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[RP]Coincidences ou connivences...la suite

Lucas.

    « Paris, Aphrodite, 30 Août 1465 »


Le voyage qui l’avait mené jusqu’à l’Aphrodite avait été fertile en information pour le Maître. La petite savait se taire lorsque cela était implicitement demandé. Était-ce l’effet Sampiero? L’avait-il intimidé? Ou simplement montrer la voix? Par ailleurs, elle avait également su garder sa place: en retrait, derrière Lucas. Le parisien avait apprécié. La fille semblait montrer ce brin de jugeotte requis pour un travail à l’Aphrodite selon la conception que le Maître s’en faisait. Être jolie mais sotte pouvait passer lorsque l’on travaillait dans une maison close miteuse fréquenté par la lie du royaume, mais c’était totalement insuffisant pour avoir la chance de faire partie du personnel de l’Aphrodite. C’était la première fois que Lucas était impliqué dans une embauche de Flav. La première impression était bonne. A un petit détail près.


- Mon nom n’est pas Dentraignes mais Dentraigues et il n’est utile qu’en dehors de l’Aphrodite. Ici…

Ils se trouvaient dans le Grand Hall d’entrée de l’établissement.

- … Je souhaite que tu m’appelles Maître. Ni nom, ni prénom, ni titre, ni fonction. Simplement « Maître ».

Du vouvoiement au tutoiement. Passage d’une barrière. Ici, Il était le Maître et il ne vouvoyait aucun employé. Il allait partir en direction de l’escalier lorsqu’il s’arrêta brutalement et se ravisa. Se tournant vers « Elle », il ajouta.

- D’ailleurs, tu m’appelleras « Maitre » même si tu me croises à l’extérieur. Quel que soit l’endroit pour peu que je représente l’Aphrodite ou que j’y suis en tant que Membre de l’Aphrodite. Dans le doute, abstiens d’utiliser le nom de « Lucas » ou celui de « Dentraigues ».

Lucas n’avait jamais accepté sa radiation du barreau de Paris. Il l’avait vécu comme une grande injustice, une coalition de ces perdants qui en avaient assez de paraître incompétents lorsqu’ils se retrouveraient au tribunal face à lui. Ces mauvais avaient dû se mettre tous ensemble, ils avaient usé de méthodes déloyales pour avoir raison de lui. Ils avaient leur vendu leur âme au Sans-Nom et un jour, ils le paieraient. Tous! Sans aucune exception. C’est à partir de ce moment qu’il avait pris le pseudonyme de « Maître », sorte d’attache à un passé révolu qui le rendait mélancolique à chaque fois qu’il y repensait. C’est aussi la raison pour laquelle il y tenait tant.

Un autre détail avait aussi attiré son attention dans les quelques phrases qu’elle avait prononcées. La fille reniait le terme de catin au profit de celui de courtisane. Ce fut le deuxième point qu’elle marqua. Une catin donne son corps. Une courtisane donne du plaisir sous toutes ses formes. Un catin ne s’intéresse qu’au côté charnel souvent vite et mal fait. Une courtisane prend le temps de découvrir celui ou celle qui requiert ses services. Sa palette de services est bien plus étendue que celle de la catin. Si elle était capable de comprendre de cela, si elle avait du talent alors elle serait sans doute en demande de la part des membres de l’Aphrodite. C’est exactement ce qu’il lui expliqua en montant les escaliers pour les mener à l’étage, là où avaient été installé les chambres des employés.


- …Et de facto, le terme client est déconseillé. L’Aphrodite n’est pas un endroit où n’importe quel quidam aux bourses pleines vient satisfaire ses besoins charnels. C’est un cercle privé. On y entre sur invitation ou par référence, comprends-tu? Et s’il t’arrivera d’offrir ton corps, il faut que tu saisisses que ce n’est pas le seul plaisir qui est offert ici. Comprends-tu?

Le grincement de la porte qu’ouvrit alors Lucas n’était pas la marque d’un manque d’entretien. L’Aphrodite venait d’être rénové de fond en comble pour que sa réouverture soit un succès. C’était un choix avéré qui avait plut au Maître. La raison? Vous l’en découvrirez sans doute plus tard. Comme il l’avait fait à l’entrée de l’établissement, Lucas entra le premier et d’un geste de la main invita « Elle » à entrer.

- Voici ta nouvelle chambre. Elle est tienne. Tu n’es pas obligée de la partager avec les membres de l’Aphrodite. Son loyer s’ajoute à la dette que tu as déjà contractée auprès de Flavien et que tu paieras par ton travail ici. Installe-toi. Comme tu le vois, j’ai demandé qu’un bain te soit préparé. Il me semble indispensable. J’espère que tu es d’accord. Prends-le. Moi, il faut que j’aille prévenir Flav de ton arrivée.

Le Maître s’apprêtait à quitter la pièce lorsqu’il se ravisa, s’arrêta, tourna les talons dans sa direction.

Ah! Et…ne verrouille pas ta porte derrière moi!

… puis il sortit, refermant la porte derrière lui et attendit un un instant pour s’assurer que sa dernière demande avait bien été comprise et appliquée.


_________________
.elle


    Les mots du chevelu avant de la faire pénétrer dans l'antre de tous les délices raisonnaient à son oreille, le message avait cet avantage d'être clair et direct, et ne nécessitait aucune réponse.
    Ainsi se contentant d'incliner la tête en retour à la question-invitation, la jeune femme brune découvrit son nouveau chez elle, le regard félin s'ouvrant grandement devant le faste et le luxe de l'endroit.
    La phrase de Théodora raisonnant alors dans sa tête avec un léger sourire se mettant à irradier les traits fins de son visage "Tu as eu de la chance, profites-en, tout ira bien maintenant".
    Il semblait que la maquerelle avait raison, l'endroit le laissait en tout cas supposer.

    Acquise à la contemplation du lieu, "Elle" détourna ses émeraudes vers Lucas lorsque la voix masculine pris résonance dans l'ampleur de ce hall majestueux, salon de réception, prémisse aux plaisirs offerts ici lieu, l'écoutant sans dire un mot.
    Tout juste un soubresaut de lèvres esquissé d'avoir écorché son nom, mais à décharge il n'avait pas pris la peine de se présenter à elle, et entre le sang qui tambourinait son crâne échappant de justesse à Julot et la distance quand il s'adressait à Théodora, elle aurait mal entendu.
    Les émeraudes vacillèrent sous sa paupière, discrètement, imperceptiblement lorsque la mise en place de qui était qui ici avait été clairement affiché, pourquoi ce besoin de maîtrise chez le genre masculin, "Elle" ne se l'expliquerait jamais, ce n'était pourtant pas faute d'avoir été "celle là" pour nombre de ces hommes en mal de soumission contre rétribution.

    Le pas du "Maître" de l'Aphrodite fut emboité vers l'escalier qui menait en étage, lorsque précision supplémentaire s'ajouta au souhait, car sauf erreur il avait émis là un souhait et non une invective.
    Tout était question de sémantique, mais si la brune aux reflets de feu avaient appris une chose au cours de sa vie, c'était bien l'art de jouer des mots et la formulation avait été celle-ci "je souhaite".
    Dans tous les cas, si Messire Dentraigues donnait ses désidératas comme il lui venait, "Elle" aurait sans nul doute un ou deux ajustements à y apporter, mais pour l'heure, la voix de la belle à la rose resta en fond de gorge.
    Il y avait un temps pour tout, celui des mises au point de détails n'était pas venu, un simple grincement de dents toute en subtilité inaudible manifestant une pointe de mécontentement.

    L'étage atteint les explications se poursuivaient sur le fonctionnement de l'endroit, ses us et coutumes, ses ambitions, et tout ceci dans une grande application du blond qui ponctuait ses phrases d'un "comprends-tu ?" digne d'une jouvencelle découvrant un lieu de plaisir pour le première fois.
    Avait-elle réellement cet air candide ? Ca pouvait lui arriver mais en cet instant aucunement.
      J'entends et je comprends oui.


    Nul besoin d'en dire plus, l'ouïe déjà torturée par le couinement de la porte qu'il ouvrait pour y pénétrer et l'y inviter, neuf tout y était flambant neuf, le parfum du luxe se répandant dans chaque recoin de cette alcôve qui lui était allouée.
    Allouée comme le terme était justifié, puisque la sentence venait d'être annoncée, à louer, loyer à verser, clientèle à portée se méritait, mais ici au moins les pécores du coin et la lie de l'humanité n'avaient pas pied.
    Loyers ajoutés à sa dette, soudainement le piège semblait se faire plus concret, cage dorée certes, mais pour l'heure, la galante à la rose risquait d'être ici pour un petit moment, mais devait-elle l'avouer, à cet instant précis elle s'en fichait autant que de sa première paire de bas.

    Verdoyance posé sur le baquet fumant, lèvres s'étirèrent imperceptiblement avant que de regarder Lucas s'éloigner vers la porte, déposant ses effets sur la couche de ce qui allait devenir son chez elle.
    La progression stoppée et la requête théatrâle de fin d'acte, la fit sourire alors qu'elle le laissait terminer sa scène, se dirigeant vers la porte close, le pied encore botté, posant sa main sur le loquet.

    Léger instant de réflexion où la barre de métal glissait lentement dans son hôte, alors que le regard de jade faisait le tour de la pièce, simplement, calmement.
    Tout était digne de ce qu'elle avait pu espérer trouver un jour, la maison, le style, l'ambiance, sa chambre, même un bain avait été prévu pour son arrivée...
    Le loquet cessa sa coulisse pour se rouvrir d'un geste assuré... "prévu pour son arrivée", sauf que son arrivée n'était t-elle pas un heureux hasard ? une coïncidence ?
    La présomption de connivence fut chassée de son esprit pour l'instant, le chevelu était partie quérir une galante, donc elle ou une autre le bain s'avérait un moment de détente, qu'elle comptait bien honorer de sa présence.
      Bien.


