L_aconit
Il faisait froid. Il faisait très froid. Etait-ce le froid d'un temps qui commençait à virer à l'orage ou bien le tourment qui lui gelait les veines? Il faisait nuit. Il faisait très nuit. Nicolas tournait en rond dans la chambre d'auberge où venait de se jouer le drame de sa vie.
Oui. Dix huit ans c'est aussi l'âge où tout prenait des proportions dramatiques.
Le Duc de Trun était sorti. La porte s'était refermée sur un Nicolas abattu. Pour autant, il avait joué la comédie, feignant d'être serein avec l'idée que le roux-duc se rende à un rendez-vous très privé avec la Ozta. S'il était un fait avéré, c'était que le blondin était excellent comédien. Il tenait cela de la Dukessima, Alessia Medicis, qui lui avait appris à exacerber des sentiments imaginaires et à engourdir des sentiments plus réels. Ne pas laisser aux autres le choix des armes en leur montrant ses états d'âmes, nus et crus. Garder son sang froid.
En toutes circontances.
Une coupe de vin venait de s'éclater sur la porte, arrachant à Nicolas un geignement d'animal blessé. Le raffut fit aussitôt rappliquer le valet, qui osa montrer son minois dans l'entrebâillement de la porte. Instinctivement, le breton cacha son visage dans son bras afin de dissimuler à Grimm les perles rageuses qui avaient roulé sur ses joues pâles. Les mots tendres et rassurants de Lestat n'avaient pas su faire leur chemin. Les lettres de Nicolas au Duc, pleines de promesses à attendre, sans gémir, que se fasse ou se défasse son histoire avec l'Alençonnaise n'avaient pas su vraiment le convaincre lui-même. Lestat partait voir une femme. La vie s'arrêtait là. Qu'il daigne l'apprécier ou pas. Qu'il daigne la vouloir ou pas. Drama.
- Mon sieur Nicolas... Tout va bien ? J'ai entendu un...
Il le coupe sèchement.
- ça va . J'ai laissé tomber mon verre de vin.
- Je peux?
Nicolas se laisse tomber mollement en arrière sur la couche défaite, séchant d'un revers de main la pluie sur ses joues. Le valet applique une règle sans âge qui consiste à prendre pour de l'approbation tout silence laissé à sa discrétion.
- Mon sieur est contrarié.
Nicolas roule sur le ventre, dissimulant son visage dans la courtepointe. Saleté. Elle a l'odeur de Lestat. Le valet s'accroupit et nettoie le carnage. Après une minute à l'écouter rassembler les débris. Il marmonne, à demi étouffé dans les draps
- Il est parti la rejoindre.
- Vous savez...
- Je m'en fiche. Il est parti la rejoindre.
Il se redresse, agacé. Vite, une nouvelle coupe. Pour la lancer sur Grimm. Damned. N'y a que les draps froissés pour s'étrangler avec. Grimm ne doit pas avoir de couilles pour rester aussi imperméables aux choses de l'amour.
- Je vous apporte un potage chaud, le temps se gâte. Vous dormirez mieux après avoir mangé.
Est-il au moins compatissant? Nicolas se redresse comme un beau diable, le faciès déterminé. Et un peu défait aussi. Des mèches blondes lui barrent anarchiquement le visage. Ce visage qu'il a si jeune et si emporté. Si expressif lorsqu'il se laisse décortiquer. Les cobalts ont un peu rougi. Les doigts viennent essuyer le nez mutin, conjurant le sort.
- C'est cela Grimm. Sortons.
- Sortir? Mais... Mais où ça?
- Au bordel voyons!
Le valet s'accrocha au chambranle de la porte comme si l'on avait prononcé la sentence de léchafaud.
- Mon sieur, au bordel? Soyez raisonnable...
- Ne faites pas cette trogne Grimm, vous allez faire fuir les catins.
Dit son regard lorsqu'il se posa enfin sur Grimm. Et de lui claquer les fesses avec force en passant derrière lui, semant des débris dans la moitié de la pièce. Oui. Aller au bordel était la solution qu'avait pris l'Aconit pour apaiser sa contrariété de savoir Lestat dans une auberge avec une femme qu'il avait culbuté et qui souhaitait se le marier. Les détails techniques, soupeser le pour et le contre de la décision, ses conséquences et surtout la perspicacité de son coup de tête viendraient après.
