[RP] Pour envoyer du steak, demande un temple à roulettes.

En réalité, la réponse de Minah à propos du pourboire n’avait pas été aussi enthousiaste (ça ressemblait plutôt à « Pufff ! Y pourra pauzais ces faisse sur son pour bouâre (janre je vai lui filé de larjan pourre pikaulé !!!) ta fainiasse deu livreure !!! »), mais c’était surtout la motivation qui comptait.

C'était qu'il était fort mécontent, Arnauld. Ce cher Gaspard avait toujours livré ses commandes en temps et en heure, sans rien abîmer et sans demander trop d’argent, mais alors qu’il avait promis à Minah de lui faire parvenir son temple avant son départ de Genève, celle-ci lui annonçait que l’armée était déjà en route dans la campagne helvète. Après avoir passé presque six mois à travailler dessus, il serait très, très contrarié si son ouvrage se perdait en route.

La réponse du livreur, cependant, ne se fit pas attendre.

Certes, il était difficile d’en vouloir au pauvre livreur, quand on voyait ce qu’il avait dû trimballer à travers tout le royaume. Mais si l’homme était ronchon, il était courageux, et surtout très motivé par la perspective des piécettes supplémentaires que l’on devait lui verser à son arrivée à destination. Aussi, trois jours plus tard exactement, parvint-il enfin en vue de l’armée d’aventuriers qu’avait rejointe la manchote propriétaire de la bizarrerie ambulante qu’il avait transportée sur plusieurs centaines de lieues.

Patiemment construite par Arnauld, la chose était son chef d’œuvre. D’une longueur de sept coudées*, d’une largeur de quatre, et d’une hauteur de six, on pouvait en effet dire que l’engin était imposant. Cependant, ce n’étaient pas les dimensions qui surprenaient le plus, mais bien la nature de l’ouvrage.
* 1 coudée = 50 cm

Le rêve de Minah, qu’Arnauld avant tant peiné à réaliser, était de posséder un temple à roues, dédié à son culte des Bestioles Crevées. La commande n’était pas plus précise que cela, et le menuisier avait laissé parler sa créativité. De forme pyramidale, principalement en bois, l’engin était surmonté d’une grande statue de hibou mort (il y avait deux croix à la place des yeux), représentant Philémon, le fidèle couvre-chef de la Sainte Patronne. Deux autres statues flanquaient les portes du temple, situées à l’avant de la pyramide. A gauche, c’était un grand serpent dressé, langue sortie et yeux crevés, dont les écailles étaient irrégulièrement implantées pour montrer qu’il n’était pas de la première fraîcheur ; celles-ci disparaissaient plus bas dans ce qui ressemblait à un curieux habit, que les connaisseurs d’Edith-qu’est-réversible identifieraient comme un bas à froufrous. A droite, c’était un empilement de trois énormes têtes d’animaux : un chat, un pigeon, et un poney, du crâne duquel dépassaient quelques crins anarchiques. On pouvait tirer, grâce à un ingénieux systèmes de rails, un large marchepied qui permettrait à Minah de haranguer la foule en se plaçant entre les deux statues, comme une prêtresse d’un autre temps. Ce système de rails avait été réutilisé sur les deux côtés de la pyramide, et permettait de faire glisser deux petites plateformes, chacune munie d’un pied dépliable pour la stabiliser, destinées à accueillir deux petits braseros qui seraient du plus bel effet pendant les offices. Pour l’heure, ceux-ci étaient rangés à l’intérieur de la pyramide, aux côtés de quelques tonneaux et d’une espèce de marmite reliée à de curieux tuyaux en métal. Si l’on chauffait le contenu des tonneaux dans la marmite, une épaisse vapeur colorée se dirigeait, grâce aux tuyaux, vers l’entrée du temple, vers Philémon, dont les yeux en croix étaient percés de deux trous qui laisserait s’échapper la fumée, et vers une petite cheminée placée derrière le hibou pour renforcer l’effet visuel – effet surnaturel garanti. Il avait fallu des semaines à Arnauld pour mettre au point cet ingénieux système, et il n’en était pas peu fier. Craignant cependant que Minah ne comprenne rien à son fonctionnement, il avait laissé plusieurs schémas explicatifs, aussi clairs et détaillés que possible. Pour finir, il avait fixé sur les quatre versants de la pyramide plusieurs sortes de gros œillets, dans lesquels viendraient se fixer, si besoin, les longues piques que lui avait réclamées Minah pour transformer le temple en arme de guerre, et qui étaient rangées, avec leur propre schéma explicatif, à l’intérieur du temple, au côté d’un bras articulé flambant neuf et munis de griffes entre les phalanges. Le tout était tiré par un gros cheval, seul représentant vivant du règne animal si chéri par Minah la Sainte Patronne.

Comme il fallait s’y attendre, on fit moult difficultés au brave livreur d’une pareille horreur pour le laisser entrer dans le campement. On lui parla de « cheval de Troie », de pièges et d’autres choses qu’il avait déjà entendues dans la bouche des maréchaux de tout le royaume, mais il maugréa tant et si bien qu’on finit par admettre qu’il n’était qu’un honnête employé qui accomplissait une tâche dont il se passerait bien.

- J’vous dis que je fais une livraison ! C’est pour Minah, une manchote toute dégueu avec des bestioles mortes sur la tête ! C’est son foutu temple, c’est l’menuisier Arnauld Cassenac qui l’envoie depuis Bordeaux ! Crénom de nom, j’ai pas fait tout ce chemin pour me faire renvoyer par une poignée de blanc-bec en uniforme ! C’est pour Minah ! Minah Montjoye truc quequ’chose de Bergier ! Minaaaaah j’vous dis, faites-la don’ venir, elle me doit des sous !
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Des cris. Minah tendit le groin en direction du vacarme, comme un chien qui flaire une odeur de bonne viande ou de vieille pisse. Le bordel l'avait toujours attirée, pour sûr. Se redressant sur le siège de sa charrette, elle s'étira, faisant protester ses muscles endoloris.
Allez ! Allons voir c'qu'il s'passe là-bas ! Ça vaudra mieux que mourir d'ennui à fixer le chemin, qui ne défilait pas assez vite à son goût. Avec un peu de chances, ce sera une bonne bagarre. Il n'y avait rien de tel qu'un revigorant coup de poing dans la goule pour se réveiller de la torpeur qui l'animait, depuis l'excitation du départ passée.
Tirant doucement sur les rênes de Sel pour l'arrêter (pauvre destrier relégué au rang de bête de somme !), N'a-qu'une-patte sauta au bas de l'engin brinquebalant.

Elle ne tarda pas à trouver l'attroupement réglementaire autour de tout ce qui se tape dessus, fait du bruit ou ne possède pas beaucoup de vêtements, au milieu duquel s'élevaient des vociférations que peinaient à recouvrir les murmures et les exclamations.

C’est pour Minah ! Minah Montjoye truc quequ’chose de Bergier ! Minaaaaah j’vous dis, faites-la don’ venir, elle me doit des sous !

Oh, mais c'moi, ça !

Pas de doutes. Elle repoussa sans douceur les quelques personnes qui bouchaient le chemin, jusqu'à faire face au bonhomme qui braillait. La manchote mit le poing sur la hanche.

Des sous ! J'dois pas d'sous ! C'qui don' qui m'dérange en plein milieu d'la campagne pour m'demander des so...

Brusquement, elle se tut.
Elle.
Avait.
Vu.

Lumière divine, chant céleste et colombes mortes.
La première merveille du monde.
Le temple à roulettes. Rutilante technologie, prête à conquérir le monde.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIH... !

On respire.

IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIH ! J'crois j'va faire pipi dans mes braies.
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Modo au Challenge RP !

Pendant que la frangine garait la carriole en double file, la mini-pas-si-mini Montjoye en descendait pour savoir ce qu'il en est.
D'un pas souple, elle se faufile entre la masse du populeux, manque de se faire étouffer entre deux soldatesques grassouillets, joue des coudes et arrive enfin à ses fins.
Les esgourdes bien ouvertes pour tout écouter.

[...] C’est pour Minah ! Quoi ? Ma Minah ? Minah Montjoye ah ouais ma Minah du coup ! truc quequ’chose de Bergier ! Minaaaaah j’vous dis, faites-la don’ venir, elle me doit des sous ! Des sous ? Des SOUS ??? Mais il est fou ce type !

Pis d'ailleurs c'est quoi ce qu'il transporte, m'étonne pas que les teutons ne veulent pas qu'on passe avec un machin pareil qui nous colle aux basques et qui bouerle à qui veut que c'est pour quelqu'un de l'armée.
Té ! Ils doivent croire qu'on a des fins stratèges pour éventrer leur château et piller leur salle du trésor.
Les deux azurites fouillent "la chose", mais à quoi pouvait bien servir ce truc ?
Pas à jeter de la caillasse sur un rempart en tout cas.
A faire peur peut-être... ?
A ce que les autres se foutent de notre gueule ? Ouais sûrement !
Une tactique comme une autre pour provoquer une distraction et prendre le dessus.
La question qui reste en suspens est pourquoi Philémon ? Et Edith... et les autres.
Voilà que ça intrigue quand même pas mal la môme.

Alerte, Perceval s'en retourne vers sa soeur.

" Min.. IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIH... ! ...ah ? Y a un t... IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIH ! ...ruc...
J'crois j'va faire pipi dans mes braies.
Euké ! D'accord. "

Longue inspiration, recentrage sur soi après avoir été ébranlée par le cri d'une harpie à qui l'on aurait arrachée les tripes avec une pince chauffée à blanc.
D'ailleurs, Perceval n'est pas persuadée de retrouver totalement l'usage de son esgourde droite. Elle a morflé grave.

" C'est quoi... ça ! "

Et de pointer l'engin démoniaque du doigt.
Un index précis, et très très suspicieux.
Dis moi que c'est pour dézinguer le grand Khan !
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Gaspard broncha à peine quand la destinataire de sa livraison s’égosilla dans sa crise d’hystérie. Certes, les tympans du livreur manquèrent de saigner, mais ils étaient suffisamment protégés par l’armée de poils qui gardaient vaillamment l’entrée de ses oreilles pour prévenir l’explosion. Il fallait bien que la pilosité serve à quelque chose, en plus d’être monstrueusement glamour.

Bon. Elle était finalement à peu près comme l’Arnauld la lui avait décrite. Crade, avec un bout – et visiblement une case – en moins, une puanteur qu’il flairait déjà de là où il se trouvait, et une chose morte sur la caboche. Il n’avait pas parlé des cris perçants, mais la donzelle étant presque plus proche de la bestiole que de l’humain, Gaspard n’était pas vraiment surpris.

Puisque la conversation avec elle n’avait pas l’air bien engagée, il choisit de s’adresser à la fille qui l’accompagnait, même si la question qu’elle venait de poser n’était pas pour lui.

- Ça, c’est le temple ambulant du culte des Bestioles Crevées, pour vot’ copine brailleuse, là. C’est l’Arnauld, le menuisier, qu’a passé six mois dessus, juste pour lui faire plaisir et pour la beauté de l’art.

Regard en direction de l’œuvre d’art en question. Soupir.

- J’vous dis pas comment j’ai galéré pour l’trimballer jusque dans c’trou, alors le pourboire a intérêt à êt’ balèze.

Il regarda de nouveau la manchote, sans trop savoir si elle venait réellement de tremper ses braies – franchement, vu l’odeur initiale, il n’était pas certain de pouvoir déceler une différence – et, avant qu’elle se remette à brailler, il lui ficha un petit paquet de lettres sous le groin.

Nous ne reproduirons pas l’intégralité du contenu de ces lettres, parce qu’il y a franchement des tas de choses beaucoup plus intéressantes à lire et nous ne voulons pas vous faire perdre votre temps. Arnauld était certes un brave type, mais il avait parfois tendance à radoter, surtout quand il s’agissait de sa femme. Et après tout, cette histoire parle du temple à roulettes, non pas des états d’âme de l’homme qui l’a fabriqué. Voici cependant quelques extraits pour vous faire une idée du propos général :
Lettre 1 : «Blablabla … Actyss est vraiment trop belle, tu sais comme je l’aime… blablabla … Bébé Léo a mes cheveux, il a mes cheveux version bébé ! Je suis trop, trop, trop fier. blablabla … des petits gouzis et des gouzas… blablabla … temple devrait bientôt arriver maintenant, il faudra que tu m’écrives quand tu l’auras reçu. Je veux tout savoir de ce que tu en penses. blablabla … gaffe à tes miches sur la route… »
Lettre 2 : « Blablabla Ça ne fait que quelques jours, mais si tu savais comme elle me manque !... blablabla … partie étudier la médecine dans tout le royaume… blablabla … voulais l’accompagner, mais c’est impossible blablabla …quelques mois… blablabla … itinérant… blablabla …herbiers, c’est moi qui lui ai appris à lire… blablabla elle est tellement parfaite, si tu savais comme je l’aime… blablabla tellement fier… blablabla … me manque… blablabla … femme de ma vie… blablabla … t’as pas intérêt à te foutre de moi avec le cul à l’envers que t’as derrière le nichon gauche blablabla Bisous. »
Lettre 3 : « Blablabla… vide ici, je m’ennuie, heureusement que j’ai les enfants blablabla je pars en voyage pour Limoges blablabla Il faut bien que je m’occupe ! Et je veux qu’Actyss soit aussi fière de moi que je le suis d’elle. C’est pour ça que je me suis fait recruter à l’AAP. blablabla …journaliste, oui madame… blablabla …une chronique sur le métier des gens… blablabla Sainte Patronne c’est un métier ? blablabla …temple ? »
Et le quatrième pli n’était que le premier article du menuisier, qu’il lui avait envoyé pour se la péter un peu.

- Bon, z’avez votre machine, vos lettres, j’vous donne des tas de trucs, vot’ tour maint’nant.

Et au cas où cela ne serait pas assez clair, parce que mine de rien, l’amie crado du menuisier n’avait pas l’air d’être une flèche, il ouvrit sa grosse paluche, dans l’attente du délicieux son des pièces s’entrechoquant en tombant sur sa paume.

Le visage se tourne vers l'alpaguant, jetant deux prunelles froides sur l'importun.
Mais elle lui cause pas à lui ! De quoi qui s'mêle l'autre !

" C'n'est pas ma c'pine. C'ma soeur !
Pis un peu d'respect, c'est l'Seigneur de Messancy hein ! "

Ouais SA soeur d'abord ! Il n'voit pas qu'elles se ressemblent (pas du tout), bon y en a une qui a été adoptée, on vous laisse deviner laquelle.
La rousse croise les bras et jauge le gars, le laisse à ses paquets de lettres et ses explications.
Pour dire le vrai, elle s'en balochait le popotin qu'il ait galéré à amener cet engin du diable dans le trou du cul du monde, ce qui lui importait, c'est que dorénavant, c'est elles qui devront galérer pour se le trimbaler.
Youpi !

Et en plus...
Il avait l'audace de tendre la pogne pour réclamer un dû !
Il est pas un peu fou machin ?
D'un geste ample de la main, elle stoppe l'idée saugrenue en plein vol.

" Y a pas d'sous ici ! "

Ouais, y a erreur de pigeon mon gars !
Se tourne légèrement vers Minah et lui fait un petit clin d'oeil.

" En plus, c'pas prudent, les routes sont peu sûres. Viendrez réclamer à not' retour. "

Bah ouais, pourquoi payer si on était même pas certain de rentrer entier (ou presque) un jour.
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Eurf, kreuf.

Minah avait mal à la gorge, maintenant, mais les braies presque sèches. Elle cracha un bon coup par terre pour tenter de reprendre contenance, et soulager son gosier. Puis elle se tourna vers sa sœur, faisant écho au bonhomme.

Ça ! Ça, c'est l'av'nir d'la religion, ma vieille ! Une merveille ! Même dans mes rêves les plus fous, j'aurais pas imaginé qu'ce soit aussi beau... Ohmondieu j'ai encore envie d'me faire pipi d'ssus !

