Kateline
- "Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes quon ne devrait les effectuer quaprès un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire."
Amélie Nothomb
Par où est-ce quelle doit commencer ? Une question bête, une question simple si tant est quelle puisse y trouver une réponse. Pourquoi ne pas commencer par le début ? En voilà une belle simplicité !
Kateline cest ce quon peut appeler une tragédienne, après moult péripéties berrichonnes et autres drames suintant de larmes, la Damoiselle sétait perdue sur les chemins de France, côtoyant un peu plus chaque jour la mort et lindécence pour finir par ne plus être grand-chose. Par ne plus être du tout. Elle passa pour morte, bien quelle fût encore bien vivante. Une morte-vivante, comme une histoire de déjà-vu. Cette fois-ci pourtant, personne ne sut quelle avait feint de perdre sa misérable vie. A lexception du demi-frère prodige : Sebastian. Ce dernier avait tenu dune main de maître le domaine de lEbène et avait continué de récolter tranquillement les rentes de la seigneurie et fit fleurir le joli magot que Zelgius avait laissé derrière lui.
Pendant ce temps-là, Kateline sétait cachée dans le trou du cul de la Savoie. Non loin du lieu qui avait vu grandir sa bâtarde. Elle avait cessé de payer pour léducation de lenfant qui nen était plus vraiment une, et cest à une Champlecy quon remit la gosse. LEbène sen était assurée elle-même avant de disparaître complètement. Décision qui à lépoque lui semblait des plus judicieuses. Elle navait jamais eu la moindre fibre maternelle, ni à la naissance de la petite, ni plus tard, ni lorsquelle la vit partir accompagnée dune rouquine à laccent de Provence.
Quelques années plus tard, piquée dune envie de revenir au monde et à son ancienne vie, elle avait écrit à Sebastian, ce quelle ne faisait que très rarement pour ainsi dire jamais puisque celui-ci savait que la repentance de lEbène passait par un silence total. Il se contentait de faire parvenir à Kat une caissette dor une fois par semestre, lui permettant de subvenir à ses besoins les plus basiques. Un parchemin, une plume et de lencre, premier pas vers son ancienne vie...
To Sebastian, my brother
From Kateline, the lost one (*)
My dear, (**)
Je peux dores et déjà deviner ton flegme légendaire être réduit à néant en lisant les premiers mots de ce parchemin. Et rien que cela me donne le sourire. Je navais pas réalisé jusquà aujourdhui à quel point tu me manques. Je pourrais te demander, comment tu te portes ou comment se portent mes petites affaires, mais je sais que tout va pour le mieux. Tu as toujours su gérer les choses mieux que je nai jamais pu le faire. Ce nest donc pas pour cela que je prends la plume ce jour, mais pour te demander de mener une petite enquête, pour moi.
Je voudrais retrouver Viika. Je sais que je tai toujours dit que je ne voudrais jamais la rencontrer, que la maternité nétait pas pour moi. Eh bien, jai changé davis. Ma pénitence a eu pour incidence déveiller en moi le désir étrange de connaître ma progéniture.
Alors avant de reprendre la route je veux te charger de cette mission, je vais me rendre dans un premier temps en Bourgogne. Je vais sûrement y élire domicile et attendre de tes nouvelles. Je poursuivrai certainement ma route là où se trouve Viika si tu parviens à retrouver sa trace. Et pour la suite, je verrai plus tard.
Encore une fois je mappuie sur toi pour effectuer mes basses besognes, je suis une sur déplorable jen conviens, mais je nai confiance en personne dautre que toi pour cela. Ceci sera le début dun retour au monde pour moi, je compte reprendre contact avec Sandrine et Nathan également. Mais chaque chose en son temps.
Dans lattente de te lire, je tembrasse.
Une fois la missive envoyée vers la Chapelle-Horthemale et ses bagages rapidement bouclées, Kateline sétait effectivement rendue jusquen Bourgogne, seule. Elle sacheta un appartement à la capitale, y déposa les écus quelle possédait et repartit presque aussitôt. Cest en passant par Chalon que son voyage sinterrompit. Dabord parce quelle avait cru voir celle quelle appelait sa zumelle, un mirage puisquelle ne la revit plus. Elle nétait pas particulièrement prête à la revoir, ni même à lui écrire mais se dit que cétait là un signe du destin, on lui signifiait clairement quelle se devait de reprendre contact avec Sandrine sans plus attendre. Et cest ce quelle fit, nouveau parchemin et nouvelles excuses
Sand,
Tu vas certainement vouloir me tuer, et pour de bon cette fois ! Je ne suis pas morte logique tu me diras puisque tu me lis. Jétais à Chalon et jai cru tapercevoir dans une rue de la ville, était-ce bien toi ?
Je lai cru en tout cas, je tai cherché mais je ne tai pas retrouvé. Jen conclue donc que tu étais un mirage. Enfin, tout ça pour te dire ou plutôt te demander, pourras-tu me pardonner ? Je lespère sincèrement, tout comme jespère pouvoir te revoir un de ces jours. Tu mas manqué comme pas possible !
