Archibald_ravier
Ça aurait pu être par une sombre nuit sans lune, mais sincèrement là c'était plutôt la pleine lune. Et on s'en fout un peu parce que c'était aussi le milieu de la journée.
Par contre ça caillait. Sévèrement. Genre le brouillard refusait obstinément de se lever, et le givre collait à toute la végétation.
Le genre de journée où normalement, on se contente de tirer la bourse d'une vieille au marché pour aller la boire au chaud dans une taverne.
Mais non.
Il avait été assez con pour marcher dans la combine de cette petite bande qui venait de le recruter. Il s'en mordait à présent les doigts. Enfin, il essayait, mais c'était comme de lécher des bâtons de glace. "Viens, c'est pas compliqué, on se planque, on attend un passant friqué, on le détrousse et on partage". Tu parles ! Ils étaient cinq à se peler le cul au lieu de boire au chaud oui.
Et lui, comme petit nouveau, on ne lui faisait même pas vraiment confiance. Il était en retrait avec les chevaux. Il apercevait le chemin, aussi vide que ses poches, aussi glacé que ses bourses, au fond de ses braies.
Les quatre autres étaient tapis dans les buissons, à peu près aussi gelés que lui - ils étaient à l'abri du vent, mais se roulaient dans le givre, alors à choisir eh bien... Eh bien à choisir il aurait pu être moins con et ne pas accepter ce boulot.
Mais il y avait un pognon fou à se faire, ils le lui avaient promis. Et lui, le pognon, ça l'intéressait. Surtout s'il était facile à gagner. Et franchement garder des canassons dans le brouillard, il y avait pire comme travail.
L'appât du gain avait eu raison de lui.
Il faut dire que dans sa famille, l'argent, ils n'en n'avaient jamais vu. Les serfs ont rarement l'occasion de gagner correctement leur vie. Il était donc parti de chez lui avant la mort du paternel, pour être certain de ne pas hériter de son servage. La sur avait donc eu une ferme en dot, et s'était mariée un peu mieux que ce que l'on pouvait espérer. Elle veillait sur la mère et les plus jeunes.
Lui, il déposait de l'argent dans une cache près de chez eux quand il y passait, ça permettait parfois d'acheter un morceau de viande, un remède pour la mère ou les petits, ou régler une petite dette.
Il aurait du passer plus souvent d'ailleurs. Mais si les bourses des vieilles du marché payaient à manger et une nuit au chaud, il y trouvait rarement de quoi faire vivre le reste de sa famille.
Voilà pourquoi il se retrouvait là, un jour de décembre, dans le froid absolu, l'haleine givrant sa courte barbe à chaque exhalaison. Pour s'offrir une vie meilleure.
Et puis de toutes façons, maintenant qu'il y était, il ne risquait pas de partir. Les quatre autres l'auraient mal pris. Ils le retrouveraient et ils avaient l'air bien plus habitués que lui à se battre avec des lames. Il n'avait pas tellement envie de leur faire faux bond.
Et ils lui avaient promis sa part d'or.
Donc il était là.
« Putain on se pèle »
Un vague « ta gueule » lui referma le museau, et un regard noir coupa court à toute envie de protester.
D'ailleurs, c'était justifié : un homme arrivait sur le sentier.
__
*Proverbe japonais
Par contre ça caillait. Sévèrement. Genre le brouillard refusait obstinément de se lever, et le givre collait à toute la végétation.
Le genre de journée où normalement, on se contente de tirer la bourse d'une vieille au marché pour aller la boire au chaud dans une taverne.
Mais non.
Il avait été assez con pour marcher dans la combine de cette petite bande qui venait de le recruter. Il s'en mordait à présent les doigts. Enfin, il essayait, mais c'était comme de lécher des bâtons de glace. "Viens, c'est pas compliqué, on se planque, on attend un passant friqué, on le détrousse et on partage". Tu parles ! Ils étaient cinq à se peler le cul au lieu de boire au chaud oui.
Et lui, comme petit nouveau, on ne lui faisait même pas vraiment confiance. Il était en retrait avec les chevaux. Il apercevait le chemin, aussi vide que ses poches, aussi glacé que ses bourses, au fond de ses braies.
Les quatre autres étaient tapis dans les buissons, à peu près aussi gelés que lui - ils étaient à l'abri du vent, mais se roulaient dans le givre, alors à choisir eh bien... Eh bien à choisir il aurait pu être moins con et ne pas accepter ce boulot.
Mais il y avait un pognon fou à se faire, ils le lui avaient promis. Et lui, le pognon, ça l'intéressait. Surtout s'il était facile à gagner. Et franchement garder des canassons dans le brouillard, il y avait pire comme travail.
L'appât du gain avait eu raison de lui.
Il faut dire que dans sa famille, l'argent, ils n'en n'avaient jamais vu. Les serfs ont rarement l'occasion de gagner correctement leur vie. Il était donc parti de chez lui avant la mort du paternel, pour être certain de ne pas hériter de son servage. La sur avait donc eu une ferme en dot, et s'était mariée un peu mieux que ce que l'on pouvait espérer. Elle veillait sur la mère et les plus jeunes.
Lui, il déposait de l'argent dans une cache près de chez eux quand il y passait, ça permettait parfois d'acheter un morceau de viande, un remède pour la mère ou les petits, ou régler une petite dette.
Il aurait du passer plus souvent d'ailleurs. Mais si les bourses des vieilles du marché payaient à manger et une nuit au chaud, il y trouvait rarement de quoi faire vivre le reste de sa famille.
Voilà pourquoi il se retrouvait là, un jour de décembre, dans le froid absolu, l'haleine givrant sa courte barbe à chaque exhalaison. Pour s'offrir une vie meilleure.
Et puis de toutes façons, maintenant qu'il y était, il ne risquait pas de partir. Les quatre autres l'auraient mal pris. Ils le retrouveraient et ils avaient l'air bien plus habitués que lui à se battre avec des lames. Il n'avait pas tellement envie de leur faire faux bond.
Et ils lui avaient promis sa part d'or.
Donc il était là.
« Putain on se pèle »
Un vague « ta gueule » lui referma le museau, et un regard noir coupa court à toute envie de protester.
D'ailleurs, c'était justifié : un homme arrivait sur le sentier.
__
*Proverbe japonais