Elle s'approcha de l'engin pour faire glisser dessus ses doigts courtauds aux ongles noirs, religieusement, les yeux vibrants de passion, laissant au passage une trace luisante de crasse. Un long soupir, plein d'espoir. Avec ça, bientôt, son culte serait enfin reconnu. Elle aurait des disciples, les bestioles crevées cesseraient d'être ostracisées, et elle se roulerait dans le fric gérerait les dons des fidèles.
À contrecœur, N'a-qu'une-patte mit de côté ses divines aspirations pour se tourner vers Perce-oreille et le livreur.

Hé ouais, hein ! Un peu d'respect, on a pas gardé les cochons ensemble.* Chu nob', bordel !

Elle lâcha un reniflement dédaigneux d'une noblesse très contestable. Intérieurement (et extérieurement aussi, parce qu'elle n'avait jamais été très douée pour garder ses pensées loin de son visage) elle jubilait que sa sœur la soutienne dans son désir de ne pas lâcher un denier. C'était ça, la famille. On se serrait les coudes. Surtout quand il s'agissait d'une sororité élevée dans la pure tradition maternelle de la radinerie extrême. Aussi la manchote renchérit aux paroles de la rouquine, toisant le pauvre homme d'un œil accusateur :

Pis d'abord, z'abusez vach'ment d'réclamer un pourboire pour un travail aussi bâclé ! En r'tard, alors que j'crapahute sur les ch'mins ! Voyez, l'colis est d'jà tout dégueulassé !

Et de désigner d'un moignon accusateur la grosse trace qu'elle a laissé en posant la mimine dessus.

Pis quoi, si j'vous paye pas, vous l'rembarquez, c'ça ? J'voudrais ben vous y voir !

Un ricanement.
L'expression minahesque s'adoucit sous son masque de crasse alors qu'elle fouillait dans sa poche.

Mais chu généreuse. V'm'avez porté les lett' d'un ami...

Cinq deniers et un lézard séché rebondirent dans la paume offerte.

… Et v'm'avez épargné ses tartines de blablatage sur sa femme.

Un écu et un bouton de culotte vinrent les rejoindre.
Foutre qu'Arnauld pouvait être chiant, quand il était lancé sur sa femme ! Hum. Enfin. Non. C'est pas ce qu'elle voulait penser. Valait mieux pas l'imaginer se lancer sur sa femme. Arf. Trop tard. Minah secoua la caboche pour essayer de s'enlever l'image de la tête, sans succès.

V'là. V'pouvez disposer, mon brave. Pis lui dire qu'VOUAIS, Sainte Patronne c't'un métier ! C'puce qu'un métier, c't'une vocation divine !

Et elle le congédia d'un geste de son unique paluche.

* Valait mieux pas d'ailleurs. La technique minahesque pour garder les cochons la première et dernière fois qu'elle en avait eu était de leur courir après en hurlant à travers les rues toulousaines.
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Modo au Challenge RP !

Sœurs ?
Nobles ?
Pas de sous ?

Le bon Gaspard avait légèrement l'impression qu'on se payait sa tronche.

Soit. Lui aussi, il pouvait jouer à ce petit jeu-là. Il allait rétorquer que oui, en effet, il allait le rembarquer, son magnifique temple générateur d'urine, mais il referma la bouche quand il vit la Chose fouiller dans sa poche. Ah, elle s'était donc décidée à le payer !

Il déchanta rapidement.

- Vous croyez vraiment qu'j'vais me contenter d'un écu et demi ? J'travaille, moi. C'était un gros travail de venir ici. Et tout ça pour quoi ? Pour vous faire plaisir, ouais ! Pour faire plaisir à votre ami l'menuisier qu'a sué sang et eau pour vous faire plaisir à vous ! Vous avez vu ce temple ? Vous avez vu l'boulot qu'c'est ? Et vous vous rendez compte qu'y vous a même pas fait payer ? Avec la valeur que peut avoir c'truc ? Et vous êtes noble ? Les nobles, ça a des sous, les nobles, ça a du cœur !

