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[RP] Bains Publics de Limoges

Satyne
"Viens aux étuves Ophélie. Viens aux étuves."

Son paternel lui avait brisé les noisettes menue avec cette phrase, prétextant que se délasser dans un bain d'eau chaude lui ferait du bien. Il avait enchaîné sur la vapeur, la chaleur, et d'autres trucs en "eur" qui avaient achevé de faire dire à Satyne "non !". Se baigner dans un baquet d'eau stagnante où tout un chacun venait y tremper les fesses. Fallait pas non plus déconner. Et la brune s'était imaginé moult scénarios catastrophes. Mais l'usure avait eu raison d'elle, comme à chaque fois, et elle avait fini contre son gré (ou presque) à pousser la porte des bains limousins.

A grand pas elle remontait l'allée principale, faisant fi des regards courroucés des habitués ou autres types de passage. Ses bras moulinaient d'avant en arrière pour lui donnait la cadence et elle avalait le pavé comme d'autres gobes des verres d'alcool fort. Et ses yeux ne croisaient personne. Non, elle ne voulait pas les voir ! Hors de question de savoir qui de Pierre, Paul, ou de Nicolas, venaient tremper son cul dans la même eau. HORS DE QUESTION !

La jeune femme passa le vestiaire et la première salle. Derrière elle un type galopait, il remuait les mains et avait l'air de vouloir lui dire quelque chose. D'façon il était hors de question qu'elle paie l'entrée de ce bouge ! Si son père avait ses habitudes, alors c'est lui qui raquerait. Elle pariait même qu'il avait réussi à obtenir la carte fidélité.

Au loin, à moitié dissimulé par une caisse elle reconnut sa tête, et accéléra l'allure bien décidé à paumer l'inopportun dans son dos.


Foutre dieu ! Mais il fallait une chaleur de bête, et... FOUTRE DIEU ! Mais t'es à poil bordel !

Choquée, ses yeux glissèrent où il ne fallait pas et elle engloba tout ce qui était caché plus tôt par la caisse. Ses mains battirent la vapeur devant elle, et elle tourna la tête pour cette fois-ci croiser les seins de Déa, et enfin Déa elle même qui barbotait dans l'eau à côté d'un inconnu.


HAAAAAAA ! Mais qu'est-ce qu'elle fout là bordel !

Satyne ou la pudeur même. Si elle avait fait un long travail sur elle même pour ne plus se figer à chaque fois qu'on lui tapait l'épaule, elle avait encore du mal avec la nudité des autres. Déjà elle pivotait sur ses talons et se retrouva nez à nez avec celui qui la coursait depuis son entrée dans les bains.

Mademoiselle, il faut laisser vos vêtements...

Accrochée à sa chemise comme à la vie, elle fourra sa main dans la caisse ouverte pour en tirer une soierie qu'elle se plaqua sur les yeux.

Je suis probablement devenue aveugle.
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Pierre...
Un bain. Un bain, putain ! C'était ce dont il avait besoin, là, maintenant.
En fait, il aurait préféré du vin. Ou du chanvre. Mais il n'avait ni l'un ni l'autre sous la main, et le besoin de garder l'esprit clair. Aussi s'était-il rabattu sur le délassement de l'eau tiède, lâchant l'écu réglementaire pour un morceau de savon.

Nu, Pierre se plia en deux pour caler ses grandes jambes dans le baquet, fermant les yeux un instant, savourant le clapotis de l'eau autour de lui.
Pour mieux ressasser les événements de la journée. Ça avait commencé avec la lettre d'une parfaite inconnue.


« Blablabla, Elise, blablabla, danger. Blablabla. »

Qu'est-ce que ça pouvait lui faire ? Il avait déjà fort à faire avec la tante, pour ne pas avoir envie de patauger dans les conneries de la nièce. Il était allé en taverne pour réfléchir devant un godet de vin.
Et il était tombé sur elle. La fille qui avait écrit la missive. La tignasse comme du blé mûr, l'air apeuré, éthéré du campagnol à peine sorti de son champ. Toujours en train de déblatérer sur son petit... Rat ? Souriceau ? Et ça n'en finissait pas d'insister !


« Aidez-la, gnagnagna ! Et Gysèle est probablement allée l'aider gneugneugneu ! »

Manquait plus que ça. Après moult ronchonnements, il avait consenti à filer un coup de main. Et voilà cette Fanette qui se débine, qui s'en lave les mains ! Qui évoque maladie, polichinelle dans le tiroir, amant protecteur... Que croyait-elle ? Qu'il suffisait de le siffler, comme un chien, et de se tourner les pouces pendant que lui sauvait la veuve et l'orphelin ?

Tss ! Avec humeur, le muet se laissa aller en arrière, plongeant la tête sous l'eau.

S'il avait été très honnête avec lui-même... Bien sûr, que c'était une mauvaise idée. Se laisser embarquer là-dedans, traîner avec lui une donzelle enceinte et fichtrement cinglée. Mais il avait été trop piqué au vif pour l'admettre. Lui répondrait-elle ? Se défilerait-elle ?

Il soupira, laissant éclater quelques bulles à la surface de l'onde.

Foutues bonnes femmes.

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Avatar : AaronGriffinArt | Bannière : Lizzy Stewart
Ava.
 
    La blondeur revenait d'une longue balade à cheval, oui, pour tout le monde elle travaillait à sa forge ou ailleurs, c'est ce qu'elle prétendait mais en fait ces derniers temps elle était plutôt à se balader sur ses montures à tour de rôle, elle avait la tête ailleurs, les dernières rencontres n'y étaient pour rien mais quand même passer pour une grande guerrière obsédée du marteau... Oui, ça laisse songeuse... C'est même décevant...

    Passant devant l’édifice elle s'interroge puis entre.

    Bonjour, un bain, un savon et une serviette aussi.
    Ce n'était pas vraiment prévu cette pause mais la flemme de faire chauffer de l'eau, oui, la grosse flemme, elle vivait depuis juillet, depuis son retour dans une petite pièce derrière la forge et l'écurie, un petit cocon douillet avec le confort qu'elle souhaitait, elle avait abandonné sa maison en dehors de la ville pour différentes raisons, des raisons qui n'étaient absolument pas valables mais qui avaient eu le mérite de la faire changer d'endroit et ce n'était pas plus mal...

    Elle pose les écus sur la table devant la Mado et marche lentement en direction des bains, elle observe à peine ceux qui sont déjà là, elle s'en fiche complètement, elle ôte doucement sa cape puis sa chemise puis entreprend de retirer ses armes, un couteau, deux, une dague ici dans la botte, une autre là, elle affiche un sourire amusé et murmure, pour être cinglée, je suis cinglée... Pas de doutes...
    Le marteau d'arme est posé en dernier puis elle se retrouve nue et passe dans le baquet avec un large sourire...

    Voilà... C'est ça la vraie vie...

      La tête est posée en arrière, elle va rester là un long moment, c'est bien parti pour...

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Clitorine
Clitorine voyage depuis plusieurs jours maintenant. La poussière, la sueur, la pluie. Ses muscles endoloris sont lourds. Elle rêve d'un bain, chaud, doux, bénéfique et nécessaire elle en est convaincue. Quand elle rentre dans la pièce, elle est d'abord déstabilisée par tout ce monde. Les chemins lui ont ôtés l'habitude de la proximité.
Ses haillons lui pèsent. Par leurs trous, ils laissent voir sa pauvreté et sa beauté...


- Bonjour,
je vous en prie, je cherche un bain, et de quoi me sécher s'il vous plait. Oh... et savez-vous ou je peux trouver des vêtements correctes ? Voilà mes économies. Je vous remercie.


. . .

L'eau est prête, chaude, accueillante. Clitorine se défait de ses pauvres habits. Est-ce qu'on peut vraiment appeler ça comme ça ? pense-t-elle. Elle les pause sans délicatesse au pied du bac. Se glisser dans l'eau. Se faire happer. S'enfoncer jusqu'au cou. Un, deux, trois... la tête totalement immergée, Clitorine arrête de respirer... trente secondes... quarante secondes... une minute... obligée de se redresser.
La chaleur adoucie ses muscles. Elle ne sent plus ses jambes, ses bras, son dos. Elle est bien. Le temps n'est pas compté. Elle se repose. Enfin.
La route sera encore longue bien assez tôt.

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Saudade.s.
    L'eau ruisselle dans les profondeurs de la nuit pour venir lécher sa peau d'albâtre. Frissons. L'humidité a permis à la fine mousse revêche de s'agripper aux parois du lac. Saudade prend son bain que d'autres auraient affabulés de minuit. L'avancée vers l'hiver est imminente. Désagréable. Mais vient enfin l'échange exaltant entre sa chair et ce fin tissu. Elle se nettoie. Mais, soudain, un bruit enivre ses sens protecteurs. On l'observe très certainement. La hâte donne le ton à la situation. Il n'y a plus qu'à offrir à ses jambes une course folle. La jeune femme n'aura de répit qu'en lieu sûr. Il faut faire vite.

    Le souffle est ardent, le coeur battant, elle se pose enfin dans les dédales d'un lieu inconnu, envoûtant. Et l'autre ? Sûrement un voyeur. Il est semé car le silence reprend de toute sa splendeur. Sa main agrippée à un caillou tape sur la paroi d'un mur tel un crâne qui se fracasse. Echo. Puis le silence. Elle a peur. Elle avance pourtant. C'est à l'extrême du sadisme, son regard tombe sur des ombres, la pluie n'est plus mais le vent chante de sa voix fantasmagorique. Ce n'est peut-être que partie remise pour cet inconnu mais elle découvre un lieu. La curiosité est un supplice si agréable.

    Soudain, un cri. Un sursaut en surcroît puis un soulagement au battement d'ailes. Ses pas se pressent et c'est vers cette faible lueur qu'elle intensifie la cadence. Là, nul mots pour décrire l'endroit, il suffit de le vivre, de sentir l'adrénaline sustentée par ce tombeau majestueux. Ses doigts se glissent dans les profondeurs des lettres taillées dans la pierre. Ses pensées vont à son capitaine de coeur, ce père d'adoption. Elle porte le nom de son navire portugais. Son ange-gardien avait tellement oeuvré pour elle. Il n'était plus et pourtant si présent.

    Puis la plainte d'un homme lui maugréant des noms d'oiseaux la sort de son émoi, il coupe son souffle d'une main à sa gorge. Prise au piège. Il l'étreint de force et l'entraîne dans les dédales de cette antre. Elle suffoque. Elle gémit. Ses cris sont étouffés et presque silencieux. Ses lèvres découvrent la saveur d'une main ensanglantée. Se débattre en devient presque impossible, il a la force d'un monstre. Dehors, une lueur d'espoir lorsque les ronces viennent griffer ses jambes et lacérer son haillon. Mais non aucune. Le néant. Son coeur bat sous sa poitrine arrondie d'une telle intensité. Les torches au loin dévoilent un clan, il lui faut en réchapper, partir. Une main sortie d'un fourré les fait ralentir, un édenté à l'haleine putride lui adresse un sourire. La nausée s'invite à son mal être, à cette vision d'horreur. Il lui faut réagir pour sauver sa peau. Il lui reste ce caillou dans sa paume qu'elle entrelace de ses doigts pour asséner à son agresseur plusieurs coups mortels. La fuite sera sa sauveuse cette nuit-là et le sang son habit de pourpre.


    Les vapeurs, l'eau chaude, l'image de sa peau qui transpire le sang, elle ferme ses yeux pour oublier son acte, pour ne plus le faire revivre. Le silence du lieu lui fait prendre conscience qu'il lui faut fuir. Encore fuir.
Svanja
Svan n'était ni particulièrement riche, ni vraiment pudique mais elle avait décidé d'utiliser une des salles privées. Sa première expérience des bains à Dijon lui avait donné envie de recommencer. L'eau brûlante délassait pour son plus grand plaisir les muscles de son dos qui tiraient à mesure que Tartine grandissait en elle. Avant, elle était active. Elle marchait sans même prendre le temps de se poser. Elle ne cessait de parcourir les routes, elle prenait des bateaux. Mais depuis six mois, elle restait tranquillement dans les villes. Le cheval remplaçait ses jambes et il lui devenait difficile d'éliminer toute la bouffe que la petite en elle réclamait. Cette enfant se nourrissait exclusivement d'œufs durs et de harengs à l'huile. Si elle le savait, Svan pourrait s'inquiéter pour son cholestérol mais elle ne pensait qu'à engraisser son bébé qui naîtrait en février si tout se passe bien. Et comme beaucoup d'enfants danois, elle aurait besoin d'être bien dodue pour survivre à la rudesse de l'hiver.

