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[RP] On est pas chez Nintendo, mais ça Switch grave!

Piastre
 
 


      Scène 1 : Dans la peau de Yulhia, vu par Piastre


    Il n'y a rien à redire, la chambre 23 est un paradis duquel je m'autorise tous les excès. Il n'est pas évident pour moi de faire tomber la carapace qui me sert quotidiennement de passe droit mais quand je referme la porte et me retrouve seule dans cette chambre, c'est un peu comme si le monde entier disparaissait. Nul bruit ne vient troubler ma quiétude. Avec les jours passant et dépassant, avec le soleil qui me fuit pour mieux me retrouver timidement, je laisse mon corps et mon âme prendre leurs marques. Bientôt il n'y aura plus nulle trace de mon maigre passage par ici mais dans l'attente de ce moment fatidique je me déploie. Il flotte dans l'air une douce odeur de chanvre, elle s’imprègne à mon instar des tissus que j'ai quitté. Allongée sur le sofa qui trône, face à la massive cheminée, j'ai déposé au sol tout ce que je portais pour ne plus demeurer qu'entièrement nue. Qu'importe les avis, qu'importe la vertu, n'est-ce pas dans cette plus simple tenue que nous venons au monde ? Contre toute attente, je suis seule. C'est aussi bien que d'être accompagnée, voir mieux. Seuls nous naissons, seuls nous mourrons. Je me contente simplement de vivre de la même manière. Ils ne peuvent pas comprendre de toute manière, ceux qui s'habillent d'hypocrisie et de mensonges. Je me dévêt de leur fausse apparence. J’ôte de mon épiderme toute accointance à leurs mœurs étrangers. J'en deviens l'étranger.

    Sur les lattes du parquet, la dernière bouteille roule lorsque je la pousse. Je n'ai plus une seule goutte à me caler sur le palais et c'est un sacré vide que je ressens. Mon plus fidèle allié s'en est allé dans mon gosier dessécher mon aridité. Ne me reste alors que la pipe. Rien de tel qu'une bonne pipe. Fourrée au chanvre sec et au pavot, elle me procure ce que nul homme ne peut m'offrir. Elle m'accorde dans son infinie volubilité ce sentiment que je recherche à chaque instant : le néant. Ce jour, il fait froid, mais moins qu'au fond de mon cœur. J'ai compris que Père n'était pas à La Rochelle. J'ai même compris qu'il n'y avait jamais mis les pieds, seulement dans mon imaginaire. C'est précisément cet imaginaire que je veux retrouver. Je veux que ma peau ne soit plus l'entrave qu'elle est, je veux arracher, dépecer, jusqu'à la moindre parcelle de mon être. Que mon âme puisse s'échapper, tels les volutes de fumée que mes nasaux expulsent avec lenteur. Mon regard dilaté se perd dans les méandres de l'instant. Ma peau frissonne, mes poils se hérissent, mes tétons pointent. J'en suis presque excitée de me sentir enfin, après cette nouvelle journée moribonde, au seuil de mes hallucinations. Viens Père, retrouve moi, cherche ton chemin dans mes délires et surprend moi ainsi. J'ai besoin que tu sois là, toi et personne d'autre.


    - S'il vient, je pars.

    C'est vrai. Dans mon désir de le retrouver, j'oublie qui je suis. J'oublie ce que je suis et ce que j'ai en moi. Je l'oublie Elle, et je la fais fuir. Elle ne supporte pas de me voir ainsi. Sans doute suis-je tentée de la provoquer de la sorte, d'appeler Père pour qu'elle s'échappe. Je n'ai trouvé aucun autre moyen pour la faire taire. Et croyez-moi c'est presque impossible de lui clouer le bec. Quand le monde autour de moi semble vaciller, elle est cette lumière verdâtre de l'autre côté de la baie, ce ponton qui me guide dans mes pérégrinations. Tranchante et glaçante, son froid me réchauffe. Ses bras sont les miens mais me font plus d'effet que ceux d'un autre qui m'y laisserait m'y glisser. Il n'y a que par Elle que je vis quand je n'hallucine pas. Elle est à la fois mon gardien, mon geôlier, la clé de ma prison et le poison de ma vie. Père est bien plus. Il est mon havre, mon passé, mon présent et ce futur que je fuis chaque jour dans l'alcool. J'attends son arrivée dans les bras de Freyja, soufflant au faiseur de miracle toute ma gratitude pour ses bienfaits. Elle peut bien partir, Lui arrive et dans son attente, je gémis de plaisir quand l'effet du chanvre me saisit enfin. Dans la gorge il me brûle et me libère. Je suis l'encens, je suis le feu, j'ai froid et j'aime ça. Viens, Papa.



[Posté avec l'accord de Jd Yulhia pour toute liberté de pensée et d'action]
Yulhia
I am flesh, bones,
Je suis chair, os,
I am skin, soul,
Je suis peau, âme,
I am human.
Je suis humain.


      Scène 1, acte 1 : Dans la peau d'un Canard boiteux, vu par la Blanche.


      Le temps ne nous épargne pas.
    En vérité, on décèle quelques plaies d’anciennes histoires le long de mon visage. On se méprend à se perdre dans l'abîme des yeux de l’autre. C’est si loin, c’est si étrange, une sorte d'ancienne vie, totalement à l'opposé de l’actuelle. Je sais que l’on arrive difficilement à laisser échapper des onces de vérités sur notre personne. On préfère les garder au plus profond de soi, les cacher sous des épaisses couches de gravas. Ce sont des états d'âmes qui viennent polluer notre quotidien. Ils arrivent sans prévenir et prennent une place colossale chaque jour nouveau. Ce sont des pensées récurrentes, des appels sur notre condition, des envies inassouvies, des pensées malsaines et paralysantes. Et puis, après tout, la vie est une machine à explorer notre insensibilité.
    Même si j'ai brisé des cœurs, même si j'ai blessé certain(e)s à la force de mes mots et de mon manque de tact, j'ai pris une profonde respiration afin de marcher clopin-clopant vers le changement. Je ne me cache pas des ouragans de la vie. Ne sont-ils pas là pour nous rappeler que tout peut basculer du jour au lendemain ? Je m’attache aux fondations de ce que je bâtis. Jour après jour. Carpe Diem. Cueille le jour présent, et croque dedans comme un nouveau-né prendrait en bouche le sein de sa mère.

      A quoi ça sert de préparer l'avenir si t'oublies de vivre ?
    On n'oublie pas ceux qui ont marqué notre passé, car le présent est le fruit du passé. On prétend le faire. On s’en convainc, ce par la simple force de notre mental. Et foutre Dieu que j’en ai, du mental. Moi, le Piastre de Machaut, le grand, l’unique, l’inimitable et inestimable. Il n’y a qu’à voir l’état de ma jambe, l’appui que je prends sur cette canne. Je dis ne pas en avoir besoin, parce que j’ai appris à m’en défaire. Je me suis reconstruit, simplement. La canne, elle, si je la délaisse petit à petit, ne serait-ce pas non plus pour oublier ce moment passé ? Cet « accident ». La canne me rattache à ce qui m’est arrivé, et ma situation à ce jour est telle que je veux changer. Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis, non ? Moi qui disais qu’on ne me changerait pas. Loupé. Je me penche à ne plus commettre les mêmes erreurs.
    À ce jour, le Loup se fait davantage Agneau. Sans pour autant me laisser brosser dans le sens du poil, mais il y a du mieux. Une compagne, de la réussite – après tout, ne suis-je pas le meilleur botaniste du Poitou ? Le seul. Le meilleur. Un édifice construit, la Synthèse. Cette taverne n’est-elle pas, d’ailleurs, la synthèse parfaite des quarante années passées ?

