Louis_marie
[Limoges - 29 novembre 1465]
- [Miss miss
Je t'aime et je crains de t'aimer
Encore longtemps chiches
Que tu ne me laisseras pas tomber
Qu'on fera du hors piste
Nus comme des vers sur les sentiers
De l'apocalypse
Qu'on va mourir sans s'oublier.*]
Deux chaises, un guéridon, des rideaux, un lit. Dans le genre chambre d'auberge, on fait difficilement plus banal et impersonnel. Pourtant, il y a ici quelque chose de plus profond, un secret et une intimité qui rendent l'observation et la description des lieux troublantes, presque gênantes. Peut-être est-ce dû au silence qui y règne depuis des heures, que seule vient briser la désagréable mais régulière complainte des ronflements masculins. Peut-être est-ce surtout lié à l'étroitesse de la pièce, qui force le regard à se poser sur ce lit aux draps froissés, d'où ne dépassent qu'une tignasse rousse d'un côté, qu'un tas de cheveux et de poils bruns bavant sur un oreiller qui n'avait rien demandé de l'autre. L'atmosphère n'est ni triste ni anonyme, simplement sereine, étrange quiétude à laquelle les protagonistes de cette histoire ne nous ont pas habitué.
Et d'ailleurs, il y a encore quelques heures, c'est l'ivresse plutôt que le repos qui vous habitait, en témoigne cette odeur d'alcool qui plane dans l'air. Cette odeur, tu la connais, elle t'accompagne partout et tu ne la remarques plus. Mais il y a autre chose dans cette chambre, une odeur qui n'en est pas une, quelque chose d'agréable qui pousse tout ton corps endormi à se retourner pour humer avec plus de facilité. Cette odeur n'en est pas une, parce que c'est un parfum. Parfum de chanvre, auquel s'ajoute quelques effluves de jasmin et d'autre chose que tu ne saurais identifier. En tout cas, c'est singulièrement familier. Et tu n'as pas besoin d'être éveillé pour comprendre que, puisque cette odeur n'est pas la tienne, c'est bien qu'il y a quelqu'un qui n'est pas toi dans ce lit. Comme pour confirmer ta déduction, ta paume lourde tâtonne à tes côtés, sous le drap, et finit par s'échouer sur ce qui semble être le tissu d'une chemise. Les paupières demeurent clauses, l'esprit endormi, mais la main s'attarde, caresse, explore un ventre qui, lui aussi, est singulièrement familier.
Combien de temps passes-tu là, endormi, la paume confortablement installée sur un corps qui la réchauffe, à moins que ce ne soit elle qui le réchauffe ? Peut-être quelques minutes, probablement quelques heures. Et enfin, LM, tu entreprends de quitter ce sommeil si confortable et ton oeil, aussitôt ouvert, est ébloui par trois constats, avides de ne pas laisser en paix un esprit tel que le tien. D'une, le jour est bien avancé, et le soleil transperçant les rideaux éclaire la pièce d'une lueur tamisée. De deux, elle est rousse. Pas la lumière, la fille sur laquelle ta main est posée. De trois... bordel, qu'est-ce qu'elle est bonne, ta soeur et néanmoins fiancée. Parce que, si soeur elle a toujours été, aujourd'hui fiancée elle est. Vous allez vous marier. Elle sera à toi, bientôt, très bientôt. Ce soir, pour être précis. Et ton visage n'a à avancer que de quelques centimètres pour venir embrasser la chevelure promise et enflammée, qui n'est pas la seule chose enflammée dans ce lit, à en juger par ta vigueur matinale.
Alors que tu t'extirpes péniblement de tes rêves et t'appuies sur ton coude pour observer à loisir l'endormie, tes doigts froissent la chemise de ta soeur, tâchant d'y deviner chacune des cicatrices qui barrent la peau nue, restes d'une souffrance que tu ne connaîtras sans doute jamais. Tels des adolescents idiots et joueurs, vous avez parié qu'elle te ferait céder avant que vous ne soyez mariés. Elle va perdre, et tu vas gagner. C'est, du moins, ce que tu crois. À moins... à moins qu'elle n'ait déjà gagné et que tu ne t'en souviennes même plus. Ce qui est fort probable, si l'on en juge à cette nuit que vous venez de partager. Mais enfin, aussi flous les souvenirs de la veille soient-ils, on n'oublie pas ces moments-là. Tu fronces légèrement les sourcils et vient consoler ton inquiétude dans le cou d'une Gysèle endormie. À ce rythme, elle va se réveiller, LM. Oui, et c'est bien là ton intention. Devrais-tu assortir ce réveil d'un "bonjour" ? Peu importe, tu y renonces, estimant que la chaleur de tes lèvres dans son cou, de ta paume sur son ventre et de ta virilité contre sa cuisse constituent un salut tout à fait suffisant.
Le titre de ce RP nous a gentiment été offert par LJD Evroult.
*Benjamin Biolay.