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[RP] La Princesse au Petit Pois

Marzina
Dans sa demeure saumuroise

Juste le temps de courir vers un pot de fleurs, et la Blonde rend une nouvelle fois son repas. Les jours s'enchainaient sans qu'elle ne réussisse à garder tous les repas d'une journée, sa vie s'était transformée en une succession de vomitos. Il faut dire qu'avec ses hormones qui dansaient la samba sur un rythme des plus endiablés, chaque montée de stress était immanquablement suivie de gerbouille. Et sa vie était une suite d'événements stressants.
Elle avait quitté son riche et aimant mari pour reprendre sa liberté, elle qui était juste incapable de se gérer seule au quotidien.
Elle avait jeté son dévolu sans trop savoir pourquoi ni comment sur un gamin de cinq ans son cadet.
Elle s'était retrouvée enceinte peu de temps après, alors que sa vie sentimentale avait à peine retrouvé un semblant de stabilité.
Elle était devenue duchesse pour la première fois.
Elle avait à gérer une situation de crise.


"BLEUAAAARGH!"

Celui-là, elle le dédiait aux mainois!
Plus pâle que la mort elle-même, des gouttes perlant sur son front et au coin de ses yeux, et si maigre qu'on voyait presque les détails de ses os à travers sa peau elle gémit une flopée de jurons bretons avant d'enchainer sur un classique:


"Débiles de mainois! Tous bons à crever!"

Mais le fait de penser aux mainois dégueulasses déclencha un nouveau haut le coeur suivi d'une nouvelle offrande au vase auquel elle s'agrippait comme si sa vie en dépendait.
Il ne fallait pas penser que l'Altesse, grande connaisseuse ès médecine, n'avait pas songé à un moment à quelques herbes propices à la débarrasser de l'envahissant fils d'Anglais qui lui poussait dans le bide. Mais comme elle l'avait dit à Liette quelques semaines plus tôt au sujet de Kadwallen, ce frère nouveau-né qu'elle suggérait de tuer: "Il faut du respect pour les petites choses". En plus, maintenant que le géniteur du parasite était au courant, il lui semblait juste impensable de faire du mal au Petit Pois et de voir immanquablement ces yeux verts adorés emplis de tristesse.

Mais où allait-elle donc au juste trouver la place dans sa vie bordélique pour y glisser une Belette et son Petit Pois?...

_________________
Marzina
It’s getting crazy
I think I’m losing it

Ca devient n'importe quoi
Je crois que je perds la tête


Elle avait arrêté de cracher ses tripes à chaque minute de la journée. Ou du moins, elle le faisait moins souvent. Elle réussissait à nouveau à manger, un peu, légèrement, entre deux taches quotidiennes du duché. Est-ce qu'elle était plus sereine ou apaisée pour autant? Non. Avec l'afflux d'hormones venaient les questions dérangeantes, de celles qu'elle enterrait systématiquement bien profondément, ce tas de poussière planqué sous le tapis qu'on oublie jusqu'à ce qu'on se prenne les pieds dedans. Le ventre avait pris un arrondi juste sous le nombril, était-ce pour cela que la Blonde faisait une crise aiguë de nombrilisme? Cet enfant conçu en dehors des liens sacrés du mariage venait cruellement raviver ses souvenirs d'enfance, et cette blessure jamais cicatrisée qu'elle pensait refermée depuis qu'elle nouait relation avec son père: la bâtardise.

Qu'y a-t-il donc de pire lorsque l'on vient au monde dans le monde noble, que de naître sans père reconnu? La bâtarde c'était le vilain petit canard, celui qu'on aurait aimé cacher, celui qui n'aurait jamais droit à rien parce que sur le papier il n'est rien. Chaque figure paternelle qu'elle avait connu lui avait rappelé, bien souvent involontairement à chaque étape de sa vie. Le premier était parti sans se retourner au mariage de sa mère, parce qu'elle n'était pas sa fille. Le second avait essayé de faire les choses bien malgré son refus à elle de le considérer comme un père, mais à sa mort elle s'était vue voler sa part d'héritage par l'héritier, ce sacro-saint frère avec lequel elle ne partageait aucun sang. Elle n'avait eu droit à rien, ni une terre ni un sou. Et maintenant Jo, ce père qu'elle pensait ne jamais connaitre, qu'elle pensait mainois et mort, dont la femme avait enfanté l'héritier. Kadwallen. Quelques semaines à peine et déjà elle le détestait, ce couteau retourné dans la plaie, ce demi-frère maudit.

Les larmes reviennent en crise, accompagnées d'un cortège de nausées. Putain d'hormones. L'Altesse doute, elle est paumée, alors elle met en place le seul mécanisme d'autodéfense qu'elle connaisse: l'autodestruction. Elle se prépare à exploser tout son petit monde. Elle repousse ceux qui l'entourent, elle défonce tout ce qui compte autour d'elle pour ne rien regretter, parce que l'idée de perdre ce bonheur lui semble bien pire que d'avoir à assumer l'avoir détruit. La Blonde est incapable d'accepter qu'on lui vienne en aide, qu'on s'occupe d'elle, qu'elle a besoin de quelqu'un. Avec ses pieds bien enfoncés dans la merde, elle a l'orgueil qui enfle. Un côté tout flamand d'après son géniteur, de faire le coq et fanfaronner comme si de rien n'était.

Alors elle retourne à nouveau son estomac dans le premier contenant venu. Parce qu'elle se rend bien compte que la merde, c'est elle qui la créé. Et elle est incapable de s'en empêcher. Le père de son bébé était prêt à être là, présent pour elle et ce gamin, prêt à faire ce qu'il faut, prêt à les aimer et les soutenir...et qu'est-ce qu'elle fait? Elle le prive de sa progéniture, elle veut la confier à un autre...non pire! L'attribuer à un autre!
Parce qu'elle affirme qu'elle sait mieux que lui ce qu'il faut pour lui et son bébé. Mais non. Quelque part bien profond en elle, elle refuse juste d'ouvrir les yeux: elle a peur. Elle a peur qu'il parte alors elle le blesse, elle le met au supplice, elle le défie. Elle n'attend qu'une chose finalement, c'est qu'il soit assez fort pour résister à la tempête. Mais elle est incapable de lui dire les choses parce qu'elle n'en est même pas consciente elle-même.

Alors elle le repousse. Et lui, tête de mule, s'accroche. Il tient tête à la Bretonne, il fait face aux vagues obstinées qu'elle fait déferler sur lui. C'est elle qu'il amène à céder, avec ce mélange de détermination et de douceur contre lequel elle ne sait pas lutter.
Et elle ne l'aime que plus encore pour ça. Parce que c'est la première fois de sa vie qu'on lui tient tête sans la blesser.
Alors on peut bien lui insinuer chaque jour que c'est un gamin qu'elle rejoint chaque soir dans son lit, un freluquet capable de se perdre entre Angers et Saumur, mais à ses yeux jamais homme n'aura été plus viril que lui en cet instant.



I’m having your baby
It’s none of your business

Je porte ton bébé
C'est pas tes affaires

Kiwi - Harry Styles

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--Petit_pois
    Petit pois, petit pois qui grossit là. Au creux d'un ventre tout plat que je pousse à se tordre pour rendre le dernier repas. Etincelle de vie, étincelle d'amour. Je suis tout à la fois innocence incarnée et objet de discorde. Et pourtant je n'ai même pas conscience d'être moi, je me contente d'être là.
    Au cours d'une nuit intense emplie de tendresse, le hasard m'a donné vie et je me suis niché. Je me suis caché, j'ai préparé mon arrivée. J'ai soigné les détails, encouragé la discrétion. J'ai poussé au déni par simple instinct de survie. Que serait-il advenu de moi si elle avait su plus tôt que j'étais là, la Princesse au Petit pois? Je suis le foncet pris dans la tempête bretonne, ca tangue et je ne fais que suivre le mouvement des vagues. Moi je ne réfléchis pas, et pendant que je m'acharne à construire elle s'évertue à détruire. J'entends dans sa tête résonner l'angoisse, la peur et la douleur. Il y a trop de pensées dans ce corps là. Ça se bouscule, ça s'entrechoque, j'y comprends rien c'est trop le bordel!

    Alors j'essaie même plus. Tandis que je me détends et que je m'installe confortablement pour grandir à toute vitesse, elle se tend irrémédiablement et s'agite en tout sens en beuglant.
    Quelle douce mélodie...

    Maman maman, cesse donc de t'en faire! Toi et moi ne faisons qu'un mais le jour où je deviendrai moi, je te protègerai sois-en certaine. Je suis promesse chétive, progéniture de deux corps faiblards, mais j'ai déjà la volonté farouche et l'insolence affirmée de mes géniteurs. Matez donc un peu comme je m'accroche pour exister!

    Personne ne se débarrassera de moi: j'y suis, j'y reste!
Pearl.cook
C'était une belle nuit. Ça crie, ça pleure, ça rit.
Ce soir comme tous les soirs, le bouge du vieux Lulu est bondé.
Les troubadours jouent des airs endiablés, les filles vont et viennent, l'or des clients coule à flot comme l'alcool frelaté qu'on leur sert généreusement.
À l'étage pour les plus riches, ceux qui font leur beurre sur la débauche, les volutes d'opium envahissent les corridors et échauffent les esprits.
Ça s'enivre, ça formique, ça se perd et ça se noie. C'était une belle nuit.

Le gamin était là, parmi cette étrange aristocratie du vice. Il était là, lui le petit londonien chétif.
Il profite, parce qu'au-dehors il n'est personne.
Là-haut, il n'est rien ; juste un gamin un peu drôle, un bon-à-rien, un étranger maigrelet qui a engrossé la Duchesse.
Ici-bas seul l'or compte : tout se vend et tout s'achète ; l'honneur et la loyauté n'échappent pas à la règle.
Ici-bas tout le monde commerce, tout le monde fait des affaires ; tout le monde se ment, tout le monde se plante pour une poignée d'écus... et à ce jeu-là, le blondinet est plutôt doué.
Il n'a pas l'allure, il n'a pas les bras, il n'a pas les épaules et pourtant, il est là.
Son affreuse toque verte jetée en travers de sa tignasse, il déambule, il se pavane, il flambe comme un seigneur sur ses terres et pourtant... il rêve d'être capitaine, ou bien médecin.
Alors, c'était juste une autre nuit. Une autre nuit où ça oublie ses rêves, ça s'embrase, ça se consume, et finalement, ça s'éteint. C'était juste une autre nuit.

Une imposante paluche s'abat gentiment sur l'épaule frêle du jeune homme. La voix rauque du tenancier résonne.


    - « Tu n'devrais pas être ici, gamin.


Inspection en règle, le vieil homme lorgne l'adolescent de haut en bas. Son teint blafard et ses pupilles dilatées ne laissent aucun doute.

    - ... tu t'es encore mis dans un sale état. * soupire *
    T'peux jouer les coqs mais t'oublies qu't'as les pieds dans la fiente. Si Liette te voyait, elle...


Le gamin, teigneux, hausse les épaules et le repousse sèchement.

    - « Lâche-moi. C'pô tes affaiwes. Pis qu'est-ce que ça peut t'faiwe hein ?! Vas chier, toi et Wose et tous les aut'. Liette j'l'emm...


Alors soudain, le sol se dérobe sous ses poulaines jaunes. Fermement plaqué contre le mur, il se débat tandis que Lulu crache son sermon.

    - « 'Tention à c'que tu dis P'tit ! J't'aime bien mais m'chauffe pas trop les oreilles !
    Arrêtes un peu d'faire l'andouille et écoutes c'que j'ai à te dire !
    * inspire, se calme un peu *
    T'as l'cul bordé d'nouilles Fiston. La Duchesse t'as mis l'grappin d'ssus. C'genre d'occas' ça s'présente pas deux fois, ça s'présente même jamais !
    .. mais toi, toi Bonhomme, tu peux l'faire, tu peux changer d'vie... et tu vas l'faire ! Bientôt tu seras un père...
    *toque contre le crâne du gamin qui grimace*
    .. faut bien qu'ça rentre dans ta p'tite caboche !


C'était une belle nuit. Ça doute, ça se morfond, ça s'engage et ça oublie. C'était juste une autre nuit.
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Marzina
Elle lâche tout. Rien n'est vraiment important, en fin de compte. La Blonde ne tenait plus, avec ses nerfs à vif, et sa situation qui se dégradait de jour en jour. Alors elle a décidé de s'en foutre, manœuvre de survie.

