Brennach
Après que l'Evêque Endymion ait réinstallé Brennach à la cure d'Orthez, sur la recommandation bienveillante de la diaconesse Ermelina, notre curé s'en vint faire un tour au cimetière d'Orthez. Cela faisait quelque temps que personne n'en prenait vraiment soin, même si le clerc voyait ici ou là une tombe fleurie de quelques fleurs séchées, lorsqu'il en arpenta les allées. Malgré l'hiver, des proches continuaient à se recueillir auprès des défunts, à honorer leur mémoire.
Dans un silence respectueux, Brennach s'attela à sa tâche, dégagea les allées de la neige accumulée, nettoya certaines tombes touchées par les affres du temps et de l'abandon. Puis, son ouvrage achevé, il se dirigea vers la tombe de son compagnon et confident. Il s'assit sur la dalle, déboucha une bouteille prévue pour l'occasion et servit deux godets. Il laissa le premier sur la pierre, près de la croix, et l'autre il le leva en l'air, pour un hommage silencieux. Puis, il se mit à parler à mi-voix:
Desio, mon ami,
Voilà fort longtemps depuis la dernière fois. Mais finalement, tu vois, je suis de retour. L'amitié m'a préservé des périls des chemins. Et pourtant, crois-moi, ils furent nombreux. Le plus pénible fut le voyage en mer qui s'est finalement achevé par un retour au point de départ ou presque, après une traversée de deux semaines interminables. J'ai cru que nous allions tous mourir et je priai le Ciel qu'il épargne au moins Corenn et son enfant, ainsi que tous mes compagnons de route.
Je ne suis pas certain qu'Il m'ait entendu mais en tous les cas, nous avons tous survécu. Et finalement, nous sommes de nouveau sur Orthez. La ville est peuplée de gens nouveaux, que tu apprécierais, tu sais. Le nouveau maire me fait un peu penser à toi par certains côtés. Enfin, tu dois le savoir tout cela, ce serait plutôt à toi de me raconter l'histoire du Béarn depuis que je suis parti. Je crains pour le comté et ses habitants avec la menace qui pèse sur nous tous, du fait de notre déclaration d'indépendance.
Je doute que le Roy, étant donné les agissements qui m'ont été rapporté à son encontre laisse le Béarn et ses alliés à ses aspirations de sécession. Qui plus est alors que ces aspirations sont menées par des considérations religieuses.
Eh oui, mon ami, La maison de Deos, d'Aristote et Christos appelle à la guerre... Suis-je le seul à trouver cela profondément triste et contraire au message d'amour qui devrait être le nôtre? Je sais, je sais, tu me diras que dans certains cas, le combat est nécessaire. Mais tu le sais, je ne peux considérer la voie des armes uniquement comme un renoncement au dialogue. Et voilà pourquoi je m'inquiète.
Ceci dit, heureusement la vie ne cesse point et Corenn vient de mettre au monde son second enfant. Un véritable petit ange, un garçon. Tu verrais Novi, il est homme comblé.
Secoue la bouteille vide après avoir empli et vidé plusieurs verres durant son monologue.
Il faut que je te laisse mon ami. Je n'ai plus de vin et ne vais pas prendre racine non plus. D'autant que j'ai un office à donner sous peu, car me voilà de nouveau curé d'Orthez. Mais c'est une longue histoire et je reviendrai te voir bientôt pour te la conter.
Et voilà le curé reparti vers l'Eglise.
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