On a pas le temps, à dix huit ans, de se morfondre sans se donner l'illusion que l'on a le pouvoir de riposter.
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Oui. Dix huit ans c'est aussi l'âge où tout prenait des proportions dramatiques.
Le Duc de Trun était sorti. La porte s'était refermée sur un Nicolas abattu. Pour autant, il avait joué la comédie, feignant d'être serein avec l'idée que le roux-duc se rende à un rendez-vous très privé avec la Ozta. S'il était un fait avéré, c'était que le blondin était excellent comédien. Il tenait cela de la Dukessima, Alessia Medicis, qui lui avait appris à exacerber des sentiments imaginaires et à engourdir des sentiments plus réels. Ne pas laisser aux autres le choix des armes en leur montrant ses états d'âmes, nus et crus. Garder son sang froid.
- 'BANG'.
En toutes circontances.
Une coupe de vin venait de s'éclater sur la porte, arrachant à Nicolas un geignement d'animal blessé. Le raffut fit aussitôt rappliquer le valet, qui osa montrer son minois dans l'entrebâillement de la porte. Instinctivement, le breton cacha son visage dans son bras afin de dissimuler à Grimm les perles rageuses qui avaient roulé sur ses joues pâles. Les mots tendres et rassurants de Lestat n'avaient pas su faire leur chemin. Les lettres de Nicolas au Duc, pleines de promesses à attendre, sans gémir, que se fasse ou se défasse son histoire avec l'Alençonnaise n'avaient pas su vraiment le convaincre lui-même. Lestat partait voir une femme. La vie s'arrêtait là. Qu'il daigne l'apprécier ou pas. Qu'il daigne la vouloir ou pas. Drama.
- Mon sieur Nicolas... Tout va bien ? J'ai entendu un...
Il le coupe sèchement.
- ça va . J'ai laissé tomber mon verre de vin.
- Je peux?
Nicolas se laisse tomber mollement en arrière sur la couche défaite, séchant d'un revers de main la pluie sur ses joues. Le valet applique une règle sans âge qui consiste à prendre pour de l'approbation tout silence laissé à sa discrétion.
- Mon sieur est contrarié.
Nicolas roule sur le ventre, dissimulant son visage dans la courtepointe. Saleté. Elle a l'odeur de Lestat. Le valet s'accroupit et nettoie le carnage. Après une minute à l'écouter rassembler les débris. Il marmonne, à demi étouffé dans les draps
- Il est parti la rejoindre.
- Vous savez...
- Je m'en fiche. Il est parti la rejoindre.
Il se redresse, agacé. Vite, une nouvelle coupe. Pour la lancer sur Grimm. Damned. N'y a que les draps froissés pour s'étrangler avec. Grimm ne doit pas avoir de couilles pour rester aussi imperméables aux choses de l'amour.
- Je vous apporte un potage chaud, le temps se gâte. Vous dormirez mieux après avoir mangé.
Est-il au moins compatissant? Nicolas se redresse comme un beau diable, le faciès déterminé. Et un peu défait aussi. Des mèches blondes lui barrent anarchiquement le visage. Ce visage qu'il a si jeune et si emporté. Si expressif lorsqu'il se laisse décortiquer. Les cobalts ont un peu rougi. Les doigts viennent essuyer le nez mutin, conjurant le sort.
- C'est cela Grimm. Sortons.
- Sortir? Mais... Mais où ça?
- Au bordel voyons!
Le valet s'accrocha au chambranle de la porte comme si l'on avait prononcé la sentence de léchafaud.
- Mon sieur, au bordel? Soyez raisonnable...
- Ne faites pas cette trogne Grimm, vous allez faire fuir les catins.
Ce soir, tu vas pécho.
Dit son regard lorsqu'il se posa enfin sur Grimm. Et de lui claquer les fesses avec force en passant derrière lui, semant des débris dans la moitié de la pièce. Oui. Aller au bordel était la solution qu'avait pris l'Aconit pour apaiser sa contrariété de savoir Lestat dans une auberge avec une femme qu'il avait culbuté et qui souhaitait se le marier. Les détails techniques, soupeser le pour et le contre de la décision, ses conséquences et surtout la perspicacité de son coup de tête viendraient après.
On a pas le temps, à dix huit ans, de se morfondre sans se donner l'illusion que l'on a le pouvoir de riposter.
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- (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil