Maryah
Un coffre inaccessible, un trésor enfoui, un puits sans fond, un secret indéchiffrable ... C'est à peu de choses près la définition du cur d'une Mère. Aussi différente qu'elle puisse paraître, aussi exotique qu'elle est, aussi associable qu'elle devient, la Bridée n'échappe pas à cette tragédie.
Bien sûr, l'Amour vrai et inconditionnel sait se cacher là où on ne l'attend, sait aussi se rendre secret, pudique, invisible. Mais Percy est là, arrimé à son cur, accroché, ancré, engrammé dans la plus infinitésimale cellule.
D'ailleurs, la sagesse populaire dit bien qu'il n'y a qu'une chose dont on ne se remet pas : la perte d'un enfant. Oui ... oui ... puissant sentiment maternel, qui vous retourne les tripes et l'esprit.
Disparu, envolé avec un type du nom de Hans. Partis de Marseille un à deux mois plus tôt. Niallan n'a même pas prévenu de sa disparition, père de pacotille. Dire qu'elle le lui a confié, mère indigne ! Inconsciente !
Le temps de l'inquiétude a laissé place à celui des regrets et reproches en tout genre. Mais aujourd'hui ... aujourd'hui, c'est un véritable plan d'action qui se dessine, qui se projette.
Elle va passer à l'action, elle n'est pas Elle sans avoir maints et maints contacts dans ce Royaume ! Elle a remué ciel et terre, les pigeons ont volé dans les 4 directions et même bien davantage. Les espions de Paris ont eu la patte graissée, les promesses des services peu communs ont été multipliées auprès des espions de France, et même quelques négociations ont permis de débusquer quelques espions d'Empire, parce qu'il faut le reconnaître, Hans c'est un nom peu commun ... sauf chez les Teutons !
Remballé l'orgueil, jetée la fierté, écartées les rancunes, effacées les trahisons, elle écrit à longueur de temps, multipliant les contacts, les demandes. Un garçon de 8 ans à la peau hâlée et aux yeux bridés ne peut pas disparaître ainsi du jour au lendemain.
Mais le Ciel et la Terre n'ont pas grand chose à répondre, trop peu de matières pour nourrir les peurs d'une mère, déjà prête à changer de vie, à tout recommencer, à tout sacrifier, à tout perdre s'il le faut. D'ailleurs ses coquettes économies commencent à fondre comme neige au soleil, un service ça se paie.
En désespoir de cause, et même si elle s'est jurée de changer de vie, de se fondre dans le moule de la normalité, de se marier, de lui offrir une vie de famille telle qu'il l'a rêvée, pour la dernière fois c'est promis, Maryah renoue avec les Enfers.
Samsa dicte le Cerbère, et Evroult le démon de la Tentation. Bien sûr, dans sa nouvelle vie rangée, elle devra précautionneusement les éviter. Mais pour l'heure, elle a besoin d'un limier, d'un espion en haut, d'un espion en bas.
Percy a parlé d'un Seigneur, d'un Noble, qui pourrait l'adouber Chevalier ... d'un château, c'est certain. De chevaux. Qui mieux qu'un Cerbère pour pister un Noble recrutant des mioches à la peau foncée ? Qui mieux qu'un Catin pour récolter les confidences sur l'oreiller d'une noble doutant des choix d'un mari trop décalé ?
Elle n'a pas de temps à perdre, elle n'a plus le choix.
Elle va devoir compter sur ce tandem de choc pour traverser les Enfers ! On n'a jamais fait plus instructif qu'une plongée en Enfer ...
Inspiration, expiration,
Passer son masque d'insensible, ne pas tenir compte des conséquences.
Faire comme si elle n'était pas Angevine,
Faire comme si elle ne demandait pas à la prime secrétaire royale,
Faire comme si elle n'était pas une femme redevable,
Faire comme si elle n'avait jamais été courtisane,
Faire comme si elle n'éprouvait rien pour celui qu'elle n'aurait jamais.
Faire comme si elle était normale,
Faire comme si elle allait se caser et se ranger,
Parce qu'il n'y avait rien qu'elle ne pouvait refuser à son fils,
Quoiqu'il en dise, quoiqu'il en pense.
Premier courrier :
Cerbère,
Oui c'est au Cerbère que j'écris, au fin limier des bas quartiers, à l'amie des souvenirs d'enfance, à la Miraculée, à l'intelligente de la vie,
Je n'irai pas par 4 chemins. Je ne vais pas m'excuser de revenir vers toi parce que j'ai besoin de toi. Je ne dirai pas que toi comme moi ne risquons rien au cas où nos courriers seraient interceptés. Non, je ne te mentirai pas. Et oui, je sais que je ne devrais pas.
Mon fils a disparu, il y a un mois, du côté de Marseille. Il m'a écrit récemment pour me dire qu'il était avec un homme d'armes du nom de Hans. Il semblerait qu'ils rejoignent un château où l'on forme des hommes à l'art de la guerre et de la chevalerie.
Il semblerait ... parce qu'on peut faire croire tout et n'importe quoi à un enfant aussi naïf que Perceval. Tu l'as déjà vu, tu sais exactement à quoi il ressemble.
J'ai de quoi payer tes services, j'ai besoin de le retrouver. Coûte que coûte. Ton prix ... sera le mien.
Elle avait longuement hésité sur cette phrase ; la Royaliste pourrait négocier des renseignements sur l'Anjou, peut être même lui demander de trahir ceux qui l'avaient gardé en vie jusque là.
La vie était cruelle parfois, mais si c'était à ce prix qu'elle pouvait retrouver sain et sauf son fils, que faire ? Le doute n'était pas à l'ordre du jour, elle aviserait. Une chose après l'autre.
Respirer, se calmer, se raisonner ; reprendre l'écriture de ses courriers.
J'ai besoin de le retrouver et de le garder.
J'ai besoin ... d'un mariage arrangé. Un bon parti, si possible un vieux qui a besoin d'un peu de fraicheur et acceptera mes étrangetés, ou bien ... un homme pas porté sur la chose. Je veux bien sacrifier des tas de choses, pour rendre mon fils heureux, mais je ne serai jamais une esclave sexuelle. Il y a des hommes qui aiment les hommes, non ? Des bourgeois, des petits nobles, qui ont besoin de cacher les apparences ...
Il me semble que tu es bien placée pour me dénicher la perle rare. Les mariages arrangés sont monnaie courante, et je pourrais lui arranger pas mal de choses, à la seule condition qu'il préserve et entretienne une vie de famille.
Il va de soi que je tirerai un trait sur mon passé, sur le côté obscur de mes activités, et que mon affinité pour les poisons se traduira bien davantage en soins médicaux ou recherche en herboristerie.
Si Déos me laisse être mère, j'oublierai qui je suis. J'en fais la promesse, je te la fais aussi.
S'il te plait,
En souvenir de notre enfance,
Aide moi à retrouver mon fils, Perceval Kedzia Nazarov.
Je reste à ta disposition pour plus d'informations, si tu souhaites que nous nous rencontrons, tu n'as qu'à me dire où et quand, je viendrai.
Maryah
Elle avait failli signer de son ancien nom de la Horde Sanguinaire, puis s'était ravisée. Elle avait beau être dans la planque de Liette, prudence était mère de sûreté.
Elle but, encore et encore un peu, et sortit un autre parchemin. Evroult. Son trouble. Vrai qu'on ne tombe pas amoureuse d'un catin. ça ne se fait pas. Et elle n'avait pas les moyens de s'attacher ses services à l'année. Et c'était bien qu'il soit loin. Et c'était bien qu'il ne puisse poser sur elle ses mains ... Et ... Et elle allait devoir lui écrire ...
Evroult,
Puisque vous m'avez dit où vous écrire en tout temps,
Puisque votre dernier courrier est resté sans réponse,
Puisque bien sûr je pense à vous, parfois,
Et parce que j'ai besoin de vous,
J'espère que ce courrier vous arrivera rapidement.
J'ai besoin de vos services. Je paierai bien sûr.
L'affaire qui m'amène est toute personnelle. Il semblerait que l'on ai enlevé mon fils. Un homme d'armes, attaché à un Seigneur. Vous savez qu'il m'est aussi intolérable qu'on me prive de mon fils, et qu'on fasse de lui le serviteur d'un noble. De plus, je ne vous cacherai pas que je redoute ce que des personnes mal intentionnées pourraient lui faire. Vous n'êtes pas sans savoir que je n'ai pas que des amis dans ce Royaume.
J'ai pensé à vous. Parce que vous l'aviez vu, croisé de je ne sais plus quel côté, quand il se rendait à Marseille. Parce que vous côtoyez beaucoup de personnes qu'il a suivi : son père Niallan, sa tatie Jiji, sa presque mère Alaynna, son parrain Diego, et puis quelques Corleone ...
Et puis surtout, ne nous le cachons pas, vous couchez côtoyez des personnes de la haute société, qui devisent de tout et de rien, et pourraient s'étonner de la venue d'un enfant à la peau foncée et aux yeux étirés.
Qui mieux qu'une personne telle que vous pour poser innocemment des questions sur le passage, le recrutement, ou l'endoctrinement d'enfants ?
Peu de gens peuvent comprendre ou deviner mon trouble. Vous m'avez vu enfumée et ivre morte, vous savez mon trouble mieux que personne,
S'il vous plait,
Aidez moi.
Il va de soi que votre prix sera le mien ...
Encore cette phrase qui la prenait à la gorge à chaque fois, et faisait trembler sa main. Evroult était bien capable de l'embobiner dans ses plans foireux et lui demander de redevenir la catin des premiers jours, l'Exotique du Salon Pourpre ...
Mais qu'est-ce que c'était le fait de subir quelques passes, contre le bonheur de retrouver son fils et de le garder en sécurité.
Emmurée. Froide. Distante. Mesurant le bien, conséquence du mal nécessaire. On n'avait rien sans rien, la vie le lui avait suffisamment prouvé !
Elle reprit donc sa fin de lettre.
Si je retrouve mon fils ... je le retrouverai, je vais avoir besoin de me faire une vie rangée. Non Evroult ... non, je ne veux pas vous entendre dire que ce n'est pas une vie pour moi. Je veux une vie de famille pour mon fils, je veux le tenir loin des besoins et près de ses parents. Je vais arrêter mes bêtises. Je vais laisser mon côté sombre derrière moi, pour filer droit devant. Oui je serai droite dans mes poulaines, et ferait honneur à mon futur mari.
Là aussi j'ai besoin de vous. Vous devez, au cours de vos nuits agités, recueillir maintes confidences. Vous devez connaître les noms des messires, seigneurs, comtes, marquis, ducs que sais je ... qui ... qui ... sont impuissants, orientés vers les plaisirs de la chair avec un congénère de même sexe, ou encore peu portés sur la chose ...
Des hommes qui n'ont pas toujours la facilité à trouver épouse, peut être à cause des commérages ; commérages et médisances qu'une femme telle que moi sauraient balayer d'un tour de main de maitre !
Acceptez-vous de m'aider ?
Votre passion
Ravaler les larmes ; lui demander de choisir un prétendant alors que c'est de lui qu'elle rêverait chaque nuit d'abstinence. Prendre une grande inspiration. Boire encore pour mieux avaler.
Et quand ces deux parchemins furent soigneusement roulés et cachetés, quand les flammes de l'Enfer vinrent lui lécher les pieds, alors se rappelèrent à sa mémoire deux espions hors catégories mais d'une efficacité à toute épreuve.
Seulement le prix à payer serait cher, bien plus cher ...
Il en irait même de sa vie ...
Alors, pâle et faible, elle abandonna pour la soirée, l'idée de se fourrer dans quelques galères supplémentaires.
La nuit porte conseil, paraissait-il.
Il ferait jour bien assez tot, et elle saurait alors si elle était définitivement prête à sauter à pieds joints dans un trou qui risquait rapidement de se révéler sans fond ...
Que Déos ait pitié de son âme,
Car ce soir, elle ne croyait plus en rien.
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Bannière réalisée par LJD Pépin_lavergne
Bien sûr, l'Amour vrai et inconditionnel sait se cacher là où on ne l'attend, sait aussi se rendre secret, pudique, invisible. Mais Percy est là, arrimé à son cur, accroché, ancré, engrammé dans la plus infinitésimale cellule.
D'ailleurs, la sagesse populaire dit bien qu'il n'y a qu'une chose dont on ne se remet pas : la perte d'un enfant. Oui ... oui ... puissant sentiment maternel, qui vous retourne les tripes et l'esprit.
Disparu, envolé avec un type du nom de Hans. Partis de Marseille un à deux mois plus tôt. Niallan n'a même pas prévenu de sa disparition, père de pacotille. Dire qu'elle le lui a confié, mère indigne ! Inconsciente !
Le temps de l'inquiétude a laissé place à celui des regrets et reproches en tout genre. Mais aujourd'hui ... aujourd'hui, c'est un véritable plan d'action qui se dessine, qui se projette.
Elle va passer à l'action, elle n'est pas Elle sans avoir maints et maints contacts dans ce Royaume ! Elle a remué ciel et terre, les pigeons ont volé dans les 4 directions et même bien davantage. Les espions de Paris ont eu la patte graissée, les promesses des services peu communs ont été multipliées auprès des espions de France, et même quelques négociations ont permis de débusquer quelques espions d'Empire, parce qu'il faut le reconnaître, Hans c'est un nom peu commun ... sauf chez les Teutons !
Remballé l'orgueil, jetée la fierté, écartées les rancunes, effacées les trahisons, elle écrit à longueur de temps, multipliant les contacts, les demandes. Un garçon de 8 ans à la peau hâlée et aux yeux bridés ne peut pas disparaître ainsi du jour au lendemain.
Mais le Ciel et la Terre n'ont pas grand chose à répondre, trop peu de matières pour nourrir les peurs d'une mère, déjà prête à changer de vie, à tout recommencer, à tout sacrifier, à tout perdre s'il le faut. D'ailleurs ses coquettes économies commencent à fondre comme neige au soleil, un service ça se paie.
En désespoir de cause, et même si elle s'est jurée de changer de vie, de se fondre dans le moule de la normalité, de se marier, de lui offrir une vie de famille telle qu'il l'a rêvée, pour la dernière fois c'est promis, Maryah renoue avec les Enfers.
Samsa dicte le Cerbère, et Evroult le démon de la Tentation. Bien sûr, dans sa nouvelle vie rangée, elle devra précautionneusement les éviter. Mais pour l'heure, elle a besoin d'un limier, d'un espion en haut, d'un espion en bas.
Percy a parlé d'un Seigneur, d'un Noble, qui pourrait l'adouber Chevalier ... d'un château, c'est certain. De chevaux. Qui mieux qu'un Cerbère pour pister un Noble recrutant des mioches à la peau foncée ? Qui mieux qu'un Catin pour récolter les confidences sur l'oreiller d'une noble doutant des choix d'un mari trop décalé ?
Elle n'a pas de temps à perdre, elle n'a plus le choix.
Elle va devoir compter sur ce tandem de choc pour traverser les Enfers ! On n'a jamais fait plus instructif qu'une plongée en Enfer ...
Inspiration, expiration,
Passer son masque d'insensible, ne pas tenir compte des conséquences.
Faire comme si elle n'était pas Angevine,
Faire comme si elle ne demandait pas à la prime secrétaire royale,
Faire comme si elle n'était pas une femme redevable,
Faire comme si elle n'avait jamais été courtisane,
Faire comme si elle n'éprouvait rien pour celui qu'elle n'aurait jamais.
Faire comme si elle était normale,
Faire comme si elle allait se caser et se ranger,
Parce qu'il n'y avait rien qu'elle ne pouvait refuser à son fils,
Quoiqu'il en dise, quoiqu'il en pense.
Premier courrier :
Cerbère,
Oui c'est au Cerbère que j'écris, au fin limier des bas quartiers, à l'amie des souvenirs d'enfance, à la Miraculée, à l'intelligente de la vie,
Je n'irai pas par 4 chemins. Je ne vais pas m'excuser de revenir vers toi parce que j'ai besoin de toi. Je ne dirai pas que toi comme moi ne risquons rien au cas où nos courriers seraient interceptés. Non, je ne te mentirai pas. Et oui, je sais que je ne devrais pas.
Mon fils a disparu, il y a un mois, du côté de Marseille. Il m'a écrit récemment pour me dire qu'il était avec un homme d'armes du nom de Hans. Il semblerait qu'ils rejoignent un château où l'on forme des hommes à l'art de la guerre et de la chevalerie.
Il semblerait ... parce qu'on peut faire croire tout et n'importe quoi à un enfant aussi naïf que Perceval. Tu l'as déjà vu, tu sais exactement à quoi il ressemble.
J'ai de quoi payer tes services, j'ai besoin de le retrouver. Coûte que coûte. Ton prix ... sera le mien.
Elle avait longuement hésité sur cette phrase ; la Royaliste pourrait négocier des renseignements sur l'Anjou, peut être même lui demander de trahir ceux qui l'avaient gardé en vie jusque là.
La vie était cruelle parfois, mais si c'était à ce prix qu'elle pouvait retrouver sain et sauf son fils, que faire ? Le doute n'était pas à l'ordre du jour, elle aviserait. Une chose après l'autre.
Respirer, se calmer, se raisonner ; reprendre l'écriture de ses courriers.
J'ai besoin de le retrouver et de le garder.
J'ai besoin ... d'un mariage arrangé. Un bon parti, si possible un vieux qui a besoin d'un peu de fraicheur et acceptera mes étrangetés, ou bien ... un homme pas porté sur la chose. Je veux bien sacrifier des tas de choses, pour rendre mon fils heureux, mais je ne serai jamais une esclave sexuelle. Il y a des hommes qui aiment les hommes, non ? Des bourgeois, des petits nobles, qui ont besoin de cacher les apparences ...
Il me semble que tu es bien placée pour me dénicher la perle rare. Les mariages arrangés sont monnaie courante, et je pourrais lui arranger pas mal de choses, à la seule condition qu'il préserve et entretienne une vie de famille.
Il va de soi que je tirerai un trait sur mon passé, sur le côté obscur de mes activités, et que mon affinité pour les poisons se traduira bien davantage en soins médicaux ou recherche en herboristerie.
Si Déos me laisse être mère, j'oublierai qui je suis. J'en fais la promesse, je te la fais aussi.
S'il te plait,
En souvenir de notre enfance,
Aide moi à retrouver mon fils, Perceval Kedzia Nazarov.
Je reste à ta disposition pour plus d'informations, si tu souhaites que nous nous rencontrons, tu n'as qu'à me dire où et quand, je viendrai.
Maryah
Elle avait failli signer de son ancien nom de la Horde Sanguinaire, puis s'était ravisée. Elle avait beau être dans la planque de Liette, prudence était mère de sûreté.
Elle but, encore et encore un peu, et sortit un autre parchemin. Evroult. Son trouble. Vrai qu'on ne tombe pas amoureuse d'un catin. ça ne se fait pas. Et elle n'avait pas les moyens de s'attacher ses services à l'année. Et c'était bien qu'il soit loin. Et c'était bien qu'il ne puisse poser sur elle ses mains ... Et ... Et elle allait devoir lui écrire ...
Evroult,
Puisque vous m'avez dit où vous écrire en tout temps,
Puisque votre dernier courrier est resté sans réponse,
Puisque bien sûr je pense à vous, parfois,
Et parce que j'ai besoin de vous,
J'espère que ce courrier vous arrivera rapidement.
J'ai besoin de vos services. Je paierai bien sûr.
