L_aconit
Il poserait aux pieds du Duc dont il s'était épris son serment pour un an.
Un an, dans l'arcane d'une fin d'été. Un an pour ne pas avoir de regrets. Du haut de ses dix huit ans, Le jeune homme frêle aux traits opalins n'avait plus rien à voir avec l'écuyer qui avait fuit la Bretagne deux années auparavant. Le corps avait déployé sa grâce comme un bouton de fleur qui se révèle à l'aube, faisant de ses pleins des déliés. Des dessins qui avaient perdu la rondeur de l'enfance. Les cheveux mi longs, plus blancs que blonds, avaient décidé d'encadrer anarchiquement le carré naissant d'une mâchoire. De cacher parfois le velours d'un oeil d'azur. De caresser l'ourlet d'une lèvre rose détentrice de ses secrets. Nicolas avait appris d'un homme à l'autre à aimer mieux. A s'abandonner. Et à porter en boutonnière ses rêves inavoués, invitant à les cueillir, à toute main qui en mesurerait l'intensité.
Etendu sur le ventre, sur le lit défait, l'Aconit tire les runes. Les doigts longs caressent la rugosité de la gravure.
- Ehwaz.
Le chat étire un sourire renard. Sans comprendre, le valet l'observe de loin, faisant mine d'épousseter un objet parfaitement propre. Nicolas l'a vu, mais ne dit mot. Nul ne saurait des deux briser ce moment contemplatif. Car Grimm a compris que le jeune breton était ainsi. Secret. Sensible. Inspiré. La dextre choisit de découvrir une nouvelle rune, de gauche à droite. Le parfait alignement des trois petites pierre invite à la précaution.
- Mannaz.
La tête se renverse et la nuque accueille la fermeté de la paillasse. Les yeux se ferment, pour saisir au loin la dernière rune face cachée. Ramenée à sa hauteur, la prunelle éclot d'une paupière mi close.
- Gebo.
L'Aconit se redresse. Décidé. Grimm a cessé d'épousseter. Voyager était inévitable. On ne se forge pas que des autres mais aussi de soi-même. Face à la mer, l'homme sait qui il est. Un grain de poussière, poussé par les vents. Destiné à virevolter fort et loin, pour seule fugace vie d'adrénaline. Ainsi, parti du domaine Royal c'est loin de tout qu'il avait échoué, quelque part sur les côtes de l'atlantique. Comédien perpétuel, chaque ville qui accueillait sa représentation s'entichait du jeune écuyer blond et de son duc fantasque. Les lieux se succédaient, chamarrés d'expériences toujours nouvelles. Tel un marin, où que ses yeux se posaient, partout c'était l'Immense.
Trainer tard le soir dans des tavernes inconnues. S'assoupir , au secret d'une auberge, dans le giron du duc Valaque. Et reprendre au matin, son masque de servitude. Une servitude par habitude, qui finalement ne lui coutait plus rien. Car les mains ne mentent pas lorsqu'elles se joignent dans leurs dos. Les pieds ne taisent rien lorsqu'ils se touchent sous la table. Bien que jamais il n'oserait afficher sa déviance, peureux des représailles humaines et des conséquences inéluctables... Nicolas n'avait plus qu'aux lèvres l'attente fébrile d'un mot que l'on jette. Aux yeux la patience féconde d'une porte qui s'ouvre. Au corps la fièvre de la jeunesse qui marche sur des braises.
Au détour d'une énième ville, dans un énième port, quelques mots cédés du mousse au capitaine, jetés sans innocence. En vertu de l'insouciance que la jouvence pouvait concéder. Puisqu'il en coûte si cher d'être raisonnable. Puisqu'il en coûte la jeunesse. Sur la couche défaite, un ruban carmin et quelques mots peu anodins.
_________________
Un an, dans l'arcane d'une fin d'été. Un an pour ne pas avoir de regrets. Du haut de ses dix huit ans, Le jeune homme frêle aux traits opalins n'avait plus rien à voir avec l'écuyer qui avait fuit la Bretagne deux années auparavant. Le corps avait déployé sa grâce comme un bouton de fleur qui se révèle à l'aube, faisant de ses pleins des déliés. Des dessins qui avaient perdu la rondeur de l'enfance. Les cheveux mi longs, plus blancs que blonds, avaient décidé d'encadrer anarchiquement le carré naissant d'une mâchoire. De cacher parfois le velours d'un oeil d'azur. De caresser l'ourlet d'une lèvre rose détentrice de ses secrets. Nicolas avait appris d'un homme à l'autre à aimer mieux. A s'abandonner. Et à porter en boutonnière ses rêves inavoués, invitant à les cueillir, à toute main qui en mesurerait l'intensité.
Etendu sur le ventre, sur le lit défait, l'Aconit tire les runes. Les doigts longs caressent la rugosité de la gravure.
- Ehwaz.
Le chat étire un sourire renard. Sans comprendre, le valet l'observe de loin, faisant mine d'épousseter un objet parfaitement propre. Nicolas l'a vu, mais ne dit mot. Nul ne saurait des deux briser ce moment contemplatif. Car Grimm a compris que le jeune breton était ainsi. Secret. Sensible. Inspiré. La dextre choisit de découvrir une nouvelle rune, de gauche à droite. Le parfait alignement des trois petites pierre invite à la précaution.
- Mannaz.
La tête se renverse et la nuque accueille la fermeté de la paillasse. Les yeux se ferment, pour saisir au loin la dernière rune face cachée. Ramenée à sa hauteur, la prunelle éclot d'une paupière mi close.
- Gebo.
L'Aconit se redresse. Décidé. Grimm a cessé d'épousseter. Voyager était inévitable. On ne se forge pas que des autres mais aussi de soi-même. Face à la mer, l'homme sait qui il est. Un grain de poussière, poussé par les vents. Destiné à virevolter fort et loin, pour seule fugace vie d'adrénaline. Ainsi, parti du domaine Royal c'est loin de tout qu'il avait échoué, quelque part sur les côtes de l'atlantique. Comédien perpétuel, chaque ville qui accueillait sa représentation s'entichait du jeune écuyer blond et de son duc fantasque. Les lieux se succédaient, chamarrés d'expériences toujours nouvelles. Tel un marin, où que ses yeux se posaient, partout c'était l'Immense.
Trainer tard le soir dans des tavernes inconnues. S'assoupir , au secret d'une auberge, dans le giron du duc Valaque. Et reprendre au matin, son masque de servitude. Une servitude par habitude, qui finalement ne lui coutait plus rien. Car les mains ne mentent pas lorsqu'elles se joignent dans leurs dos. Les pieds ne taisent rien lorsqu'ils se touchent sous la table. Bien que jamais il n'oserait afficher sa déviance, peureux des représailles humaines et des conséquences inéluctables... Nicolas n'avait plus qu'aux lèvres l'attente fébrile d'un mot que l'on jette. Aux yeux la patience féconde d'une porte qui s'ouvre. Au corps la fièvre de la jeunesse qui marche sur des braises.
Au détour d'une énième ville, dans un énième port, quelques mots cédés du mousse au capitaine, jetés sans innocence. En vertu de l'insouciance que la jouvence pouvait concéder. Puisqu'il en coûte si cher d'être raisonnable. Puisqu'il en coûte la jeunesse. Sur la couche défaite, un ruban carmin et quelques mots peu anodins.
" Puisque je ne sais être autre que garçon de serment, à ton poignet passe ce ruban et rejoins moi au secret, derrière l'église. Si tu veux le garder pour un an, tu seras mien et je serai tien au delà des temps. Qu'on se le dise...
Nicolas"
_________________
- (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil