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[RP] La honte en linceul

Isaure.beaumont
[Saumur by night]

Ma petite, ma si petite, ma toute petite. A l’heure où les honnêtes gens auront gagné les bras de Morphée, je viendrai. Je viendrai t’arracher à ce berceau funeste, à ce tombeau glacé que t’offre la terre angevine qui t’a dissimulée tant d’années. Et de mes bras et de mon cœur, je tenterai vainement de te réchauffer.

Une étrange silhouette guettait depuis l’angle de la rue l’hôtel St Florent, cet hôtel qui avait été presque dix années plus tôt le théâtre d’un drame familial, étouffé et dissimulé par l’orgueil d’un époux impitoyable.

A l’étage, de cette chambre qui avait enfermé le lourd secret d’une naissance honteuse et d’un odieux échange, s’échappait une faible lueur : L’hôtel était de nouveau habité. Elles devraient redoubler de prudence. Et soudainement, alors même qu’on avait soufflé les bougies, l’obscurité toute entière les enveloppa, accentuant la tension déjà palpable.

Fragile enfant, trahie par ton sang, ignorée des tiens. Me pardonneras-tu ce si grand retard ? Je viens dix années trop tard. Je te bercerai contre mon cœur, je te chanterai une berceuse pour taire tes angoisses, et les miennes avec. Je viens te dire adieu mon enfant, et t’offrir ce repos éternel qui t’a jusque-là été refusé.

Une main dans celle de Dana, l’autre portant la pelle préalablement empruntée à l’insu de son propriétaire, Isaure expira douloureusement l’air qu’elle contenait depuis trop longtemps déjà. Il faisait nuit noire, et froid. Si froid.


- Dana… J’ai peur.


La voix était étranglée et tout son être tendu. Il était l’heure, l’heure de marcher vers cette tombe ignorée, vers ce linceul de glaise et de feuilles. Elles devaient la retrouver, qu’importe le prix, qu’importe d’être prise en flagrant délit. Aussitôt l’auraient-elles découverte, elles iraient la porter en terre consacrée, pour lui permettre de connaître enfin le repos éternel. La précédente entreprise, menée en concert avec l’anglais, avait été un lamentable échec, anéantissant espoirs et avenir. Mais cela n’arriverait pas.

Douce enfant, il n’y a pas un jour sans que je ne pense à toi. Si tu savais comme j’ai honte de n’avoir pas su reconnaître mon propre sang, si tu savais comme je m’en veux de l’avoir aimé lui, ce fils de rien, ce fils d'une autre, quand tu gisais ici, sans mes prières pour t’accompagner, sans mon amour pour te protéger.

Dans la nuit silencieuse, les silhouettes siamoises entreprirent de s’introduire dans les jardins de l’hôtel. L’opération fut délicate. Le muret qui ceignait la propriété n’était pas si haut, mais représentait un obstacle considérable lorsque l’on portait des jupes ou que l’on était manchote. Et bien plus encore lorsqu’il fallait passer en silence de lourdes pelles et cela, dans la nuit la plus parfaite.


- Je ne vois rien !


Rien. Noire. Et la panique qui commençait à la paralyser. Respire, Isaure, respire. Songe à l’enfant, cocentre toi sur ton objectif. Elle repensa alors à cette leçon nocturne que lui avait dispensée Archibald. Ne pas regarder le ciel, ne pas chercher la ronde et réconfortante amie du regard, sans doute dissimulée derrière d’épais nuages. Alors, ses yeux s’habituèrent à l’obscurité et bientôt, elle put entraîner la sœur de cœur d’un pas plus assuré.


- Rosalinde m’avait dit l’avoir enterrée au pied de la glycine. C’est là que nous avions creusé, en juin dernier.


Elle désigna une glycine dénudée qui courait le long de la façade, jeune et frêle.



-Je ne comprenais pas pourquoi… Je ne comprenais pas pourquoi nous ne l’avions pas trouvée, mais je me suis souvenue, il y a peu, qu’il y dix ans, la glycine s’élevait ici. Elle a dû être déplacée, ou remplacée. Nous creuserons donc là.


