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[RP] Pierre qui roule, n'amasse pas Rousse.

Gysele
[Début du mois d'Août]


Je commençais à m'ennuyer dans des villages où seules quelques âmes en peine traînaient leur ombre d'un pas mou et sans vigueur. Vraiment, il était temps qu'on bouge et qu'on se trouve une occupation. En général, avec le muet, je n'ai jamais de mal à me distraire, mais cette fois, l'occupation choisie avait le mérite d'être utile. Oui, nous avions dépassé le stade du "va voler un mouton" pour nous lancer dans un entraînement appliqué.

Quelques jours auparavant, je venais de retrouver mon ami en pleine crise existentielle, quand l'idée qu'il continue de me former à me défendre, là où je m'en étais arrêtée en quittant le service du Courcy, m'étais montée à la tête. Pas trop emballé, Pierre rechignait au début, mais il suffit de quelques arguments concernant ma capacité à me défendre -c'est à dire aucune, je suis nulle de chez nulle- et de lui remontrer les cicatrices récupérées par cet affreux moine qui me hante encore chaque nuit, pour qu'il finisse par céder.

Aujourd'hui est donc mon premier jour. Nous nous sommes donnés rendez-vous dans une clairière où il devra m'apprendre l'art de manipuler le couteau et le combat à main nue. Je ne cherche absolument pas à devenir une grande guerrière, juste à ne plus jamais me laisser faire sans au moins arracher une oreille à mon adversaire. Assise sur un tronc au milieu de l'herbe, je suis vêtue de braies et d'une chemise, préférant être à l'aise pour mon premier cours. Pierre a beau m'avoir vue nue des centaines de fois, je ne souhaite pas jouer de mes charmes avec lui, pas même pour gagner par ruse. Si le muet en était encore à se laisser dissiper par mes gambettes, j'en serais la première surprise. Patientant le temps qu'il daigne arriver, he joue avec la pointe d'un couteau, non pas pour une quelconque manœuvre de guerre, mais bien pour dessiner des arabesques dans la terre.

"Faites l'amour, pas la guerre" serait bientôt mon credo, si seulement je vivais dans mon monde utopique. Mouais. Pendant ce temps là, mon professeur se fait attendre et ma patience légendaire commence à se craqueler -déjà-. Retroussant mon nez en une moue râleuse, je finis par lâcher :


- Je suis sûre qu'il se défile ! Dix écus qu'il a préféré boire un coup ou fumer du crapaud que de venir ici me castagner un peu !
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Pierre...
Un muet n'est jamais en retard, ni en avance d'ailleurs. Il arrive précisément à l'heure prévue.*
D'abord. Et puis il avait une bonne raison, le taiseux, de faire poireauter sa rousse préférée. Il était allé faire des emplettes. Bon, d'accord. Pas tout à fait des emplettes. Disons de l'emprunt à plus ou moins long terme. Dans un champ. Et promis, ça n'était pas un mouton (évitons le comique de répétition).

C'est ainsi que la grande silhouette élancée du barbu apparut, traînant derrière lui... un épouvantail.
Un de ces vieux machins constitués d'un sac de jute rempli de paille, avec un chapeau troué sur le chef, qui servaient davantage de perchoir aux oiseaux que de repoussoir. Pour bien faire les choses, Pierre l'avait personnalisé. Au charbon, en grosses lettres capitales, était inscrit sur ce qui lui tenait lieu de front : «
Boîte à gruau ». Et, sur ce qui constituait une ébauche de tronc : « boîte à organes », puis plus bas « sac à boyaux ».
Gygy voulait de la pédagogie ? Elle allait en avoir ! Il faudrait bien qu'elle s'exerce à planter quelqu'un, et pas question de la laisser approcher ses propres côtes avec une lame. Le crapaud ne l'avait pas rendu suicidaire.

C'est que Pierre n'était pas des plus emballés par cette histoire. Apprendre à Gysèle à se battre !
C'était... Comment expliquer ça ? Ça sentait les emmerdes à plein nez. Le muet ne savait pas ce qu'il y avait de plus terrifiant. Sa rouquine prête à enfoncer une dague dans l’œil de quelqu'un, ou incapable de se défendre. Comme la dernière fois. Mais ils en avaient longuement débattu, et elle avait fini par gagner, comme d'habitude.