    Etrangement une de ses premières actions fut de déposer ses compagnes courtisanes dans de l'eau, l'une d'elle voyant ses pétales effeuillés au dessus de l'eau dans laquelle elle se glisserait sous peu.
    Assise en pied de lit sur une bergère, les lacets défaits des bottines laissèrent le pied s'en extirper, les effets du quotidien d'"Elle" rejoignant la causeuse un à un avec un soin infini, les courbes sylphides se dévoilant doucement, pour être totalement à nu.
    Douceur de l'onde chaude sur sa peau, un premier pied dans le bain suivi du second et les mains posées sur la fonte aidèrent le reste du corps à se couler dans l'eau dans un soupir d'aise que la rose ne put contenir dans le calme de son antre.
      Mmm...


    Moment de détente et de total abandon, relaxation, tous soucis jetés au loin, profiter de cette chance offerte, tombée d'une manne céleste, et voir ce que demain amènerait.
    Là tout de suite, juste fermer les yeux et apaisée, presque assoupie, savourer ce délice aquatique aux effluves légères de rose.


_________________
Lucas.

— Bureau de Flav - Quelques instants plus tard —




Il lui restait une chose à faire: son rapport. Lucas dirigea son pas vers le bureau de Flav, toqua et entra d’un pas déterminé lorsque celui-ci lui en donna l’autorisation. D’un simple hochement de tête, il le salua. Flav était son employeur, celui qui gérait l’Aphrodite. Entre ces murs, le Maître avait trouvé un moyen de rebondir après son éviction du barreau de Paris. Tout ceci impliquait qu’il respectât l’homme assis derrière le bureau. La loyauté, elle, se bâtissait graduellement, à chaque fois qu’il serait redevable à Flav d’un petit rien ou qu’il sentirait que celui-ci le traite à sa juste valeur.

- La colombe de Theodora est dans la place Mon sieur. Je l’ai envoyé prendre son bain pour qu’elle se débarrasse des…

Il eut du mal à choisir ses mots. Il ne voulait pas froisser Flav et il se doutait de la bienveillance que celui-ci ressentait vis-à-vis de la maquerelle.

- …inconvénients de sa vie passée. J’ai aussi fait mettre dans sa chambre de quoi se vêtir décemment, afin qu’elle ne ressemble plus à un cat…

Se rappelant la réflexion de « Elle » à ce sujet, il réajusta prestement le terme choisi pour qualifier son métier passé.

- … à une courtisane.

Lucas n’avait jamais su comment Flav avait eu vent de ses déboires, ni pourquoi il l’avait choisi lui pour en faire son bras droit à l’Aphrodite. L’ex-avocat savait qu’il avait, dans certains cercles plus ou mois fermés, la réputation d’être un esthète du corps féminin et il s’était toujours demandé si Flav avait eu vent de ceci d’une manière ou d’une autre ou si c’était une autre facette de ses compétences qui l’avait intéressé. L’esthète avait apprécié ce qu’il avait pu entr’apercevoir ou deviné chez « Elle » et il en fit part à Flav après avoir pris une plume sur le bureau pour en jouer, la tournant entre le pouce et l’index, la passant sur chacune des phalanges de sa main gauche.

- Si vous voulez mon avis, elle a tout ce qu’il faut pour faire une galante de qualité. N’importe quel saint se damnerait pour ses jambes et moi le premier. Donnez-leurs un écrin approprié et les écus vont couler à flot.

Un Saint? Lucas Dentraigues? L’homme n’avait rien d’un saint non. Les saints n’ont pas une moralité douteuse. Ils ne se vautrent pas dans le mensonge, la luxure ou les effluves opiacées. Ils ont une moralité sans faille ou tout au moins c’est ainsi que Dieu les souhaite. Les saints n’ont pas dans leur tête, d’images de jeunes filles prenant leur bain et ils ne leur demandent surtout pas de laisser leur porte déverrouillée en pareille occasion. Non. Si Lucas Dentraigues aimait à se comparer à un saint, c’est pour le côté élitiste qu’ils représentaient. N’étaient-ils pas des élus? Les meilleurs des meilleurs selon Dieu? Le parisien avait un ego démesuré et parfois, cela transparaissait dans ses propos ou ses actes.

- Ses lèvres sont un véritable appel à venir les couvrir de baisers, ses fesses vont attirer les mains des hommes autant que celles des dames… et aussi surement que les roses attirent les abeilles. Quand au reste de sa silhouette, je n’en parle même pas. Je n’ai pas pu évaluer en profondeur son sens de la répartie mais la fille me semble avoir une tête aussi bien faite que le reste de son corps. Theodora ne m’a pas dit dans quels arts elle excellait…enfin outre celui de donner du plaisir s’entend mais j’imagine que vous êtes au fait de ceci.

Oui. Le premier contact avait été bon. Excellent même. S’il avait été à la place de Flav, nul doute que Lucas l’aurait embauché également même si certains détails, certains grains de sable s’étaient logés dans sa tête et l’empêchaient d’être pleinement confiant. Lucas déposa la plume à l’endroit où il l’avait prise, posa ses mains à plat sur le bureau de Flav et fixa le regard du gérant pour bien lui signifier où se situait ses appréhensions.

- Je crains cependant qu’elle ne soit un tantinet rétive. Théodora m’a dit qu’elle s’était refusée à un de leur…client. Par ailleurs, avant de la quitter, j’ai voulu la tester. Je lui ai demandé de ne pas verrouiller sa porte pendant son bain… et le cliquetis que j’ai entendu avant de venir vous voir en dit long sur son état d’esprit. De vous à moi mon sieur, je pense qu’établir la confiance entre nous et elle aidera à dissiper mes doutes quand à ce sujet. Mais…Je n’y mettrais pas la main au feu. Ni à couper. Peut-être aura t-elle besoin d’un peu de bâton en plus de la carotte? Ou tout au moins d’un chemin bien balisé afin qu’elle comprenne où elle peut mettre les pieds…et où le terrain est fangeux.

Le rapport était terminé. Si risque il devait y avoir quand à cet investissement, Lucas ne voulait l’assumer seul. En même temps, l’oeil de l’homme avait reconnu la qualité de la perle et il aurait été folie que de passer à côté sans s’y arrêter.

- Voulez-vous inspecter de visu votre acquisition mon sieur? S’assurer qu’il n’y a pas de vice caché? Enfin…je veux dire de défaut de fabrication ou laissés par le temps? Ou Theodora vous a t-elle donné sa parole que tout était en ordre? Personnellement, je ne me suis pas entretenu de ce genre de détails avec elle. Je me suis contenté d’exécuter la transaction demandée.


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.elle


    Plafond fraichement rénové s'étalait sous les iris herbacées que les voiles de chair dévoilaient lentement. Endormie, la rose s'était tout simplement endormie dans la quiétude de sa nouvelle alcôve, au creux de ce bain vaporeux qui lui avait été délivré sans même une demande.
    Ici la facture de la bâtisse n'étant pas de carton pâte, aucun geignements d'étage n'étaient donc venu perturber le calme de cet instant de bien être, pas plus que des cris ou des bagarres de rez-de-chaussée.
    Certes l'établissement n'avait pas encore ré-ouvert ses portes, mais "Elle" n'avait pas le moindre doute sur le fait que ce genre d'altercation n'aurait sans doute pas lieu ici, ou que très rarement, et vite géré, avec discrétion.

    Devrait-elle bénir Julot de l'avoir fichu à la porte ?
    La raclure de latrine refoulée de s'être plaint au tenancier ?
    Théodora d'avoir prêché pour elle auprès de Lucas ?
    Lucas d'avoir été là à ce moment précis ?
    Ou peut-être juste la providence ?

    Genoux se pliant dans le baquet, le corps sylphide glissa dans l'eau, visage disparaissant pour n'être plus qu'image floutée entourée de volutes capillaires sous l'onde.
    Quelques secondes, peut-être quelques minutes avant que de petites bulles d'air ne s'échappent des narines inondées, et que faciès ne fasse surface avec brusquerie, quelques pétales de rose habillant la chevelure humide et un impudent l'oeil droit de la galante.
    Seule au sein de sa chambre, un éclat de rire perça le silence, doigts fins retirant l'intrus sur ses cils, mains remontant mèches éparses sur sa peau pour les ramener vers l'arrière.

    Qu'il était bon de ne se soucier de rien de plus qu'elle-même en cet instant, ne penser à rien, autant que faire se pouvait, le temps des questionnements et mise au point viendrait bien assez tôt.
    Emeraudes portées devant elle, index vint se jouer d'un pétale en surface, se demandant si les sels au parfum de rose dont elle avait entendu parler se trouvait dans ces quartiers huppées de Paris, si sa nouvelle fonction ici lui permettrait d'y avoir accès.
    Peut-être tout ceci n'était que chimère ou rêve éveillé, l'avenir le dirait...

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Lucas.


Les bottes de cuir noir frappèrent à intervalles réguliers les marches qui menaient à l’étage. Tenues à bout de bras pour ne pas les froisser, trois robes de brocart, de mousseline, de velours chatoyant et de soie montaient les escaliers. Derrière elles, se voyait à peine le galant blond de l’Aphrodite. Un arc-en-ciel atypique de carmin, de noir, de bleu royal étalait sa traine éphémère du pied de l’escalier jusqu’à la porte de « elle ». Effet de rémanence. Passé qui s’efface pour laisser la place à un futur fait de luxe, d’opulence, de raffinement mais toujours de don de soi. Passage d’un monde de violences à un univers de douceurs. Avait-elle versé une larme d’émotion lorsqu’elle s’était retrouvée seule dans la chambre? Ou avait-elle simplement apprécié l’instant présent? Peut-être ne le saurait-il jamais et après tout, ça, ça n’était pas ses affaires.

Le galant toqua, persuadé qu’il la prendrait en défaut d’obéissance. Pour réponse, il eut un simple « C’est ouvert » qui le décontenança un bref instant. Ouvert? La poignée fut tournée et la porte poussée. Ouverte? Comment ça? Il était pourtant sur d’avoir entendu le loquet glisser dans son fourreau de métal lorsqu’il l’avait laissé. S’était-elle ravisée par la suite? Ses craintes quand à son effronterie étaient-ils si justifiées que cela? Ou avait-elle simplement compris où était son intérêt, quelles étaient les batailles qui valaient la peine d’être menées et quelles étaient celles où elle pouvait lâcher du lest?

Ce fut dans le bain dans lequel elle se prélassait encore qu’il la trouva. Lucas masqua un bref sourire de satisfaction et déposa son fardeau sur le lit, les robes soigneusement étalées pour ne point les froisser. Carmin, noir, bleu. Puis il se dirigea vers l’armoire, sortit une longue serviette et vint la poser, toujours soigneusement pliée à côté des vêtements qu’il lui destinait, hors de portée de l’endroit où elle trempait. Il alla ensuite vers un fauteuil de velours dont le tissu était composé de bandes alternées sang et or et vint le poser en face du bac d’eau chaud dans lequel des pétales de roses flottaient à la surface. Il posa sa cheville droite sur son genou gauche, étala ses bras sur les accoudoirs du fauteuil, pianotant sur le velours de la paume de ses doigts. Il la mira ainsi pendant un moment qui aurait pu paraître interminable à la galante mais qui sait comment elle prenait cette intrusion dans son intimité? Après tout, elle avait l’habitude d’offrir son corps mais Lucas Dentraigues n’était pas son client. Il n’était pas non plus un futur membre du cercle privé de l’Aphrodite. Il était un galant. Comme elle.


- Tu verras Flav plus tard. Notre gérant croule sous les tâches à réaliser pour que la réouverture de l’établissement soit un succès total. Pour le moment, c’est moi qui veillerait à ce que tu ne manques de rien et que tu sois fin prête pour le grand jour.

Impudicité, impudeur ou effronterie? Il aurait donné cher pour connaître ses sentiments présents alors que ses prunelles se posaient sans aucune gêne sur elle, appréciant ce qu’il voyait, tentant de deviner ce que le voile liquide lui masquait encore. Cette nouvelle inspection confirmait pour l’instant son premier ressenti. Si elle savait y faire, si ses manières étaient en phase avec l’image de la nouvelle Aphrodite, alors ils tenaient là un joyau que le luxe de l’établissement allait véritablement mettre en valeur. Nul doute qu’elle aurait rapidement un cercle de fidèles qui mettraient la main à la bourse pour s’offrir un petit moment de détente privilégié.

- Je t’ai apporté trois robes différentes que j’ai prises parmi les trésors de l’Aphrodite. Toutes trois viennent de grandes maisons de coutures parisiennes. Elles portent la griffe de couturiers réputés pour leur talent et leur audace. Elles sont toujours le reflet de l’image que l’Aphrodite veut désormais donner : séduction, bon goût, luxe, raffinement. J’aimerais voir si tu portes bien ces valeurs, si les membres, qu’ils soient hommes ou femmes, poseraient un regard intéressé sur toi. Intéressé mais sans éveiller un trop fort sentiment de jalousie. Peut-être juste une pointe, un petit quelque chose dont on ne sait réellement si c’est de l’envie ou de l’émerveillement. Tu vois ce que je veux dire?

Susciter, inspirer l’imaginaire, oser sans être vulgaire ou aguichant. Toute la différence entre galante et catin ou même courtisane. Donner, être au service des membres du cercle, leur proposer ce à quoi ils ne pensent même pas et dont ils ont pourtant envie sans même le savoir.Avoir de la réparti, qu’elle soit verbale ou dans la gestuelle. Pour cela elle devait avoir un corps et une tête bien faite. Le corps? c’est maintenant qu’il allait s’en assurer.

- Si tu restes plus longtemps dans cette eau, tu vas avoir la paume des mains et le bout des orteils totalement fripés.

Le regard du Maître se posa sans aucune honte sur les épaules dénudées et humides de la galante. Il s’y fit insistant, indécent et résolu. Dans un instant, il aurait une première partie de la réponse qu’il attendait. Une galante pour les gouverner tous, une galante pour les amener tous et à son âme les lier…


Les réponses donnée par « Elle » à Lucas ont été validée auprès de JD « Elle »

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.elle


    Pétale agacé en surface brusquement immergé par le sursaut que provoqua le bruit d'un poing résonnant contre le bois de sa porte, lentement les amandes effilées se dirigèrent vers le loquet non verrouillé.
    Légère esquisse d'un sourire, "Elle" ouvrit un pari interne sur qui se tiendrait dans l'embrasure une fois sa réponse donnée, alors que ses formes s'enfonçaient dans l'onde, ne laissant émerger de l'eau que les monts de ses genoux et de ses épaules.
      C'est ouvert

    Tête redressée, les émeraudes rivées sur l'entrée, la rose suivit du regard le porteur un discret rictus sur les carmines signifiant tout simplement un "gagné" à son propre pari, n'était-ce pas lui qui avait demandé de laisser cette porte ouverte ? N'avait-il pas déjà envisagé son retour ? Ou celui d'un autre ? Ou.... Tant de possibilités, si peu de réponses.

    Sans sourciller les iris herbacées observaient le Dentraigues jouer les livreurs, détaillant la beauté des tenues déposées sur sa couche depuis son baquet, pour ce qu'elle en voyait.
    La serviette sortie et déposée sur le lit attira son attention, restant focalisée dessus le temps qu'il déplace le siège, réfléchissant rapidement à l'intérêt de la mettre hors de portée, un rapide mouvement de lippes illuminant son visage avant qu'elle ne le tourne vers le pacha installé dans son fauteuil.

    Lente inclinaison pour poser l'arrière de son crâne sur la fonte, ses yeux détaillant le chevelu blond autant que les siens se nourrissaient de ce qu'il lui était donné à voir, à savoir bien peu mais suffisamment pour aiguiser l'envie de plus.
    N'était-ce pas ça la séduction, offrir juste ce qu'il faut pour donner envie de plus ?
    La subtilité comme appât.
    Sur l'instant, "Elle" écoutait les mots savamment choisis par Lucas pour s'exprimer, ne s'inquiétant pas plus que ça de ne pas rencontrer le dénommé Flavien dans l'immédiat, il était évident que recevoir une galante à quelques encablures du grand jour n'était pas l'urgence.
    D'autant plus quand la dite demoiselle était tenue par une dette à honorer qui plus est, c'est donc un simple clignement de paupières qui signifia la compréhension de ceci à Lucas, le laissant poursuivre avant de prendre la parole.
      Je vois parfaitement bien oui.

    Calmement et toute en douceur, tête et buste se décollèrent de la paroi du baquet, chevelure lourde plaquée sur le satin de ses épaules, ses coudes se posant sur les rebords de telle façon qu'une fois assise dans son bain, la vision offerte au maître lui voilait orbes dénudés, émeraudes accrochant le regard du galant.
      Suggérer sans montrer...
      Offrir sans dévoiler...
      Séduire sans aguicher...
      Interpeller sans provoquer...
      Tout est question de... Subtilité.

    Tirade close d'un sourire amical, mains se posèrent sur la tranche du baquet pour se lever dans son entier, corps ruisselant de l'eau parfumée délaissant quelques pétales sur la courbe d'une hanche, la rondeur d'une épaule ou le galbe d'un mollet.
    Pied droit suivi le gauche hors du baquet, démarche légèrement chaloupée se dirigeant vers l'étoffe spongieuse prédisposée à la sécher, tournant dos à son visiteur marquant de ses empreintes humides le parquet de sa chambre.
      Il serait dommage que l'eau salvatrice ne vienne à flétrir la rose... avant même que sa robe n'ait été porté pour déployer ses pétales... et piquer l'envie d'être émerveiller

    Etoffe refermée autour d'elle, la brune aux reflets incandescent se dirigea vers les magnificences sur sa couche et pivota pour faire face au Dentraigues, dextre caressant l'étoffe sous ses doigts.
      Une préférence sur le coloris ou la matière pour voir si je portes bien les valeurs de l'Aphrodite ?

    La qualité, la douceur, tout ce que pouvez représenter ces robes sous ses doigts n'avait qu'un seul effet sur la jeune femme, l'envie irrépressible de les essayer sur le champ, alors accéder à la requête du chevelu n'était que cerise sur le gâteau.
    Lui laisser penser que tout n'était que son initiative, que la sortie de bain était de sa volonté, que l'essayage le serait aussi, qu'il avait la main sur ses actions, "Elle" lui restait redevable, et sa mémoire ne lui faisait défaut.
    Mais tout comme elle appliquerait sa requête de nomination à sa façon, il était possible de se respecter soi-même en tournant les choses comme on l'entendait, et dans cet art, "Elle" avait la manière.
      J'écoute... Rouge ? Noir ? Bleu ?

    Emeraudes posées sur le pacha, "Elle" attendait de savoir laquelle de ses robes, sa peau aurait le plaisir de sentir glisser sur elle.

_________________
Lucas.

Fanée la rose? Flétrie par le passage prolongé dans le bain? De là où il était, cela ne se remarquait pas. Il ne savait comment elle se comportait lorsqu’ « elle » était chez Théodora et Julot mais le contraste entre la courtisane prise sauvagement contre un mur par un gueux qui sentait le lisier de porc et la galante qu’il avait en face de lui était saisissant. En cet instant, pour lui, elle avait toujours été ainsi, jouant de son art pour faire gravir à l’autre les marches du désir une à une. Ici, dans cette chambre, il n’était pas celui qui l’avait ôté des griffes de Julot et de ses mains vagabondes. Ici, il était désormais un membre de l’Aphrodite qui avait posé sur la table de chevet une somme rondelette. Chacun de ses mouvements transpirait la séduction : sa posture dans l’eau, les mouvements de sa tête, de ses mains. Elle récitait son art en jouant sur toutes les cordes de son instrument: le timbre et le rythme de la voix, les mots choisis avec pertinence, sa gestuelle, le bruit de l’eau dans le baquet, le plic-ploc des gouttes qui brisent le silence quand elles venaient frapper la surface liquide du bain. Oh oui, elle jouait avec lui.

