Louis_marie
- [S'il s'agit de désir, je crois pouvoir dire que tu me manques
Je ris comme je respire mais au fond je tangue
Et me démange ton souvenir maintenant que me voici
Tout seul
On est peu de choses
Je t'appelle et n'ose
Plus te le demander
Ne me laisse pas
Tout seul
Le temps nous impose
Cette solitude
Il y a mes bras
Et les tiens pourquoi pas.*]
Louis-Marie. Tu n'es rien d'autre que son petit frère. Une petite racaille de Paris, trop banal, pas assez grand, et vraiment pas fait pour elle. Une femme comme elle a besoin de plus. Elle a besoin d'un homme, un vrai. Avec de l'endurance.**
Préférant encore ne plus exister pour elle plutôt qu'être à ses yeux cette petite racaille de Paris, tu as disparu, LM. Un choix facile, du moins au début. Rien ne t'a semblé plus évident que de la maudire en silence, de l'accuser, de lui en vouloir, de la haïr pour t'avoir ainsi mené à ta perte. Si seulement elle n'était pas si jolie, si séduisante, si habituée à se faire désirer. Si seulement elle n'avait ni cette bienveillance rassurante, ni cette irrésistible démarche qu'on ne peut que suivre. Si seulement elle n'avait pas cette habileté naturelle à exciter le désir des hommes. Si seulement, ce soir-là, elle avait caché à tes yeux ces seins que tu ne savais pas voir. Si seulement elle n'était pas si parfaite et si amoureusement envoutante. Si seulement elle n'était pas Gysèle.
Les premiers jours de juillet, tu as su te persuader que tout était sa faute, qu'elle était cette catin manipulatrice qui éveille les sens pour mieux détruire l'orgueil de ses victimes. Pire que votre mère, avait un jour dit Evroult. Et voilà que, pour une fois, tu lui donnais raison. Mais, pire, traînant partout ton air boudeur et tes pensées colériques, dépensant tes maigres économies dans des bouteilles d'alcool répugnants ou dans quelques cuisses féminines pour n'y passer que d'éphémères secondes, tu donnais aussi raison à ta soeur : tu es une petite racaille de Paris, un gamin trop banal, pas assez grand, et manquant décidément d'endurance.
Et tu aurais pu continuer à ruminer ton piètre sort et à te vautrer dans ta rancune, si seulement Gysèle n'était pas venue te rappeler son existence. De la plus étrange et de la plus involontaire des façons, sans doute. Mais voilà que la rousse avait surgi dans tes rêves, était venue agiter tes nuits, présence rassurante qui consolait ton chagrin et qui, parfois, souvent même, ôtait ses vêtements de grande soeur pour venir contre toi, nue et charmante.
Ta barbe a poussé, tes mains tremblent tant que tu n'as pas ingurgité une dose d'alcool bien peu raisonnable, ta tignasse trop longue mériterait maintenant presque qu'on l'attache. Tu t'es oublié, LM, cherchant en permanence à te rendormir, à assommer ta conscience pour retrouver tes songes et leur habitante. Mais aujourd'hui, il suffit. Te contenter d'une Gysèle irréelle ne te suffit plus. Le manque s'est fait trop grand.
Tu viens de vivre deux mois sans passer tes doigts dans sa crinière rousse. Deux mois sans respirer son parfum. Deux mois sans la voir ivre. Deux mois sans la voir sobre. Deux mois sans la tenir contre toi. Deux mois sans entendre sa voix. Deux mois sans laisser ton regard glisser dans son décolleté - car oui, consciemment ou non, discrètement ou non, l'oeil vert n'a jamais cessé de s'égarer sur le corps de ta soeur. Deux mois sans savoir si elle est en sécurité, si Merance et Pierre prennent soin d'elle, si elle est heureuse. Deux mois sans sourire une seule fois. Bref, deux mois sans Gysèle.
Le manque s'est fait trop grand et, petit être prostré dans un coin de ta chambre d'auberge, une bouteille posée près de toi, tu te décides enfin à lui écrire. Des heures déjà que tu tentes d'arriver à la formulation parfaite, pour exprimer une simple proposition : "serre-moi dans tes bras, blottis-toi dans mes draps". Mais, puisque Ponthieu n'a jamais rimé avec courageux, et, surtout, puisqu'il s'agit de ne rien laisser transparaître de tes sentiments - discrétion oblige - les mots qui s'encrent sur le vélin et qui seront bientôt transmis à la rousse sont bien moins francs et ô combien plus décevants.
Citation:
J'ai soif, et j'ai toujours détesté boire seul. Je me suis dit qu'on pourrait peut-être partager un verre, un de ces jours. Qu'en penses-tu ?
M'en voudras-tu si je t'avoue que je rêve de te voir à nouveau attaquée par une araignée ?
Je t'aime.
LM
- Gysèle,
J'ai soif, et j'ai toujours détesté boire seul. Je me suis dit qu'on pourrait peut-être partager un verre, un de ces jours. Qu'en penses-tu ?
M'en voudras-tu si je t'avoue que je rêve de te voir à nouveau attaquée par une araignée ?
Je t'aime.
LM