Saluant son élève d'un geste du menton et d'une esquisse de sourire, Pierre lâcha au sol son mannequin d'entraînement improvisé. Son sourcil se haussa en une question muette.


Prête ?


* très fortement inspiré de Tolkien, à propos des magiciens.
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Gysele
Perdu. Pour changer, je me fais encore avoir par cet agaçant ami qui me dépouille de tout mon argent -oui vous pouvez rire, mais dix écus, ça reste le prix d'une gâterie, ça vous fait moins rire maintenant ? - et il n'a aucun scrupule à m'en délester ! Je relève donc mes yeux sur le grand muet et avise l'objet qu'il traîne avec une moue déçue en lâchant un "Pas trop tôt" très audible. Je râle. Comment ça je m'attendais à tailler directement dans le lard ? Bon d'accord, je me voyais déjà virevolter tout autour de lui pour lui montrer...mon absence totale de don en matière de combat. Encore une fois, Pierre montre qu'il en connaît bien plus sur moi qu'il n'en laisse paraître. Ses silences ne veulent vraisemblablement pas dire qu'il ne comprend rien à rien. J'ai beau lui balancer mon sale caractère à la trogne régulièrement, je ne sais tout simplement pas ce que je ferais sans sa présence rassurante.

Je récupère mon couteau et me relève pour valider d'un hochement de tête. Prête, prête, il est marrant lui. Mais oui j'imagine que je le suis. Je regarde l'épouvantail avec scepticisme et marmonne :


- Il est moche, j'ai pas très envie d'empirer son cas. M'enfin d'ici que je l'atteigne j'imagine... J'apprends quoi ? A lancer ou à attaquer au couteau ?

Je resserre ma petite lame dans mes poings crispés, car je suis un peu anxieuse. Je fais mes premiers pas volontaires dans la violence. Ce qui me met dans cet état, ce n'est pas mon côté pacifique, mais bien cette part de noirceur qui s'agite de plus en plus en moi et qui ne demande qu'à se laisser stimuler. Je sais qu'en apprenant à me défendre, j'ouvre aussi la porte à cette face plus sombre dont je crains l'emprise. J'offre néanmoins un sourire à Pierre. Lui, il est entier. Ni bon, ni mauvais. Il reste un vrai mystère pour moi même après toutes ces années.

En me concentrant un peu, je me rends compte qu'alors que je l'attendais, je ne prêtais même pas attention à mon environnement. Je n'avais pas remarqué que le sol n'était pas bien droit, ni même combien j'étais à découvert. Je ne réalisais pas le sens du vent que je vois à présent agiter la paille de ce mannequin improvisé, ni ne voyais les éclats de soleil se refléter sur quelques pierres blanches en me réduisant considérablement la vue. Ce n'est, qu'une fois l'arme en main et mon cerveau mis en condition de combat, que je prenais conscience de tous ces menus détails qui pouvaient faire toute la différence. Plantée au milieu du champ, je ne sais quelle posture prendre et mon regard se fait plus insistant sur Pierre "Tu m'aides ? Tu me montres ? Tu me corriges ? Apprends-moi !".

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Pierre...
Malgré lui, Pierre ne put s'empêcher de laisser un sourire trop satisfait de lui-même lui manger la barbe. Il savait que Gygy serait charmée par son mannequin. Était-ce la courbe coquine de son sourire dessiné au charbon, ou la bourre qui s'échappait d'un air canaille des coutures du sac de toile grossière dont il était constitué ? Elle pouvait bien faire la moue et le dire laid, le muet savait que sa rouquine s'attachait déjà au bonhomme de paille. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne lui trouve un nom.

Mais déjà, la voilà qui se mettait en position. Pierre arqua un sourcil, presque surpris de la voir si sérieuse. Gysèle n'avait pas menti. Elle était motivée. Il sentit, au fond de lui, un léger pincement. Une trahison, presque, de sa part à elle, un peu de honte, de sa part à lui. Elle ne voulait plus compter que sur lui pour la protéger. Il avait failli, une fois, et ça avait ébréché la confiance en leur monde.

Bon.
Le taiseux observa la posture de son amie, tête légèrement penchée de côté, un sourcil froncé, une grimace naissante au coin de la lèvre. Se marrer, soupirer ou se taper le front de la paume ? Il n'avait pas encore décidé. Toujours est-il qu'il ferait la nounou encore longtemps, elle n'était pas prête à égorger ses premiers moines toute seule...


Tss tss tss tss.

Il faisait pas beaucoup de bruit, le muet. Il pipait pas un mot, même.
Mais le claquement de langue désapprobateur, il le maîtrisait mieux que quiconque.

Voûtant son interminable silhouette pour se mettre à son niveau, Pierre se mit à tourner autour de son élève, se mettant de son mieux dans la peau d'un professeur consciencieux.

Une tape par-ci, une tape par-là, histoire de rectifier la position. Une taloche derrière la caboche, parce qu'il faut bien en profiter.
Les coudes, pas en dedans. Les pieds, pas en canard. L'équilibre n'est pas bon. Une bourrade, et la Gygy finirait le cul par terre. Les paumes tachées d'encre du taiseux se posèrent sur les hanches de la rouquine, les recouvrant presque entièrement tant elles étaient larges, pour l'aider à trouver une meilleure assiette.
Puis, ses longs doigts volèrent en direction du couteau qu'elle étouffait entre ses menottes, tentant d'assouplir leur étreinte.

Pierre se recula. Lâcha une moue presque convaincue.
Mieux.

Maintenant, on pouvait commencer.

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Gysele
Je l'aime ce Pierre. J'aime notre relation. Cette attitude naturelle et sincère qu'on a l'un pour l'autre. J'aime son ombre protectrice, sa présence silencieuse et pourtant lourde de signification. Et même si, depuis cette journée noire à Saumur, nous avions perdu un petit quelque chose, cette chaleur qui parfois unissait nos nuits ou nos envies, même si depuis, il avait repris son poste de gardien fidèle sans broncher, sans jamais une fausse note dans son comportement, je me sens le besoin de ne plus lui laisser ce fardeau sur les épaules. Il faut que j'apprenne. Il faut que je puisse ne plus compter que sur lui et pouvoir le laisser aussi faire sa vie. Petit oisillon veut sortir du nid, se défaire des ailes surprotectrices d'un homme bourru au foutrement sale caractère. Ça aussi j'aime. Ce tempérament de feu qui couve sous une attitude calme, ce sourire narquois qu'il dessine trop régulièrement pour se moquer de moi.

Celui qu'il lui offre à cet instant précis quand il observe ma posture. Celui-là même qui me fait le maudire ouvertement quand au fond je le remercie de ses gestes et de cette attention qu'il porte au moindre détail. Il veut bien m'apprendre. Je le vois au moindre petit ajustement qu'il fait. Je grogne à la taloche, j'ai cette vilaine impression qu'il prend un malin plaisir à me punir par la même occasion de ma tentative d'émancipation. Ses tapes brouillent ma concentration et quand je tente d'avoir le buste parfait, mes jambes ne le sont pas et quand ce sont mes jambes que j'arrange, ce sont mes doigts que je crispe. Incapable de tout gérer en même temps je souffle beaucoup et ne manque jamais de lui envoyer quelques regards en arrière qui lui disent clairement "tu me fais suer".