Je tembrasse,
Et ensuite, dans lattente chalonnaise, Kat fit la rencontre dun jeune maréchal, qui investit dune mission toute nouvelle : la garder en vie, sétait proposé de lui trouver une escorte pour la suite de son voyage car les routes étaient infestées de brigands. Ce qui ne fut pas simple, étant donné quelle finit par partir deux semaines plus tard accompagnée de ce jeune homme et de quelques-uns de ses amis autunois.
Avant le départ, elle avait aussi reçu une réponse de Sebastian, il navait pas eu à chercher fort loin pour trouver Viika, la bâtarde avait élu domicile en Berry.
My dear Kat,
Jai été étonné de te lire, mais je lai été encore plus en lisant le contenu de ta missive. Je ne pensais pas ce jour arriver, et jai encore du mal y croire. Je suis heureux que tu te sois décidée à revenir à la vie, et plus encore que tu veuilles connaître ta fille !
Je me suis donc chargé de ta mission, et je nai finalement pas eu besoin de pousser mes recherches très loin, sachant que Viika vivait à Bourges jusquà il y a peu. Et ce toujours en compagnie de la cousine de son père. Jai laissé trainer mes oreilles çà et là, il semblerait quelle ait voulu faire des recherches sur ses parents. Mais peu déchos à votre sujet sont parvenus à ses oreilles, poor little girl (***) Elle vient juste de déménager à Saint-Aignan avec le couple de provençaux, tu ly trouveras certainement si tu décides de la rencontrer. Je pense quelle a un tas de questions, prépares toi à cette entrevue. Je te connais et je sais que malgré toute la bonne volonté qui doit tanimer actuellement, tu risques de perdre pied face à cette enfant qui doit attendre énormément de ta part.
Be brave, kisses.(****)
Le cur de lEbène ne fit quun tour à la lecture de cette lettre, bien que perplexe quant au peu de confiance de son frère au sujet de la future rencontre mère-fille, elle tenait sa prochaine destination. Ce serait Saint-Aignan en Berry. Et ensuite elle visait Limoges. Un article de lAAP lui avait appris que son filleul y était maire. Elle embarquerait sa bâtarde et dans la foulée retrouverait Nathan. Sacré programme !
Sur la route qui la menait vers le Berry et son futur destin de mère, elle reçut une réponse de Sandrine, une réponse rassurante mais qui lui déchira le cur de même. LEbène qui pensait ne plus pouvoir ressentir quoi que ce soit tomba à genoux à la lecture de cette missive
Ma chère zum
Je crois que je vais te tuer de mes propres mains......... au moins je serais sure que tu sois morte. Je déconne, je suis heureuse de te savoir vivante et j'aimerais qu'Ignace me fasse la même surprise.
Pour ma part je suis à Marseille et j'y reste l'été...... ensuite tournoi de Genève c'est incontournable pour la mémoire de l'As..... ah vi tu sais peut être pas même si tu as du comprendre dans ces quelques lignes..... Ignace est mort de la sale mort .......... celle qu'il naurait jamais voulu, dans son lit......... du coup Tinig est mort de chagrin et Lyly passe sa vie au monastère. Heureusement Ob a repris le dessus. Enfin faudrait que je te vois pour t'expliquer mieux.
En quelque mois je me suis retrouvée super seule, mais tu me connais je flanche jamais, j'ai un homme et des amies, des auvergnates tu vas pas y croire........ mais putain on se marre, puis elles quittent le BA.
Bien moi que tu as vue dans les rues de chalon et je te remercie de n'avoir pas débarqué en tav, j'crois que tu aurais pris ma mains dans la tronche, enfin sauf si j'étais tombée dans les pommes............. Kate arrête de me faire ça tu vas vraiment me tuer un jour.............Et comment oses tu demander si je peux te pardonner ? t'es ma zum mon autre moi je pourrais toujours te pardonner
grosses bises ma zum et à très vite j'espère
Sand
Ce soir-là, des larmes quelle pensait taries depuis longtemps vinrent mouiller les joues de lEbène, un flot incessant jusquau petit matin où elle finit par sendormir, endolorie par la peine. Savoir que cet adorable bambin et son frangin d'adoption n'étaient plus de ce monde était une déchirure, un drame
- Saint-Aignan en Berry, le 6 août 1465 ou le jour de la première confrontation
A présent elle ne pouvait plus faire demi-tour, elle se trouvait devant la maisonnée où vivait Viika. Elle ignorait si cétait à elle quelle aurait à faire, ou bien à la cousine Champlecienne ou encore à lépoux de cette dernière. Cest dans un flou total quelle frappa à la porte, les secondes qui la séparaient encore du face à face qui lattendait parurent des heures. Elle oublia vite tout le discours quelle avait préparé et cest complètement démunie quelle affronta cette porte qui commençait à souvrir
(*)A Sebastian, mon frère
De Kateline, la perdue
(**)Mon cher
(***) pauvre petite fille
(****) Sois forte, bises
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