      Et parfois, le passé vient vous mettre une claque.
    Parfois, sous forme de vagues souvenirs. Parfois sous forme d’une Pâle qui débarque après avoir pointé « au hasard » la destination sur sa carte.
    Tiraillée et minée par les événements d'une ancienne période, il semblerait qu'en ayant succombé, elle ait ouvert une boîte de Pandore insoupçonnée. À défaut de trouver son Père en ces lieux, elle y trouvera un Ami. J'ai compris que l'on ne peut pas dompter des êtres comme elle. Je sais qu’elle est unique et que l'on ne peut pas l’emprisonner. Pourtant, elle aime à se retrouver dans la surface réduite de la Chambre 23. Et je vais l’y trouver. Parce que cliente exigeante, si la dextre est appuyée sur la canne, la senestre tient fermement une bouteille réclamée. Parce que propriétaire sympathique, c’est offert par la maison, si le bien est partagé. Debout, face à la porte, trois coups sont frappés secs, et la porte est poussée, n’attendant même plus de réponse.

      - Yu. Votre vodka.


    Nous craignons toutes choses comme mortels, et nous désirons toutes choses comme si nous étions immortels. Ce que je désire, ce soir ? Apprendre. Apprendre de l’autre, apprendre à l’autre, alcool aidant.




(Posté avec l’accord de JD Piastre pour toute liberté de pensée et d’acte. Et avec sa curiosité de lire son Pi au travers un autre JD.)

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Piastre
 
 


      Scène 2 : Dans le regard de Yulhia, vu par Piastre.


    L'encre a coulé, j'ai trop noirci la première lettre de mon mot. Lentement, une tache se forme sur le vélin à l'endroit où ma plume s'est attardé. Dommage, c'était une belle lettre, bien faite, bien rédigée, pleine de sens et de sous entendu. Le Quadra ne la lira jamais pourtant car je n'ai plus le temps de la recommencer. Avec un sourire plein de cruauté, je m'empare à deux mains du courrier pour le froisser lentement, en prenant mon temps comme si je prenais du plaisir à détruire une preuve de mon attachement. Qu'il ne soit pas déçu, je lui réserve un autre mot, plus court mais au sens bien plus direct qu'il ne manquera pas de comprendre. Le temps me manque néanmoins ! À la hâte, mon regard se détourne du vélin qui n'est plus désormais qu'une boule chiffonnée de papier sans forme, je le jette même sans plus y prêter attention. L'heure est à l'embellissement. Non pas que j'en ai besoin, mais rien n'est trop beau pour Lui, pas même moi. La marge est mince, je suis déjà parfaite. Nue devant un énorme miroir que le Quadra a déniché à ma demande, je pose mes mains sur mes hanches et mes yeux sur mes courbes. Je me plais. Trop. Mais assez perdu de temps en béatitude caucasienne.

    Mes mouvements sont fluides, mon regard ne quitte même pas mon reflet, admirant mes gestes. Très vite, je me vêtis d'une robe rouge en lin et chanvre. Les épaules sont dénudées, mais ma longue chevelure d'un blanc nacré les recouvre pour ne pas que l'on voit ni mon cou, ni ma gorge. Aujourd'hui, seul le De Machaut le mérite. Un bustier vient parfaire le tout pour soulever ma poitrine gorgée de passion. Je suis belle, je le sais et je l'assume. Plus encore, je sais en jouer, sans pour autant me laisser aller à écarter mes belles cuisses à tout va. Trop peu ne méritent que de croire qu'ils y parviendront, quand aucune chance ne leur est accordé. Je les laisse alors se battre pour y parvenir, je les flatte, les entraîne sur ce terrain glissant sur lequel ils n'arrivent pas à marcher, tout juste à ramper. Désormais, mon regard ne me reconnaît même plus. De la sublime Délicieuse, comme le quadra aime à m'appeler, je suis devenu l'ultime beauté d'un Oane déchu, le dernier souvenir vivant de la Femme. Vite ! Il va bientôt toquer. Il a promis. Ce soir je dîne avec lui ! La joie me transporte littéralement, il y a bien trop de temps que je n'ai croisé son regard, effleuré sa joue d'un baiser, laisser ses mots réconforter mon âme. Il saura me conseiller, m'aider à choisir ce que je dois faire à présent. Encore faut-il pour cela qu'il se pointe !

    Je ne perds pas mon sourire, je suis confiante, ma beauté est sans égale et ma tenue me sied à ravir. Si le De Machaut me voyait, il me flatterait encore. Il n'est pas différent des autres hommes sur ce point, il me trouve belle et me désire. Bien qu'il soit en couple, je n'aurais aucun mal à le faire dévier du droit chemin si je le désirais. Heureusement pour lui que j'éprouve un profond sentiment de respect à son égard. Il est le seul en tout le Poitou qui parvienne un tant soit peu à me comprendre et cela me fait autant d'effet qu'une bonne pipe et qu'une bonne vodka. Cela m'apaise. Un peu. Assez pour lui sourire et lui faire toute sorte de promesse que je ne tiendrais que pour lui. Foutre dieu qu'il m'emmerde à m'adoucir ! Pourtant j'en souris, appréciant mes traits flatteurs. Ma gorge aussi me plaît, elle est fournie et douce, plantureuse qu'on dit. Mais ce soir, personne n'en profitera sinon lui, mon Père. Oui ce soir je dîne en compagnie de mon Père, il est enfin arrivé à La Rochelle, il m'a écrit pour m'inviter à dîner alors je me suis préparée comme je ne le fais pour personne d'autre. Je veux qu'il soit fier de moi, qu'il me le dise et qu'il le pense. Je fais beaucoup d'effort pour lui, je me retiens même parfois de taper des gens, ou de les insulter, parce qu'il n'aimerait pas me voir ainsi, grossier personnage. Il est enfin là ! Oui je le sens, je l'entends, des bruits de pas parviennent du couloir. J'enjambe mon tabouret et courre presque jusqu'à la porte de ma chambre synthésienne. Ma main se pose avec précipitation sur la poignée, mes pupilles sont dilatées. J'ouvre à la volée et mon sourire resplendit d'un éclat solaire. Je brille, je suis en fusion, je boue. Enfin !


    - Père !



[Posté avec l'accord de Jd Yulhia, pour toute liberté de pensée et d'action]
Leonid.

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      Scène 2 : Dans les coulisses, dans la peau d'un autre protagoniste.


    Il ne se bat plus, c'est vrai. Mais, comment se lutter quand l'adversaire a déjà pris le navire de la fuite? Comment installer le débat quand on se heurte au silence, à la fuite de l'autre partie? Supprimer et rayer un nom d'une liste est une chose si facile, sans moindre importance. On ne mesure pas l'importance de nos actions, voire encore moins celle de nos mots. Quand on parle avec arrogance, avec moquerie, un air de pitié se dégage au loin.
    Il ne lui en veut même pas, de la voir préférer quitter tout sur le champ et se réfugier dans son antre intérieur, c'est son choix. Il a cessé de se prononcer là-dessus. Il n’a pas à interférer dans le choix de ses décisions mais le silence n'est pas la meilleure solution. Quand bien même elle lui dise le hic qu’il y a, il sait qu’il se battra, lui pauvre pécheur contre un Dieu le Père tout puissant car tous les reproches lui seront adressés comme ce fut le cas dès l'aube de notre ère.
    Il s’est inquiété lorsqu’il a reçu une lettre de sa fille. Rares sont les fois où elle lui écrit, si cela vient à être le cas, deux options s’imposent alors : Primo, elle est perdue, totalement. Elle est perdue et ne sait pas où elle est, ce qu’elle fait, où aller, et le Paternel lui manque alors elle cherche réconfort dans les mots. Secondo, elle est perdue. Elle pense ressentir quelque chose, et cela l’effraie comme une biche qu’un chasseur courserait. Finalement, elle écrit bien plus que d’usage à bien y réfléchir. Trop peu à son goût à Lui. Trop au sien, à Elle.