Gravir les marches du désir.
Une à une.

En cet instant, ses brumeux faisaient office de paume de doigts, se posant sur la partie émergée de son épiderme pour en apprécier le velouté du grain, pour évaluer chaque courbe, chaque vallon. L’esthète du corps féminin se livrait là à distance à un véritable travail d’orfèvre. Sans même lever le petit doigt, ni sourciller. Le « pacha » admirait la danse qu’elle déroulait devant lui. La senestre avait quitté l’accoudoir du fauteuil. Le coude s’enfonçait toujours dans le tissu rouge et or. du fauteuil. Le pouce soutenait le menton alors que le majeur venait le barrer d’un trait. L’index lui suivait la lisière de la joue. Il pencha légèrement la tête vers la gauche, changeant ainsi son angle d’observation, inspectant le joyau sur toutes les facettes offertes.

Prendre une pause. Fin des marches.
L’escalier se transformait en sentier.
Souffler un instant en voyant la pente qui s’offrait à lui.

Elle se leva. Tout au plus, un observateur avisé aurait pu percevoir le clignement des paupières ou un léger plissement des lèvres masculines. Bien pointu aurait été celui qui aurait pu remarquer le mouvement de ses prunelles suivant les lignes de son corps de femme au fur et à mesure qu’elle émergeait de l’eau. Ses doigts projetés construisaient dans son esprit un modèle dans les trois dimensions de l’espace, glissant sur les à-pics, s’accrochant un instant aux saillants. Dans la tête du galant, les proportions se calculaient. Des ratios prenaient forme se rapprochant toujours du chiffre d’or. Si l’esthète appréciait à sa juste valeur, le bras droit de Flav voyait la galante franchir les différents seuils de rentabilité de l’Aphrodite. Flav devrait faire preuve de beaucoup d’imagination pour que sa dette ne soit jamais payée. Sur le genou gauche, la cheville battit l’air deux fois. Le dossier financier se referma et fut rangé dans un tiroir du bureau. Le clic provoqué par une clé tournée laissa alors la place libre et entière à l’esthète.

Franchir un autre palier.
Se retourner et se dire qu’il était dangereusement haut.
Regarder en avant et voir que ça n’était pas fini.

Dans le plus simple des accoutrements, elle franchit la distance qu’il avait volontairement mise entre le baquet et la serviette. Cette fois ce fut le bas de son corps qui subit son inspection. Gambettes effilées, longilignes. Charme à l’état pur d’une cheville qui déroulait un pas élégant. Une chaine de couleur argent ajoutait une touche d’élégance à sa démarche. Quand au charnu, ses rondeurs parfaites et sa fermeté supposée n’étaient que de purs délices pour celui qui savait ce qu’attiser le désir voulait dire.


- Essaie la robe que tu préfères. Tu iras plus tard échanger celles qui te plaisent moins. Personnellement, je n’ai guère de préférence sur les couleurs. A chacune son message. Le rouge est une invitation directe à entrer dans le jeu de la séduction. Le bleu apaise les sens et incite à converser. Le noir est le symbole de l’élégance. Une galante ne choisit jamais une couleur au hasard. Les tons servent à harmoniser vêtements, couleur de peu, de cheveux et d’yeux mais la couleur de base passe le message. Alors dites-moi, quel message veux-tu passer à l’instant?

Il n’avait pas quitté son fauteuil, ni même changé sa position. Il s’était simplement contenté de tourner sa tête dans sa direction pour ne pas la perdre un instant de vue. Un parfum particulier planait sur cette pièce. C’était le genre de fragrance qui ne s’appréciait pas par le nez mais par ce que l’esprit décryptait du non-dit, de tous ces messages qui passaient par d’autres vecteurs de communications plus implicites. Après tout, la nouvelle Aphrodite ne reléguait-elle pas l’explicite au second rang, lui préférant un jeu plus subtil?

- Quand tu seras ainsi habillée, tu revêtiras ton rôle de galante et je te vouvoierais. Devant nos membres, j’éviterais le « tu » par trop disgracieux. et n’oublie pas: si la beauté d’une robe est essentielle, nos membres attacheront sans doute autant d’importance à tout ce qui vient la compléter: le charme d’une coiffure: soignée, simple ou sophistiquée…l’élégance d’ornements d’orfèvrerie: colliers, bracelets, peigne dans les cheveux … Pense aux chaussures également. Choisis une paire qui donnera de l’attrait à ta démarche. Quand aux fards, mouches, et autres rouges pour les lèvres, à toi de voir s’ils apportent un plus ou non.

Elle savait tout cela. Il le savait et elle savait qu’il le savait. Que lui restait-il désormais comme message à passer? Une invitation à danser lors de la cérémonie de réouverture de l’Aphrodite?
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.elle


    Celle qu'elle préférait... Le choix s'avérait complexe, les trois robes rivalisaient de beauté, sa main s'était pourtant portée d'office sur la rouge, comme une évidence, son regard verdoyant ayant apprécié le carmin autant que ses empreintes la douceur du velours... aussi doux qu'un pétale de rose.
    L'association des humeurs et des couleurs du Dentraigues la fit légèrement sourire et relever émeraudes vers lui vu la nuance qui avait sa faveur sur l'instant... C'était donc la séduction selon lui que l'instinct lui aurait fait choisir.
      Choisir parmi ces merveilles... Dilemne difficile.
      Je mettrais de coté la bleue pour commencer

    Yeux de chat se posant sur le chevelu pour le dévisager.
      Comme dit, "galante ne choisit pas couleur au hasard" et cette couleur ne s'harmonise pas bien avec mon regard.
      L'apaisement et la conversation ne seront donc pas de mise en conséquence.

    Rictus s'ornant d'une pointe de mutinerie, l'étoffe de l'évincée glissa entre les doigts fins , soulevée et repliée pour être déposée plus haut sur le lit.
      Rouge ou noir ? Uhm...
      L'idéal serait une association de ces deux coloris, une élégante séduction pour une séduisante élégance.
      Mais...

    Mèche de cheveux humides replacée derrière son oreille, dextre d'"Elle" vint se saisir de la robe de sang, caressant le velours, senestre rejoignant sa jumelle pour venir élargir le laçage du corsage.
      La rouge garde ma préférence, non pas pour le message imputé, même s'il n'est pas à renier, mais parce qu'elle arbore les nuances de la rose.

    Usant cette fois du paravent offert à sa personne en sa chambre, le spongieux tomba lourdement au sol pour voir le velours venir recouvrir les ondulations de la sylphide dans une caresse qui lui provoqua un picotement le long de l'échine.
    Jamais tissu si précieux n'avait flatté le satin de sa peau, bien qu'elle eu toujours pris soin d'avoir le mieux de ce qu'elle pouvait s'offrir, mais ici ce "mieux" restait roupie de sansonnet.
    Parée des pétales rougeoyants de velours, "Elle" se présenta sous les brumeux de Lucas, les jades se portant non sur lui mais sur le psyché se trouvant à son opposé.
    Dire que la rose se trouvait belle dans cette tenue eut été un doux euphémisme, les iris observant chaque petit détail de ce qui miroitait dans l'image reflétée... pour un peu l'homme dans sa chambre en aurait été oublié, si son visage n'avait eu son reflet dans le miroir.
    Le peu de distance restante pour le rejoindre fut parcourue et "Elle" de lui tourner le dos avant de pivoter la tête pour capter son regard du sien.
      Si le "Maitre" veut bien me porter assistance.

    Etait-il nécessaire de dire à quel point ce terme lui irritait la gorge en le prononçant ? Probablement pas. Qui se respectant un tant soit peu pouvait aimer ce genre d'usage, pas "Elle" assurément, et quitte à devoir en user.
      Pourquoi ce terme de Maître ?

    Ayant détourné la téte, "Elle" attendit potentielle réaction et, ou réponse en le regardant par l'intermédiaire du psyché les reflétant l'un et l'autre.

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Lucas.


Allier travail et plaisir. N’est-ce pas là le rêve de tout à chacun? Certes, vous me direz qu’il est plus facile d’y arriver quand on est galant que quand on est paysan. Pourtant, toute l’ambiguïté du galant est là: celui qui oeuvre à distiller le plaisir chez sa partenaire d’un soir n’a pas pour vocation d’en prendre. Les meilleurs galants sont des donneurs universels. Ceux qui paient pour leurs services peuvent être des receveurs universels ou des donneurs-receveurs. La plupart de ceux qui échouent dans cette profession sont ceux qui oublient ce principe de base. Le galant ne doit jamais montrer ses réelles émotions, quelles qu’elles soient. Qu’il apprécie ou pas n’avait pas d’importance. Seul comptait la vitrine, l’impression qu’il était capable de transmettre du plaisir à celle qui partageait brièvement la couche avec lui. Ce jour là, dans cette pièce, c’était différent. Il n’y avait pas de relation donneur-receveur.

Ce fut donc le rouge qu’elle préféra. Ce qui marqua le plus le parisien, ce fut la façon dont « Elle » se justifia : « non pas pour le message imputé…». C’était comme si elle avait besoin de se justifier qu’elle ne choisissait pas le rouge pour séduire. Et qui se trouvait dans cette pièce pour être séduit? Lucas laissa échapper un sourire effacé en l’entendant, sourire qui s’élargit encore lorsqu’elle nuança son propos : « même s'il n'est pas à renier ». Oh qu’il aimait le petit jeu qui s’installait entre elle et lui. « Non, non, je ne cherche pas à attirer votre attention sur moi…mais ne m’oubliez pas tout de même! …Et prenez note de la couleur que je choisis pour notre plaisir voulez-vous? ». C’est ainsi que le Maître traduisit la phrase un tantinet alambiquée de la galante. Arrogance? Absolument! Impertinence? Tout à fait. Même après sa chute, sa radiation du barreau de Paris, l’homme était toujours resté sur de lui, sur de son talent, de son côté séducteur. Tout comme il a toujours voulu garder la naïveté de croire qu’il donnait du plaisir à toutes les courtisanes avec lesquelles il avait partagé une couche.