Je le sens dans ton dos, oui mais c'est plus fort que moi, mon attention est distraite par les larges paumes sur mes hanches. Je finis par comprendre l'implantation qu'il veut me donner et quand enfin mes doigts maintiennent la lame avec plus de souplesse, je repose mon regard sur l'épouvantail. Pierre pense vrai. C'est que j'adore les choses imparfaites et j'apprécie d'autant plus le sens du détail apporté avec précision sur ce mannequin improvisé. Faudra-t-il vraiment que j'enfonce ma lame là dedans ? Faudra-t-il que je lui coupe la gorge à en déverser la paille sur le sol de la clairière ? Je déglutis. Le geste me semble si terrible que ma main se met à trembler. Et puis comment il s'appelle d'ailleurs cet épouvantail ? Quoique non...lui donner un nom serait pire encore. C'est alors que le stress monte, que je me mets à déblatérer tout un tas de questions :


    - Je...l'attaque de front ? C'est qu'il m'a l'air fort...et grand... cet adversaire. Il aura eu vite fait de me désarmer. Non ? Et ma lame est trop courte...ou alors je l'envoie ? Mais si je l'envoie et que je le rate ? Je me retrouve alors sans arme...

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Pierre...
Et alors que le professeur se croyait presque satisfait de son élève, tout est à refaire. On rectifie le coude que le genou faisait des siennes. C'était comme un de ces jeux impossibles, ces casse-tête qui n'en finissent jamais, où on ne pouvait appuyer d'un côté sans foutre l'autre en l'air. Pierre s'y attendait. Gygy... Il avait toujours considéré qu'elle apprenait vite, si on lui expliquait lentement. Et souvent. Ça devait être pour ça qu'elle faisait autant de conneries, dans la vie.

Le taiseux corrigea encore une fois la rouquine, faisant fi de ses soupirs excédés et de ses œillades assassines (comme si c'était de sa faute si elle était nulle !), la taquinant du regard. Il s'amusait déjà de ses impatiences. Qu'elle se foute en boule. Ça la rendrait plus belliqueuse envers leur empaillé ennemi.

Ou... Ou pas.
À moins que ce ne soit une technique à elle. Noyer l'adversaire sous un flot de paroles sans queue ni tête. Peut-être que ça pouvait marcher. Le déstabiliser. Ou, au contraire, lui faire prendre trop d'assurance et le pousser à la faute. Ou simplement l'endormir. Le muet n'aurait jamais l'occasion d'essayer. Ses épaules furent secouées d'un rire silencieux.

Il tenta de l'apaiser d'une pression sur son poignet, d'un léger geste du menton.

Calme-toi. Je te montre.

Et comme l'anatomie des épouvantails n'est pas ce qu'il y a de plus précis, le bonhomme soulève un peu sa propre chemise, dévoilant quelques pouces de peau pâle, une musculature sèche, nerveuse. Rien qu'elle n'ait déjà vu, après avoir partagé une chambre si longtemps. Mais l'heure n'est pas à l'exhibitionnisme. Du pouce, il désigna un point juste sous la cage thoracique, puis, se retournant, un autre dans le dos, au creux des reins. Puis la gorge, si fragile.

Là. C'est là qu'il faut frapper. C'est là que c'est le plus facile.
Et au vu des quelques cicatrices estompées qu'il arborait, certains avaient déjà essayé.

Pour que Gygy saisisse bien, Pierre lui fit répéter les points, sur son corps à elle.

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Gysele
Je peine à me concentrer. Non pas que le corps de Pierre me fasse de l'effet à ce point là, non. Mais c'est maintenant que je réalise à quel point notre peau est fragile et nos vies vulnérables quand je découvre les zones qu'il faut toucher. Ce derme si tendre, si doux, qui parait si solide sur Pierre, n'est pourtant pas différent du mien. Mes yeux parcourent ces points sur le muet tandis que mes doigts cherchent à trouver les mêmes sur moi. C'est encore pire. Je ne me suis jamais attardée à chercher les zones qui pourraient me tuer et le simple fait d'effleurer ces emplacements me file la nausée.

Je me reprends. C'est qu'il n'est pas question de lâcher l'affaire. Et au fond de moi, l'intérêt n'a pas cessé de grandir, ombre sournoise qui vient grignoter du territoire sur ma non-violence. L'arme pèse soudain très lourd dans ma main, comme si je réalisais enfin ce que j'étais capable de faire avec cet objet et ces informations. Pourtant, je suis encore loin du but, car c'est bien beau de savoir où frapper, il faut encore pouvoir les atteindre. Rien ne me dit que sous la rapidité d'une menace, je serai capable d'avoir les bons réflexes. Quand je finis par maîtriser par cœur ces faiblesses je me retourne pour m'approcher de l'épouvantail et l'observer de bas en haut. Faut vraiment que je me calme, j'ai encore envie d'harceler Pierre de questions mais au lieu de ça je tente de m'imaginer que ce pantin est un grand gaillard et qu'il me faut frapper.

Je commence par pointer la zone sous la cage thoracique du bout de ma lame. Je dis à voix haute autant pour mon ami que pour moi :


    - Mais là...c'est facile de me toucher avant. Et puis si je me rate...

Je bouge le couteau vers la gorge, ça m'oblige à lever le bras et j'ai donc moins de force, néanmoins, elle est souvent plus tendre et donc plus facile à blesser. Et j'enchaîne :

    - Mais ici je suis complètement vulnérable de face... à moins que...

Je me déplace latéralement pour atteindre ma "victime" par le côté, toujours à son cou et déjà je me sens moins exposée. Puis je me glisse totalement dans son dos et là, bien sûr, je me sens totalement en sécurité.

    - Il faut couper ? Enfoncer ? C'est quoi le plus efficace ?

J'en reviens pas de lui demander ça et heureusement qu'il n'y a que de la paille dans ce mannequin sans quoi je ne sais pas si je le dirais avec autant de légèreté. Et finalement, la lame glisse dans le dos de l'épouvantail, là où devraient se trouver les reins et je l'enfonce d'un coup sec à en faire crépiter la paille jusqu'au bois.

    - Comment je pourrais atteindre quelqu'un qui m'agresse de cette façon ? On dirait une technique pour tuer n'importe qui au repos.

Je penche la tête pour observer Pierre, comme si je voulais savoir combien de personne il a tué de cette façon là. Cet ami se révèle peut-être plus sur cette séance d'entraînement que sur des années à mes côtés.
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Pierre...
Imperceptible hochement de tête. Approbateur.
Si Gygy tenait son arme comme on dégainerait le tire-bouchon pour l'apéro, elle repérait aisément les zones vulnérables. Déformation professionnelle peut-être. Connaître le corps des autres, bien qu'il soit question de mort, et non d'extase. Cela dit, les deux étaient bien souvent liés. Paraît-il.

Et toujours, toujours les questions qui se bousculaient entre ses lèvres, pressées au point de ne plus être qu'une bouillie d'inquiétudes ineptes. Ça piaille, ça pinaille. Ça voudrait les réponses avant même d'avoir posé la question, toutes en même temps. Fallait te dégoter un professeur plus causant, ma vieille.
L'espace d'un instant, Pierre manqua d'air, noyé.

Un soupir. Un claquement de langue.
À savoir lequel sera le plus impatient des deux.

D'un geste un peu plus brusque qu'il l'aurait voulu, le muet empoigna la petite mimine malhabile de sa rouquine, l'aidant à fouailler plus profondément dans les entrailles de paille. Faut pas avoir peur de faire mal, t'es là pour ça. Toute ta peur, toutes tes angoisses. T'as qu'à te dire que c'est de sa faute, à cet épouvantail.

On respire, on relâche sa prise.
Toutes épuisantes qu'elles soient, les questions de Gysèle étaient fondées.
Apprendre à se battre, ce n'était pas seulement apprendre à manier du couteau, et savoir où le planter. C'était aussi savoir éviter celui des autres. Si Pierre s'agaçait, c'est qu'il n'y avait pas vraiment pensé. Lui, les avait-il apprises, toutes ces choses ? Il ne s'en souvenait plus. Cela faisait si longtemps que ça en était devenu une seconde nature,, comme si ça avait toujours été inné. C'était stupide. Ça ne pouvait être que faux. Comment avait-il fait ? L'expérience. Il avait appris sur le tas.

Une moue. Un hochement de tête.
Il était temps de changer de méthode.

