Gwennegh
- « Il est des êtres dont c'est le destin de se croiser. Où qu'ils soient. Où qu'ils aillent. Ils se rencontrent. »
Claudie Gallay
𝒞ela faisait des heures que Gwennegh Cadwell marchait, et au moins trois qu'elle n'avait plus rien à boire. C'était énorme, trois heures, surtout quand on avait soif. Elle avait passé la nuit dans une ville quelconque et se rendait... Où allait-elle d'ailleurs ? Elle-même n'en avait aucune idée. La Galloise se contentait de marcher vers la mer, parce que c'était ce qu'elle voulait à tout prix contempler. Non pas qu'elle ne l'eut jamais vu, elle avait grandi sur une île et avait pris le bateau. Mais celle-ci, celle d'en bas, on disait qu'elle était si chaude qu'on pouvait s'y baigner tout nu sans trembler de froid. Gwenn n'aurait manqué ça pour rien au monde. Sauf peut-être, en cet instant précis, pour une chope bien fraîche.
𝒮es vux semblèrent soudainement sur le point d'être exaucés. Les remparts d'une ville se dessinaient à moins d'une lieue. Et juste devant, il y avait comme une sorte de grand rassemblement. Gwenn accéléra le pas, convaincue qu'elle trouverait bien une bonne âme pour lui donner à boire, ou à tout le moins, une taverne dans le village. Lorsqu'elle fut à quelques mètres de la foule animée et joyeuse, la rousse remarqua un grand drap sur lequel on avait peint des mots. Mais comme elle ne savait pas lire, elle ne comprit pas ce dont il s'agissait.
𝒯apotant l'épaule d'un homme rougeaud, elle désigna ce qui l'entourait et rassembla tout son courage pour formuler à peu près convenablement une phrase compréhensible, malgré l'accent gallois très fortement prononcé :
- - Dîtes, pourquoi tous ces gens ici ?
ℒ'autre la dévisagea et s'exclama d'un ton surexcité :
- - C'est la foire ici, ma jolie ! Tous les ans à la même date ! Une belle grande foire où qu'on trouve de tout !
𝒢wenn ouvrit de grands yeux et acquiesça lentement. La foire ? Il y avait ça aussi, au Pays de Galles. C'était même le seul truc vraiment attractif sur Anglesey, la chose qui réunissait absolument tous les membres de l'île. Elle aimait bien cette période, tout semblait toujours pouvoir arriver. C'était peut-être ce qui allait se passer aujourd'hui ?
𝓔lle observa tout autour d'elle d'un regard bienveillant. Les étals étaient couverts de tentures colorées, et regorgeaient de choses diverses et variées. Ici, des bijoux finement travaillés, là des tissus précieux et communs, plus loin des peaux, et à un point stratégique, un homme proposait du vin aux épices, de la bière, de l'hydromel, de l'hypocras, et des tas d'autres choses à boire. Gwenn se hâta dans cette direction, fendant la foule à grands coups de coude, trop concentrée sur son objectif pour remarquer quoi que ce soit.
- - Une pinte, plaît-il.
ℒa Galloise fut servie presque aussitôt et paya le dû. Elle but une grande et longue gorgée rafraîchissante en se détournant de l'étal avec un grand sourire et se trouva un coin à l'écart, le temps de finir tranquillement sa boisson. Elle releva de sa main libre l'ourlet de sa robe verte, très simple mais à la coupe ajustée, et prit place très naturellement sur un rondin de bois tronçonné dans son épaisseur, qui servait de banc à quelques personnes. Elle jeta un regard à ses plus proches voisins, distants pourtant d'un mètre d'elle. À sa gauche, un jeune garçon de son âge ou à peu près, à droite, un vieux bonhomme au nez rouge qui reniflait constamment. La Galloise n'était pas dans un mauvais jour et était même prête à discuter, à condition qu'on lui laisse d'abord finir sa chope. Dans la vie, il y a des priorités. Restait à savoir si le reste du monde était au courant qu'on ne dérangeait pas une Cadwell quand elle était en train de boire...
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