L_aconit
[ Ont-ils oublié leurs promesses ?
Au moindre rire, au moindre geste
Les grands amours n'ont plus d'adresse
Quand l'un s'en va et l'autre reste ]
Au moindre rire, au moindre geste
Les grands amours n'ont plus d'adresse
Quand l'un s'en va et l'autre reste ]
Compte à rebours.
Les mains ficèlent doucement le paquetage. Les épaules sont garnies de la tendre fourrure qui faisait autrefois illusion. En aura-t-il besoin, derrière? Y-a-t-il besoin qui subsiste, derrière? Les questions en bandoulières, le jeune garçon récite leçon en silence. Le voilà redevenu l'enfançon qui s'en allait se faufiler dans les armées adverses pour son Prince. Le voilà redevenu ce jeune adolescent qui semait les Cerbères pour son Voleur. Le voilà jeune homme, sacrifiant ce qu'il pense être quelques semaines pour son Duc renard. La vie est étrange. Ses chapitres inattendus. Nicolas de Montfort Toxandrie entrera au service de l'Evêque de Périgueux pour éviter un esclandre. Pour éviter qu'il ne les embroche tous les deux. Cet agaçant nabot. Enfant de choeur? Vraiment? Lui qui n'en a que le visage? Absurde. Vraiment. Pourtant le bond-blé est entêté. Fuir pour échapper à une énième garde, pour laisser le duc penser qu'il n'est personne au dessus de lui, pas même leur dieu... Inconséquent. Déjà vécu. Il est des schéma qu'il ne tient pas à répéter. Dehors, Lioncourt attend.
Les doigts foulent le cuir discret d'un ouvrage léger dont la page de garde couve quelques secrets. Dernier présent du Duc. Un livre à son image. Une image à leur secret. Il imagine un instant le rempart qui les séparera demain. Les gestes d'amour et de tendresse ont-ils place, derrière? Qu'est-ce qu'il espère? Est-ce qu'il espère qu'on lui contera la fin de l'histoire? Nicolas a dans ses silences toujours de tendres drames.
Il y a près du baluchon quelques objets qu'il portera dans le revers de son bliaud. Plus près du coeur, sans doute. La paume essuie d'un revers la poussière imaginaire qui vient piquer l'oeil azur. Les lèvres elles, ne se départissent pas d'un vague sourire. Punaisé pour ne pas offrir autre décoration. Il y a dans les au revoir des choses que l'on ne veut pas donner. Se les garder pour soi, des choses que l'on ne veut infliger.
Il aimerait qu'ils se serrent, qu'ils se serrent puis qu'ils se séparent. Sans heurts. Pour mieux se retrouver, après. Il aimerait que le Duc, qu'il avait servi aux yeux de tous et fait trembler aux arcanes de l'intimité accepte son geste sans drame. Sans peur. Qu'il ne soit jamais un de ces daltonien de l'âme, ignorant les couleurs. Si pour le bond il est difficile d'emballer cet au revoir, de l'enrober d'assurance et le dénuer de manières... Tout de même... La nuit est-elle plus froide, derrière?
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- (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil