Soren
« Mon ange sois mon démon. »
- « Tue le! Elle est là Tue-le! Désormais tu nas plus besoin de lui. Tue! Tue! Tue! »
Stupeur. Indécision. Ambre se dresse en face de moi. Quest-ce que la blonde du célestien fait ici? Et où est Dom? Et pourquoi il ny a t-il pas dautres forbans? Le reste de la bande va t-il débouler dun instant à lautre? Ou celui-ci a t-il agi seul? Quest-ce que tout cela veut dire? Je suis venu pour délivrer Eudoxie, pas pour assister à un souper mondain avec les domambre. Une goutte de sueur perle sur la tempe. La bouche ouverte recherche désespérément plus dair. Les mains sont fébriles, les gestes nerveux. Je nai pas beaucoup de temps. Non, pas beaucoup de temps. Si je ne sors pas dici avec Eud, nous allons tous mourir, tous! Derrière la Monmouth, qui est-ce? Eud?
- « Oui cest elle! Elle est là! Tue-le! Tuez-les tous et tu lauras délivré. Fuyez au travers de la garrigue, leurs complices ne vous attraperont pas. »
La poigne se resserre sur mon otage. Pas question de le lâcher. Il est notre sauf-conduit, le bouclier qui doit nous permettre de fuir. Mais pourquoi Ambre me demande t-elle obstinément de relâcher Dom? Et quest-ce quelle veut expliquer? Et pourquoi parle t-elle à la première personne du pluriel pour se désigner? Ça sent le traquenard. Cest un piège. Ils utilisent la blonde pour me fourvoyer, me faire prendre les mauvaises décisions et lâcher mon arme. Tout cela na pas dautre sens que ça.
- « Non! Tu te trompes! Elle est leur complice! Elle veut ta peau! Elle veut tuer Eudoxie parce quelle pense que lorthézienne veut coucher avec son mari! Et elle veut te tuer toi aussi parce quelle hait les estrangers! Tue-là!! Tue-là vite! Ouvre la gorge de ce salopard que tu tiens, balance son cadavre sur la blonde et fuis avec Eudoxie. Fuis avant quAmbre naie raison de vous! Fuis donc abruti! »
Eudoxie. Elle est devant moi. Là. Elle me fait face. Cest elle que je suis venu libérer. Elle semble libre de ses mouvements et pourtant elle ne me prends pas la main, elle ne cherche pas à senfuir avec moi. Quest-ce que ça veut dire? Ça nest pas normal. Non, ça nest pas normal. Eudoxie Cest toi? Cest vraiment toi? Parle-moi je ten prie. Prouve-moi que cest bien toi.
Pourquoi ne réagit-il pas ? Pas même un mot, pas un mouvement, rien qui ne prouve qu'il soit réellement là avec elle... L'Autre aurait-il gagné ? Non l'inénarrable se refusait à l'accepter et le célestien encore en vie semblait aller dans ce sens, dans ce que ses réflexions embrumées pouvaient encore conclure.
La petite brune en savait peu au final sur lui, sur ce "locataire" dans la tête de son blond, peu sur cet être qui coexistait avec Soren, et à cet instant précis elle s'en contrefoutait royalement, tout ce qu'elle voulait c'était son danois, et sans trop s'en rendre compte, ses pieds avaient décidé de restreindre la distance entre elle et lui.
Les charbons de la béarnaise capturaient par instant ceux du marseillais, mais sans s'y attarder, refreiner les grimaces que les douleurs abdominales lui provoquaient, s'approcher un peu plus à chaque instant, avoir envie de prononcer de nouveau son nom, envie de lui dire que tout danger pour elle est écarté, mais au final qu'en sait-elle ? Rien... celui dont elle s'approchait pouvait l'être autant que ceux qui l'avaient mené ici.
Pourtant une main vint se poser sur l'avant bras armé, senestre à l'index bagué s'apposant sur l'épiderme danois, son regard rivé vers le sien, appuyant légèrement pour faire baisser la lame de la gorge de son ami, et faire face à Soren... à l'Autre... aux deux... sans intermédiaire.
Eternise moi Seurn...
Salines filtrant sur une joue... puis la seconde... si l'Autre n'entendait pas ces mots, Soren lui ne pourrait les ignorer...
- « Ça n'est pas elle! Si c'était Eudoxie, elle t'aurait sauté au cou. Elle aurait recherché la chaleur de tes bras, la douceur de tes tèvres... »
Tais-toi je te dis!