Une fois, le bain prêt, sa liquette tomba à terre aussi rapidement qu'elle se glissa dans le baquet. Elle avait demandé de l'huile pour masser son ventre et qu'on lui parfume l'eau à la lavande. Elle rêvait de visiter la Provence et peut-être que ce serait sa prochaine destination. Elle ne resterait pas là. Toutes ces histoires de bonheur qu'on se force à vivre, ce n'était que des conneries. Quelques mois auparavant, elle avait déjà dû se résoudre à vivre seule ses malheurs. A présent, elle revivait la même chose. Alors elle savait qu'elle devrait se débrouiller seule. Elle avait espéré pouvoir vivre comme tout le monde, pouvoir compter sur les gens, leur faire confiance mais ce n'était pas une vie pour elle. Tant pis. Avant, elle aurait tempêté, une taverne aurait fini en feu et une dague se serait accidentellement plantée dans une cuisse ou deux. Mais vu qu'elle ne souhaitait pas mettre au monde une enfant psychotique avide de sang et d'oeufs durs, elle allait se délasser dans des bains chauds aux senteurs provençales. Saine activité pour le corps et l'esprit.

A chaque fois que l'eau brûlante caressait sa peau nue, des souvenirs d'enfance remontaient en elle et le vrai bonheur s'exprimait pleinement dans son coeur. En fait, sa crise d'adolescence s'était terminée avec le début de sa grossesse. C'était à se demander pourquoi elle avait voulu quitter sa famille, ses parents, ses frères pour partir loin d'eux à l'aventure. On a beau dire mais le plus important, c'était ça. Les moments précieux partagés avec ceux qu'on aime et surtout qui nous aime. Cet amour inconditionnel qu'ont les parents pour leurs enfants quels que soient leurs choix ou leur caractère. Et celui de la danoise était particulièrement difficile. Mais Rohnan avait eu raison. Il faut connaitre la déception, la tristesse pour savoir ce qu'est le bonheur. Alors, elle prit les évènements avec philosophie. Elle resterait jusqu'à dimanche car on ne brise pas une promesse. Mais l'envie de partir après les évènements d'hier la tiraillait. De piques insidieuses en insultes non voilées, elle avait fait le tour de ce qu'elle devait voir ici. C'était à se demander pourquoi elle voulait tout de même tenir cette promesse mais tant pis.

Svan haussa les épaules et ne ferait plus aucun effort. Pour personne. Et elle n'en était même pas triste. Juste résignée. Tartine flottait tranquillement elle aussi. A chaque bain brûlant, l'enfant tonique en elle se détendait doucement et s'endormait bercée par la chaleur. Les premières fois, cela avait inquiété la mère en devenir. Elles ont toutes cette peur viscérale que l'enfant qu'elle porte naisse mort. La danoise ne dérogeait pas à la règle. Puis l'enfant repartait encore plus vive. Heureusement que Svan avait la peau dure parce que sinon, elle craindrait que les coups de pied de son enfant lui transpercent le ventre.

La lavande commençait à faire effet. Les idées de la danoise s'envolaient avec les volutes de l'eau chaude. La Provence s'étalait alors devant ses yeux mi-clos. Des champs de lavande à perte de vue. Le vert des collines se mélangeait au violet des fleurs. Et si c'était là qu'elle devait aller ?
Svanja
Viens chez moi pour ce soir si tu veux.
Mais je te préviens, je dors tout nu.


Il l'avait fait rire. Revoir son ami Lucus, lui rappelait la légèreté de sa vie avec son mari. En fait, depuis des mois, elle avait voulu se faire croire qu'ils n'étaient pas heureux. Mais si. Hier quand Fanette lui avait demandé s'ils avaient eu peur au moment d'échanger leurs voeux, elle dut bien se rendre à l'évidence. Aucun des deux n'avait un seul instant douté de leur engagement. Aucun des deux ne craignait l'avenir. Et c'est là que résidait leur force.

Ce soir, Fanette se mariait. Elle aurait aimé entrer au bras de son mari mais elle irait avec le meilleur ami de celui-ci. Tous lui disaient de lui écrire, de s'expliquer, de donner des nouvelles, de parler. Qu'il comprendrait, que même s'il ne l'aimait plus, il aimerait leur enfant, il serait là pour elles. Aucun n'osait réellement dire s'il y avait une femme qui avait pris sa place mais les sous-entendus sont parfois plus clairs que les mots dits clairement. Alors même si elle ne s'imaginait pas avec un autre homme, elle savait que c'était fini. Elle ne pourrait jamais revenir en arrière. Et ce n'est pas ses cheveux brillants et son sourire qu'elle tentait de cultiver chaque jour qui y ferait quelque chose.

Il lui fallait juste une journée de plus. Une toute petite et elle lui écrirait. Au début, elle ne voulait pas lui écrire avant la naissance de Tartine. Si l'enfant ne survivait pas, elle ne voulait pas de nouveau lui annoncer l'horrible nouvelle. Mais Tartine ne semblait pas d'accord car depuis hier, elle faisait une fête d'enfer dans le giron maternel comme si elle était énervée. Alors ce matin, à peine levée, le petit être recommençait. Hier, elle avait cru que c'était parce que son père arrivait bientôt. Mais Lucus lui avait dit qu'il ne savait pas où il était.

Tout ça tournait dans sa tête. Elle se voyait déjà morte, assaillie par des reproches ou pire même. Elle voulait se faire croire qu'il serait violent. Mais c'était pour se trouver des excuses pour ne pas écrire. Est-ce que réellement ça pouvait être pire ? Pour le moment, elle se glissait une nouvelle fois dans un bain brûlant. Pour détendre son dos et son enfant. Enfin Tartine se calmait, bercée par la chaleur. Svan avait passé une bonne partie de sa journée à aider Fanette pour s'habiller pour son mariage, pour se coiffer mais surtout pour lui assurer que tout se passerait bien. Elle serait enfin mariée ce soir et elle aurait tout le temps de s'en faire dès demain. Ce demain que Svan appréhendait. Fanette avait beau lui dire que plus elle attendrait, plus ce serait difficile de parler, elle ne pouvait s'y résoudre. Elle aurait préféré mourir que de l'affronter. Parce que son coeur se briserait encore plus, parce qu'elle ne serait plus que l'ombre d'elle-même.

Ses mains massaient doucement son ventre rebondi. Tartine vivait et n'était autre que le fruit de leur amour. C'est pathétique n'est-ce pas de se retrouver dans cet état alors qu'on a parcouru les mers, les terres et bien d'autres choses plus difficiles encore. Fanette avait conté leur histoire d'amour à des voyageurs hier. Les larmes furent ravalées pour ne pas s'épancher devant tout le monde mais son coeur se brisait à mesure où les mots décrivaient leur amour parfait et indéfectible.

La tête en arrière, Svan regardait le plafond. Tout ou presque le lui rappelait. Même une rainure dans le bois ou une araignée sur les murs. En fait, heureusement qu'elle devait gérer les histoires de Fanette sinon elle aurait fini folle à toujours ressasser la même chose. Ses yeux passèrent sur la robe qui attendait sur une chaise. Elle avait dépensé un argent fou pour cette robe verte cousue de fils d'or. De la fourrure ornait le col et une ceinture dorée soulignerait la rondeur de son ventre. Elle aurait tant aimé qu'il la voit ainsi. Épanouie dans sa maternité et dans son écrin vert.

L'eau submergea sa tête et elle se perdit quelques instants dans le silence aquatique. Elle se retrouvait comme sa Tartine. Enfermée dans un milieu sombre et humide, elle se sentait bien. Il fallait qu'elle ressorte bientôt. La cérémonie allait commencer. Elle allait faire bonne figure encore une fois. Elle sourirait, elle serait heureuse pour son amie. Elle la soutiendrait. Elle vivrait une vie normale. La réjouissance des jours heureux. La joie d'un bonheur ordinaire.

En espérant que Roman ne fasse pas tout foirer.
Archibald_ravier
[L'amour est libre il n'est jamais soumis au sort*]


Mais en fait, si, fais pas ton malin, Guillaume* !
L'Archi avait sué une partie de l'après midi à fendre du bois, à rentrer du bois, à retourner en chercher, et à le ranger bien ordonné à côté de l'âtre. Il puait la sueur séchée et la fringue rance.
C'est donc muni d'une chemise et d'une paire de braies propres soigneusement pliées dans sa besace qu'il se pointa aux bains. Il passa un certain temps à choisir le morceau de savon qu'il allait utiliser, opta pour une senteur piquante de cèdre et de citron. Plus viril que la lavande. Elle aimerait surement mieux.
En tous cas, lui il aimait mieux.
Il déposa ses affaires sur un banc prévu à cet effet, prenant grand soin de ne pas froisser les propres, et roulant en boule les sales. Puis, le linge se bain ceint autour de la taille et le savon à la main, il s'avança entre les étuves, heureux de voir qu'il n'y avait pas grand monde. Il chassa d'un geste de la main la fille qui se proposait de lui frotter le dos et trouva à s'isoler. Il était tard, les bains fermeraient bientôt. L'eau n'était plus si chaude, ni même parfaitement propre, mais suffisamment claire pour qu'il décide de s'y plonger un moment, et en savoure la tiédeur.

