Gysele
L'idée a germé à Alençon. Ruminant tes pensées dans une taverne de la ville, tu cherches une façon de garder Evroult près de toi, près de vous. Bien sûr, tu sais déjà que ton frère n'a aucune envie de rester, qu'il a hâte de s'éloigner de toi. Tu t'accroches à l'espoir de le voir changer d'avis, qu'il pose à nouveau ce regard tendre qu'il avait étant petit, mais tu sais pertinemment que ce temps est révolu, qu'il n'a pas plus envie de te serrer dans ses bras qu'il n'aurait envie de devenir curé. Cette pensée te blesse, là, dans ton petit coeur orgueilleux. Toi qui te pensais irrésistible, toi qui comptais là dessus pour séduire ton frère comme tu l'aurais fait avec un client, tu t'es complètement plantée. Oui. Tu es plus douée en amante qu'en soeur, c'est indéniable. Et même si Louis-Marie peut te laisser croire le contraire, tu sais que celui-ci est si imprégné par tes folies qu'il te pardonnerait tout et n'importe quoi. Ce n'est pas le cas d'Evroult. Lui, il te voit, il sait exactement qui tu es dans un sens et il peut voir la noirceur que tu t'évertues à cacher derrière des tonnes de sourires et de déhanchés exagérés. Lui il voit la crasse de tes origines qui te colle à la peau, il voit le rictus grivois qui pointe à tes lèvres, le même que celui de votre mère. Tu ne t'en défais pas, pire, tu t'y complais, te croyant protégée par ces masques maternels que tu te crois obligée de porter pour arriver à tes fins. Tu n'y vois pas de mal et tu ne comprends pas que ton benjamin te rejette, alors que lui-même pratique ce même métier, ces mêmes vices. Tu te persuades donc qu'il est juste obstiné, qu'il vous fait une crise de jeunesse et que ça lui passera. Il va bien finir par te trouver bien, n'est-ce pas ? Assez bien pour te considérer comme membre de sa famille. C'est ce que tu cherches, Gysèle : une famille. Un foyer qui ne soit pas éclaté en mille morceaux. Tu es prête à tout, même aux idées les plus folles.
Et tu en as une aujourd'hui. Tu n'es pas saine d'esprit Gygy, quelque chose ne tourne pas rond chez toi et c'est bien ça qui te pousse à mettre en application cette insensée idée. Jusqu'où irais-tu pour garder le contact avec ton frère ? Jusque loin.
Tu es restée longtemps immobile devant ton vélin vierge. La plume que Dôn t'a offerte suspendue au dessus, attendant de poser les fameux mots doux que cet outil est autorisé à écrire. Cette fois, tu n'as pas demandé l'aide de Pierre, tu sais qu'il aurait refusé. Même si il t'aide dans beaucoup de tes projets, cette fois, il trouverait que tu vas trop loin. Alors tu décides de le faire toi-même. De toute manière, tes progrès en écriture sont flagrants, tes entraînements payent, même si quelques fautes parsèment encore tes écrits. Ton écriture est plutôt jolie et pour cette lettre là tu t'appliques à ce qu'elle soit le plus élégante possible. Sur ce pli, Gysèle, tu couches par écrit tes mots fous.
Bel Inconnu,
Je vous ai aperçu, dans les rues d'Alençon et je n'ai pas pu m'empêché de vous suivre. Pardonnez mon audace, je n'ai pas l'habitude de prendre ce genre d'initiatives, mais quelque chose en vous m'a décidée. Je crois qu'en vous voyant, j'ai eu envie de vous connaîttre, de comprendre qui vous étiez et ce soir je vous pause tout ceci par écrit, trop lâche pour venir vous aborder.
J'ai aimé, votre démarche, vos yeux sombres qui semblent abriter tant de nuances, tant d'expressions. J'ai adoré votre sourire, souvent mutain, parfois séducteur, selon qui vous croisiez. J'ai pu apprécier les vibrations de votre voix, sa chaleur, son inssertitude quand quelque chose vous surprenait. Vous êtes fassinant. De ces hommes qu'on voudrait avoir dans notre vie.
Je ne suis qu'une ombre, qu'une femme à qui il manque un petit morceau et qui s'est acrochée à vous dans l'espoir maladroit de combler ce vide profond. Oh je vous rassure, j'ai aussi pu voir votre belle nordique. Je n'espaire rien. Rien de plus que le plaisir de vous avoir fait peut-être sourire à l'aide de ma lettre idiote.
Voilà, cher vous. J'espère ne pas vous avoir effrayé. Rassurez-vous, je ne vous ai pas suivi bien longtemps, vous marchez bien trop vite pour moi.
Je crois que vous ne restez pas, aussi je vous souhaite une belle route et un bon voyage.
Une jeune femme séduite et curieuse,
Jeanne.
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Et tu en as une aujourd'hui. Tu n'es pas saine d'esprit Gygy, quelque chose ne tourne pas rond chez toi et c'est bien ça qui te pousse à mettre en application cette insensée idée. Jusqu'où irais-tu pour garder le contact avec ton frère ? Jusque loin.
Tu es restée longtemps immobile devant ton vélin vierge. La plume que Dôn t'a offerte suspendue au dessus, attendant de poser les fameux mots doux que cet outil est autorisé à écrire. Cette fois, tu n'as pas demandé l'aide de Pierre, tu sais qu'il aurait refusé. Même si il t'aide dans beaucoup de tes projets, cette fois, il trouverait que tu vas trop loin. Alors tu décides de le faire toi-même. De toute manière, tes progrès en écriture sont flagrants, tes entraînements payent, même si quelques fautes parsèment encore tes écrits. Ton écriture est plutôt jolie et pour cette lettre là tu t'appliques à ce qu'elle soit le plus élégante possible. Sur ce pli, Gysèle, tu couches par écrit tes mots fous.
Bel Inconnu,
Je vous ai aperçu, dans les rues d'Alençon et je n'ai pas pu m'empêché de vous suivre. Pardonnez mon audace, je n'ai pas l'habitude de prendre ce genre d'initiatives, mais quelque chose en vous m'a décidée. Je crois qu'en vous voyant, j'ai eu envie de vous connaîttre, de comprendre qui vous étiez et ce soir je vous pause tout ceci par écrit, trop lâche pour venir vous aborder.
J'ai aimé, votre démarche, vos yeux sombres qui semblent abriter tant de nuances, tant d'expressions. J'ai adoré votre sourire, souvent mutain, parfois séducteur, selon qui vous croisiez. J'ai pu apprécier les vibrations de votre voix, sa chaleur, son inssertitude quand quelque chose vous surprenait. Vous êtes fassinant. De ces hommes qu'on voudrait avoir dans notre vie.
Je ne suis qu'une ombre, qu'une femme à qui il manque un petit morceau et qui s'est acrochée à vous dans l'espoir maladroit de combler ce vide profond. Oh je vous rassure, j'ai aussi pu voir votre belle nordique. Je n'espaire rien. Rien de plus que le plaisir de vous avoir fait peut-être sourire à l'aide de ma lettre idiote.
Voilà, cher vous. J'espère ne pas vous avoir effrayé. Rassurez-vous, je ne vous ai pas suivi bien longtemps, vous marchez bien trop vite pour moi.
Je crois que vous ne restez pas, aussi je vous souhaite une belle route et un bon voyage.
Une jeune femme séduite et curieuse,
Jeanne.
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