Il sourit encore lorsque « Elle » disparut derrière le paravent. Elle venait de lui montrer son corps dans toute la splendeur de la nudité et elle prenait la peine de s’habiller derrière le paravent. L’ex-avocat avait déjà croisé une courtisane qui avait la même attitude. Elle se donnait à lui sans aucune restriction pendant tout un après-midi mais au soir lorsqu’elle se rhabillait, c’était toujours derrière un paravent. Lui, il avait adoré ce petit geste décalé, ce grain de folie dans un monde de logique. Deux semaines durant il était venu profiter de ses services chaque après-midi après avoir plaidé le matin. Il était sur le point de demander au gérant l’exclusivité de sa disponibilité pour chaque après-midi lorsqu’elle disparut. Personne ne put lui dire ce qui était arrivé. Le temps fit son oeuvre. Il l’oublia. Après tout, ce ne devait être qu’une courtisane comme une autre.

Lorsqu’ « elle » revint, elle alla se mirer dans le psyché et son regard croisa le sien. Avez-vous déjà remarqué qu’un miroir peut changer beaucoup de choses? Il y a des mots, des émotions qu’on n’ose révéler lorsque les regards se lient directement l’un à l’autre alors que le jeu du chat et de la souris s’installe plus aisément lorsqu’un miroir fait office de tiers. Un simple plissement des paupières, le frémissement de sa lèvre inférieure… Nul doute qu’elle l’avait vu. Nul doute qu’elle avait compris à quel point il appréciait le spectacle qu’elle lui offrait depuis qu’il avait regagné sa chambre. Même si elle n’avait pas revêtu le noir, elle était d’une élégance folle. La robe qu’il avait choisi pour elle épousait à ravir les courbes de son corps et au final, l’esthète constata qu’elle n’avait pas une si petite poitrine que cela.

Le jeu de la séduction qui s’était installé gravit un nouvel échelon lorsqu’elle s’approcha de lui pour lui offrir son dos. Lucas décroisa les jambes, prit appui sur l’accoudoir pour se lever et se vint poster derrière elle. Tout proche.


- Auriez-vous l’amabilité de découvrir votre nuque afin de me faciliter la tâche? Il serait dommage de coincer de si jolis cheveux dans ces boutonnières.

Comme il le lui avait promis, le « tu » avait cédé la place à un « vous » plus conventionnel. Croyez-le ou non mais dans l’esprit de notre galant, ce changement de cap, aussi paradoxal que cela paraisse, dénotait d’une plus grande connivence entre eux deux. Depuis la sortie du bain, c’est elle qui avait l’initiative du jeu. De cela aussi, Lucas n’était pas dupe. S’il avait jusque là dirigé, il lui avait volontiers laissé le champ libre pour manoeuvrer comment elle le souhaitait. Cela lui permettait de l’évaluer. Cela lui permettait aussi d’apprécier. Quand travail et plaisir vont si bien de pair…

- Pourquoi ce terme de Maître? Vous allez sans doute penser qu’un galant qui se fait appeler « Maître » veut souligner par là un certain penchant pour la domination et la soumission n’est-ce pas? Eh bien, il n’en n’est rien voyez-vous. Jje reconnais volontiers que j’aime jouer de quiproquo et de non-dit lorsque je désire séduire. Or il se trouve tout simplement qu’avant d’être galant, j’étais avocat au barreau de Paris.

Sans doute se demandait-elle comment un avocat peut en venir à proposer ses services incluant une offre charnelle dans un établissement comme l’Aphrodite? Lucas n’alla pas plus loin dans ses explications. Trop en dire, trop rapidement, c’était un peu comme ces effeuilleuses qui se pressent de faire tomber jusqu’au dernier vêtement en toute hâte. C’est…dommage. Et puis, voulait-il vraiment que son attention soit distraite par ses paroles alors que ses doigts courraient le long de son échine, refermant la robe bouton après bouton, du bas des reins jusqu’en haut de nuque? Ses digitales survolaient son épiderme, l’effleuraient à certains endroits, volontairement ou non. Un à un. Sans aucune presse. Ses doigts pianotaient, son regard appréciait. Un bref instant, il imaginait la main d’un membre de l’Aphrodite s’insinuant entre les pans de cette robe, se faisant câline, douce. Un toucher aux arômes d’érotisme, un peau à peau voluptueux, prompt à éveiller le désir. « Ce soir, ce sera douceur et sensualité ». Lorsque la tenue fut totalement boutonnée, Lucas laissa glisser le bout de ses doigts sur l’arête de ses épaules, couler la paume de ses mains le long de ses bras pour atteindre la fermeté de son corps. Elles se faufilèrent de chaque côté le long de son corps jusqu’à s’ancrer sur ses hanches. Il fit sentir sa présence dans son dos, un souffle chaud s’enroula autour de son cou. Ses mains se joignirent sur son abdomen, juste en dessous de son nombril, lissant le tissu carmin de la robe sur cette partie de son corps, son torse masculin appuyé contre son dos féminin. Il relâcha alors l’étreinte et murmura sur un ton ambigu

- Ai-je été à la hauteur de vos attentes? Vous ai-je apporté satisfaction?

Qui êtes-vous? Serez-vous un jour celle que je voudrais?


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.elle


    Requête acceptée, les doigts fins d'"Elle" se portèrent sur sa chevelure humide pour ramener ses brins sur son épaule droite, nuque dégagée ainsi que suggéré.
    Un imperceptible sourire traversa le visage de la rose, satisfaction de le voir se lever et des quelques expressions perçues sur son faciès quand il l'observait se pensant à l'abri du regard émeraude avant d'accéder à sa demande.
    Légers détails, mais ayant son importance, pas si infaillible et impénétrable que ça le Dentraigues au final.
    Effleurement subtil digne d'un courtisan, les jades s'étonnèrent d'un léger tressaillement en découvrant dans la réponse à l'utilisation de ce terme de maître, non pas qu'il ait été avocat, mais qu'en définitive Lucas était un bel et bien galant ici tout comme elle.

    L’habit ne fait pas le moine, le comportement non plus, d’emblée "Elle" avait affublée son sauveur d’un rôle plus dans la hiérarchie du lieu, mais tout dans son attitude, les informations transmises et sa façon d’être le laissait sous-entendre.
    Double étiquette ? Et pourquoi pas, elle l’avait déjà vu, dirigeant ayant envie de courtiser à l’occasion, lui avait peut-être le plaisir de la séduction et de la gestion.
    "Elle" se devait d’admettre que les frissons qui parcouraient son échine, ces petits dermes qu’il faisait se hérisser à son passage, prouvait le savoir-faire subtil de l’effleurement qui éveille… la curiosité.
      Hum…

    Simple acquiescement marmonné du bout des lèvres aux explications comprises et pour lesquels elle ne poserait pas question pour en savoir plus.
    Chacun avait ses secrets et les livraient à son gré, selon son envie et qui se tenait en face, avec les affinités, les coïncidences ou les… connivences.

    Lissage de cheveux humides entre ses doigts fins jusqu’à ce que la chaleur d’un souffle ou d’une main franche sur sa peau ne lui fasse lever regard dans le miroir pour croiser le reflet de l’homme dont paume et digitales découvraient le grain de sa peau d’un mouvement assuré.
    Aucune hésitation dans le geste, tout dans la maîtrise, malgré le souffle chaud sur sa nuque qui trahissait vraisemblablement tout autre chose de la part du galant, tout comme sa respiration qui écrasait plus qu’il ne fallait sa poitrine compressée contre le bustier corseté de sa robe.
    Contact respectueux bien que charnel, corps masculin enveloppant le sien pour lisser une étoffe qui n’avait rien de froissé, juste pousser la séduction un peu plus, l’exploration de l’autre aussi surement, sa façon de réagir, de se comporter.
    Ou juste tester lui-même son talent sur une homologue féminine ? Savoir si autre que personne venue quérir ses services pouvait faillir devant ses manigances, ses techniques, sa séduction d’une habile subtilité ?
    Assurément oui… Le bougre était doué, inutile de le nier vu la contracture instinctive de son abdomen lorsque ses mains l’avaient caressé sous couvert d’une mise en place de tenue.

    Avait-il été à la hauteur de ses attentes ? La robe était fermée.
    Lui avait-il donné satisfaction ? Hum… Question avait eu réponse.
    Potentielle pointe de déception à l’étreinte relâchée ? Possible.
    L’avouerait-elle ? Jamais !
      Vous avez œuvré de main de Maître oui et comblez mes interrogations.
      On peut donc je pense considérer que mes attentes ont été honorées, non ?

    Capturant le regard dans le reflet de manière précise, un léger sourire se dessina sur les traits fins de son visage.
      Quand à ma satisfaction… Le sommes-nous jamais totalement ?
      Et est-ce ceci ce que nous devions obtenir ?


    Avancer d’un pas et pivoter sur elle-même, la rose fit face à Lucas, lissant ses mains sur le velours carmin qui recouvrait ses formes avant de s’adresser à lui de sa voix suave.
      Alors selon vous…
      Les valeurs de l’Aphrodite sont-elles présentes sous vos pupilles argentées ?
      Poseriez-vous un regard intéressé sur la galante que je suis ?
      Eveillerais-je juste une pointe de jalousie ?
      Ce petit quelque chose qui vous donnerait envie de savoir si ma compagnie ne serait… qu’émerveillement ?

    Jouer des mots, voilà une des choses dont la rose maniait l’art et la manière, et reprendre les propos du Dentraigues pour le piquer au vif, pour transcender ce regard porté sur elle était tout simplement une évidence absolue.
    Il voulait découvrir son pouvoir de séduction et si les valeurs de l’Aphrodite était présentes en "Elle", il aurait là sa réponse.
    Charme, subtilité, sensualité… Séduction.