Et le premier coup de pelle fut donné à l’endroit approximatif où quelques années plus tôt s’épanouissait encore une glycine luxuriante, entamant à peine le carcan de terre congelée.


Me voilà, mon sang. Me voilà, ma vie. Je suis tout près, Maman est là.





[Titre by JD Judas

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Feu.judas.von.frayner
𝔗𝔢 𝔰𝔬𝔲𝔳𝔦𝔢𝔫𝔰-𝔱𝔲, 𝓘𝔰𝔞𝔲𝔯𝔢?



Dix ans plus tôt, en Anjou, Isaure Von Frayner née Wagner, la Beaumont, la Miramont, Isaure la seizaine éffrontée, la langue tranchante et Anaon la Roide enfantent toutes deux des enfants respectifs de Judas Von Frayner.

L'adolescente est une piètre épouse, malgré quelques efforts pour se faire aimer de son époux, résolument froid et distant. L'a t-il touchée plus de deux fois depuis leur mariage arrangé? A-t-il posé une fois ses yeux sur elle sans la mépriser un peu? Ses mains sur elle sans la violenter un peu? Ou pire. Ce qu'il dût prendre, il le prit. Et sans ombre d'empathie.

Judas n'est qu'apparences. Et dans la mouvance de ses humeurs, Isaure n'est qu'un obstacle à son bonheur. A la liberté qu'il n'a jamais voulu céder. En public, il supporte sa jeune femme, dans le masque confortable d'un mariage comme tant d'autres. Dans l'intimité, le satrape est un mari absent, volage, et ses retours au domaine font trembler domestiques. N'est que ses chiens, créatures adorées du veneur pour gratter un peu de son affection. Von Frayner s'est établi poison dans la vie fragile d'une gamine qui n'a pas voulu de lui, qui s'est, elle, établie écueil à sa soif de liberté. La vie tranquille dans le giron froid du Bourguignon n'a jamais été qu'une gageure.

Il fait froid en ce mois de janvier sur l'Anjou. Les temps sont tourmentés, la guerre gronde, l'épidémie s'étend. Il pleut battant. Judas est au lit d'une Maîtresse Bretonne, lorsqu'il apprend la naissance imminente de ses enfants. C'est dans ce contexte difficile que le triptyque s'établit.

Obsédé par le désir brûlant d'avoir un garçon, un aîné fort et vigoureux, Judas Gabryel Von Frayner prend la route de l'Hôtel particulier, qu'il foule du pas froid de sa monture, à brides abattues . Un enfant mâle, sur lequel il étendra son pouvoir comme les nuages qui couvrent la promesse du ciel, un garçon qu'il élèvera avec une fierté égocentrique, Narcisse engendrant son reflet.


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- Est-elle toujours aussi pâle et amaigrie? S'est-elle sustentée ce matin, ou a-t-elle rendu son repas?
La maladie l'aurait donc fait accoucher avant l'heure? Crie-t-elle pour encourager l'arrivée de mon fils?
[...] Faites apporter le berceau! Et annoncez ma venue prochaine à Saumur,
cela aidera ma femme à accomplir son devoir plus sereinement.


- Judas Von Frayner-
Rp " Le triptyque d'hyménée"

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Don.
Saumur, berceau des enfants perdus. Combien étaient-ils ? Cachés là, sous une terre de glycines, sous un palpitant affecté ?

Il y a Isan, il y a les autres.
Il y a Alienor, il y a les autres.


Une année s'est écoulée depuis que le lien désormais inaltérable entre les siamoises, s'était crée. Une année de partage. Les rires, les confidences, les coups, le sang, pactes et baisers. C'était elle, sa sœur. C'était pour elle que Dôn pourrait affronter démons et angoisses. Alors, même si les réconciliations étranges avec l'anglais, l'avait secouée au point d'hésiter à changer l'heure et même la nuit d'une telle épreuve, rien ne fut fait.

C'est donc à la nuit tombée, le soir espéré et spectatrice d'une âme aux larmes sèches que Dôn se retrouve pelle en main. Lourdeur au cœur.
Isaure avait parlé. Avant de s'engager dans cette quête éreintante. Pendant le trajet aussi. Après le parcours, jonché d'obstacles dont le pire était de résister. Ne pas céder à la peur, et l'envie de reculer. Il lui fallait poursuivre, accomplir et assouvir ce besoin du bien.

Lorsque le premier coup de bêche vient frapper le sol gelé et répandre un ébranlement infime sous racines, la douleur d'une mère esseulée frappe l’œil chagriné de la Kerdraon. Une seule envie vient l'étreindre, celle d'enlacer la silhouette face à elle, qui dans cette transe attendue ne voit pas la danse qui se profile autour d'elle. Les cieux sont alourdis de chagrin, les étoiles manquent à l'appel. D'étranges effluves virevoltent autour des deux femmes, déposant sur leurs épaules les cendres des regrets passés.

Il fait froid. Isaure ne cède pas. Dana l'accompagne enfin.
Plusieurs coups assènent, mère de la Terre, engeance de la féminité, creuse... Creuse et déterre ce que tu n'as pas su porter. L'amie est bien mal nommée, si les glycines sont fertiles, pourquoi venir déterrer un être qui avec elles, s'est peut-être envolés, germant là, ou ici, ses graines de vie ?


Isaure.
Je.. Je ne vois rien. Le poids des années, le temps et le mouvement. Il faut chercher, plus profondément. Et élargir, aux côtés.
Reposez-vous, je vais continuer. Le froid ne prend pas mes doigts, ils sont de bois. Vous, il vous faut du repos, ensuite vous pourrez. Ensuite, vous.. Isaure, regardez...
.


Les azurites s'abaissent lorsqu'un doute s'empare de la fossoyeuse improvisée. Tout est en suspend, même ses paroles renoncent à leurs éclats. Lippes bleutées s'entrouvrent pourtant, et une respiration doucement sifflante accompagne le son du silence.

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Isaure.beaumont
Elle l’entendit, mais elle ne l’écouta pas, sourde à ses incitations. Comment pourrait-elle se reposer alors que son enfant était là, à quelques pelletées d’elle. Elle continua à meurtrir le sol comme son cœur l’avait été lorsque Judas lui avait révélé l’existence de leur fille, avalée par cette terre maudite et la vérité sur ce fils parjure qu’elle avait profondément aimé. Elle l’éventrait du tranchant de l’outil, avec une violence mal contenue, comme si elle la dirigeait vers son époux aujourd’hui disparu, comme si elle pouvait l’atteindre par-delà la mort, dans l’unique dessein de lui retirer le fruit de leur union malheureuse.

Vous êtes là. Je vous sens, je vous ressens. Ce souffle glacé, ce frisson qui m’ébranle. Vous êtes là mais vous ne m’en empêcherez pas, plus jamais. Demain, Judas, demain je n’aurai plus peur de vous.

Elle était glacée jusqu’à la moelle, comme si le venin judéen s’insinuait encore en elle, irrémédiablement. Lent poison qui avait fait son chemin dix ans durant, ne la laissant jamais vraiment en paix. Judas, époux honni et dont elle aurait pourtant voulu se faire aimer.

Vous vouliez me brider, je voulais me faire apprivoiser. Je vous voulais dévoué, vous me vouliez asservie. J’ai tenté de vous aimer, j’ai voulu vous plaire. L’aviez-vous seulement remarqué ? Aviez-vous prêté attention à mes efforts les premières semaines de notre mariage ? Non, bien sûr que non, vous n’étiez jamais là, désertant ma couche et ma table. J’ai mangé seule, j’ai dormi seule et je me suis lassée. Tant et si bien lassée que je vous ai déclaré la guerre. Si vous m’aviez regardée, Judas, si je m’étais sentie désirée et désirable, sans doute aurais-je pu devenir votre plus grande alliée et alors, sans connaître une parfaite sérénité, nous aurions au moins pu connaître quelques heures de paix et de légèreté.

La voix de Dana l’arracha à son triste monologue intérieur, avec un fantôme absent. Elle s’accroupit alors pour regarder ce qui avait interpellé sa siamoise.


- Oh mon dieu, Dana, croyez-vous que… Pensez-vous que…


Elle se laissa tomber à genoux sur la terre déblayée, et abandonnant sa pelle, elle entreprit de dégager ce qui semblait être une couverture, extrayant des poignées de terre, des gravats en tout genre.