- « Regarde! C'est à ton bras d'arme qu'elle en veut! Et rien qu'à lui! Elle veut te désarmer. Ce n'est pas Eudoxie. Elle est des leurs. Elle lui ressemble mais ce n'est pas elle! Elle va te faire lâcher le poignard et ensuite ils te tueront. Eudoxie est morte. Morte! MORTE!»
Tais-toi! TAIS-TOI!!! Je ne te crois pas. Ça n'est pas possible. Eudoxie est vivante, prisonnière quelque part. Elle m'attend. Elle a besoin de moi, je dois la libérer. Je le dois! Une pression dans ma tête...Je le sens de plus en plus fort. Il tire sur ses chaînes avec une vigueur décuplée. Il me pousse vers là où il veut que j'aille et j'ai du mal à résister. Ma poitrine se soulève à un rythme accru. Une grimace déforme les traits de mon visage. J'ai du mal à contrôler ma respiration qui s'emballe. Non...Il est là, aux portes de la conscience. Il frappe. Je sens les gonds qui plient sous ses coups de butoir. Le bois cède petit à petit faisant voler des éclisses autour de moi. Bang! BANG! BAAANG! Un craquement sinistre, Il entre..Il est là...Il est sur moi! Le bruit de ses chaînes m'est insupportable. La peur...Elle s'empare de moi! Non! Arrière! Recule! Noonn!
- « Tue le! Tue le! Maintenant!»
Le geste est sec, sans aucune hésitation. La lame glisse sur la gorge, faisant voler dans les airs une giclée de sang. Au même instant, un craquement sinistre se fait entendre. Les cervicales cèdent sous la force bestiale auxquelles elles sont soumises. Des bulles de sang se forment à la commissure de ses lèvres. La bouche recherche en vain l'air qui lui fait défaut et qui s'infiltre par la trachée ouverte... Un bruit métallique. La main perd de sa vigueur. Dans son mouvement latéral, la lame a effleuré la gorge du célestien et désormais le bras pend le long de mon corps... Les images s'effacent progressivement de mon esprit. La goutte de sueur a rejoint le menton. Elle tombe alors sur le sol, sur le poignard danois qui vibre encore. Le bras gauche libère le marseillais de mon emprise, le poussant alors vers Ambre. Je tourne la tête lentement vers celle qui me fait face. "Eternise-moi Seurn..." .... "Eternise-moi Seurn..."
- Eudoxie?... C'est toi?
Le connaitre et savoir... savoir que cette respiration elle l'a déjà vu... un matin périgourdin, un matin où l'Autre avait rendu visite à son danois pendant la nuit... ce matin où elle avait découvert son existence au travers de ses mots et savoir qu'à cet instant il n'a pas encore gagné que Soren lutte encore.
Et c'est dans ce genre de moment que le temps vous semble une éternité, que tout pourrait s'effondrer sans que rien autour n'y paraisse, sans qu'Eudoxie ne s'en rende compte, sachant pertinemment qu'un battement de cils pourrait lui faire tout perdre, occultant presque qu'elle vient de vivre surement les pires jours de sa vie, parce que sa vie se joue là... dans ce regard bleuté...
Battements de coeur en suspens, le regard se ferme, dans un soulagement, en entendant la dague effilée rebondir dans un bruit métallique au sol, s'ouvrant à nouveau sur son danois libérant enfin le célestien, tête suivant l'échappée de la folie danoise une fraction de seconde avant de revenir à son blond , âme et coeur en cours de libération, sourire venant ourler ses lèvres en même temps que larmes ruissèlent à ses joues.
Elan retenu depuis trop longtemps venant donner réponse à l'interrogation formulée, bras gauche s'enroulant à son torse quand dextre s'agrippe à son cou, petite brune s'enroulant à lui tel un lierre avide de retrouver son ancrage, de s'y sentir en sécurité, de s'imprégner de sa force, corps pressé contre le sien, besoin au delà des ecchymoses à son ventre, juste sentir sa présence, sa chaleur, ses bras autour d'elle, le savoir à ses cotés.
Petite chose fébrile, petite brune au contact de son autre, petite marie au milieu d'un ciel dont les étoiles entre elles peuvent bien dire ce qu'elles veulent, plus rien ne compte...
