l'heure de livrer mon histoire.

Bien.. voilà...

Je suis...
J'hésite presque à dire "j'étais" mais cela me fend encore trop le coeur de penser que je ne le reverrai plus... la compagne de Kelhyos. C'est le garde personnel de Kahhlan. C'est ainsi que j'ai fais sa rencontre.

Depuis le jour où il est entré dans cette taverne, qu'il a retourné sa chaise pour s'asseoir à califourchon dessus, moi j'ai littéralement fondu sur la mienne, je suis tombée folle amoureuse de lui. Ca a prit des mois avant que nos situations respectives nous permettent de vivre enfin notre amour au grand jour.


Lèvres qui s'étirent dans un sourire tendre.

Finalement, c'est arrivé, et nous avons vécu des moments heureux, même au milieu de cette guerre en empire.

S'assombrit un instant, l'air pensive avant de reprendre.

Puis un jour, il n'est pas revenu du front à Chambery. C'était au début de Juin. Je l'ai cherché des jours durant. J'ai envoyé des dizaines de pigeons. Mais rien. Pas de corps, pas de lettres..., aucunes nouvelles. L'horreur.
Je ne vivais plus, je ne mangeais plus, Aaron devait me gaver à coup de chausson aux pommes...

Et là, au milieu de cette détresse, j'ai rencontré un homme. Il n'y avait aucune compassion dans son regard, et finalement, j'ai réalisé que son indifférence me faisait du bien. Il ne me demandait pas chaque jour si je n'avais pas de nouvelles de Kelhyos, me ramenant ainsi à la réalité sans cesse. Non, au lieu de ça, il me changeait les idées, je respirais un peu en sa compagnie avant de replonger dans mes souffrances. Je ne supportais plus les regards de pitié posé sur moi, alors j'ai décidé de... m'appuyer sur lui pour reprendre un peu du poil de la bête comme on dit.

Ce qui m'arrangeait, c'est qu'il avait tout du parfait coureur de jupon. Essuyant mes refus avec le sourire, sans se vexer, sans s'éprendre de moi. Alors nous avons partagé des moments de complicité, de rire.

Et ça à fonctionné, j'allais de mieux en mieux...

Il est parti et moi j'ai été envoyée avec Gorborenne pour faire du ravitaillement à Montpellier.
Hasard ou destinée, nous nous y sommes retrouvés pour la journée.

C'est là que....

Soupire profondément.

J'ai cédé au réconfort de ses bras.

La regarde un instant.

Oh, je ne suis pas là parce que le remord me ronge. Non, je ne regrette pas. C'est étrange... Mais Kelhyos vient d'un pays ou les moeurs sont biens différentes des nôtres... Je sais qu'il ne m'en voudrait pas. Il me l'a assez souvent répété. S'il venait un jour à manquer à ses devoirs, qu'il ne me tiendrait pas rigueur d'aller trouver dans d'autres bras ce qui me faisait défaut. Ce qui d'ailleurs avait le don de m'agacer. Jamais... jamais je n'aurais pensé qu'un jour il ne puisse plus être à mes côtés.

Se mord l'intérieur de la joue.

Bref, après cette journée, nous nous sommes à nouveau perdu de vue jusqu'à ce que j'arrive à Périgueux et que cet homme décide de venir m'y retrouver. Il m'a accompagné jusqu'au Languedoc pour que j'aille voter, mais j'ai commencé à être malade sur la route. Je pouvais à peine me lever le matin tant je me sentais épuisée, et aucune nourriture ne me faisait envie.

Sur le chemin du retour, il a du faire volte face et m'a laissée aux portes de Périgueux pour que je regagne le campement. Il doit... il s'est engagé dans un mariage arrangé il y a quelques mois... Il semble que sa promise lui ai enfin rendu des nouvelles.

Quant à moi, je me suis précipitée en tente médicale pour y trouver Caro avec l'espoir qu'elle me trouve une potion, un vaccin. Là, Aaron m'a dit qu'elle n'était plus au camp, du coup je suis allée voir un autre médecin. C'est là que... j'ai été obligée de réaliser ce qu'au fond je moi je savais déjà.


La gorge se serrait et les mots suivants furent difficile à sortir.

Je... enceinte.

J'ai oublié de prendre ma tisane après Montpellier... Stupide que je suis!

Et de regarder Key de mes émeraudes désorientées. Si je n'avais pas déjà pleurer toutes les larmes de mon corps les mois précédents, pour sûr je me transformerais en un véritable torrent à cet instant. Mais rien ne vient. Rien d'autre qu'un profond désespoir.

Je ne sais pas quoi faire... Personne ne sait.. à part vous...
_________________
Keyfeya
La brune s'installa dans l'autre fauteuil et buvait à petites gorgées sa tisane en même temps qu'elle buvait les mots de Fauve, elle la laissa raconter son histoire sans l'interrompre, si elle se serait contentée d'un " J'ai un soucis, je suis enceinte" elle savait que la jeune femme avait besoin de se confier davantage sur son histoire. Elle ne jugeait pas, déjà parce que ce n'était pas dans sa nature, elle considérait que chaque personne était libre de faire ce qu'il voulait de son corps et elle était loin de la Noblesse de sang qui exigeait la virginité de la femme avant le mariage. Non, Key était femme avant tout sans avoir jamais vendu son corps, elle l'avait donné parfois. Et donc juger aurait été se juger elle même et s'appliquer une sentence, d'un acte dont elle ne se sentait en rien coupable.

Plus que sur les mots encore, elle s'attarde sur les silences et les hésitations de la jeune femme et donc sur le désespoir qu'elle y ressent.


Fauve, vous avez plusieurs choix qui s'offrent à vous, choix qui vous reviennent avant tout, c'est malheureusement le lot des femmes que de décider de la manière de gérer leur maternité. Avant tout, voulez vous de cet enfant ? Si vous souhaitez le garder il vous faudra encore décider d'en prévenir le père et de voir avec lui dans quelle mesure il compte prendre part à l'éducation de votre enfant.

Ensuite, je comprends que l'homme que vous aimez, Kelhyos est un homme aux coutumes différentes et est plutôt ouvert, accueillera-t-il à son retour cet enfant comme le sien?


Elle ne marqua pas le doute sur le retour de cet homme. L’expérience lui aurait fait dire que quand les hommes disparaissent sans donner de nouvelles, ils reviennent rarement.

Et si non, vous sentez vous capable d'élever cet enfant seule, même si je suis sure que vous serez soutenue. Je sais qu'il est plutôt mal vu dans la société qui est la nôtre actuellement d'être une mère sans être mariée. Même si je pense que c'est le cas pour beaucoup de femme, le faire n'est pas chose impossible et n'engendre pas toujours l'opprobre sur la femme dans l'esprit de tous.

Elle resta un moment en silence avant d'énoncer la dernière possibilité, ne pouvant s'empêcher de penser à cet enfant qu'elle avait fait mourir en elle quelques mois avant de rencontrer Namay. Elle ne s'en était confiée qu'à un seul homme, pas le père de cet acte qu'elle avait accompli dans la souffrance et d'elle même. Et qui la marquait encore au plus profond d'elle aujourd'hui. Le regard saphir se posa dans les yeux de Fauve.

Reste la possibilité de refuser cet enfant que la nature vous donne bien sur. Je peux vous y aider et cela amènera une autre discussion si vous choisissez cette option.

De quand date cette nuit à Montpellier ?


Elle avait besoin d'évaluer la durée de la grossesse pour envisager le temps dont elles disposaient et donc laisser le temps à une éventuelle réflexion.

Nous pouvons discuter bien sur de chacune de ses options Fauve, ici, sans le moindre soucis et sans que rien n'en sorte jamais et quelque soit votre choix, vous aurez mon soutien.


Elle lui sourit, bienveillante. Elle même portait un enfant, celui de son époux, enceinte depuis un mois maintenant. C'était le quatrième enfant qu'elle portait. Sa première fille avait vécu quelques années avant de s'éteindre, enfant qu'elle n'avait pas connu d'un passé lointain, un coup de poignard pendant sa grossesse avait eu raison du second et elle avait apporté la mort au dernier. Refusant de porter la charge d'élever un enfant à elle seule dans une vie qu'elle savait damnée. Comprendre, elle ne pouvait que comprendre, le désarroi qui animait la jeune femme.
Fauve_ebene
Nul jugement dans ses paroles. Bien que je n'en doutais pas en lui contant mon histoire, cela me faisait du bien.
J'avais moi même déjà envisagé toutes les options qu'elle me proposait, mais les entendre dans la bouche d'autrui m'aidait à y voir plus clair. Point par point je lui répondais, mettant en même temps de l'ordre dans mes idées.

Non.

La vérité eme fait mal aux oreilles.

Non, je n'en veux pas. Ni de celui là, ni d'un autre en réalité.

Et les souvenirs refont surface. D'une ancienne vie enfouie, mais pas assez profondément pour l'avoir oubliée, et son lot de souffrance avec.

J'avais en quelques sortes adopté une fillette lorsque je vivais à Paris. Esmée... Elle devait avoir 4 ou 5 ans quand je l'ai trouvée dans la rue. Je l'ai recueillie, aimée comme ma propre fille... Mais...

Saigner de l'intérieur quand la lame se remue dans la plaie.

Un soir, vers ses 6 ans... on nous a... agressée et je n'ai pas pu la protéger. L'on m'a laissée inconsciente dans une ruelle. Quand je me suis éveillée avec un horrible mal de tête, Esmée avait disparu. J'ai couru, si vite que je le pouvais et je l'ai rapidement retrouvée... trop tard. Son petit corps avait été bafoué à mort, délaissée comme un débris, comme un animal.

Je me sentais étouffer, comme à chaque fois que je songeais à ses boucles d'or étalées dans la crasse de cette ruelle.

Je ne me suis jamais pardonnée... Depuis, je passe mon temps à fuir tout ce qui a moins de 12 ans.

Alors... enfanter... bon sang... c'est pas possible...


Je ne réalisais pas encore très bien ce qui était entrain de se dérouler.

Le père... Il m'est honteux de dire que je n'ai aucune idée de la réaction qu'il pourrait avoir. Ni de l'implication qu'il souhaiterait avoir dans son... éducation.
Pour ce qui est de Kelhyos, il a lui aussi ses douleurs due à son histoire. Il ne voulait pas d'enfant à nouveau. Alors adopter un autre... De toute manière, je ne compte pas sur lui, plus le temps passe, et moins je nourris l'espoir de le revoir en vie.

Et avec tout ça, l'élever seule... ça c'est hors de question... Je n'en ai ni l'envie, ni les moyens. Et encore moins le mode de vie adéquat.


Je déambulait dans mes réflexions. Penser aux derniers moments tendres partagés avec le père de l'enfant qu'elle portait. Songer aux doutes que j'avais eu sur lui, le soupçonnant de s'attacher à moi bien plus qu'un amant ne devrait se le permettre. Même si il décidait de rompre ses noces pour jouer à Papa et Maman, cela me conviendrait-il? Pourrais-je tomber amoureuse de lui? Jamais autant que j'aimais Kelhyos, mais un peu, peut être...? Je devais bien m'avouer que seule sa compagnie arrivais à me rendre le sourire...

Interrompre cette grossesse... C'est de prime abord ce que je veux... enfin je crois... Mais, ais-je le droit de prendre cette décision sans lui en parler? Et si il insiste pour que nous gardions cet enfant, et qu'il me dit qu'il s'en occupera seul, dans le dos de son épouse, serais-je capable de lui abandonner?

Tant de questions...


Pousser un lourd soupir, un énième.

Quand? Bien.. quelques jours avant votre mariage, nous revenions tout juste de Montpellier pour vos noces.

Plonger mes lèvres dans le liquide tiédi pour en absorber un bon demi bol. Sentir la tisane se frayer son chemin pour atteindre mon estomac noué par ces fichues nausées. Mon regard se posa dans celui de la brune. Je la laissais y lire ma gratitude à ses dernières paroles. Assurément, elle venait de rejoindre Gorborenne et Coleen au rang des personnes qui avaient mon éternelle reconnaissance.
_________________
Keyfeya
La brune attrapa le bol de Fauve et se leva pour répartir dans la cuisine, elle avait la chance de ne pas trop souffrir des nausées matinale, elle servit les deux bols cependant, fouilla dans ses placard et attrapa une racine qu'elle faisait pousser dans son jardins, elle en coupa quelques lamelles qu'elle glissa dans les bols d'eau chaude, agrémenta le gingembre d'une cuillère de miel et les rapporta de nouveau.

Ça calmera déjà vos nausées, c'est un peu acide mais ça devrait vous permettre de pouvoir manger un peu.

Elle regarda le corps amaigri de la Memento et se réinstalla dans son fauteuil, les paroles de Fauve résonnaient encore dans son esprit, elle ne pouvait que comprendre la peur qui l'habitait de se voir reproduire les horreurs de son passé. Elle même avait passé sa vie à tout faire pour empêcher la douleur de reprendre possession de son cœur, se privant même du bonheur pour ne plus avoir à connaitre le malheur. Mais elle avait changé, elle vivait encore dans la peur de connaitre l'abandon mais elle avait avancé pas à pas, elle avait tourné une page et commencé un nouveau chapitre de sa vie.

Je sais que quand on vit des heures sombres, on a du mal à voir la lumière, Fauve, je suis moi même passée par là, croyez bien que je comprends les heures que vous vivez.

Je comprends votre peur de voir se reproduire l'horreur qui vous a touché mais votre vie était différente de celle que vous avez maintenant, la vie n'est pas un cercle qui se répète en boucle, vous pouvez avoir cet enfant sans que ne se reproduise la déchirante perte que vous avez vécu.


La voix était douce, posé, si la volonté avait été clairement exprimée au début, la couronnée avait bien senti que la certitude s’égrenait au fil des mots, normal, ce genre de décision n'en était jamais vraiment une, elle le savait pour l'avoir vécu, jusqu'au bout on avait des doutes ensuite venait le remord.

Vous savez, Kelhyos peut aussi changer d'avis devant un ventre rond ou une petite bouille même avec les blessures du passé mais si vous pensez qu'il ne reviendra pas, je suis navrée pour vous. Pour ce qui est du père de votre enfant, vous pouvez décider seule si quoi que cet homme puisse vous dire ne peut vous satisfaire Fauve. Je pense cependant qu'en discuter avec lui serait mieux, mais la décision vous revient parce que même s'il décide de garder cet enfant, vous serez toujours sa mère. Je ne vous vois pas mettre au monde un enfant pour l'abandonner, Fauve. Je pense que le seul moyen de savoir est encore de lui poser la question. C'est l'incertitude qui vous ronge.

Pour le mode de vie, cela peut s'arranger, ce n'est pas impossible d'élever un enfant dans un camp. Difficile mais pas impossible.


Elle lui posa un main amicale sur l'avant bras en lui souriant.

Avant tout, vous devez prendre soin de vous, nous avons un peu de temps mais quoi que vous décidiez, vous ne pouvez rester affaiblie ainsi, vous devez recommencer à vous nourrir et à dormir dans un lit.

Je vous propose de vous loger ici, pour vous remplumer un peu.


Elle ne pourrait l'avorter comme ça, elle était trop faible et la potion qu'elle ferait n'aurait rien d'une partie de plaisir.
Fauve_ebene
Je posais ma main sur la sienne tout en buvant chaque mot qui sortait de ses lèvres. Je digérais, je cogitais à mesure que ses paroles m'atteignaient...
Et sa proposition de rester loger, moi d'habitude si indépendante, je l'acceptais sans la moindre hésitation. Je tenais à peine debout et je tremblais en tenant mon bol.
Vraiment, j'allais aussi mal dans mon corps que dans mon esprit.

Et cela avait fonctionné, les quelques jours que j'avais passé sous sa garde m'avait requinqué. Sa tisane avait des effets miraculeux sur mes nausées et je pouvais recommencer à manger à ma faim. Nous avions discuté de chose et d'autre, j'avais appris sa grossesse dans la foulée. Heureux évènement que celui là. Je me réjouissais bien plus de son état que du mien à l'évidence.

Finalement, avec tout ses petits soins, j'avais pu aller jusque Castillon, et à mon retour repartir aussitôt jouer les marchands jusqu'à Saintes. Dans la foulée s'ajoutait la décision que j'avais prise d'écrire à celui qui était autant concerné que moi par cette grossesse. D'abord, silencieuse sur les raisons qui me poussait à le réclamer à mon chevet, il m'avait contraint à lui avouer par écrit ce qui m'animait. Première contrariété. Il devait suffisamment me connaître pour savoir que si je quémandais son retour, j'avais de bonnes raisons! Sa réaction ensuite avait été plus rassurante. Il promettait de venir me voir pour que l'on en parle de vive voix.

Oui, sauf que les mots, c'est bien jolis couchés sur un vélin. Mais lorsque les actes ne suivent pas, la déception s'installe. Je me sentais à nouveau seule pour prendre une décision, et je l'avais bien compris au travers de ses silences, je serais tout aussi seule pour l'assumer.

Ce temps passé sur la route m'avait également permis de me retrouver, moi, chevaucheuse de vent selon les mots de Namay. Cela me correspondait bien.

De retour à Périgueux, je revins frapper à la porte de Key. Ma décision s'était prise dans un face à face avec la lune, mon astre guide. C'était sans appel. Et j'allais avoir besoin de Keyfeya, plus que jamais...

_________________
Keyfeya
On essaye d'oublier, d'avancer, de ne pas regarder en arrière et le passé vient vous claquer au visage aussi surement qu'une branche qu'on vous lâche en pleine figure, elle n'en voulait pas à Fauve, elle savait que c'était le prix à payer pour ce qu'elle avait fait.

Elle avait vécu avec ce fardeau seule et elle savait qu'elle continuerait à le faire car la plupart du temps, elle se mentait à elle même, ne s'attardant pas sur le fait qu'elle avait tué son propre enfant pour éviter de perdre davantage la raison.

Elle se souvenait pourtant de cette journée comme si c'était hier, elle se souvenait des mots prononcés quelques temps plus tôt par son frère, qui aujourd'hui se délitaient comme la cendre. Elle se souvenait de la douleur physique, des hallucinations, des heures sombres qu'elle avait vécu, seule, une bouteille d'alcool à la main.

Loin du monde et des hommes, dans sa forêt elle perdait toute notion de temps, ces derniers jours restaient rudes pour elle, mais pour Fauve, elle avait fait l'effort de revenir à chaque passage de la Memento en ville, au cas où, et c'est le cœur battant plus fort de souvenirs qu'elle ouvrit la porte.


Entrez Fauve, je vous en prie. Le bonjour vous soit.


Elle habilla son masque d'albâtre d'un doux sourire sincère, comme chaque jour, elle savait ce que le silence lui coutait tant elle l'avait pratiqué tout au long de sa vie, jusqu'à avoir l'impression qu'il habitait son corps également, tant est si bien qu'elle avait parfois le sentiment d'être aussi froide, dure et silencieuse qu'une tombeau.

Que puis je pour vous ?

La porte se referma derrière la jeune femme, elle connaissait la réponse à la question, elle ne la demandait que pour qu'une fois dite, cela ne puisse plus prêter à confusion, comme si le dire à voix haute contribuait au rituel. Quelque soit le choix, l'ébène ne le contesterait jamais et ne tenterait plus de la faire revenir en arrière. Au bout de ses doigts dansait la mort depuis longtemps.
Fauve_la_tenebreuse
A la porte qui s'ouvrait, je sentais ma gorge se serrer. J'avais la peur comparable à celle du condamné à mort en route pour l'échafaud. Malgré les forces désormais revenues à moi, je tremblais comme une feuille en automne. Qui inévitablement doit quitter sa branche et pourtant s'y accroche avec force.

Alors que j'avais envie de me jeter dans ses bras pour y fondre en larmes, j'entrais machinalement, presque en mode pilote automatique. En miroir à mon homologue, un sourire passa lentement sur mon visage pâle. Lorsque l'ultime question fût posée, les lèvres se pincent, chassant toutes les illusions pour laisser place à un air grave, sombre lueur dans les émeraudes qui se figeaient dans les mirettes de Key.

Un long silence s'imposait à moi. Comme si le corps qui habitait le mien luttait pour sa survie en m'empêchant de parler. Mais j'avais encore le dessus sur cet être que je voulais voir disparaître. Et je devais agir tant qu'il était encore temps. La rancoeur que je nourrissait pour le géniteur ne faisait que me renforcer dans ma décision.

Je...

Déglutition pénible avant la sentence.

S'il vous plaît, libérez moi de lui.

Le juge venait de frapper de son marteau. La liberté disais-je? Alors que la prison éternelle m'attendait au bout de ma démarche. Question de point de vue, car dans l'instant j'étais bel et bien prisonnière de ce que je considérais comme un envahisseur. Un ogre me dévorant les entrailles. Et je n'en pouvais plus de ne plus avoir le contrôle sur mon corps. A bout de subir un sort que je n'avais pas choisi. Au moins, cette peine là, je la décidais moi-même...

Je continuais de fixer Key, priant pour qu'elle soit toujours d'accord de m'avorter. J'avais un peu honte de demander pareille chose à une femme enceinte. Pourtant, elle était mon seul secours en ces heures sombres. Désormais, au delà des ressemblances physiques, nous allions partager une souffrance commune. Ceci étant, même si nous devenions plus proche encore, c’est seule qu’un tel fardeau se porte. Car personne ne pourrait jamais me soulager d’un tel secret. J’en avais conscience mais cette perspective m’effrayait bien moins que celle de mettre au monde et d’élever cet enfant.

Mes fins doigts vinrent se lier aux siens, scellant nos destins définitivement. Ne me lâchez pas, non, ne me lâchez pas...
Keyfeya
Les doigts se réunirent et l'ébène l'emmena au premier étage où elle avait déjà préparé la pièce qui l'accueillerait, sa propre chambre, l'entrainant vers le lit, elle l'invita à s'asseoir puis à s'allonger,puis elle s'installa à ses côtés, elle passa un main maternelle et amicale dans ses cheveux, replaçant quelques mèches de cheveux, plongeant son regard dans le sien.

Un regard qui réunissait deux âmes dans la douleur, un faible sourire étira ses lèvres, se voulant rassurant.


Je vais vous donner une boisson à base de silphium, cela risque de prendre quelques jours puis je vous ferais respirer une éponge de Jusquiame qui vous permettra de supporter la douleur, je resterais auprès de vous tout le temps, si c'est vraiment trop douloureux, il faudra me le dire.


La couronnée prit la carafe sur la table de chevet et versa un peu d'eau dans la coupe contenant une poudre qu'elle mélangea pour la tendre vers Fauve.

Je resterais auprès de vous tout le temps qu'il faudra, je devrais vous examiner Fauve et vous ne serez pas forcément consciente à cause de la Jusquiame.

La voix était douce, le regard l’enveloppait.

Je suis désolée, je sais que ce n'est pas facile déjà mais je ne peux vous dire que c'est sans douleur mais je ferais tout pour que vous ne souffriez pas inutilement, je vous en fais la promesse. Tout ira bien Fauve...

Elle ne pouvait lui dire que demain elle aurait tout oublier, bien qu'elle le souhaitait pour elle de tout son coeur, elle savait la chose impossible, elle savait que le souvenir persisterait, elle avait du ajuster le dosage en fonction de la grossesse et elle savait aussi pour l'avoir vécu que la douleur était intense et pourtant elle même s'était droguée à n'en plus pouvoir ce jour là mais la nuit avait été horrible comme le lourd secret qu'elle avait gardé pour elle.

Elle se sentait soulagée au moins que Fauve aie une main à serrer, une personne à qui elle pourrait en parler plus tard quand elle le voudrait.
Fauve_la_tenebreuse
Dans le silence je suivais la Carmine à l'étage. Chaque marche était un pas vers l'échafaud, mes entrailles se tordaient comme si elles-même connaissaient le sort qui allait leur être réservé. Mieux que moi peut être. Alors je m'installais, docile. Je n'avais pas pour habitude de me faire dorloter, j'appréciais d'autant plus la douceur de Keyfeya à mon égard. Je fermais même un instant les yeux lorsque sa main se fît douceur sur mon front. M'imaginant un instant loin, très loin, à une époque heureuse, dans les bras de celui que j'avais tant aimé.

Très vite la réalité revint à moi quand les explications me furent données. J'écoutais attentivement. Rarement j'avais été si sage élève. Mais les circonstances ne prêtaient ni à plaisanter, ni à pitrerie.


Quelques jours...

Je déglutis péniblement. Moi qui pensais qu'en quelques heures cela serait chose réglée. Du moins dans la chaire. Car pour mon âme déjà bien torturée, il en serait autrement j'en avais conscience.

Mes fins doigts enlacèrent la coupe qui contenait le liquide trouble. Je regardais un instant celle qui se faisait l'infirmière de mes maux.

Merci de votre honnêteté... Je préfère savoir à quoi m'attendre.

Les émeraudes replongèrent dans le liquide. Derniers instants avant de lancer le top départ à la course mortuaire. Pas de doute, juste la certitude que j'avais fais le bon choix et que jamais, au grand jamais je ne me donnerai plus à un homme sans honneur.

A leurs tour ce furent aux lèvres de se plonger dans le liquide amer. Je vidais la coupe d'un trait en retenant une grimace.

Les heures passèrent et je préférais parler d'autre chose. Je contais à Key mon périple vers Saintes. Je m'inquiétais aussi de son état et ainsi le temps passait jusqu'à ce que les premières crampes ne viennent m'interrompre. Je laissais glisser la douleur en moi et reprenait la discussion quand le ventre se libérait. Le répit m'était pour l'heure encore accordé entre deux vagues de souffrance et j'en profitais pour me recentrer sur autre chose que mon corps et le supplice que je lui imposais.

J'en vins à lui conter un peu plus de moi et de mon passé. Notamment mon appartenance à l'alliance Fatum et comment ma rencontre avec Gorborenne avait bouleversé le cours de ma vie. Cet homme m'avait accepté au sein de sa compagnie sans même me demander de quitter Fatum. De la confiance qu'il m'avait accordé à l'instant où moi, la brigande, je lui avait juré allégeance. Sans savoir quelle valeur avait ma parole.

Je lui partageais aussi les appréhensions qui avaient été miennes lorsque Gorborenne m'avait fait entrer à ses côtés au sein du campement Memento. Ma surprise aussi de savoir que le célèbre et sanguin Namay m'accordait une place dans son armée sans ne m'avoir jamais fait de reproche sur mon passé. Et si il avait eu des doutes à l'égard de ma loyauté, je n'en avais rien remarqué.

En cela, j'avais pu comprendre les difficultés que Keyfeya avait pu croiser à son arrivée. D'où qu'on vienne, s'adapter et faire sa place n'est jamais joué d'avance. Moi, j'avais eu la chance d'avoir pu faire profil bas. Quand on devient subitement la femme du Cap', ça en devient moins discret! Et j'avais admiré sa capacité d'intégration.

Mais plus le temps passait, moins la discussion était aisée. Je m'interrompais de plus en plus, je commençais à me tortiller pour chercher une position plus favorable, ou moins défavorable... en vain.

J'aurais voulu m'endormir et m'éveiller une fois le calvaire à sa fin, utopie...
Keyfeya
La brune veillait, la main de Fauve dans la sienne, passant un peu d'eau fraiche sur son visage quand les premières douleurs se firent sentir, elle écoutait avec attention la vie de Fauve, elle se doutait bien qu'il ne s'agissait que de morceaux de vie parce qu'on ne sait jamais ce qu'il y a dans le cœur d'une personne véritablement. Elle s'accrochait à la réalité avec force tant ses souvenirs étaient présent en cet instant. Elle ne voulait pas retourner au passé même s'il la hantait sans cesse.

Son autre main passa sur le ventre de la jeune femme avec délicatesse, elle écoutait sagement , posant quelques questions de temps à autre pour entretenir ce dérivatif de ce qu'elles étaient en train de faire, ni plus ni moins qu'un meurtre en collaboration. Elle était l'arme, elle le savait et ce n'était pas la première fois qu'elle l'était.

Comme elle avait mis au monde quelques enfants déjà, elle en avait assassiné aussi. Elle prit l'éponge imbibée de Jusquiame et la posa délicatement sur le nez de Fauve. La voix douce semblable au vent.


Respirez doucement, tout ira bien, vous allez dormir un peu.

Elle prit grand soin de ne pas laisser l'éponge trop longtemps et si la Jusquiame s’avérait inefficace, elle utiliserait le nouveau mélange qu'elle avait crée à base d'opium, au goutte à goutte. A cet instant, elle eut envie d'en prendre elle aussi, d'apaiser son esprit comme elle le faisait de temps à autre et regarda le flacon qui l'avait plongé dans l'oubli et l’anesthésie plus d'une fois. Elle n'en avait pourtant point pris depuis des lustres.

Elle resta auprès de Fauve jusqu'à ce que les douleurs s'apaisent et qu'elle sombre dans l'inconscience, elle savait que cela serait momentané, que ce n'était que le début, que bientôt elle devrait surveiller d’éventuels saignements qui marqueraient l’efficacité du traitement. Elle en profita pour se lever un instant, déliant ses longues jambes, faisant craquer sa nuque et gagnant la fenêtre, le jour tombait laissant place à la nuit froide et rude.

Elle tourna son regard sur le corps de la Memento, s'assurant de son inconscience, avant de regarder la nuit, la lune et les bois dans lesquels elle avait vécu tant d'années.


Par la déesse, Nous remercions notre Mère du cadeau que tu as fait à cette femme, tu as créée la vie, mais nous te demandons de la reprendre, Mère. Toute chose va et vient de toi. Nous connaissons le prix et nous payerons.

Je suis ton serviteur, serviteur des deux mondes que le Dieu cornu reprenne ce qui ne doit pas être, la lune n'est point encore pleine, elle ne fait que monter encore. Nous connaissons le prix et nous payerons.


Elle regarda le soleil se coucher, nostalgique d'une douleur diffuse et retourna vers Fauve, le revers de sa main lui caressant la joue.


Par les pouvoirs de l'Un,
Tout puissant, omniprésent, éternel,
Source de toute création,
Par la Déesse,
Dame de la Lune,
Et par le Dieu,
Chasseur cornu du Soleil,
Par les pouvoirs des Esprits des pierres,
Maîtres des royaumes élémentaux,
Par les pouvoirs des étoiles là-haut,
Et ceux de la Terre ici-bas,
Bénis soient ce lieu, de temps,
Ainsi qu'elle et moi qui sommes avec vous.


Elle se réinstalla près de la jeune femme dans une prière silencieuse de lui épargner les maux et la douleur, mais tel était le prix, celui d'ôter la vie à une âme que la Nature avait conçu. Elle même en son cœur le payait également.
Fauve_la_tenebreuse
A la discussion se mêlaient les douleurs. Intenses, aiguës, impitoyable destin que je m'étais choisi.
Puis vînt le moment de respirer cette éponge dont elle m'avait parlé au début de notre...entrevue. Je respirais à plein poumons. Autant que possible avec l'espoir que cela fonctionne comme prévu par Keyfeya. L'odeur me prenait au nez et m'imbiba l'esprit en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Etait-ce là, la véritable senteur de la mort? Bien loin des cadavres en putréfaction abandonnés sur les champs de bataille.

Et la pièce se mit à tourner autour de moi. Mon esprit s'en allait me jouer bien des tours alors que je sombrais dans le sommeil. Ce sommeil que j'espérais un instant plus tôt, je le voulais paisible mais il n'en était rien. Je rêvais, je marchais dans une prairie sans fin, je cherchais depuis des heures et enfin je le voyais... c'était bien trop réel que pour être un rêve.


-Kelhyos..?
- Bien le bonjour Dame Fauve.


Oui, il était bien le seul à me saluer ainsi. Sa haute stature, effrayante pour beaucoup, rassurante à mes yeux.

-Où étais tu Kelhyos?
-Jamais loin Fauve, tu le sais bien...
- Non je ne sais pas. Pardonne moi Kelhyos, mon amour.
- Il n'y a rien à pardonner Fauve, j'ai failli à mon devoir. Je t'ai toujours dis que je ne t'en voudrais pas.
- Je n'aurais pas du. Vois où cela m'a conduis!
- Je suis là Fauve, ça va aller.


Et je tendais la main vers lui, mais le spectre de son souvenir se dissipa comme je l'approchais.

Non! Non! Reviens!!! Ne me laisses pas!!!

Je hurlais si fort que je sortis de ma torpeur en me redressant avec violence. Une main en avant, comme dans mon songe. Combien de temps avais-je déambulé dans les méandres de mon imaginaire? La réalité me rattrapa en m'envoyant une douleur invivable dans les entrailles. J'avais déjà été percée par une lame mais jamais une douleur si forte ne m'avait réduit à cet état animal. Je criais à nouveau tant la douleur m'irradiais tout le corps à présent et je posais un regard affolé sur Keyfeya. J'aurais bien imploré sa pitié mais je savais que je devais en passer par là. En me tortillant, je sentais mes cuisses glisser l'une contre l'autre, la chaleur me coulait dans l'entre jambe et j'y glissais mes doigts avant de les ramener pas dessus la couverture, rougis par les saignements. Je regardais Kefeya avec une lueur d'espoir mêlé à la tristesse de cet acte odieux.

Ca fonctionne...
Keyfeya
La couronnée ne prit pas les paroles de Fauve pour elle, mais elle se rendit compte qu'elle réagissait fort mal à la Jusquiame, ce qui n'arrangeait pas son affaire, elle l'accueillit cependant dans ses bras quand celle ci se redressa, caressant doucement sa chevelure pour la calmer un peu, apaiser l'angoisse de l'hallucination qu'elle avait du vivre. Elle se laissa un peu aller à la chaleur de ce corps amical et réconfortant. Apaisant son propre trouble tant on peut aimer et se sentir parfois seule avec soi-même.

Oh oui, elle aimait Namay, plus que de raison, plus qu'elle ne l'avait choisi ou voulu, parce qu'elle ne voulait plus vivre de cet amour non réciproque, jusque dans les flammes de l'enfer. Et pourtant sans s'en rendre compte, les flammes l'avaient léché doucement et elle brulait maintenant vive d'une passion déraisonnable. Peut être qu'elle ne le disait pas, peut être qu'elle ne le montrait pas mais elle sacrifierait sa vie sans regret, sans réflexion pour la sienne. Elle damnerait un peu plus son âme ne serait ce que pour lui épargner une once de souffrance. Un amour qui brule, un amour qui vous transporte et qui fait mal cependant, tant il est dur de lui trouver de quoi l'assouvir dans les mots et dans les actes de la vie quotidienne. A dire vrai qu'est ce qu'un baiser quand on s'écorcherait pour son bon plaisir ?

L'ébène ferma un instant les yeux en respirant profondément le parfum de la jeune femme et l'amena doucement à se rallonger, tandis que sa voix douce volait la rassurer encore.


Oui cela fonctionne....détendez vous Fauve, je vais vous examiner.

Elle attrapa la pipette sur le chevet et laissa rouler sur les lèvres de l'avortée une goutte de son nouveau mélange à base d'opium avant de soulever doucement les couvertures, de passer ses mains sur les jambes de la jeune femme pour observer le sang teinté de caillots noirs qui s'écoulait, une de ses mains passa sur le bas du ventre appuyant légèrement pour ne pas causer de douleurs inutiles. La quantité ne lui parut pas trop importante ce qui la rassura, elle avait dosé correctement le silphium. Elle en profita pour aller chercher un peu d'eau chaude sur le foyer qui réchauffait la chambre et nettoyer un peu la peau et l'entre cuisses de la mère qui ne le serait pas.

Une fois ceci fait, elle se nettoya les mains pour venir reprendre celles de Fauve entre les siennes, remettant correctement la couverture.


Cela va durer encore un peu puis les saignements se tariront petit à petit dans les jours à venir mais vous allez devoir vous reposer. Je vous donnerais à manger à partir de demain pour que vous repreniez des forces.


Le regard de saphir intense se plongea dans celui de la jeune femme.


Ne vous en veuillez pas trop Fauve, laissez moi porter le poids de cette mort, vous n'étiez pas prête et cela vous n'avez pas à vous le reprocher, je sais que vous allez être hantée mais il vous faudra vous pardonner.


L'avait-elle fait elle même ? Jamais. S'était-elle un jour seulement pardonnée le sang qu'elle avait eu tant de fois sur les mains? Non plus. Elle vivait avec, dans le tombeau silencieux de son cœur, que ne pourrait elle pas porter d'ailleurs?
Fauve_la_tenebreuse
Keyfeya était douce et réconfortante. En cet instant je n'aurais pas souhaité remettre mon destin en d'autres mains tant elle savait les mots justes et les attentions nécessaires à m'apaiser. Et tandis que la douleur me brûlait de l'intérieur je l'observais. Le coeur d'une femme est toujours plein de mystère, mais le sien me semblait particulièrement impénétrable. Je m'en voulais terriblement de venir bousculer sa vie que j'imaginais des plus heureuses en tant que jeune mariée. Je me culpabilisais de lui faire vivre ces instants de tristesse alors qu'elle devrait être entrain de pincer les fesses de son mari!

Quoi qu'il en fût, elle m'examina avec délicatesse et soulagea mon entre jambe de ce sang qui me souillait. Ses gestes étaient sûrs et précis. J'avais la certitude que je n'étais pas la première femme qu'elle assistait de la sorte. Où et comment avait-elle appris ce savoir? Je ne poserais sûrement pas la question. Je m'imaginais bien que ce genre d'enseignement ne se dispensait pas sur les bancs d'une église. Et dans le même soucis de discrétion, jamais au grand jamais je ne parlerais de ce secret qui nous lierait désormais.

Encore une fois, Keyfeya m'éclairait sur la suite de ce que j'avais à vivre tandis qu'une unique larme coulait sur ma joue. J'avais pris bien des vies dans mon existence. Les champs de bataille étaient mon terrain de jeu et les campements comme une maison. Mais ce que j'étais entrain de faire était de loin le plus odieux de tous les actes que je ne commettrais jamais.

J'enroulais mes fins doigts sur les siens et je les serrais fermement en me cambrant sous une pointe de douleur des plus atroces. Mes émeraudes s'en allèrent brièvement vers la fenêtre de la chambre et la nuit était reine au dehors. J'avais depuis longtemps perdu la notion du temps mais ces heures horribles resteraient à jamais gravées en moi.


Keyfeya... vous... pardonnez moi de vous avoir demandé cela. Je suis tellement désolée...

Le désespoir se lisait dans le regard que je lui adressais.

Je ne vous remercierai jamais assez pour ce sacrifice que vous faites.

Et comme je parlais je sentais mes lèvres s'engourdir. Mes paupières s'abaissaient malgré la douleur toujours bien présente. L'opium faisait son oeuvre, je me sentais peu à peu soulagée jusqu'à repartir dans mes songes...

J'étais allongée dans cette même prairie et le soleil battait son zénith. Kelhyos était allongé sur le côté, tourné vers moi et m'accordait ce regard bienveillant et protecteur que j'aimais tant. Je pouvais sentir sa large paume en caresse délicate sur ma joue.


- Je t'aime tellement Kelhyos.
- Je sais Fauve.

Je souriais. Il était fidèle à lui même. Discret sur ses sentiments. Sûr de lui, un brin arrogant et il savait que j'adorais ça...

- Que suis-je censée faire sans toi?
- Vivre Fauve.
- Impossible.
- Si c'est possible, il suffit de le vouloir. Tu dois refaire ta vie maintenant.
- Tu m'énerves !


Il sourit.

- Je sais aussi. Tu aimes ça.
- Reviens moi.
- C'est impossible, j'en suis désolé. Trouves toi un homme qui saura prendre soin de toi. Un homme qui ne rechignera pas à venir s'allonger dans ta couche le soir pour y dormir.

Il rit.

- Tsss je n'ai jamais compris pourquoi tu me refusais ce plaisir.
- Nous n'aurions jamais pu dormir alors!


A mon tour je ris. Il pose sa main sur mon ventre et je plonge mon regard dans ses yeux sombres.

- Je vais l'emporter avec moi Fauve, d'accord?
- Oui. Prends en soin mon doux...


Il pose ses lèvres sur les miennes et m'emporte dans un baiser passionné, un baiser d'adieux auquel je n'aurais droit que dans ce rêve. Et alors que je voudrais lui crier mon amour l'image se brouille et à nouveau, cruellement, il s'était envolé.

Je m'éveillais doucement. La tête engourdie comme si j'avais passé la nuit à picoler. Mes paupières clignaient et je peinais à m'habituer à la lumière de la pièce. Combien de temps s'était-il écoulé cette fois? Etait-ce terminé? Le soleil se levait et avec lui la première journée de ma vie d'après...
Keyfeya
La brune avait laissé coulé la larme puis s'était penchée sur la jeune femme, déposant un baiser sur son front, lui caressant doucement les cheveux.

Pleurez aujourd'hui, pleurez tout votre saoul, Fauve mais ensuite vous ne devrez plus verser une larme. Et ne pensez pas à moi, j'ai l'habitude de garder les secrets.

Cruelle ? non réaliste, il lui faudrait tenter l'oubli et avancer malgré la douleur, malgré la souffrance de son âme, elle la pousserait à avancer, chose que personne n'avait fait pour elle et pourtant elle savait qu'elle verserait encore bien des pleurs.

Oh du savoir elle en avait, celui des plantes qu'elle avait acquis si petite, connaissant les poisons aussi bien que les plantes qui guérissaient les maux. Et puis elle avait obtenu sa formation de chirurgien barbier et là, elle avait voulu apprendre davantage, elle s'était donc procuré des cadavres pour faire ses recherches dans le fond de sa cave, qui ressemblait maintenant à un musée de l'horreur.

La mort et le silence, voilà ce qui la caractérisait. Longtemps elle s'était cru maudite tant elle avait perdu autour d'elle, et parfois l'angoisse revenait surtout quand Namay lui parlait mort, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'en reculant d'un pas puis d'un autre, elle reculerait cet instant d'autant plus loin. Et si elle ne tentait pas de faire son propre bonheur auprès de lui, elle l'aurait surement déjà fait parce que pour elle, c'était aussi ça l'amour.

L'ébène avait profité du sommeil de la Memento pour faire un peu de nettoyage dans ses affaires, son nouveau mélange faisait des merveilles et sa patiente, son amie, celle qui serait bientôt de sa famille, puisqu'elle connaissait déjà les vœux Salmo Salar, dormait du sommeil du juste cette fois, bien moins agité.

Elle rangea quelques affaires et veilla la jeune femme toute la nuit, surveillant les saignements qui déjà se tarissaient, en observant la texture de ceux- ci. Satisfaite, elle nettoya une dernière fois la peau de la jeune femme avec douceur et de l'eau tiède.

Puis elle attendit que celle-ci se réveille, surveillant de temps à autre les battements de son cœur. La couronnée profita du silence et regardait les étoiles au travers de la fenêtre.


Tout va bien, vous allez être un peu courbaturée et nauséeuse, je vais vous faire une tisane au gingembre, je vous ferais prendre du bouillon de légumes dans la journée et ce soir ou demain, il faudra manger de la viande pendant une bonne semaine au moins.

Elle lui redressa la tête avec un coussin et alla ensuite lui préparer sa tisane.


Dans quelques semaines, vous aurez sans doute envie de venir en parler à quelqu'un, n'hésitez pas à passer ma porte, à venir me chercher. Je serais là.
Fauve_la_tenebreuse
Tandis que je reprenais peu à peu pied avec la réalité, une voix s'éleva dans un coin de la pièce. Je posais mon regard sur Keyfeya qui m'avait veillé toute la nuit. Sa présence était rassurante, grâce à elle, je pouvais me laisser aller, me laisser guider sur le chemin de la guérison. Laisser ensuite ces heures horribles derrière moi.

Avec son aide, je me redressais un peu et effectivement, j'avais l'impression qu'une armée m'avait roulé dessus. J'avais l'impression que mon corps était celui d'une vieille femme et lorsqu'elle m'apporta la tisane au gingembre, je la remerciais et me précipitait pour souffler dessus tant je me souvenais de ses bienfaits lors de ma dernière visite ici.

La journée s'écoulait lentement. Je profitais de notre intimité accomplie pour lui raconter mes songes de la nuit. J'en avais l'intime conviction à présent. Kellhyos n'était plus de ce monde et je me rassurais d'imaginer qu'il veillait sur cette vie que j'avais abandonnée. Peu importe si cela était réel ou non. L'important était que cela me fasse du bien. L'important était que de cette épreuve je me relève. L'important était de continuer à vivre tout simplement....

Au bout de quelques jours, je commençais à sentir les forces regagner mon corps. J'avais même pu me rendre au campement. Ca grouillait de cette vie que j'aimais. L'on remplissait à nouveau l'armée en vue d'un départ imminent. Makcimus m'avait confié une section et j'en était honorée. Dans le même temps, cette charge me permettait de m'occuper l'esprit et cela me faisait grand bien.

Il était à présent temps pour moi de quitter le nid douillet que Keyfeya m'avait offert si généreusement. Je savais à quel point la séparation allait être éprouvante pour elle. Je me souvenais des trop nombreuses fois où Kelhyos et moi avions du prendre des routes différentes lorsque ma vie était encore si tumultueuse. J'avais l'impression que l'on m'arrachait un bout d'âme à chaque fois. Alors je voulais qu'elle profite le plus possible de son mari. Qu'elle le respire à pleins poumons, qu'elle s'enivre de ses bras, qu'elle se brûle dans sa couche ou n'importe où ailleurs.

Avant de partir je lui avais exprimé mille fois ma gratitude et je l'avais serré fort dans mes bras. Sur le pas de sa porte, mes émeraudes s'étaient ancrées dans les siennes. A jamais, il y aurait quelque chose de particulier entre nous...
See the RP information <<   <   1, 2, 3   >   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)