    La Synthèse. La Rochelle.
    Il sait où la trouver, et il prend la route, comme convenu. Il sera là, pour partager un dîner avec elle, en ce Vendredi soir. Il sera là, pour Elle, avec elle. En ville, il tourne en rond, et à trop tourner, il fatigue. Le Slave peine à se faire entendre de par son accent prononcé, parfois indéchiffrable si l’oreille n’est pas attentive.
    Avec du retard, il finit par trouver. La porte de l’établissement est poussée, trouvant posté derrière le comptoir, le fameux tenancier dont a parlé sa fille dans l’une de ses lettres. Du moins, il suppose. Les traits y ressemblent, et ne trouvant pas sa fille en ses lieux, il se laisse aller à penser à elle.

      Je te plains sincèrement ma Fille. Tu ne pourras jamais connaître les vrais extases d'un amour fusionnel, sans aucune limite, parce-que tu ne t'y engageras pas. Tu ne connaitras pas non plus l'étrange métaphore des papillons dans le ventre et des étoiles dans les yeux. Tu ne pourras jamais savoir ce que ça fait de se réveiller chaque matin en pensant toujours à la même personne, plus heureux qu'hier encore. Tu ne connaîtras jamais la définition de passion. Tu ne sais pas ce que c'est d'être amoureux d'un sourire, ou d'une simple voix. Ce n'est pas un simple endroit, une chanson, ou un simple mot qui pourront te remémorer les plus beaux souvenirs passés avec elle. Tu ne serais pas capable d'aller à l'autre bout du monde pour cette personne. Tu ne t'engageras jamais pleinement dans une relation parce-que tu ne veux pas être privé de ta liberté, tu veux vivre. Tu ne veux pas te laisser submerger par les sentiments de l'amour, parce-que tu refuses l'idée que ton monde tourne autour d'une seule personne. Mais je te promets que tomber amoureux de la bonne personne est la chose qui t'apprendras le mieux à vivre. J'espère qu'un jour tu arriveras à aimer comme je t'aime, ou comme tu t’aime mais je doute que ton cœur soit assez fort pour ça.


    Revenant en temps réel, l’esprit rejoignant le corps, le buste est incliné en direction du présent. Il lui faut se présenter. Bien qu’on le devine au travers les ressemblances avec sa Fille, il lui est pourtant en tout point différent. Le port de tête relevé, presqu’altier, Il pue la richesse. Quoique, l’argent a t-il véritablement une odeur ? La voix résonne enfin dans la taverne vide de monde.

      - Leonid. Leonid de Kravits. On m’a dit pouvoir trouver ma Fille icelieu. Yulhia. Yulhia de Kravits. Pourtant, je ne la voit point. Serait-il possible d’annoncer la venue de son Paternel si elle se trouve être à l’étage, je vous prie ? Je vous en serai gré, Monsieur.


    L’homme demeure interdit un instant, avant de ne se décider à mouvoir. Pense-t-il, lui aussi, le Piastre que le Paternel est une apparition, une hallucination due au chanvre qu’il a sans doutes trop respiré à côtoyer la Pâle ? Niet. Il est là. En chair, et en os.



(Edit : Modification du numéro de scène. Je m'y perds déjà, ups.)
Yulhia
      Scène 2 : Dans la tête du Piastre, sens dessus dessous.


    Tête dans mes papiers, rôle de Conseiller Municipal à honorer, je suis présent physiquement, alors que l’esprit est ailleurs. Une voix me sort du travail. Grommelant, je relève le nez, avisant l’entrant. Un vieillard faussement distingué. Il se prend pour qui, lui, à se tenir droit comme ça et à ne pas passer le palier de la porte ? Il attend que je lui tire une chaise pour qu’il s’installe ? Fichtre. J’aurais dû fermer l’établissement. J’ai oublié, trop pris par ce que j’avais à faire. J’en ai mal à la tête, d’ailleurs. Plus encore, lorsque le bougre se présente. À croire qu'à trop côtoyer l'Enfumée, mon esprit à moi s'emmêle également, voit trouble, flou, faux.
      Et là, tout s’effondre lorsque je comprends.

    Ce qui me semblait être mascarades depuis le début, était finalement réalité. Une vraie pièce de théâtre, orchestrée à merveille, montée de toutes pièces pour me donner l'illusion de nager en plein délire moi aussi. Comment, pourquoi ? Des questions sans réponses, des énigmes irrésolues, un point d'interrogation au milieu du vacarme assourdissant des paroles de la Blanche qui se répètent en boucle dans ma tête. Et au milieu de ce chaos, je suis seul. Des mains factices se tendent vers moi : Illusion est le mot d'ordre. Comme si la présence d’une actrice jouant bien trop avec le feu alors qu’elle est de glace ne me suffisait pas. Je demande le Père. Nouvel acteur, nouveau bordel. En espérant qu’il ne soit pas comme Elle. Ou qu’Elle ne tienne pas tant de lui, plutôt. Elle ne mentait pas. Elle ne délirait pas. Et dire que je lui assurais que son Père ne se trouvait pas en ville. Après tout, je n’aurais su dire à quoi il ressemblait avant de l’avoir face à moi en l’instant.
    Le rideau se lève, les projecteurs s'allument.
      La pièce va reprendre.


    Partira-t-elle à retrouver son Paternel ? L’arrachera-t-il plus tôt que prévu de mon antre ? Les poings sont serrés. Je ne veux pas. Je ne veux pas la voir partir, je ne veux pas la voir préférer une autre présence à la mienne et ainsi me délaisser totalement. Pourtant, j’ai la prétention de croire que je compte pour Elle.

    Quittant l’arrière du comptoir, c’est clopinant que je me présente à l’homme.

      - Piastre de Machaut. Propriétaire de la Synthèse, et hôte de votre dé… De votre fille.


    De votre Délicieuse fille. Je vais devoir me tenir, vous croyez ? Ou qu’importe si le vieux est là ? Du moins, le vieux… Il ne doit être à peine plus âgé que moi. La Pâle pourrait être ma fille, et pourtant. Serait-ce correct d’accorder quelques pensées à sa progéniture comme je le fais à la Blanche ? Peut-être alors que je mériterais le bûcher qu’on lui promet à elle. Nous brûlerions alors, ensemble. Non pas de désir. Mais d’avoir désiré, comprenez la nuance.
    Après m’être assuré que je ne rêvais pas à imaginer le Père qu’elle me vante tant, je m’en vais la chercher. Et s’il le faut, j’ai suffisamment d’alcool pour me tenir compagnie en cette soirée.



(Posté avec l'accord de JD Piastre, pour toute liberté de pensée et d'action)

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Piastre
 
 



      Scène 3 : Au goût de Yulhia, vu par Piastre


    S'il y a bien quelque chose de rare, comme pourrait en témoigner mon Quadra, c'est de me voir sourire. Pourtant ce soir, je ne puis plus me départir d'un sourire resplendissant. La notion de bonheur est un euphémisme comparée à la béatitude dans laquelle je nage. La surprise des retrouvailles passée laisse dans l'air une fabuleuse senteur de félicité comme si maintenant que Père et moi sommes réunis, plus rien ne pouvait venir entacher mon humeur. C'est le cas. Nulle ombre au tableau que nous peignons. Mon petit Proprio a pris soin de moi ce soir je dois dire. Il s'est accaparé son tablier de chef cuisinier et a disparu dans sa cuisine pour préparer un repas digne des Kravits que nous sommes. Je le remercierais comme il se doit plus tard, il le mérite bien. L'heure n'est pas à l'imagination, non, il est temps de profiter du présent, de laisser ce passé qui m'a brisée pour me concentrer sur le moment que je vis sans penser à demain. C'est un tel régal des yeux que de pouvoir à nouveau le contempler. Père est venu à me demande. Assis l'un en face de l'autre au centre de la grande salle de la Synthèse, nous attendons ce qui ne saurait tarder : l'abondance de mets que nous aura confectionné dans l'urgence Piastre.

