Eilwen
Sent Bertran
Saint Liziers, Lectoure... Toutes deux pillées, et voilà que la bande de coupe-jarrets avait fait route vers Sent Bertran. Il n'y avait pas eu besoin de le dire deux fois à la bergère pour qu'elle saisisse l'urgence de la situation.
Une chose à la fois, voilà ce qu'elle s'était répété toute la journée, en écrivant de nombreux messages, en courant au champ récupérer les moutons pour les enfermer dans la bergerie, en crapahutant jusqu'au verger à la recherche d'Amédée. Mais le verrat énorme n'avait pas voulu bouger d'un poil tant qu'elle n'avait pas retrouvé les trois cochons qui s'ébattaient en liberté en mangeant les pommes tombées des arbres. Et depuis quand avait-il développé un tempérament de père de famille ? Grognant autant qu'eux, elle avait fini par ramener tout ce petit monde dans la bergerie sous les bêlements outrés des moutons.
" Je sais, je sais, j'aurais dû vous tondre ce jourd'hui... ça devra attendre, er mwyn duw ! "
La barre mise en place elle avait couru jusque chez le charpentier, lui emprunter sa charrette. Il ne s'en servait pas en ce moment de toute façon, il ne se rendrait même pas compte de l'emprunt. De là, direction la grange municipale. Charger les sacs, tirer la lourde charrette, revenir, jusqu'à ne laisser plus sur place que le vieux criquet asthmatique qui se faisait encore entendre.
La caisse de la mairie lui avait donné plus de fil à retordre. Ca aurait été trop simple qu'elle puisse y toucher en personne bien sûr. Tant pis, elle n'avait plus le temps de finasser.
Le soir, c'est noire de vieille poussière qu'elle s'était laissée tomber sur le banc de la taverne. A peine un petit verre pour redonner vie à sa gorge parcheminée, voilà qu'un de leurs "visiteurs" la prenait pour une simple d'esprit.
Et puis la nuit était tombée, et elle était montée sur les remparts. Son estomac se tordait sous l'angoisse, et même le poids de l'épée à son côté ne suffisait pas à la rassurer. Pourvu surtout qu'elle n'ait pas à s'en servir se répétait-elle en boucle.