Temperance
[Le 15 février 1463 matin - anoblissement de Jenifael Luna de Castelnau de Montmiral]
Elle avait prévenu son grand-oncle. Prévenu, c'était le mot. L'avant-veille, incidemment, genre "Oups, j'ai oublié de vous y dire !". Elle ne lui avait pas donné le choix. Parfois, jouer les greluches, ça a du bon.
J'a dit à Minerve que j'a sera çà avec Jenifael Luna, j'étais sûre que ça vous ferasse ben de l'honneur qu'on y fait chez vous, point vrai ?
Et qu'importe qu'il répondît "Non.", l'important, c'était que c'était trop tard pour décommander sans être grossier, et que le paraître avait bien trop d'importance pour l'Aiglon son bal du Soleil et de la Lune en avait été une preuve éclatante.
Tempérance ne pouvait espérer plus que son autorisation contrainte et réticente ; mais peut-être viendrait-il quand même observer la cérémonie, sadique et voyeur. Histoire de la tourmenter encore un peu. Quand elle y repensait, la dernière fois qu'elle avait octroyé une terre, il n'y avait pas eu besoin de la présence de son grand-oncle pour que ça finît en eau de boudin. Elle s'en était très bien sortie toute seule... C'est l'erreur quand vous anoblissez votre amoureux d'enfance, celui qui vous tirait les couettes et que vous canardiez de noisettes.
Ce matin-là, elle soupira. Être maîtresse de maison loin de chez soi, ça n'a rien d'évident. Commander pour la circonstance ceux qui ne connaissent que les exigences du Premier Prince était un exercice périlleux, surtout quand on était la plouc du LD. Elle était bien plus habile à la chasse et la médecine, à la tuerie d'un vaillant sanglier et l'immobilisation d'un vieux fémur...
Dans la grande salle du palais ducal, il y avait une desserte avec de quoi calmer une faim ou une soif pressantes ; pour l'après-cérémonie, il y aurait un potage puis un rôt, du gibier capturé le lendemain de leur arrivée à Nevers lors d'une partie de chasse avec des hobereaux du coin, où Tempérance avait donné des ordres comme seule cette circonstance le lui permettait sans perdre la face. Ryoka s'était montré doué à l'arc, talent qu'elle lui découvrait ; il avait fait moins de merveilles à cheval, mais cela, elle ne le découvrait pas ; Jenifael était moins encline à la mise à mort, mais chevauchait assez bien, compte tenu de sa sortie récente de convalescence ; Tristan... Tempérance n'était pas encore fixée à son sujet. Il faut du temps pour apprendre à connaître quelqu'un, et la chasse, si elle donne des indices importants sur la façon d'agir et réagir, reste un terrain inapproprié pour se rapprocher vraiment.
Reste qu'outre la maréchale, Minerve, ils étaient tous trois conviés ce matin dans la grande salle, de même que Cécilia et Lorenz, s'ils en avaient la santé et l'envie. À Jenifael, elle ne s'était pas encombrée de dire la cause du rassemblement. C'était sans doute cette surprise qui désormais créait une boule de nerveuse angoisse dans ses entrailles... Portant un touret de gueules sur ses cheveux lâchés - comme elle ne pouvait s'empêcher de le faire - , son surcot à fenêtre d'enfer laisser voir une cotte ajustée à son corps souple de sportive. Juste assez indécent pour ne pas aller à l'église ainsi ; mais somme toute d'une mode déjà vue et revue, et d'étoffes irréprochables. Cette même robe jadis portée par sa servante, dans cette même salle, songea-t-elle !
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Tempé parlotte lyonnais
Elle avait prévenu son grand-oncle. Prévenu, c'était le mot. L'avant-veille, incidemment, genre "Oups, j'ai oublié de vous y dire !". Elle ne lui avait pas donné le choix. Parfois, jouer les greluches, ça a du bon.
J'a dit à Minerve que j'a sera çà avec Jenifael Luna, j'étais sûre que ça vous ferasse ben de l'honneur qu'on y fait chez vous, point vrai ?
Et qu'importe qu'il répondît "Non.", l'important, c'était que c'était trop tard pour décommander sans être grossier, et que le paraître avait bien trop d'importance pour l'Aiglon son bal du Soleil et de la Lune en avait été une preuve éclatante.
Tempérance ne pouvait espérer plus que son autorisation contrainte et réticente ; mais peut-être viendrait-il quand même observer la cérémonie, sadique et voyeur. Histoire de la tourmenter encore un peu. Quand elle y repensait, la dernière fois qu'elle avait octroyé une terre, il n'y avait pas eu besoin de la présence de son grand-oncle pour que ça finît en eau de boudin. Elle s'en était très bien sortie toute seule... C'est l'erreur quand vous anoblissez votre amoureux d'enfance, celui qui vous tirait les couettes et que vous canardiez de noisettes.
Ce matin-là, elle soupira. Être maîtresse de maison loin de chez soi, ça n'a rien d'évident. Commander pour la circonstance ceux qui ne connaissent que les exigences du Premier Prince était un exercice périlleux, surtout quand on était la plouc du LD. Elle était bien plus habile à la chasse et la médecine, à la tuerie d'un vaillant sanglier et l'immobilisation d'un vieux fémur...
Dans la grande salle du palais ducal, il y avait une desserte avec de quoi calmer une faim ou une soif pressantes ; pour l'après-cérémonie, il y aurait un potage puis un rôt, du gibier capturé le lendemain de leur arrivée à Nevers lors d'une partie de chasse avec des hobereaux du coin, où Tempérance avait donné des ordres comme seule cette circonstance le lui permettait sans perdre la face. Ryoka s'était montré doué à l'arc, talent qu'elle lui découvrait ; il avait fait moins de merveilles à cheval, mais cela, elle ne le découvrait pas ; Jenifael était moins encline à la mise à mort, mais chevauchait assez bien, compte tenu de sa sortie récente de convalescence ; Tristan... Tempérance n'était pas encore fixée à son sujet. Il faut du temps pour apprendre à connaître quelqu'un, et la chasse, si elle donne des indices importants sur la façon d'agir et réagir, reste un terrain inapproprié pour se rapprocher vraiment.
Reste qu'outre la maréchale, Minerve, ils étaient tous trois conviés ce matin dans la grande salle, de même que Cécilia et Lorenz, s'ils en avaient la santé et l'envie. À Jenifael, elle ne s'était pas encombrée de dire la cause du rassemblement. C'était sans doute cette surprise qui désormais créait une boule de nerveuse angoisse dans ses entrailles... Portant un touret de gueules sur ses cheveux lâchés - comme elle ne pouvait s'empêcher de le faire - , son surcot à fenêtre d'enfer laisser voir une cotte ajustée à son corps souple de sportive. Juste assez indécent pour ne pas aller à l'église ainsi ; mais somme toute d'une mode déjà vue et revue, et d'étoffes irréprochables. Cette même robe jadis portée par sa servante, dans cette même salle, songea-t-elle !
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Tempé parlotte lyonnais