Il ferma les yeux et renversa la tête en arrière, plongeant la crinière brune dans le bain, s'immergeant jusqu'aux oreilles.
Bon sang, il n'avait jamais été autant dans la merde qu'aujourd'hui. De toute sa vie.
Même quand il était parti de chez lui, du haut de ses seize ans, la nuit, avec juste les fringues qu'il avait sur le dos. Même les semaines qui avaient suivi, quand il crevait de faim et avait failli se faire prendre dix fois à voler les bourses des bourgeois.
Même un an plus tôt, quand il avait rencontré le blond qui allait bouleverser sa vie, il n'avait pas été autant dans la merde. Même en s'avouant à moitié que l'intimité qu'ils avaient n'était pas du tout celles de deux frères ou de deux amis, il n'avait pas été autant dans la merde.
Parce que maintenant, il aimait deux personnes. Un femme noble, et un garçon de son âge.
Que l'une venait de lui permettre de la courtiser sous réserve qu'il soit capable de demander sa main dans les six mois. Donc anobli en six mois.
Que l'autre devait accepter les choses, quoi qu'il lui en coûte, pour préserver leur secret, même quand chaque soir il venait se coucher avec un peu de l'odeur d'elle sur la bouche.
Bouche qu'il n'avait posé qu'une fois sur celle du garçon, un soir de colère, pour prouver ses sentiments sur un coup de tête, longtemps avant de réaliser qu'il aimait aussi la belle.

Bref, il était archidanslamerde. Pour longtemps. A vie, peut être. Du moins l'espérait-il, et c'était bien là le comble.
Dedans jusqu'au cou, et bien incapable de renoncer à l'un pour se consacrer à l'autre. Le beurre, l'argent du beurre, et le cul du crémier. Et de la crémière.
Bordel.

Dans l'eau tiède, il luttait contre les images qui assaillaient sa vision. Elle dans le plus simple appareil, à la lueur des braises mourantes d'un feu de camp. Lui en chemise de lin au creux de ses bras. Elle abandonnée alors qu'il récitait le credo pour la faire enrager. Lui lové contre son torse, feignant le sommeil pour laisser le temps de masquer la gêne de ce vît tendu alors qu'il ne devrait pas l'être. Elle penchée sur une tablette de cire, écrivant un message dont elle espérait qu'il ne pourrait pas le lire trop vite. Lui penché sur le tissu qu'il taillait, le matin, pendant qu'il s'entrainait à écrire à ses côtés.
Eux. Un au creux de chaque bras, lové chacun contre un de ses flancs, voilà ce que voulait son subconscient. Il en avait rêvé, une fois, et s'en était réveillé pantelant.

Très Haut tout puissant.
Il chassa les images. Récita le credo pour les chasser.
Mauvaise idée. Mauvaise idée. Le credo forcément l'invoquait, elle. Et lui, dans la foulée.
Lèvres pincées, il abandonna, et quelques gestes rapides, quelques vaguelettes plus tard, il mouchait dans un coin du drap ce qu'il ne voulait pas laisser dans l'eau, quand bien même était il le dernier à l'utiliser, et il se replongeait dans l'eau, les idées vaguement brumeuses.

Et, moins de la moitié d'une heure plus tard, il sortait du bâtiment, fleurant bon le cèdre et le citron, vêtu de frais, coiffé sobrement, la barbe taillée nette, en direction de la taverne de son aimée.
Puis, plus tard, il irait se coucher tout contre son aimé.
Jusqu'au cou.


*Guillaume Apollinaire,
L’ amour est libre il n’ est jamais soumis au sort
O Lou le mien est plus fort encor que la mort
Un coeur le mien te suit dans ton voyage au Nord.
Ombre de mon amour (1947), Adieu

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