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Lucas.
Ses réponses, il les avait. Elle possédait le corps et les manières qu’il fallait pour être galante à l’Aphrodite. Elle savait séduire, montant graduellement le désir chez l’autre, se découvrant par petites touches, donnant à son vis-à-vis l’occasion d’aller plus loin dans leurs investigations communes… ou pas. Oui, il avait ce dont il avait besoin pour faire son rapport à Flav. Le reste n’était là que pour son pur plaisir mais cela n’en n’était pas moins important. Si Lucas Dentraigues avait répondu favorablement à l’offre de Flavien, c’était aussi parce qu’il aimait abuser de la beauté du corps féminin et en extirper la quintessence pour son propre plaisir. Donner? C’était ce que l’on attendait d’un galant. Donner ou recevoir? Le dilemme de certains hommes. Donner et recevoir? L’équilibre délicat que le Maître avait choisi lorsqu’il avait franchi la première fois les portes de l’Aphrodite.

- Votre satisfaction personnelle, chère galante, est ici un luxe. Je vous souhaite de pouvoir vous l’offrir. Les hommes et les femmes que vous croiserez ici vont payer cher la possibilité de venir chercher la leur ici. L’être humain est un animal fait pour désirer et quand il doit réfréner cette envie trop longtemps, soit il trouve un exutoire, soit il sombre.

Son regard se détacha de celui d’ « Elle ». Il obliqua la tête vers le côté gauche alors que le revers de l’index entra en contact avec le velours carmin de la robe portée par la galante. Y avait-il un autre faux pli sur le tissu? Une imperfection de couture? Une frustration qui requérait un exutoire? Les dernières phalanges se firent insistantes sur le tissu, faisant sentir leur présence au dessus de l’étoffe. Ayant atteint la lisière du buste féminin, le doigt explorateur se releva et de la paume en explora les contours inférieurs de la droite vers le centre, du centre vers l’extérieur gauche. D’un mouvement ostensible de la tête, son regard suivi le périple digital sur toute sa largeur. Puis ce fut au tour de la partie supérieure d’être redessinée. Contact peau à peau lorsque l’éclaireur atteignit la lisière vestimentaire, plongea au centre du décolleté pour remonter de l’autre côté et finaliser la boucle sensuelle.

- Les hommes et peut-être certaines femmes vont avoir irrésistiblement le regard attiré par cette partie de votre corps, et ce dès les premiers instants. Mettez-le élégamment en valeur. Faites preuve d’audace. Soyez suggestive sans jamais être vulgaire. Donnez-leur envie de découvrir ce qui se cache sous l’étoffe et pour cela, montrez-leur juste ce qu’il faut. Ni trop peu car vous n’êtes point une Soeur, ni même une austère greffière. Ni trop car les catins n’ont pas leur place ici.

Non, elle n’avait pas une poitrine aussi menue que celle qu’il avait cru initialement. Il avait déjà pu le constater. Il serait dommage qu’elle n’en usat point.

- Mon rapport à Flavien sera positif. Il confirmera sans aucun doute votre statut de galante de l’Aphrodite.

Le reste, tout le reste n’était que pur plaisir personnel, comme la paume de cette main qui évaluait le galbe d’une cuisse féminine.

- Puisque tel est votre question, je vais répondre: si je n’étais pas galant mais baron, comte ou duc, j’aurais effectivement mandé vos services pour cette nuit. A n’en point douter…

Capturant sa main, il la guida jusqu’à ses lèvres et la gratifia d’un baiser sur le dos et au coeur de celle-ci.

- … Vous savez, dans notre métier, le plus dur n’est point de convaincre nos clients de se laisser aller à leurs désirs inassouvis pour une nuit…mais de les « fidéliser », de leur donner envie de revenir à nous de temps à autre. C’est là que se bâtit la réputation des plus grands galants. Alors la véritable question est: seriez-vous assez « convaincante » pour que je revienne vers vous après la première nuit?

Il jouait avec elle. Il la provoquait. Il voulait l’attirer à lui, capter son intérêt. Lui plaisait-elle? Indéniablement….tout comme il aurait un oeil sur elle dans les semaines qui viendraient. A cet instant, pour Lucas Dentraigues, « Elle » devint plus qu’un galante de l’Aphrodite. Elle devint sa protégée. Une nouvelle fois, il rompit le contact: main et regard s’esquivèrent et sans une explication, il se dirigea vers la porte de la chambre d’un pas décidé.

- La porte de ma chambre vous sera ouverte. Jour et nuit… au cas où vous auriez besoin de discuter ou d’être réconfortée.

Il ouvrit la porte et d’une courbette l’invita à l’accompagner au dehors.

Venez! Je vous fais visiter l’Aphrodite. Il faut que vous découvriez l’Initiée, la Mystique et toutes leurs soeurs. Oh! Et une chose encore: oubliez toute forme de jalousie ici. Elle n’a pas sa place ici. Elle devrait être aussi crainte que l’est le mildiou par les vignerons, qu’ils soient de Bourgogne, de Bordeaux ou d’ailleurs. Ayez des sentiments, montrez-le. C’est ce que veut notre clientèle… mais tenez-vous éloigner de toute forme de jalousie. Cela ne souffre d’aucun compromis.
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.elle


    Voix chaude, voix grave, mélopée masculine dont Lucas savait jouer de main de Maître, sans doute un résidu de son passé, homme de loi ne se devait-il pas de savoir captiver son auditoire pour faire passer son message de la façon la plus claire et persuasive qu'il soit.
    Sans l'ombre d'un doute, et quand le galant accompagnait l'hypnose verbale à l'exploration digitale, le frisson sur l'échine de la rose ne pouvait se trouver que piquant et bien mal contrôlé d'une respiration contenue sur l'instant, émeraudes baissées sur l'index curieux sur l'étoffe.
    Souffle exhalé lorsque les iris herbacées remontèrent sur le visage du Dentraignes au passage en peau à peau.

    L'art... La manière... Le savoir-faire...
    Pourquoi l'homme n'était plus avocat ? Aucune idée...
    Sa reconversion était elle réussie ? Aucun doute...

    Le grand blond la gratifiait de compliment sur ce qui, parfois, lui valait perdre potentiels clients au profit de courtisanes plus... avantagées dans le plantureux, et même si rien ne se vit sur son visage, la chose l'amusa.
    Il aurait pu lui donner plusieurs raisons sur ce qui pouvait attirer hommes ou femmes à s'offrir ses services, et il avait choisi celle sur laquelle la rose ne pariait pas un écu, même si elle usait tout de même de cet attribut féminin autant qu'il lui était permis.

    Pas un mot ne sortit des lèvres tandis que Lucas exposait ses opinions, tout juste un hochement de tête pour le remercier à l'évocation du rapport positif auprès du gérant de l'Aphrodite.
    Lucas était aussi bavard qu'elle savait être discrète, la verdoyance se plissant un temps à l'évocation de "si j'avais été", sa question n'était pourtant pas celle-là, ou comment se dérobait-il d'y répondre pensant que cela passerait inaperçu.
    C'était là son droit, mais le chat ne connaissait pas encore la souris...

    Sensualité jusque dans sa façon de baiser sa main, d'une façon "singulière" notant séduction et respect, peut-être même une pointe naissante de complicité, pourtant la brune aux reflets flamboyants inclina tête de coté.
    L'homme la pensait-il à ce point novice dans l'exercice de la "galanterie" qu'il lui prodiguait conseil que tout séducteur qui se respectait ne pouvait ignorer : fidéliser un client, c'était là le B.A.BA de la profession, s'assurer un revenu avec un petit nombre de fidèles.

    Le remettre à sa place ? oui à un moment ou un autre...
    Lui dire que si sa vie n'avait pas toujours été celle-ci elle doutait fortement qu'il ai offert ses services autant qu'elle ai dût le faire ? quelle importance...
    Etre vaniteuse au point de lui assurer sans l'ombre d'un doute qu'il viendrait à elle sans qu'elle n'aille le chercher ? Non, elle n'oubliait pas qu'il était lui aussi galant...
    Se poser la question de qui pourrait céder le premier à l'autre ? Bien sur...
    En connaître la réponse ? Devin celui qui le pourrait...

    Réflexion et contact interrompus, jades délaissés autant que sa cuisse et porte rejointe, sans doute allait-il lui rappeler de ne point fermer le loquet ?
    Pointe d'étonnement dans le regard, suivi d'un léger sourire esquissé, le sujet était bien l'ouverture d'une porte, mais rien à voir avec l'idée initiale, la chose sonnant à son oreille comme une liqueur sucrée nappant votre gorge lorsque vous vous en délectez.

    Quelques minutes prises à l'invitation de visite du lieu, peigne attrapé dans ses effets pour bloquer ses cheveux encore humides en un chignon rapidement formé de gestes habiles.
    Rien de transcendant, juste de quoi ne pas être indécente, le paradoxe du lieu se lisait dans cette action, vendre du plaisir sous toutes ses formes sans être d'une vulgarité indécente.
    L'évocation de cette jalousie mal placée qu'il évoquait confirmant la chose, ce sentiment étant d'une telle abjection qu'il n'avait au final place nul part à son sens.
    Rejoignant alors son guide, la rose s'arrêta à sa hauteur, posant une main sur la lisière du gilet clair, le suivant de son index jusqu'à l'encolure en relevant la prairie sous la brume.
      Vous avez pu constater que la mienne n'est pas fermée.

    Pointes de pied prenant appui, lippes vinrent se hisser jusqu'à l'oreille du Dentraigues dans un sourire chuchotté.
      Peut-être à vous plus qu'à d'autre... au cas où vous auriez besoin de discuter ou d'être réconforté.
      Je n'oublie nullement vous être redevable, et vous découvrant cet état de fait m'est de moins en moins désagréable.