- C’est elle, Dana. C’est elle. Regardez. Notre blason, c’est notre blason familial ! Je vais la voir, Dana, je vais la voir !

Elle avait tant de fois imaginé cette rencontre : elle creusait la terre, découvrait le petit corps inanimé mais encore frais d’un ravissant poupon et à force de pleurs et de prières, il reprenait vie, dans ses bras, contre son cœur. Mais la réalité était toute autre : plate. La couverture était désespérément aplatie. Elle passa les mains en dessous, faisant abstraction des insectes qu’elles pourraient rencontrer et souleva le précieux paquet, l’émotion l’étreignant. Elle étouffa un sanglot, tandis qu’elle remontait les restes de cette enfant qu’elle n’avait jamais connue.

Qu’avez-vous fait, Judas ? Que nous avez-vous fait ? L’avez-vous seulement pleurée ? Son souvenir vous a-t-il hanté ? Je me suis souvent demandé si vous l’aviez tuée. L’avez-vous fait ? L’avez-vous privée de sa vie comme vous m’avez privée de mon deuil ? Vous m’avez empêchée de connaître son visage, de lui donner un nom. Vous l’avez condamnée à errer seule et ignorée de tous. Et vous, Rose, vous avez participé à cette atrocité. Vous l’avez enterrée tel un chien. Vous avez cautionné. Avez-vous pu dormir en paix toutes ces années ?

Les fesses à même le sol humide, elle berça frénétiquement le tas d’os qui avait composé autrefois ce petit corps trop rapidement refroidi et inconnu. Inconnu et pourtant familier. Elle l’avait porté neuf mois durant, avait vécu et respiré pour elle et avec elle.


- Ma toute petite, ma vie, mon cœur, pardonnez-moi, pardonnez-moi. Petite Aliénor, pardonnez-moi de n'avoir pas su vous rendre plus robuste, de ne pas avoir su comprendre que vous n'étiez plus, de vous avoir donné un monstre pour père, d'avoir été une épouvantable mère.

Recroquevillée sur ce qu'il restait de l'enfant, enroulée dans la couverture qu'elle avait brodé à son nom, elle baptisa de ses larmes qui dévalaient la pente abrupte de ses joues la dépouille osseuse de sa fille.

- Il nous faut rejoindre le cimetière. Nous devons la baptiser !
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Feu.judas.von.frayner



𝔐𝔬𝔦, 𝔧𝔢 𝔪𝔢 𝔰𝔬𝔲𝔳𝔦𝔢𝔫𝔰.


[ Contournant le charnier repoussé à l'extrême limite des murailles Judas observa le ciel au rouge déclinant. Isaure avait-elle mit au monde son fils depuis cette heure déjà lointaine où 'on lui avait rapporté l'entreprise en route? Etait-il brun aux yeux bleus, comme il le désirait? Son teint était il pâle, et pourtant ses joues roses? Le lit de ses pensées fabriqua de toute pièces un visage de nouveau né éveillé et respirant la santé, des cris de vie époumonés trahissant une grande vivacité. Enfin. Trente cinq ans et Judas Gabryel Von Frayner devenait père, s'enfonçant un peu plus dans le droit chemin que sa suzeraine lui avait creusé, des mois plus tôt. Un pressentiment nouait ses tripes d'orgueil, visible sur ses traits et jusque dans sa façon de marcher soudain. Le Très Haut lui donnerait une descendance prometteuse, devrait-elle jaillir des derniers spasmes fourbus d'une gamine mourante. Isaure aura au moins avant de mourir apporté un soupçon de positivité dans sa vie. ]




Oh, Isaure pouvait creuser. Creuser jusqu'aux entrailles de la terre, que celle-ci n'avait pas daigné léguer au petit corps à peine venu au monde. L'ironie terrible de la vie de Judas, c'est que par delà la mort, il siégeait encore. Condamné à bercer cette enfant dont il n'avait pas voulu. Et dont la nature elle-même, n'avait pas trouvé convenable de le doter.

Le seigneur avait été dispendieux de toute chaleur à l'encontre de sa si jeune épouse. Jamais une once d'affection n'avait su traverser son regard, lorsqu'il se perdait, pensif, sur le visage tendre de l'Isaure. Et cette nuit là, il avait été accueilli sans cris. Sans pleurs. Dans le silence tombal d'une naissance qui ne remuait presque plus. Le froid qui avait traversé ses tripes lorsque Rosalinde, son limier, avait annoncé le sexe de son engeance n'avait d'égal que la tempête qui s'était abattue sur l'Anjou. Brisant friables, s'il en restait, les minces espoirs d'apprécier un jour sa jeune épouse. Aurait-elle payé de sa vie cet affront éternel que le seigneur en aurait été apaisé.

Mais l'Isaure s'était accrochée à la vie. Aussitôt évanouie après sa délivrance, elle avait laissé les deux acteurs de son drame jouer la scène décisive. Comploter, et nouer l'intrigue pour la laisser à son réveil, la plus cruelle des victimes.

Non Isaure, il n'avait pas tué votre enfant. Non, Isaure. C'est la vie, trop faible, qui l'avait fuit avec sagesse. Pour lui éviter qui sait, le tourment d'avoir pour père ce que vous avez eu de moins aimant. Et le sceau de ce drame avait été apposé dans la folie complice des deux amis liés. Cousant le secret dans le linceul, comme on entérine un pacte de paix. A l'avantage de qui, cela... L'histoire l'aura conté.


Lorsque la jeune femme avait extirpé de sa matrice au prix de sa vie l'enfant mort né, non loin, la Maitresse elle, avait délivré un enfançon bien vivant. Un garçon. Ce beau et majestueux enfant d'Anaon. Valait-il cette petite chose, déjà essoufflée de naître, balayée d'un revers d'agonie? Plus que de raison. Et de raison, Judas était dénué, comme de compassion. Il avait ordonné que Rose se débarrasse de cette enfant. Stupide Rose qui avait faibli, jusqu'à affubler la dépouille d'un prénom ridicule avant de l'enterrer sous la glycine. Sybille. Elle s'appelait Sybille. L'enfant qui n'aurait jamais existé lorsque sa mère sortirait des limbes. La petite preuve insolente d'une rature, dans ce mariage désolé.

Il était tard lorsque le satrape, après avoir cavalé sans s'accorder de répit était arrivé à Brissac... Il était bien trop tard pour faire machine arrière.



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- Vous croyez que nous devrions...


Rose désigne Isaure du menton.

- Elle est malade, j'ai peur d'empoisonner la petite.

Il revint à l'enfant, se détournant de son épouse.

-Et impossible de trouver une nourrice ou une matrone dans tout Saumur.
- Regardez son visage... Isaure l'aurai délivrée malade...


La jeune femme caressa doucement le front de l'enfant, agacée par le Von Frayner.
Celui-ci tendit finalement une main vers l'emmaillotée, réclamant son dû.
Sa voix perdit toute once de hargne, amoindrie par le poids de ses propres mots.


- Qu'attendre d'une épouse si jeune, et mourante...
- Là, pliez votre bras.
- Sinon... Un enfant trop jeune, et mourant.


Il prit sa fille, malhabile, passant son cuir sur le bombé de son front juvénile
et poursuivit, le ton de plus en plus flegmatique.


- Seigneur, elle m'a donné une fille...
- Elle aurait sans doute préféré un mâle.


Sa main se figea sur le visage poupin, et Frayner ferma les yeux.

- Elle m'a donné une fille morte.




- Judas Von Frayner, Rosalinde -
Rp " Le triptyque d'hyménée"