L'affaire qui m'amène est toute personnelle. Il semblerait que l'on ai enlevé mon fils. Un homme d'armes, attaché à un Seigneur. Vous savez qu'il m'est aussi intolérable qu'on me prive de mon fils, et qu'on fasse de lui le serviteur d'un noble. De plus, je ne vous cacherai pas que je redoute ce que des personnes mal intentionnées pourraient lui faire. Vous n'êtes pas sans savoir que je n'ai pas que des amis dans ce Royaume.
J'ai pensé à vous. Parce que vous l'aviez vu, croisé de je ne sais plus quel côté, quand il se rendait à Marseille. Parce que vous côtoyez beaucoup de personnes qu'il a suivi : son père Niallan, sa tatie Jiji, sa presque mère Alaynna, son parrain Diego, et puis quelques Corleone ...
Et puis surtout, ne nous le cachons pas, vous couchez côtoyez des personnes de la haute société, qui devisent de tout et de rien, et pourraient s'étonner de la venue d'un enfant à la peau foncée et aux yeux étirés.
Qui mieux qu'une personne telle que vous pour poser innocemment des questions sur le passage, le recrutement, ou l'endoctrinement d'enfants ?
Peu de gens peuvent comprendre ou deviner mon trouble. Vous m'avez vu enfumée et ivre morte, vous savez mon trouble mieux que personne,
S'il vous plait,
Aidez moi.
Il va de soi que votre prix sera le mien ...
Encore cette phrase qui la prenait à la gorge à chaque fois, et faisait trembler sa main. Evroult était bien capable de l'embobiner dans ses plans foireux et lui demander de redevenir la catin des premiers jours, l'Exotique du Salon Pourpre ...
Mais qu'est-ce que c'était le fait de subir quelques passes, contre le bonheur de retrouver son fils et de le garder en sécurité.
Emmurée. Froide. Distante. Mesurant le bien, conséquence du mal nécessaire. On n'avait rien sans rien, la vie le lui avait suffisamment prouvé !
Elle reprit donc sa fin de lettre.
Si je retrouve mon fils ... je le retrouverai, je vais avoir besoin de me faire une vie rangée. Non Evroult ... non, je ne veux pas vous entendre dire que ce n'est pas une vie pour moi. Je veux une vie de famille pour mon fils, je veux le tenir loin des besoins et près de ses parents. Je vais arrêter mes bêtises. Je vais laisser mon côté sombre derrière moi, pour filer droit devant. Oui je serai droite dans mes poulaines, et ferait honneur à mon futur mari.
Là aussi j'ai besoin de vous. Vous devez, au cours de vos nuits agités, recueillir maintes confidences. Vous devez connaître les noms des messires, seigneurs, comtes, marquis, ducs que sais je ... qui ... qui ... sont impuissants, orientés vers les plaisirs de la chair avec un congénère de même sexe, ou encore peu portés sur la chose ...
Des hommes qui n'ont pas toujours la facilité à trouver épouse, peut être à cause des commérages ; commérages et médisances qu'une femme telle que moi sauraient balayer d'un tour de main de maitre !
Acceptez-vous de m'aider ?
Votre passion
Ravaler les larmes ; lui demander de choisir un prétendant alors que c'est de lui qu'elle rêverait chaque nuit d'abstinence. Prendre une grande inspiration. Boire encore pour mieux avaler.
Et quand ces deux parchemins furent soigneusement roulés et cachetés, quand les flammes de l'Enfer vinrent lui lécher les pieds, alors se rappelèrent à sa mémoire deux espions hors catégories mais d'une efficacité à toute épreuve.
Seulement le prix à payer serait cher, bien plus cher ...
Il en irait même de sa vie ...
Alors, pâle et faible, elle abandonna pour la soirée, l'idée de se fourrer dans quelques galères supplémentaires.
La nuit porte conseil, paraissait-il.
Il ferait jour bien assez tot, et elle saurait alors si elle était définitivement prête à sauter à pieds joints dans un trou qui risquait rapidement de se révéler sans fond ...
Que Déos ait pitié de son âme,
Car ce soir, elle ne croyait plus en rien.
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Bannière réalisée par LJD Pépin_lavergne