    Talons retrouvant le sol, une joue en effleurant une autre, "Elle" riva pupilles à leurs homologues, léger sourire esquissé, toute en légèreté.
    Souffler le chaud et le froid, lui démontrer l'intérêt qu'elle lui porte et le laisser se demander si ce n'est que reconnaissance pour l'avoir sorti des pattes de Julot ou si cela va au delà de ce seul état de fait.
    Qui du chat ou de la souris ? Qui de la souris ou du chat ?
      Quelles sont donc ces soeurs que vous voulez me faire découvrir ?



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Lucas.


      - L’Initiée, au rez-de-chaussée


 « Vous avez pu constater que la mienne n’est pas fermée ». Cette phrase revint au souvenir du galant lors qu’ils descendaient au rez-de-chaussée, l’homme la menant vers la découverte d’une Aphrodite qu’elle ne devrait pas tarder à connaître par coeur pour satisfaire le moindre désir d’une clientèle huppée. Manifestement, elle avait de la réparti. Ses phrases pouvaient souvent être prises selon différents angles, avoir plusieurs sens. Oh oui, elle savait séduire et celui qui désirerait devenir son habitué devrait montrer patte blanche et avancer une belle quantité d’écus. « … La mienne n’est pas fermée »… Ironie ou réelle invitation? Voulait-elle lui prouver une fois de plus qu’elle avait sa place ici? Se mettre sous les bonnes grâces de celui qui pourrait plaider en sa faveur auprès de Flav? Qui prononçait pareille phrase? La galante ou la femme? Se pouvait-il qu’ici paroles de femme soient portés? « Pour discuter ou être réconforté » oui. Pour badiner? Est-ce cela qu’elle sous-entendait? Fort peu probable. Lucas n’était de toute façon pas homme à tergiverser et quand un soir l’envie lui prendrait de franchir le pas de sa porte, qu’importe la réponse à cette question, il prendrait l’invitation.

- Voici l’initiée…

Passant au travers du Grand-Salon, il lui avait ouvert la première chambre qui s’offrait aux membres de l’Aphrodite. La pièce se voulait être un premier pas pour ceux qui désiraient découvrir Aphrodite et ses délices, une entrée en matière en douceur, le début du chemin qui mène à un abandon total de toute les inhibitions et peut-être d’une grande partie de ses propres restrictions. Se tenant dans l’embrasure de la porte, d’un mouvement tout en courbures, il l’invita à venir découvrir l’endroit où, sans aucun doute, elle officierait.

- Pour ceux ou celles qui ont encore des réticences à s’abandonner entre les bras d’un ou d’une inconnue…Pour ceux ou celles qui en ont envie mais qui se demandent encore comment cela pourrait être perçu… comme si le désir pouvait être honteux.

Devant eux se dressait un lit à baldaquin fait d’une draperie aux couleurs chatoyantes. Le bruit des talons du galant contre le dallage résonnait dans la pièce. L’homme se tut volontairement. Il aimait ce bruit. Il en abusait lorsqu’il rejoignait la couche d’une impudique tapie dans la sensualité d’une nuit d’été, où les seuls sons qui brisaient le silence étaient celui-ci et une respirante féminine rendue impatiente par la montée d’une envie incontrôlable. En dépassant la galante pour se rendre au pied du lit, il posa ses mains sur ses hanches. Le geste passerait sans aucun doute pour être naturel même s’il savait qu’elle ne serait point dupe. Le galant ressentait le besoin de la toucher…et pas seulement par son phrasé. Au pied du lit, il tira sur les attaches qui reliaient les rideaux aux montants du dais, rendant ainsi la liberté à l’étoffe généralement plissée.

- Pour les plus pudiques… Pour ceux que l’absence de fenêtre dans la chambre ne suffit pas à rassurer. Personnellement, je n’aime pas…

Pourquoi avait-il besoin d’indiquer ses propres préférences?

- …Mais nous ne sommes pas ici pour mettre nos désirs au premier plan, il va sans dire.

Délaissant le lit, il se dirigea vers le fauteuil situé dans le coin opposé au lit. Il retira son mantel qu’il posa au dessus du paravent, réajustant au passage le ruban noir qui liait ses cheveux sur la nuque. Puis il vint prendre place, posant ses bras sur les accoudoirs, les paumes des mains caressant avec sensualité le velours de l’étoffe. La cheville droite appuyée sur le genou gauche, il plissa les yeux alors que son regard de prédateur observant sa proie se posait sur la silhouette féminine en face de lui.

- La lecture…On oublie trop souvent l’effet que peut avoir sur le corps le charme d’une voix chaude et sensuelle. Lorsque je sens de la réticence chez ma partenaire, je me rabats parfois sur la lecture. Délier les syllabes, adopter un débit de parole volontairement lent. Laisser le temps aux sous-entendus de faire leur chemin dans l’esprit de l’autre, briser les barrières une à autre. Les sentiments ont une puissance inouïe. Vous ai-je déjà dit que c’est l’arme des puissants de ce monde? Ceux qui la manient avec brio peuvent obtenir bien plus que ce que l’on obtient par le maniement habile d’une épée. Attirer l’auditoire vers la rondeurs des lèvres, jouer des O, des A… Des O surtout. L’histoire de l’O est une pure merveille. Séduire par les mots, par leur son, par la façon de les prononcer, par leur sens…Les accompagner des gestes les plus anodins. Licencieuse la littérature? Érotique même peut-être? Hum…Possible oui. Intéressante mais pas forcément obligatoire.

Il l’imaginait assise dans le fauteuil en face de lui, le buste relevé fièrement vers l’avant, feuilletant l’ouvrage de cuir d’un doigt qui faisait des allers et retours entre les pages et ses lèvres, s’humectant à chaque passage pour un toucher langoureux. Que choisirait-elle de porter en pareille occasion? Ses cheveux seraient-ils encore attachés? Partiellement déliés? Totalement volages? Et son décolleté? Audacieux? Invitant? Sobre?

- Faites-moi plaisir: s’il vous arrive de lire pour un de nos membres, portez une chaussure qui mette votre cheville en valeur…et choisissez des dessous délicats et raffinés, propres à éveiller le désir chez l’homme, même chez les plus timides. Quand au reste…

Il déplia les jambes, poussa de ses mains sur les accoudoirs du fauteuil et franchit la distance qui le séparait du lit. Il s’y asseya, appuya son dos contre la tête du lit, étala ses bras de part et d’autre sur le bois travaillé de celle-ci, mirant l’attitude de la galante.

- Le lit est ma foi fort confortable pour une première nuit de découverte. Et si le besoin se fait sentir d’ajouter une couverture additionnelle, il y a tout un ensemble de draps et de catalognes dans ce petit meuble près de vous.

Avait-il besoin de lui dire que la chambre était totalement discrète? Qu’il n’existait aucune façon pour une personne à l’extérieur de voir ce qui se passait à l’intérieur? Ce qui, soit dit en passant, n’était pas le cas pour toutes les chambres de l’Aphrodite.

- Dites-moi, prenez-vous autant une clientèle masculine que féminine?


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.elle


    La démarche assurée du chevelu blond fut suivi, décortiquée d'une légère inclinaison de tête sur le coté, iris verdoyantes observant du talon de la chausse au ruban noir tenant lié les épis de blé de son supposé "sauveur".
    Sans un mot, le trajet était suivi le regard se portant sur chaque endroit non connu, pour rejoindre l'autre bout du salon attenant à l'entrée, et un couloir desservant diverses portes la première ouverte par Lucas annonçant une "initiée", laissant naître rapidement un sourire sur ses lèvres pendant qu'elle se faufilait entre le corps du maître et l'embrasure pour découvrir d'elle-même l'endroit, émeraude croisant l'argent d'un trait subtil.

    "L'initiée" donc, écoutant d'une oreille plus ou moins attentive, chaque détail, chaque tenture, objet, mobilier, passant sous le regard félin de la rose, ses pas glissant dans l'alcôve, sa tête pivotant vers Lucas à l'évocation d'un désir honteux.
    Les mains apposées sur sa taille lui firent lever regard sur le Dentraigues, si certains s'en défendait lui assumait pleinement ses désirs pour ce qu'elle avait pu en constater jusqu'ici, tout comme dans sa chambre, n'avortant aucun de ses gestes vers elle.

    Statut de galante ? Pointe d'intérêt ?
    Jeu de dupes de vouloir voir sous les jupes des filles ?
    Séduction ? Fascination ?
    Tant de possibilités, toutes intéressantes à explorer.

    Pourquoi que le fait de dissimuler les choses ne soient du goût de Lucas n'étonna point la rose ?
    Pourquoi le lui spécifiait-il ?
    L'interrogation se fit doucement dans son esprit alors qu'iris herbacées suivaient les mimiques et manières de sa blondeur siégeant en son trône velouté, comme le pacha qu'il avait été dans sa chambre lors de son bain.
    Position similaire, attitude tout autant alors que ses pupilles argentées l'observait sans autre retenue, partant dans une tirade sur la lecture qui a défaut d'intéresser réellement la brune aux reflets de feu lui permit d'en apprendre davantage sur son interlocuteur.
    Sur ce qu'il appréciait, sur ce dont il usait, et probablement abusait, sur ce qui pouvait voir son intérêt s'éveiller ou se décupler, sur sa façon de percevoir certaines choses.
    Toujours écouter même quand le sujet ne vous est pas parlant, analyser, retenir, et savoir comment utiliser et se servir de ce qui a été découvert.

    Il avait le phrasé, le débit, la façon et la manière pour capter l'attention d'un auditoire, reliquat d'une vie passée tout juste évoquée surement.
    Tout en l'écoutant, les pas de la rose l'avait mené jusqu'au pied droit du baldaquin, mains s'étant calées dans son dos pour s'y appuyer en écoutant le galant discourir sur la lecture.

    "Faites moi plaisir", tiens donc... Attention toute offerte à celui qui quelques heures plus tôt l'arrachait aux pattes de Julot dans ce bouge malfamé, comment faisait-on plaisir à cet homme au charisme envoutant.
    Mettre sa cheville en valeur, la proposition la fit sourire, "Elle" ne doutant nullement que l'examen de sa personne au sortir du bain avait vu le bijou qui ornait la finesse d'une de ses chevilles remarqué.
    Des dessous délicats et raffinés, voyons maître Dentraigues, passementerie et autre dentellerie ne sont-ils pas tout à fait délicieux et subtils quel qu'il soit... leur usage n'étant pas de celui que vous évoquez. Mais bien sur que si mon cher, bien sur que si...
    Sans doute ce qu'elle lui aurait répondu si le mouvement et la désinvolture à se poser sur le lit ne l'interpella un petit temps, provoquant un fin rictus à la commissure de ses lèvres.

    D'un subtil coup de fesses contre le pied du baldaquin, le corps décollé du bois laissa glisser ses pas jusqu'aux cotés de Lucas, venant déposer séant sur le bord du lit, s'installant autant qu'elle le pu en face de lui, bien qu'à coté, jambe gauche se repliant sur la couche.
    Aucun mot n'avait filtré des carmines pendant qu'il lui avait présenté l'endroit, rivant son regard au sien, senestre vint se déposer sur les fermoirs du gilet ocre, fines digitales se jouant de la nacre du bouton.
      Il arrive que d'aucun n'assume pas leurs envies et le désir qui en découle, c'est... fort dommage.
      Mais n'est-ce point de notre art de faire en sorte que le honteux ne devienne... délicieux.

    Un léger sourire plus taquin s'affirma sur les purpurines de la rose, sourcil droit se haussant à l'affirmation interrogative, première nacre du gilet s'ouvrant sous les ongles de la galante s'attardant déjà sur le second.
      Savez-vous qu'au même titre qu'une lecture bien maniée, avec le choix des mots, leur tonalité, les pauses... et surtout... l'intention que vous y mettez, ce rideau qui n'a pas le privilège de vos faveurs peut s'avérer un compagnon de jeu des plus... savoureux ?
      D'une sensualité à attiser un désir jusqu'au point de non retour, tout autant que ces dessous savamment choisis que vous évoquiez plus tôt.

    Comment ne lui sera pas dit.
    Volontairement ? Evidemment
    Dans quel but ? Susciter sa curiosité
    Pourquoi ? Réfléchissez...

    Seconde nacre ouverte, troisième et dernière sous les épines de la rose.
      Si je devais recourir à laine additionnelle très cher, c'est que je n'aurait pas rempli mon office convenablement.

    Ultime nacre sautée, et paume de senestre s'appose sur la chemise couvrant l'abdomen du chevelu, digitales appréciant la texture et la qualité de l'étoffe, sans se faire fureteuse ou caressante, juste "présente".
      Indifféremment

    Un seul et unique mot en guise de réponse à la question sur sa clientèle, elle n'aura pas l'outrecuidance de lui retourner, vu le comportement de l'homme installé avec nonchalance sur le lit avec elle, bien que surprise est toujours possible, aller savoir.
      Dites moi...
      Voici donc l'initiée, vous m'aviez parlé d'une mystique et de ses soeurs, souhaitez-vous que nous les... visitions toutes ou m'en feriez-vous... une lecture à votre façon ici même ?
      Libre à vous ensuite de me faire découvrir la pièce qui a votre préférence.

    Présence s'étalant de toute sa palmure sur le ventre du Dentraigues, serpentant subtilement vers la puissance d'un torse, émeraude et argent toujours étroitement mêlés.

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Lucas.
Il parlait, elle écoutait. Il lui donnait des directives, des conseils. Il était dans son élément: guider, diriger, ouvrir la voie et décider. La poussée fessière de la galante n’avait pas échappé au regard du passionné du corps féminin. La grâce avec laquelle elle se détacha de le colonne du lit à baldaquin reçut l’approbation implicite du maître. Un simple battement de cils qui, pour l’initiée sachant le décrypter, valait mille félicitations verbales. Le regard masculin suivit la démarche de la galante jusqu’au moment où elle vint prendre place à ses côtés, toujours aussi silencieuse. Il faudrait qu’il pense à lui dire qu’un silence est certes porteur de beaucoup de sous-entendus prompts à nourrir l’imaginaire mais qu’une voix chaude et sensuelle pouvait l’être tout autant, si ce n’est plus. Pour le peu qu’il avait eut le loisir de l’entendre, Lucas avait aimé les intonations de la galante. Il ressentait une pointe de regret qu’elle n’en usât pas plus souvent. Tant le ton que le contenu éveillait pourtant le désir.

- Ne pas assumer ses envies ne mène qu’à une frustration négative et destructrice. Parfois, il suffit d’un petit rien pour amener une personne à s’assumer pleinement. Si dans la langue française, honteux rime avec délicieux, dans les faits, il n’en n’est rien. Dites-vous bien que les honteux viennent rarement nous voir…même si je le reconnais: nous allons parfois devoir faire tomber certaines barrières. Cette chambre est l’idéal pour cela.

Il parlait plus qu’elle. Sa voix était grave et chaude, le débit mesuré avec précision. Ni trop rapide pour perdre l’intérêt de l’audience, ni trop lent pour l’endormir. Les galants comme les avocats devaient susciter l’intérêt même s’ils débitaient des platitudes même avec d’austères sujets. Quand le fond ne suivait pas, la forme devait compenser. Les brumeux du galant se posèrent alternativement sur les jambes de la galante: la droite, puis la gauche. Elle avait choisi ses armes pour le séduire car à cet instant, Lucas ne doutait pas que tel était son objectif. S’il dirigeait encore la manoeuvre, « Elle » montrait déjà certaines velléités pour prendre la direction des opérations. La position de ses jambes sur la couche ne permettait aucun doute. Elle affirmait ce qu’elle voulait, appâtait comme elle le désirait, que ce soit de la dextre encore posée sur le sol ou de la senestre qui dévoilait une cheville dont la beauté naturelle était rehaussée du clinquant d’une chaîne fine.

Le galant posa sa main juste au dessus de sa chaussure. Le talon rehaussait à merveille la beauté naturelle de sa cheville. Lorsqu’il avait évoqué ce point dans ces recommandations quelques instants auparavant, c’était justement aux chaussures dont il faisait allusion. La paume de ses digitales survolèrent le métal fin, le contact chaud de sa peau contrastant avec le froid de l’argent. Son regard complétait le frottement de ses ongles sur le pourtour de sa cheville et l’index prit ensuite la direction de l’extrémité de son pieds.


- Ce rideau ma chère n’a d’intérêt que si une jambe aussi désirable que la vôtre en dépasse, que si un homme au pied du lit se met en frais de l’honorer à sa juste valeur du bout de ses lèvres, non pas par obligation mais par envie.

L’impertinente, car c’était le qualificatif duquel il l’affubla secrètement lorsque ses doigts jouèrent avec la fermeture de son gilet, avait osé. Elle avait pris une initiative dont le galant n’avait que fort peu l’habitude dans ses relations avec les femmes. Si certaines dames l’avaient déjà effeuillé, aucune n’avait cependant commis l’outrage de le faire sans obtenir un consentement, ne serait-ce que tacite, de sa part. Un hochement de tête, un clignement de cil, une parole.

- Votre main sur ma chemise se permet certaines familiarités vous savez? Vous ai-je donné l’autorisation de procéder? Habituellement, ce plaisir est tarifé d’un léger supplément…mais je suis bon joueur…

Il avait volontairement laissé sa phrase en suspend. L’écrin de sa main recouvrit le talon senestre de la galante. Avec patience, la tête penchée vers son pied mais le regard dardé dans les émeraudes de l’hellébore. Il délogea la chaussure de son ancrage, la laissant prendre par le bout de pied. Alors que la main de la galante testait la qualité du tissu, Lucas porta le tout à ses lèvres. La jambe s’arqua dans le mouvement imposé par le Maître et les lippes de celui-ci parcoururent lascivement le chemin qui séparait ses orteils de sa cheville. La pointe de sa serpentine décora la place d’un deuxième bracelet sans toutefois fermer celui-ci.

- Vous ne pouviez savoir… et vous imaginer entre les bras d’une femme me pousse à vous offrir un pardon conditionnel.

Si lui ne s’offrait exclusivement qu’aux femmes, les plaisirs saphiques avaient toujours eu le pouvoir de décupler ses envies charnelles. L’homme appréciait le beau, l’artistique et un corps féminin qui atteint la plénitude du plaisir dans les bras, ou sous les lèvres, d’une autre femme était pour lui un parangon d’élégance. En ce sens, les hommes ne seraient jamais les égaux des femmes pour le Dentraigues.

- Vous avez commencé un travail? La moindre des choses serait de le finir. Cela ne souffre…d’aucune contestation possible.

Revenir dans son élément. Permettre. Si maintenant, elle s’attaquait à sa chemise, c’était à sa demande. Si elle ne le faisait pas, il pourrait le lui reprocher. En tout temps, toujours garder le contrôle même lorsque les initiatives féminines lui étaient des plus agréables. Il ne faisait aucune doute que Rose lui plaisait. En cet instant, il s’en fit la promesse: un soir, elle serait à lui. Totalement. Sans aucune restriction. Elle serait livrée à ses désirs jusqu’aux plus sombres, aux plus indécents, aux plus inavouables…même pour un galant. Mais avant que ce soir n’arrive, il fallait à Lucas un petit encas. Il décrocha la chaussure pendante et l’envoya voler dans les airs à l’autre bout de la pièce. Il posa les premières phalanges sur le bout du pied féminin et fit glisser la paume de ses doigts puis l’entièreté de sa main sur la peau nue de la galante. Celle-ci disparut sous l’étoffe de la robe. Seul le Très-Haut sut quelle limite elle atteignit alors.

- Il existe plusieurs pièces dont il faut que je vous parle mais en cet instant, mon esprit n’en n’a qu’une en tête. Elle se nomme l’Impudique.

Il n’avait pas directement répondu à la question de la galante: continuer la visite ou rester ici. Il estima que toute parole cette fois-là était superflue. Peut-être que les lèvres qui s’approchaient irrémédiablement de celles de la galante allaient combler cette lacune? D’une façon…ou d’une autre?
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