Courte pause pour l'effet dramatique.

- J'ai traversé tant d'obstacles pour vous livrer c'temple. J'suis le livreur attitré de l'Arnauld depuis un bail. Il a toujours veillé à ce qu'on s'acquitte de ce qu'on m'devait pour mon travail. Mais après une déception pareille, j'vais d'voir démissionner. Y sera tout seul. Y pourra plus rien livrer, ou alors y devra faire appel aux services d'un type beaucoup plus cher qu'moi, et y va se ruiner, et y va devoir fermer son atelier et laisser ses gosses crever d'faim et sa femme s'prostituer. C'est ben triste mais c'est ça qu'vous faites en refusant d'me payer. Vous brisez l'rouage qui faisait tourner la grande machine qu'il appelait son bonheur. Et vous vous dites noble ! Vous vous dites sainte ! Vous vous dites son amie !

Il s'essuya le front du dos de sa main. Une telle harangue, c'était un effort. Plutôt taiseux de nature, le Gaspard était cependant capable de beaucoup pour obtenir son dû, sans compter qu'il y avait un fond de vérité dans son discours. Le destinataire devait payer le livreur, c'était comme ça depuis le fond des âges, et après une pareille arnaque il démissionnerait pour sûr, laissant le menuisier dans un assez grand embarras. Mais sérieusement, il était paumé en pleine campagne helvète à cause des lubies du jeune homme, il risquait de ne pas avoir de quoi se payer à manger pour le retour, et c'était un peu fort de tisane.

- J'vous demande pas la lune. Une soixantaine d'écus suffira. Je sais qu'vous les avez, et au pire y a le canasson qui tire votre engeance qui pourra faire l'affaire. Pensez à c'brave Arnauld, vous lui d'vez ben ça, non ?

Minah regarda le type qui monologuait. Lâcha un gros reniflement bien juteux.
Re-regarda le type qui monologuait. Écrasa une larmichette.

P'tain, v'causez ben !

N'a-qu'une-patte aurait presque mauvaise conscience, si elle n'était pas si sûre de son bon droit.
Ben oui, c'était vrai, quoi ! D'abord, Arnauld, il avait jamais parlé de prix. Ou alors Minah ne s'en souvenait pas, parce qu'elle avait développé une mémoire très sélective concernant l'argent. Elle avait pensé, pour le remercier, lui rapporter un joli cadeau-souvenir de son voyage. Un soc, ou peut-être une tête de barbare empaillée. Elle n'avait pas encore décidé. Bref.

Mais c'pas d'ma faute si z'êtes mauvais livreur ! Des s'maines qu'j'attendais à G'nève et pas d'colis en vue ! Pis là z'arrivez la goule en fleur en pleine campagne pis ce s'rait ma faute ? Pffrrrrrtt ! J'dira même puce : ppfffffrrrrrtttt !

Elle toisa l'homme avec suffisance, son poing collé sur la hanche, Philémon oscillant sur son crâne et Edith à son cou.

Pis d'abord, chu sûre qu'Arnauld y peut surviv'. Sa donzelle, c't'une femme des bois, elle doit chasser la fraise à dos d'sanglier pour y remplir le bidon. Pis sinan, y vend ses pitoux comme si qu'elles sortaient du cul d'une poule en or. J'm'inquiète pas pour lui.

Mais il fallait bien se débarrasser du bougre, qui n'avait pas l'air de vouloir bouger.

Soixante écus, t'es pas chié, toi ! Chuis la Sainte Patronne des Bestioles Crevées, pas la mère d'la charité ! Mais on peut s'arranger... Un ch'val j'peux en trouver un aut' ici pour tirer l'chef-d’œuvre. T'as qu'à prend' çui-là.

Elle tapota la croupe de l'animal, déjà déçue de le laisser. C'était une belle bête, et robuste : elle lui aurait été utile.

Ou.. ou alors, j'peux vous louer ma sœur.

Elle ne savait pas d'où l'idée lui venait, mais sur le coup, ça lui parut honnête. C'était toujours utile, une jeune fille de bonne famille.
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Modo au Challenge RP !