[Encore en coulisses, avec Justin]
Paumée dans ses pensées, elle avait sursauté à la porte s'ouvrant pour laisser le passage à un d'Aunou aussi diablement décidé que foutrement séduisant dans cet habit qui, elle le devinait, avait dû le faire grogner tant à enfiler qu'à choisir. Mais l'honneur était sauf, il n'était pas nu. Quoiqu'à bien y réfléchir, elle se serait bien rincée lil au passage. Après tout, même si le mariage annoncé n'avait pas pour vocation d'être consommé, rien n'interdisait néanmoins quelques plaisirs chapardés de-ci de-là. Cependant, si un sourire se faufila aux lèvres manouches, ce n'était en rien à ces pensées, mais bien de retrouver ce rire franc, ces entrées tonitruantes et cette impression confuse de sécurité qu'il lui inspirait. Lui qu'elle connaissait si peu encore et qui, pourtant, semblait flâner dans sa vie depuis toujours. Faute au hasard réunissant deux caractères finalement assez semblables sur le principal, peut-être.
« Votre Grâce d'Aunou le Faucon, je pense que nous sommes attendu. »
La Casas ouvrit des yeux stupéfaits en pensant que Justin se parlait à lui-même, certainement rendu nerveux par la réouverture de l'établissement qui jouait ce soir son va-tout avant d'envelopper la chambre d'un regard plissé, fouillant les recoins pour dénicher qui aurait bien pu se camoufler là sans qu'elle ne s'en aperçoive. Parce qu'une chose était certaine, son Faucon de promis n'avait rien qui puisse laisser croire qu'il puisse se laisser intimider si aisément. L'explication devait donc se cacher autre part. Alors enfin, elle comprit qu'étant bien seuls, c'était elle qu'il paraît déjà du nom à venir. Et de sa bouche, à lui, dénuée de tout cynisme, ce fut un baume apaisant et doux qui vissa davantage encore dans sa tête la certitude qu'elle avançait sur le bon chemin, malgré les avertissements qu'elle avait pu essuyer, sans qu'aucun, pourtant, ne parvienne à érafler sa volonté. Peut-être n'auraient-ils pas pris le temps de partager quelques jours en Alençon se serait-elle sentie fébrile et hésitante. Mais depuis le séjour au domaine, la question ne se posait même plus. Malgré les sacrifices qui en découlaient. Pour elle. Pour d'autres. Amen.
Penchant la tête sur le côté, elle l'écouta, avant d'ouvrir l'écrin avec la lenteur d'une enfant un brin timide et se mordit la lèvre devant l'éclat des rubis d'un camélia ouvrant ses pétales devant son regard. Sans un mot encore, elle retira le bijou de son écrin pour l'épingler à sa robe sans même prendre le temps de réfléchir à l'accord de sa tenue. Les mains rendues malhabiles par un peu trop de fébrilité, elle porta son index piqué à sa bouche pour le suçoter avant de remonter les yeux. Il y avait beaucoup trop de bleu dans ma tenue, le rouge me manquait. Et de fendre son visage d'une virgule blanche aussi claire qu'empêtrée de ne jamais savoir comment remercier sans en faire trop, ainsi que son passé de petite mendiante lui dictait en lui tambourinant le cur trop fort, ou tout au contraire, en voulant se contenir, risquer de se montrer ingrate. Alors, venant cueillir les prunelles sombres du Duc, avoua d'une voix basse et moins rauque que d'ordinaire. Un couple qui n'a rien de conventionnel mais dans lequel je trouve déjà bien plus que je ne t'avais demandé.
D'un pas soudain pressé, elle glissa son bras à celui qui se tendait et, se perchant sur la pointe des pieds, déposa un chaste baiser sur la joue nobiliaire pour mieux murmurer à l'ombre de l'oreille ronde. Merci. Beaucoup. Elle est magnifique.
Puis, parce qu'effectivement, ce couple n'avait et n'aurait rien de conventionnel en privé, rompit-elle linstant évaporé d'un sourire taquin. Oh oh ! Si tu crois pouvoir te débarrasser de moi comme ça, tu te fourres le doigts dans lil jusqu'au coude mon cher. Allons-y !
[Dans le grand salon, au bras de Justin]
Le temps du court trajet, les voix s'échappant du salon avaient ricoché de plus en fort, annonçant que leur pari était réussi. Et si la manouche avait caché une pointe d'anxiété les jours auparavant, elle ne put que soupirer de soulagement en découvrant le vaste salon animé d'invités ayant répondu présents à l'invitation, faisant fi de la réputation passée de l'établissement en choisissant de lui offrir une seconde chance de briller dans l'univers parisien. Devant son regard noir s'agitaient les serveurs, occupés à offrir vins et amuse-bouche aux invités, sous le ballet délicat des galants accueillant chaque convive.
Vous avez réussi Justin. Si le tu s'était imposé à sa bouche en privé, le vous l'emportait en public comme une évidence à la représentation qu'ils souhaitaient donner. Son premier réflexe fut de fouiller la salle pour dénicher le Renard d'un sourire complice. Mais ce fut sur la chevelure rousse de Gygy que ses prunelles se posèrent, bienveillantes et protectrices en l'observant un instant toute occupée à sa nouvelle charge. Mais bien vite son regard fut happé vers la porte qui à nouveau s'ouvrait sur Ysaoth et sa cavalière. Elle aurait plaisir à lui parler, loin du marasme angevin, et loin des blessures des champs de bataille, surtout.
Les prunelles noires naviguèrent encore sur les visages, et furtivement sa main se serra sur le bras de Justin en apercevant Julien. Non, ce marasme-là, ce soir, elle le laissait aussi derrière elle. Ce soir, ses errances n'étaient pas permises. Et demain, ne le seraient certainement pas plus. Ce soir, le passé tirait sa révérence. L'instant d'égarement s'évanouit en cadence avec la pression de sa main sur le bras ducal, laissant naître un sourire charmé par la tenue de Calico, en femme, incroyablement, couvée par la chevelure blanche de Tara. Et si le sourire manouche s'étira davantage, ce fut de découvrir Loÿse, timidité vaincue le temps d'une soirée. Et si tel était le résultat de sa brusquerie en taverne, alors la manouche était prête à réitérer son méfait. Quitte à y laisser toutes ses breloques pour se faire pardonner de trop de rudesse. Elle irait saluer sa famille de Corbacs un peu plus tard. Pour l'heure son regard accroché sur le petit groupe que formait Xalta, Kronembourg, la Dauphine, croisée rapidement en Anjou également, et son colosse de compère, elle se pencha vers Justin, les mirettes couvant l'imposante carrure d'Eddard.
Il est une personne que je souhaite vous présenter avant toute autre, si vous le voulez bien. Il est mon complice, mon associé, mon rempart, mon compagnon de beuverie aussi, bientôt mon témoin mais surtout, mon ami.