Gysele
[Début du mois d'Août]
Je commençais à m'ennuyer dans des villages où seules quelques âmes en peine traînaient leur ombre d'un pas mou et sans vigueur. Vraiment, il était temps qu'on bouge et qu'on se trouve une occupation. En général, avec le muet, je n'ai jamais de mal à me distraire, mais cette fois, l'occupation choisie avait le mérite d'être utile. Oui, nous avions dépassé le stade du "va voler un mouton" pour nous lancer dans un entraînement appliqué.
Quelques jours auparavant, je venais de retrouver mon ami en pleine crise existentielle, quand l'idée qu'il continue de me former à me défendre, là où je m'en étais arrêtée en quittant le service du Courcy, m'étais montée à la tête. Pas trop emballé, Pierre rechignait au début, mais il suffit de quelques arguments concernant ma capacité à me défendre -c'est à dire aucune, je suis nulle de chez nulle- et de lui remontrer les cicatrices récupérées par cet affreux moine qui me hante encore chaque nuit, pour qu'il finisse par céder.
Aujourd'hui est donc mon premier jour. Nous nous sommes donnés rendez-vous dans une clairière où il devra m'apprendre l'art de manipuler le couteau et le combat à main nue. Je ne cherche absolument pas à devenir une grande guerrière, juste à ne plus jamais me laisser faire sans au moins arracher une oreille à mon adversaire. Assise sur un tronc au milieu de l'herbe, je suis vêtue de braies et d'une chemise, préférant être à l'aise pour mon premier cours. Pierre a beau m'avoir vue nue des centaines de fois, je ne souhaite pas jouer de mes charmes avec lui, pas même pour gagner par ruse. Si le muet en était encore à se laisser dissiper par mes gambettes, j'en serais la première surprise. Patientant le temps qu'il daigne arriver, he joue avec la pointe d'un couteau, non pas pour une quelconque manuvre de guerre, mais bien pour dessiner des arabesques dans la terre.
"Faites l'amour, pas la guerre" serait bientôt mon credo, si seulement je vivais dans mon monde utopique. Mouais. Pendant ce temps là, mon professeur se fait attendre et ma patience légendaire commence à se craqueler -déjà-. Retroussant mon nez en une moue râleuse, je finis par lâcher :
- Je suis sûre qu'il se défile ! Dix écus qu'il a préféré boire un coup ou fumer du crapaud que de venir ici me castagner un peu !
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