Ôtant le petit couteau des mains de Gygy, le taiseux cassa un bout du bâton sec qui servait de bras à l'épouvantail, le lui offrant à la place. Puis il s'assura une meilleure prise sur l'arme empruntée.

Et attaqua.

On va apprendre à ne pas apprendre.
Réflexe !


Et avec un peu de chance, elle sera assez paniquée pour se taire.
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Gysele
Qu'il est chiant ! Je sens ses airs désapprobateurs et ça m'oblige à redoubler d'effort pour l'emmerder encore plus, à le questionner toujours plus loin. Comment ça je suis de mauvaise foi ? Comment ça je mets tout sur ses épaules et je me décharge comme à mon habitude de toute responsabilité ? Oui, bon, un peu peut-être, mais c'est que c'est facile de se reposer sur Pierre faut dire. Il a les épaules pour et puis bon, comme il ne peut pas rétorquer, ça m'est facile de le chercher. Quoique, ce muet là trouve toujours un moyen de me renvoyer mes conneries au centuple et depuis toutes ces années, je devrais avoir appris la leçon.
Il change de tactique et je fais une moue en voyant mon couteau disparaître de mes mains. N'étais-je pas en bonne posture face à cet affreux épouvantail ? Qu'a-t-il encore à redire à ce que j'ai fait ?! Bon sang et cet air renfrogné qu'il garde à la trogne et qui me fait lever les yeux au ciel tandis qu'il ajuste ma main sur un bâton...Un quoi ?


    - Euh...tu crois que je peux planter quelqu'un avec ça ? Non parce que vraiment là j'ne vois paAAAAH !!

Il attaque. Bordel. Il attaque pour de vrai ce foutu Pierre. Si j'ai d'abord commencé par me recroqueviller par réflexe, tendant ma main "armée" tout en regardant ailleurs -c'est à dire une position tout à fait inefficace en cas d'agression - j'ai fini par reculer en le sentant me bousculer. C'est que le bonhomme pèse son poids de muscles et je manque de me vautrer en arrière en reculant maladroitement.

    - Hé !! Tout doux !! Pierre ! On peut causer non ? Ah non tu peux pas... m'enfin que veux tu que j'apprEEEENNNE !!!

Je réalise que plus je parle, plus l'ami attaque. A croire que je lui casse les pieds à jacasser. Serait-ce une révélation ? Pierre en aurait-il marre de m'entendre bavasser ? IMPOSSIBLE. Je m'enferme dans mon déni, je me persuade qu'une mouche l'a simplement piqué et qu'il m'apprend à sa façon à me défendre. Je tente de raffermir ma prise sur mon bâton, qui, dans mon empressement, a failli m'échapper des doigts. J'essaie de le planter, pas parce que je veux me défendre, mais juste parce qu'il m'agace là à faire le taureau et parce qu'il m'énerve à être trop rapide, trop agile, à me donner une taloche ici, une pichenette par là, m'obligeant à me tourner dans tous les sens avec une désorganisation déconcertante. Je râle, grogne de frustration, trépigne, tape du pied et je finis par réussir je ne sais pas comment, plus par maladresse que par coup maîtrisé, à toucher son épaule.

    - HAHA ! Gygy ! Tueuse d'emmerdeur professionnelle !

Mais ça, c'était sans compter sur mon délicieux ami qui n'en a visiblement pas terminé avec moi et qui, profitant de mon manque évident de concentration, fait un simple pas vers moi qui m'oblige à reculer. Et s'il n'y avait pas eu cette foutue racine - qu'il a placé là exprès j'en suis sûre- qui me fait basculer en arrière, je suis sûre que j'aurais pu lui montrer de quel bois est faite Gysèle Ponthieu. Mais dans ma réalité, les amis muets ont toujours le dernier mot et c'est le cul à terre, que je termine cet exercice. Tiens Pierre, tu entends cette douce mélodie ? Celle du silence qui vient enfin apaiser tes oreilles et qui dessine sur mon minois une moue pincée. Oui, je boude.

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Pierre...
Pas de chance. Une Gygy paniquée, ça n'était qu'une Gygy qui parlait trop vite. Et qui vous déchirait le tympan à chaque fin de phrase. Il fallait s'y attendre.
Le muet, lui, se marrait bien.

À son premier assaut, la rouquine se recroquevilla, agitant son bâton à l'aveuglette là où Pierre n'était évidemment pas. Tsk. Il lui flanqua un coup de pied juste assez fort pour la déstabiliser, histoire de lui rappeler qu'elle était là pour apprendre à se battre, pas à jouer les limaces effarouchées. Et de reculer vivement, avant qu'elle ne pense à répliquer.

Son élève avait à peine le temps de se redresser, que l'improvisé professeur réitérait déjà. Vif, il tournait autour d'elle, plongeant, l'aiguillant sans cesse comme un insecte agaçant. Il prenait soin de viser les points sensibles qu'il lui avait enseigné, la piquant effrontément avant de faire un pas en arrière. Il ne lui laissait aucune occasion de souffler, sans savoir lui-même s'il s'appliquait à la garder coite et concentrée, ou s'il en profitait simplement pour la faire tourner en bourrique. Sans doute un peu des deux. Il fallait bien se venger de l'arrachage de cheveux continuel qu'elle lui imposait tout au long de l'année, de frasques stupides en aventures dangereuses (bien qu'il trouve ça plus divertissant qu'il ne voudrait jamais l'avouer).

Et Pierre se marrait, donc, le regard pétillant, le visage fendu d'un sourire sincère, les épaules secouées d'un rire silencieux, de voir Gysèle trépigner ainsi.
Au point de ne voir arriver que trop tard la main armée d'un bâton, qui l'effleura alors qu'il esquissait un geste pour l'esquiver. Il grogna, vexé, et pourtant un peu content qu'elle se soit bougé assez pour le toucher, même si c'était pas fait exprès.

Alors qu'elle jubilait, il s'avança, lui rappelant que la leçon n'était pas terminée. Contre un réel adversaire, qu'elle aurait à peine égratigné mais bien échaudé, c'est là qu'elle aurait eu le plus à craindre.

Rictus bien trop satisfait en voyant la rouquine se croûter, son minois tout plissé de dignité blessée.


Ah ça y est, ça boudine.

Continuer à se foutre de sa tronche, ou l'aider à se relever ? Oh non, c'est trop drôle.
Pierre la taquina du pied, comme un gamin asticoterait une bestiole rétive avec un bâton.

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Gysele
Et parce que j'ai un ego sur-développé. Parce que j'ai une susceptibilité aussi grande que Pierre est muet. Parce que je trouve sa pédagogie très très limite aussi, je me relève maladroitement en m'essuyant le derrière des quelques brins d'herbes qui ont pu s'y accrocher. Et plus il se marre, plus je me rebiffe, c'est instinctif. Une moue se dessine, mes bras se croisent sous ma poitrine comme une gamine et je lui lance mon fameux regard furibond qu'il commence à bien connaître. D'un pas que je veux noble et sûr de moi, alors qu'il respire fort la vexitude, je m'éloigne non sans donner un coup de pied dans le pauvre épouvantail qui aura fini par ne plus m'inspirer aucune pitié. Le machin s'effondre et je redresse le menton, fière comme un paon avant de lancer à l'ami moqueur :

    - Tu ramasseras tes conn'ries !

Et parce que j'ai un toupet qui dépasse toutes les bornes quand je suis vexée, je rajoute :

    - Et demain, je me bats pour de vrai. Là je ne faisais que t'échauffer, vieux croûton.

Bien. Maintenant que j'ai fait mon cirque, je peux m'en aller drapée dans toute la dignité qui me reste et surtout en tentant d'ignorer l'air goguenard de Pierre qui se fout royalement de ma tronche. Je trébuche, je l'entends se gausser de ce rire muet qui pourtant résonne à mes oreilles bien trop fort. En vrai, je me demande comment il peut supporter de m'avoir tous les jours depuis autant d'années. Mais ça, je me garderai bien de le lui dire.
Demain, on plongera dans le vif du sujet, on s'entraînera dur et plus efficacement...ou pas.

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