Lucie
Tu veux raconter un petit bout de la vie de ton personnage, juste comme ça, pour le fun ? Fais toi plaiz', ce RP est totalement ouvert.
- Dijon, le huit juin.
Les bras croisés sur sa maigre poitrine, le front ceint dune couronne de pâquerettes, Lucie avance dans les rues de Dijon comme elle le ferait au milieu de ruines. A limage présente se substituent les souvenirs décolorés dun autre temps, dune autre vie. Deux années pleines se sont écoulées depuis quelle a quitté la cité de son enfance et mesurer le chemin parcouru lui donne le vertige. Tout est changé. A commencer par elle.
Laissant derrière elle les beaux quartiers où elle loge et que limposante tour de la terrasse domine, la marquise senfonce dans les faubourgs les plus pauvres, parcourant sans crainte, sans hésitations, ces rues que personne ne prendra la peine de paver et qui lont vue grandir. Tout ici, des façades crevées jusquaux venelles puantes où quelques ères abîmés par la maladie vomissent dinsanes diatribes, respire la misère noire et insoluble. Celle qui prend à lâme. Qui vous infecte et vous pourrie sans vous laisser plus de chance den réchapper que la lèpre ou la peste.
Passant devant les étals mal achalandés dun marché où toute petite fille elle volait des pommes, contournant les marches brinquebalantes dune maison abandonnée sur lesquelles Josserand, Simon et elle avaient lhabitude de sinstaller pour rêver à un autre monde, Lucie se perd en de douloureuses réminiscences. Sous ce ciel qui les a trop bien connu, dans cette poussière qui trop longtemps les a couvert, labsence de ses frères lui crève plus que jamais les yeux. Et mieux que jamais elle réalise quil ny a pas de retour en arrière possible.
Soupir au bout des lèvres, elle avance encore jusquà passer lenceinte à demi effondrée du cimetière attenant à la modeste chapelle où des années plus tôt, religieux généreux lui a appris à lire et écrire. Ignorant les stèles de bois pourri et les tombes grises de nêtre jamais visitées, la Josselinière avance jusquà sépulcre anonyme que seul marque un large buisson de millepertuis. Saint-Jean dété est toute proche ; ses fleurs éclatent dun jaune radieu. Tombant à genoux dans la terre, Lucie y enfonce les doigts. Là, sous les floraisons grasses, cest gemini qui repose, figé dans léclat de ses quatorze ans. Et il lui manque encore. Il lui manque toujours.
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