La vague de la haine et de la déraison reflue soudainement de mon esprit, comblée rapidement par une autre: celle des sentiments que je ressens à l'égard de celle que je tiens dans mes bras. Les yeux sont fermés, La tête est posée tout contre la sienne. Elle est là, celle qui m'a tant manqué ces derniers jours, celle que je craignais de ne plus jamais revoir. Elle est là tout contre moi et plus rien d'autre n'a d'importance: avoir failli tuer le célestien, sa présence en compagnie de son épouse sur les lieux où Eudoxie a été séquestrée, l'absence d'opposition pour libérer l'orthézienne. Non, tout cela n'a pas d'importance. La poitrine se soulève toujours avec autant de vigueur, le coeur bat à tout rompre. Mes mains entourent son visage, formant un écrin de tendresse. Mon regard se perd dans le sien. En cet instant, Je ne cherche aucune réponse aux milliers de questions qui devraient m'assaillir. J'hésite. Je n'ai pas vraiment conscience de tout ce qui vient de se passer. Tout est comme flou dans mon esprit. Le vécu s'étiole, il n'a même pas le temps de devenir souvenir.
De la paume du pouce, j'efface les larmes qui coule sur ses joues. Mes lèvres viennent chercher les siennes, les tiennes Eudoxie Castera. J'ai l'impression d'avoir vécu un sale cauchemar. Je vais me réveiller. Tu seras là, près de moi, dans cette couche que nous partageons depuis plusieurs semaines maintenant. Tu vas te tourner vers moi. Tu vas me sourire comme tu le fais chaque matin et tu vas venir me délivrer cette dose de bonne humeur que tu m'offres en partage. Tu m'as manqué Eudoxie Castera. Plus que tout au monde. Je... Depuis des jours je me suis demandé comment je réagirais quand je te reverrais, quels sont les mots que je prononcerais et maintenant que je t'ai retrouvé, je ne sais pas quoi te dire excepté ces trois petits mots que ta pudeur n'aime entendre que quand tu es seule avec moi: je t'aime. Donne-moi tes lèvres. J'ai besoin de toi. J'ai besoin d'un baiser.
Chaleur de ses mains sur son visage, une joue venant s'appuyer dans la paume la couvrant le regard clos, des jours entiers qu'elle l'imaginait se morfondre, remuer ciel, terre, mer, tout un univers pour la retrouver, des jours qu'elle a cru ne pas le revoir, ni lui, ni personne, mais là ce simple contact, ses lèvres se posant sur les siennes, cette tendre douceur aimante, cette trinité de sensations... tout devient tangible, le cauchemar est toujours là, mais les nuages se voient balayer d'un soleil d'une blondeur éclatante parfaitement breuchinguée.
Baiser hors du temps, hors de l'espace, hors de tout ce qui peut bien apparaître au commun des mortels, en tout cas à tout ceux qui ne sont pas "Eux"... L'important devient dérisoire et le dérisoire d'une importance capitale, quelques petits morceaux d'étoffe s'enrubannant virtuellement à sa cheville, en une fraction de seconde, petit rien signifiant beaucoup au sein de son esprit.
Une tête contre une autre, un front calé contre le sien, les voiles de chair s'ouvrent sur ce regard, dont elle ne saurait plu se passer, un sourire qui n'a pas besoin de mots irradiant son visage l'espace d'un moment d'éternité, il est de ces évènements qui font prendre concience d'une évidence...
Longue inspiration pour reprendre pieds dans la réalité, ses mains venant chevaucher les siennes, partir d'ici, elle voulait partir d'ici, vite, tout de suite.... retrouver le mas, la cabane qu'elle n'avait pas encore vu, n'importe où mais ailleurs... et comprendre, le célestien avait parlé d'expliquer, mais quoi...
Tu m'as manqué... J'ai cru ne jamais te revoir...
Et les doigts s'entremèlent à leurs jumeaux comme pour ne pas le perdre encore...
J'ai tout oublié. J'ai oublié de lui demander si elle allait bien, si on ne l'avait pas maltraité. J'ai oublié de lui demander combien il y avait de ravisseurs, si elle savait où ils se trouvaient en ce moment. J'ai oublié de tourner la tête vers les célestiens et de leur demander comment ils ont fait pour arriver ici avant moi, comment ils ont fait pour pénétrer dans les lieux de détention, s'ils allaient bien. J'ai oublié de les remercier pour leur aide et leur dire qu'ils ont ma gratitude éternelle pour avoir contribuer à sauver mon Eudoxie. Elle est là avec moi et seul cela compte. Le rêve et la réalité s'entremèlent dans mon esprit. J'ai du mal à distinguer ce qui est vrai de ce qui n'est que chimère. Je sais cependant qu'elle est là, en vie... et "Nothing Else Matters*".
Post écrit à quatre mains.
En turquoise les répliques de Eudoxie.
En noir, celle de Søren
en italique, celle de l'Autre
* Nothing Else Matters - Metallica
En turquoise les répliques de Eudoxie.
En noir, celle de Søren
en italique, celle de l'Autre
* Nothing Else Matters - Metallica
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