Son mariage foutu, elle s'en fout.
L'Eglise qui lui répond pas, elle s'en fout.
Ses enfants qui n'ont plus de père, elle s'en fout.
Son bébé à naitre qui sera un bâtard, elle s'en fout.
Pearl incapable de se trouver un travail convenable, elle s'en fout.
Elle qui risque d'un jour à l'autre de se retrouver sans terres et sans revenus, elle s'en fout.

Plus rien n'a vraiment d'importance maintenant, et l'Altesse vit au jour le jour sans se poser de question, dans la désillusion la plus totale. Plus rien ne semble vouloir l'atteindre, ni le bon ni le mauvais, c'est une coquille vide qu'elle présente avec un kinder surprise à l'intérieur. Elle se sent fatiguée de tous ces combats qu'elle doit mener et qu'elle ne peut gagner sans toutefois réussir à déclarer forfait. Elle est résignée à cette vie désormais sans but particulier, et pourtant dans sa tête ses méninges s'agitent et cherchent une échappatoire. Et le message finit par revenir inlassablement: partir. Quelle est donc cette force qui veut la pousser seule sur les chemins, à errer sans but précis, loin de ceux auxquels elle a attache?...Elle n'en a aucune idée. Alors elle se demande si elle emmènera Pearl. Parfois, elle se dit qu'elle est incapable de partir loin de ses bras, qu'elle n'a jamais été aussi apaisée qu'à cet endroit là, dans cette relation qui semble parfois si simple et naturelle et qu'elle n'a jamais connue. Et parfois elle se dit qu'elle partira sans lui, sans trop savoir pourquoi. Se prouver à elle-même qu'elle n'a besoin de personne? Le faire souffrir pour se sentir exister? Ou juste pour l'espoir qu'il lui demande de revenir, et de sentir son coeur battre à tout rompre à l'idée de revenir auprès de lui?
Non décidément, plus rien n'anime vraiment cette blonde-là, et elle se laisse lentement glisser dans la mélancolie la plus insidieuse.

Et puis un soir, on vient lui annoncer une arrivée. Le nom lui parle. Dana. Cette petite brune étrange avec qui elle avait lié amitié en Bretagne voilà longtemps, à l'époque même où Finn s'affairait petit à petit à la rendre folle, jusqu'au résultat qu'on peut admirer aujourd'hui. Elle était la première qu'elle aurait pu appeler "amie", après sa cruelle Marie. Elle avait été son intendante, et elle avait eu l'espoir un jour de l'anoblir quand elle en aurait eu la possibilité. Elle avait été sa confidente, le témoin de son mariage avec Finn. Et puis il y avait eu l'Anjou, et elles s'étaient perdues de vue. Marzina avait bien pensé quelques fois à elle, à lui écrire, mais les choses avaient changé: elle avait entendu les prises de position de la brunette, et puis sa relation avec Equemont, un homme qu'elle n'appréciait que peu. Alors elle n'avait pas écrit, elle s'était tue. Et elle n'avait jamais reçu de nouvelles. Elle était devenue archiduchesse, et la guerre était arrivée aux portes. Et un jour dans les comptes-rendus, son coeur avait manqué un battement.
Dana.
Elle était là, avec Equemont, en Anjou. Elle n'avait même pas cherché à la contacter, à lui parler. Pire encore, elle avait rejoint les armées françaises sans raison apparente, sous son mandat à elle. C'était comme si elle avait pris les armes contre elle... Alors la Blonde l'avait totalement enterrée sous les souvenirs, c'était fini, voilà, la Dana qu'elle avait connue était morte.
Et aujourd'hui elle revenait, comme ça. On lui annonçait sa mise en procès, elle ne savait qu'en penser. Si, en fait elle savait: les traitres devaient payer, elle l'avait dit au début de son mandat. Et maintenant sur le banc des accusés, la traitre c'était Dana. Et ça lui causait un pincement au coeur, celui-là même qui s'est remis à geler ces derniers temps. Et elle choisit encore une fois de s'en foutre comme du reste, ce n'est pas grave, c'est un événement parmi d'autres.

Mais Dana entre en taverne, et quand elle lève finalement les yeux sur la petite brune, elle sent finalement qu'elle ne s'en fout pas totalement, pas comme elle devrait. Elle est comme ça la Blonde, elle ne cesse jamais vraiment d'aimer, c'est bien pour ça qu'elle a poussé à la mort tous ses ex-fiancés adorés qu'elle aurait du détester. Parce que maintenant qu'ils étaient morts, elle était libre en toute conscience de continuer à les aimer sans avoir mal. Alors elle entrouvre les lèvres, et elle le lui dit: elle devrait la tuer, l'étrangler de ses mains. Parce que la trahison fait mal. Et parce qu'alors que les minutes passent et qu'elle lui cause, le sourire en coin revient naitre à ses lèvres, et elle se sent capable de tout lui confier. Après tout ce qu'elle a fait, elle ne peut que constater que Dana reste Dana, et qu'elle ne peut pas la détester.
Elle a même envie de l'aider.
Mais elle ne peut pas, ses pieds, ses mains sont liées.

Alors elle fume le chanvre de Pearl, jusqu'à ce que ses idées se délient et cessent de la torturer. Et elle boit, jusqu'à ce qu'elle soit tellement saoule qu'elle ne se souvient même plus que Dana est manchote, pauvre, traitre, et qu'elle doit témoigner à son procès pour l'enfoncer. Et pour oublier que malgré tout ce qu'elle voudra bien dire à d'autres, elle voudrait qu'elle reste encore un peu près d'elle, parce qu'elle sent bon les embruns d'une presqu'île qui lui manque encore terriblement.
Si elle n'avait pas été Marzina, alors elle aurait pris Dana dans ses bras et l'aurait serrée à l'en étouffer en pleurant sur ces années perdues. Mais elle est Marzina, et elle se contente de concéder qu'elle lui a manqué, et de l'inviter à rester chez elle avec sa famille le temps de son procès. Parce que jamais elle ne réussit vraiment à se libérer de ce carcan de pudeur.

Et ivre, dégageant une forte odeur de chanvre, elle viendra très tard dans la nuit se blottir dans les bras de son Anglais. L'alcool rendra sa voix trainante tandis qu'elle beugle en pensant être discrète: "Faut que je te présente quelqu'un". Oui, quelqu'un qu'elle a invité chez vous, que tu croiseras probablement au déjeuner, il est peut-être temps que tu sois au courant...
Mais pas ce soir.
Parce qu'après lui avoir dit ça, l'Altesse s'écroule, la tête lovée dans le creux d'une épaule. Étalée sur lui elle se mettra à émettre un petit ronflement sifflant et s'endormira le sourire aux lèvres.

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Marzina
Un bon deux mois plus tard

Elle avait disparu, elle-même ne savait même pas où. Elle avait eu un blanc, encore, dans sa mémoire. Mais au moins cette fois il ne concernait que deux mois, pas plusieurs années. Sans doute encore un mauvais coup, mais ca n'expliquait pas pourquoi elle s'était réveillée en pleine cambrousse, couverte de sang, en pleine nuit dans les fourrés. Son cœur s'était alors mis à battre la chamade à tout rompre alors qu'elle envisageait le pire pour l'enfant à naître. Une main sur son ventre, et un coup venu de l'intérieur pour frapper sa paume lui indiquèrent que la progéniture bâtarde était toujours à sa place. Un coup d’œil et la gêne occasionnée par ce ventre proéminent lui indiquèrent que le temps avait passé et que le bébé et son enveloppe avaient grossi par la même occasion. Elle se releva avec difficulté et se mit en marche sans trop savoir vers où elle allait, suivant le chemin qui s'étalait devant elle.

Son esprit se détacha du présent pour laisser libre cours à ses pensées et aux questions qui l'inondaient. Où était-elle? Comment était-elle arrivée ici? Combien de temps était passé? Qu'est-ce qu'elle avait fait tout ce temps? Et où était Pearl? Quelqu'un l'avait-il cherché? Qu'avait pensé Sean en voyant qu'elle ne répondait pas à sa dernière lettre, en avait-il seulement eu quelque chose à faire? D'ailleurs, était-il rentré depuis le temps? Et Jo, Jo l'avait finalement oubliée maintenant qu'il avait un tout nouvel héritier légitime? Quelle empreinte laissait-elle de son passage? Quelqu'un s'était-il correctement occupé de ses enfants?
Oui, cette dernière question n'était pas sa première préoccupation, elle n'avait pas changé.

Ses pas la menèrent finalement à Saumur, elle n'était pas très loin. Son inconscient l'avait finalement menée devant l'hôtel privé où elle avait vécu toutes ces années avec Finn. Elle resta un instant interdite devant ce monument de son passé vers lequel ses pas continuaient inexorablement de la mener. Finalement une main chercha à tâtons dans sa poche la pipe offerte par ce limousin que Finn détestait tant, qui avait été la première cause de leur séparation, juste avant sa proximité naissante avec Aby. Elle bourra la pipe et l'alluma. Elle tira alors quelques bouffées pensives alors qu'une voix féminine et délicieusement séduisante murmurait à son oreille:


"Il te manque, le vieux?"

Elle haussa les épaules.

"Le vieux mercenaire que j'ai connu me manque régulièrement, yah. Ses crises monumentales parce que je suis compliquée me manquent. Et la façon qu'il avait de me sauter dessus dès que l'envie lui prenait...il était sauvage et délicieusement prévisible à la fois. Je l'ai aimé au point de devenir tarée. Beaucoup moins le taulier que j'ai connu à la fin de ce mariage."

Elle fit finalement quelques pas vers l'hôtel qu'elle contourna, tournant autour en cherchant un point précis en demandant:

"Que fais-tu là Marie? N'es-tu pas censée être belle et bien morte?"

L'autre blonde, imaginaire celle-là, haussa les épaules.

"Tu es tarée et tu fumes comme une cheminée en plein hiver, faut pas t'étonner. Je suis pas le truc le plus bizarre dans le coin!"

D'un mouvement du pouce elle montra un homme blond élégamment paré d'une tenue d'officier royal français qui était à quelques pas d'elle.

"J'ai jamais compris ce que tu avais bien pu foutre avec ce mainois...
- Ca c'est parce que je t'ai jamais culbutée! répondit l'énergumène avec un sourire charmeur.
- Comme si j'avais pu en avoir envie! Un officier royal!
- Comme si tu avais eu l'habitude de regarder à qui appartenait la queue que tu fourrais entre tes cuisses..."

L'Altesse laissa échapper un tonitruant "RAAAAAH!" à la fois féroce et agacé.

"Ma chère femme! Vous n'étiez pas moins volage que lui que je sache!" rétorqua-t-elle en ne cessant de râler.
"Mais je me tapais pas de l'officier royaliste au moins!"
"Non, mais tu les choisissais toujours mariés...ou squattant mon lit." grogna la blonde aux yeux noirs.

Même par delà la mort, l'Altesse n'arrivait pas à pardonner à sa femme d'avoir toujours voulu se faire ses amants. Elle pouvait tous les avoir, ou presque, mais il fallait toujours qu'elle choisisse LES SIENS. Une méthode pour la garder à elle seule peut-être? Elle comprenait cette volonté possessive puisqu'après tout, elle l'avait elle-même expérimentée sur l'officier royal blond en question.
Elle soupira et arrosa généreusement le mur devant lequel elle était de gnôle qu'elle avait trouvé dans sa besace. Sans ciller elle se servit de son briquet pour mettre le feu à l'alcool, et par là même, à son domicile.

"Chérie, tu es vraiment toujours aussi belle quand tu es en colère...Et si on faisait l'amour?
- Tu es un FANTÔME AILVIN! Ou PIRE encore! Une hallucination! Je couche pas avec les hallucinations, et encore moins AVEC LES HALLUCINATIONS VOLAGES!"

Non, elle n'avait toujours pas digéré ses coucheries, même par delà la mort. Elle était vraiment rancunière. Faisant quelques pas en arrière, elle observa le feu prendre sur le mur, lentement. Dans un murmure devant les flammes elle souffla:

"C'était toi qui devait être l'amour de ma vie, Ailvin...Si seulement tu n'avais pas toujours pensé qu'avec ta queue..."

Le blond se rembrunit avant de marmonner:

"C'est pas avec ma queue que j'ai pensé quand j'ai tué ce con de polak pour toi..."

Elle ouvrit la bouche pour répliquer, quand l'autre blonde fit remarquer:

"Tu étais pas censée avoir des gosses avec le vieux? Tu es sûre qu'ils sont pas à l'intérieur au moins?..."

L'Altesse tourna vers l'autre bretonne un regard vide.

"Oh euh...je les ai un peu...oubliés je crois."

Marie secoua la tête, soupirant:

"T'as jamais été aussi tarée que lorsque tu étais enceinte!..."
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Marzina
[Bien longtemps plus tard, un autre hôtel sur Saumur]

La charmante petite famille est à table. Marzina présidant la table d'un côté, tentant de s'enfiler un semblant de petit-déjeuner entourée de ses enfants qu'elle surveille d'un regard anxieux, plus vraiment habituée à leur présence ces derniers temps. De chaque côté d'elle il y a Nolan de bientôt cinq ans, et sa cadette Caitlyn de deux ans. Dans les bras de la nourrice qui lui donne le sein, Loeiza qui a quatre mois. Si les deux premiers sont surmontés d'une touffe de cheveux on ne peut plus noirs assortis à leurs yeux, la petite dernière avait ses premiers cheveux d'un blond si pâle qu'il semblait blanc.

"Et pourquoi on est dans cet hôtel tout pourri qui sent le vieux?!
- Mange ta brioche Nolan."

La Blonde tente de rester stoïque face à son fils qui lui fait face, visiblement décidé du matin à rattraper le temps perdu avec elle en la faisant chier autant qu'elle avait été absente. Et à ce jeu, bénéficiant des gênes de ses deux parents, il était particulièrement doué.

"C'est parce que vous avez cramé celui de Père, c'est ça?!
- Si tu manges pas ta brioche je te la fais bouffer moi-même, c'est clair ça?!

Le stoïcisme va bien un moment, et très vite le naturel de la Blonde reprend le dessus, nez froncé et regard assassin. Le petit-déjeuner se poursuit alors dans un semblant de calme, dans les bruits de succion de Loeiza, les bruits de mastication de Caitlyn dévorant, et la mauvaise humeur presque palpable de l'héritier.
C'est le moment parfait que choisit la mère de famille pour annoncer avec une jovialité feinte:


"Mon Trésor, Mon Bijou d'Armorique, et...même toi Chose Maudite...On va passer la fin de semaine ensemble, c'est merveilleux non?!"

Les deux ainés relèvent le museau vers elle et l'observent avec une surprise non dissimulée.

"Non mais allez-y, cachez votre joie!"

La cadette bondit alors de sa chaise, levant les bras en l'air et beuglant en courant frénétiquement autour de la table, tandis que Nolan se contente d'un regard noir et d'une réflexion lapidaire:

"Pourquoi?"

L'Altesse, désarçonnée par la question, cligne des yeux niaisement et lui retourne mielleusement:

"Parce que ta mère t'aime Trésor.", le tout gratifié d'un fabuleux sourire bright.
"Ah c'est déjà mon anniversaire?" répond l'effronté avec détachement.

C'en était trop pour la mère démissionnaire qui se leva en renversant sa chaise avec fracas, venant se saisir entre deux doigts blancs et cruels de l'oreille de l'ainé qu'elle tire méchamment. L'enfant beugle et s'agite pour se libérer de l'emprise, protestant qu'il n'avait "rien fait". D'une voix sèche la blonde assène:


"Nolan Ó Mórdha, vous êtes coupable d'agacement envers votre mère!"

Lachant l'oreille, elle lui désigne la porte:

"Va bouder dans ta chambre!"

Pendant que l'enfant s'éloigne, se massant l'oreille et pestant, elle beugle à son tour, suffisamment pour couvrir les cris de joie de la cadette:

"ET CA TE DISPENSERA PAS POUR AUTANT DE LA JOURNÉE MÈRE-ENFANTS!"

Un "GAST*!" tonitruant se fera entendre depuis le couloir, déclenchant un reniflement dédaigneux de la Bretangevine qui tourna cette fois ses yeux noirs vers Caitlyn:

"Bon ça va, CA VA JE TE DIS! Tu as assez montré ton enthousiasme, assieds-toi maintenant! KUIT*!"

La cadette s'exécute en ronchonnant:

"C'est nul de toute façon."

Les sourcils de la Blonde se froncent, et Loeiza lâche un rot tonitruant. Marzina grogne et se masse l'arrête du nez en fermant les yeux.

"Tout le monde en a après moi aussi dans cette maison? Mais c'est ma fête ou quoi?!"

C'est donc à ce moment précis oui, qu'il fut décidé que la "fin de semaine" passée ensemble serait en fait un "samedi" passé ensemble.
Faut pas déconner, s'en occuper, oui, mais se torturer volontairement, non.


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*gast = putain
kuit = allez

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