Evroult
EUNUQUE, subtantif masculin ; péjoratif ;
Catin foirant sa première passe.
Synonyme : castrat, hongre, adolescent dramatisant.
Catin foirant sa première passe.
Synonyme : castrat, hongre, adolescent dramatisant.
- Les froufrous retrouvaient leurs malles & les timbales leurs étagères, dans des rumeurs à peine troublées par quelques soupirs las de fin de service. On sentait bien, quand on était là depuis louverture, que les gorges sétaient essoufflées & les voix sétaient rendues rauques de trop de cris & de rires forcés. Le blanc de céruse avait plâtré, le charbon avait coulé, la terre de sienne brunissait après avoir absorbé trop de sueur, & dans les timbales oubliées au bord des tables & fauteuils les alcools commençaient à tourner en émanation de lendemains de cuite. La nuit orageuse avait laissé sur son sillage une humidité poisseuse à lodeur deau croupie, alourdissant lair épais dun plein été & laissant les corps aussi lessivés quimpurs.
La lourde porte dentrée ne claquait presque plus. Il sen était rendu compte quand les babillages & gémissements avaient laissé place aux murmures pleins de promesses, au cliquetis des écus effaçant les ardoises, & aux quelques éclats de voix de filles virant les derniers clients trop ivres & gourmands. De lui, on ne soccupait pas. Le maquereau ne sétait pas montré depuis le début de soirée, & si quelques catins jetaient un coup dil curieux à la masse affaissée au comptoir, aucun ne sétait risqué à laborder. Tout au plus quelques tapineuses mauvaises & trop fardées, qui sétaient réfugiées sous les toits des bordels le temps que lorage passe, sétaient-elles moquées en quittant létablissement. Les remparts les attendaient, & reprenant la rivalité peu cordiale entre les filles des rues & celles des maisons, elles laissaient les précieux des lupanars à leurs petits problèmes de « riches » en se gaussant grassement. Cest quévidemment, tout le monde était déjà au courant.
Entre les ils-de-buf, les oreilles indiscrètes & lanalyse experte de filles & fils de joie expérimentés, la chose navait pu passer inaperçue. Dautant que lui, si enjoué & excité à lidée dentrer pour de bon dans leur monde, avait à tout prix évité de croiser un regard depuis quil était redescendu. On navait pas vu sa cliente séchapper & si la bourse avait bien été payée, Loupiot lui avait le désespoir vissé au cur, moulé au corps. Dos rond & front couché à même le bois poisseux du comptoir, les onyx sétaient vus voilés de chair & les bras, dans un affaissement de vaincu, sétaient enroulés pour protéger le chef. Depuis, il navait pas relevé la tête. Une heure était passée. Deux peut-être. Trois sans doute. Et si le va-&-viens sétait lentement apaisé, le tourment qui accompagnait le premier échec dun adolescent ne sétait pas estompé. Pire, il avait enflé jusquà revêtir des dimensions hors-normes.
Il nétait bon à rien. Pas même à baiser. Tout juste à vivre de quête dans la rue & à finir écraser par une carriole à bois. Il finirait comme sa mère, ravagé par lalcool, le chanvre, les maladies, il crèverait de la lèpre, crécelle à la main jusquà ce que celle-ci tombe. Il allait perdre sa belle bouille, ses dents blanches, sa peau douce, on le retrouverait noyé dans sa propre pisse & abandonné dans un fossé. Il naurait jamais toutes les filles du monde. Même pas toutes celles de France. Il naurait rien, il ne serait rien, & il mourrait dun rien. Blanche ne voudrait plus lui adresser la parole. Il la décevrait tant quelle le renierait & irait devenir une des favorites de la cour quand il serait le bouffon dun paysan, tout au plus. Cétait la fin du monde.
De son monde.
Et partout, on le montrerait du doigt en se gobergeant à s'en retourner les tripes :
- HA HA ! FAITES-PLACE À LIMPUISSANT !
L'EUNUQUE QUI VOULAIT ÊTRE CATIN !
L'EUNUQUE QUI VOULAIT ÊTRE CATIN !
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[REFONTE]