    Justement le voilà. Il m'adresse un sourire, un de ceux dont il à le secret et qui ne me laisse jamais de marbre. Ces sourires sont emprunt d'une douceur que je n'ai jamais vu chez un homme. Ils me touchent et me chuchotent combien je compte, combien mon bonheur lui importe. Je manque de m'empourprer en le voyant arriver. Non pas que sa présence me trouble, mais plutôt qu'il soit présent lorsque Père est là lui aussi. Je ne dois pas me trahir, pas dans l'immédiat. Je souris donc discrètement et dirige mon regard sur mes couverts. Père et Piastre semblent s'entendre. Ils ont quasiment le même âge, peut-être même que Piastre est plus vieux, je n'en suis plus sûre à présent. La table se voit soudainement recouvrir d'un pléthore de plats aux contenances variées. Quand a-t'il trouvé le temps de nous cuisiner tout cela ? Cet homme me surprendra toujours il faut croire. Bon point pour lui. Qu'il s'en aille maintenant ou je ne suis pas sûre de mon intégrité ! Il ne doit pas me déconcentrer, pas ce soir, par pitié ! Je suis à deux doigts de lui crier dessus de disparaître, mais je me retiens pour ne pas alerter Père. Rien ne serait pire que ces deux hommes me regardant sans comprendre. J'ai chaud, une lente goutte de sueur me coule sous le menton, je la sens s'enfoncer dans mon cou, me donner un long frisson lorsqu'elle frôle mes seins. Est-ce de l'excitation que je ressens à cet instant ? Foutre dieu, je suis dans la merde là. De Machaut, je vous en conjure, partez...

    Je suis soulagée de le voir se retirer, tandis que Père regarde. Il se doute que je ne suis pas à mon aise mais est trop poli pour me demander et je l'en remercie secrètement. Une fois seuls, je peux retrouver contenance et lui sourire de toute mon âme. Nous levons tout deux nos verres de vins et nous regardons avec cette assurance qui caractérise les Kravits. La première gorgée est rapide, par soif. Pour la seconde je prends mon temps. Je bois peu de vin, je me contente souvent de me brûler la gorge et l'estomac à la vodka dans une ébauche de purification intérieure. Je lave mes péchés à l'eau de vie bénite par quelques maîtres brasseurs de l'Est. Ma confession à moi. Ce soir, c'est une toute autre confession que je m'apprête à faire. Il a répondu à mon appel, il a senti en moi le besoin de le revoir. Ce besoin qui dépasse tout le passé qui nous lie, ma fuite. Je me demande encore parfois comment j'ai pu me perdre ainsi, m'éloigner de mon chemin. La faute à qui la faute à quoi ? J'ai faim. Tout ce que je vois sous mes yeux me donne envie de croquer dedans à pleine bouche, de me salir les doigts, de laisser le jus de ce rôti me couler au menton. Si seulement nous pouvions nous départir de cette posture. Mais je sais parfaitement que Père n'en fera rien, car en toute circonstance il aime montrer sa véritable nature, sa réelle supériorité. Comment l'en blâmer quand dans tout ce que je fais, j'aime rappeler que je suis au dessus des autres. Tel père, telle fille. C'est pour cette raison qu'il me comprendra et qu'il pourra me répondre, j'espère.


    - Père, je dois vous parler de quelque chose. De quelqu'un.



[Posté avec l'accord de Jd Yulhia, pour toute liberté de pensée et d'action]
Yulhia


      Scène 3 : Et le palpitant manque un bond, vu par Yulhia.


      Dans l'immensité du silence en cuisine, quelque chose résonne.
    Je ne réussis pas directement à l'entendre, mais le son se fait de plus en plus perceptible. Peu à peu, je découvre ce qu’il en est. Je me retrouve confronté à quelques démons : la furieuse idée de me débarrasser d'idées toutes rangées et préconçues qui me collent à la peau, partir au loin, bousculer mon quotidien, le désir de plaire. Ces velléités sont un appel du cœur qui devrait être entendu, mais que je n'écoute pas assez souvent à mon goût.
    La Blanche sait probablement comment je voudrais qu’elle soit, qu’elle se comporte tout du moins, mais elle n’est jamais assez souvent attentive à mes recommandations, à mes envies. Elle fait mine de saisir la portée de mes mots, cependant elle ne saisit pas assez le poids des avertissements et sentiments que j'essaye de lui faire passer. Elle a tellement désiré mille et une choses qu’elle se retrouve noyée sous cet amas de réalisations à demi achevées. Elle ne sait pas où donner de la tête car elles restent imparfaites à ses yeux. N’est pas Kravits qui n’est pas Perfection paraît-il. Dans son histoire, il y a désormais un point de bascule, un nœud qui lui fait prendre conscience que les choses doivent se modifier désormais. Un cri du cœur lui recommande sans doute de revoir ses priorités et d'ouvrir la voie vers ces choses réellement importantes. Je l’espère.
      Cours après le bonheur si tu le souhaites, mais ne t'essouffles pas dans cette course vers l'impensable. Effectivement, le bonheur ne se court, il se rencontre dans le cœur de tout un chacun.


    Le repas ayant été servi, je m’en reviens quelques minutes après avec une bouteille de vin. Le meilleur que j’ai, puisque cette Demoiselle, si exigeante soit-elle me l’a demandé. Une bouteille de vodka, de leur eau de vie trône désormais sur la table, en son centre, après le service, espérant leur faire honneur.
    Sans prendre la peine de le demander de vive voix mais d’un simple regard entendu par la Blanche, je prends place sur une chaise, non loin d’eux. En retrait et discret, je montre tout de même ma présence, sous les regards noirs de la Délicieuse. La mettrais-je mal à l’aise, ou souhaiterait-elle que je la laisse seule avec son Paternel ? Je me plais à découvrir ses réactions chaque jour nouveau, à tenter à deviner comment elle se comportera dans telle ou telle situation. La curiosité l’emporte, et son aveu à venir m’intéresse. Alors, je reste. D’autant qu’ils n’auront à crier s’ils ont besoin de moi. Il leur suffira de me le dire, peut-être même de me le chuchoter puisque la proximité le permet.

    L’envie de pouvoir caresser les joues de la Blanche, de lui dire mille et une belles choses, est présente. Que faire dans cet amas de sentiments entremêlés à appréhension de me faire repousser à chaque pas en avant ? Nous sommes ainsi faits, nourris de désirs et de tourments. Il s'agirait probablement d'un cauchemar, à me contenir de la sorte. Ne viens pas à te plaindre, Yu, je sais adopter la tenue adéquat lorsqu’il le faut, tant je me plais à chauffer tes nerfs. Ce rêve est une sorte de lueur je voudrais agripper. Il y a tant de significations qui peuvent le correspondre, mais je m'en tiens à celle que je chéris : j’apprécie finalement quelqu'un à sa juste valeur, simplement.
    Alors qu’ils mangent et discutent, mon regard ne se détache pas de sa silhouette. Si l’on dit que les regards ne mentent pas, le mien est des plus sincères. Les ambrés ont maintes fois détaillé Yulhia, tant, que je pourrais la reproduire sur un vélin sans même l’avoir à me servir de modèle.

    En l’instant, je sens que la seule personne dans la pièce à véritablement oser me regarder, est le Père. Plus froid encore que la Pâle, plus distant. Rien, absolument rien ne laisse présager ce qu’il ressent, hormis lorsque son regard se détourne sur sa Fille. Les traits du visage sont tirés, et l’on peut sentir ses prunelles nous transpercer, tenter à lire en notre âme, à nous la dévorer peut-être même.

      - Père, je dois vous parler de quelque chose. De quelqu'un.

      Nous t’écoutons ma Fille.
    Quelle révélation vas-tu faire en cette soirée ? Que vais-je apprendre sur toi ? Vas-tu enfin te révéler plus qu’à l’habitude ? Oublie-moi, fais abstraction de ma présence, et parle.

    (Posté avec l'accord de JD Piastre, pour toute liberté de pensée et d'action)

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