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Don.
Il n'avait jamais été question d'un cimetière dans l'esprit de la trop naïve Kerdraon. Venir extirper l'enfant de son cercueil improvisé était là l'unique but envisagé. Pourquoi n'avait elle jamais songé à la suite ? Il y avait fatalement une suite, Alienor ne pouvait tout simplement pas rester avec elles, ni se voir retrouver la terre froide à peine quittée.
Décontenancée par la scène se déroulant sous ses yeux, Dôn se fait muette spectatrice. L'air est si lourd soudainement, qu'aucune parole ne parvient à franchir ses lippes. Poussières virevoltantes abandonnent les airs et leurs épaules pour laisser place à la rancœur, et la si forte douleur. Lourd fardeau à porter. Et lorsque sa courageuse amie vient étreindre les restes d'un cadavre décomposé, s'en est trop pour la Bretonne qui difficilement, étouffe sanglots en fond de gorge. Perles translucides dévalent ses pommettes blêmes, les fossettes elles, se creusent quand les lèvres se pincent. C'est le chagrin d'Isaure, c'est le destin d'Isaure, ce n'est pas à Dana de flancher, jamais. Alors le corps tendu, quelques piétinements sont faits jusqu'à se retrouver au plus près de sa siamoise tant aimée. Si d'une main elle n'ose la toucher, d'une présence elle veut lui assurer son soutien.

Pensée qui jamais ne franchira sa bouche, se répand pourtant dans tout son être, espérant traduire les mots silencieux par quelques gestes maladroits. Regards rougis mais sincères, sourires honnêtes.

Je suis là, ne pleure pas, je t'en prie... Je suis là, et jamais il ne sera possible d'admettre la douleur, ta douleur. Tu es forte. Ne pleure plus. Je suis là.


Après plusieurs minutes de marche, les deux comparses atteignent le repère des cryptes, nécropole désirée.
C'est ici que la mort vient déposer le dernier baiser ? C'est ici qu'égocentrique, et possessive elle vient bercer ses enfants volés ? Aucun ne lui échappe, elle se rit bien des épouses, amants, filles, pères ou mères esseulés. Ce qu'elle veut c'est s'approprier, épousant quiconque pourrait offenser son appétit insatiable. Judas et Rosalinde pactisaient avec cette engeance du ciel, l'unique étoile à haïr, l'Ankou incarné.

Tombe après tombe, la transe reprend. L'air se fait sec, et vient par un vent régulier, fouetter le visage des croque-morts associés.
Pas celle-ci, ni celle-la.
La nature reprenait ses droits sur la plupart d'entre elles, tombeaux enracinés, stèles brisées, caveaux déterrés. La mousse bouffait la pierre, les racines semblaient être celle du mal lui même. Elle riait alors, la faucheuse aux milles tentacules ? A en tordre boyaux, et mausolées ?

Mais vint enfin leur providence. Sous un arbre nu, une dernière demeure potentielle. La terre retournée semblait appeler l'enfant reposant encore dans les bras de sa mère. Une croix claire venait parfaire le décor. Tout semblait pur ici. Alienor devrait-elle cohabiter pour ne plus souffrir d'une solitude imposée par l'ingratitude d'un père désormais macchabée au même titre que sa fille ?


Isaure...

Il est là, cet ultime habitat.
Ici, elle est chez elle.

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--Feu_judas.von.frayner
Isaure avait été la plaie d'un Judas sans croix. Et leur engeance n'avait pas survécu. Pourquoi s'accrochait-elle encore à ce fruit, tombé de l'arbre à la greffe malsaine? Ils n'avaient jamais été faits d'un même bois. N'avait jamais su se parler. Elle, trop jeune pour être raisonnable, lui, trop impatient pour le temps lui laisser. Isaure avait été son carcan, sa petite épouse écervelée. Affublée par tous les villages du duché d'un surnom équivoque: Tyrannisaure.

Y avait-il quelqu'un, hormis sa chère cousine Clémence de L'Epine qui pouvait à l'époque la supporter? Maintenant qu'elle avait vieilli, avait-elle changé un peu? Cette mère sans enfant? S'était-elle assagie, lorsque lui avait passé à trépas, sainte ironie, empoisonné par l'un de ses amis? Un convive. A la table de son banquet. Si Isaure n'avait pas été aimée, elle n'avait pas eu non plus le plaisir de voir son époux mourir, comme il a souhaité si fort la tuer.

Les années à vivre avec elle, bien que fuyant le manoir, déménageant à loisir et préférant la compagnie de ses maîtresses avaient fini par corrompre la patience terne de leur mariage. Le plan , dernier acte de l’impétueuse scène de ce Ménage in-miscible avait été échafaudé. Monstre, le seigneur avait pris à Isaure son enfant par deux fois. Cruel, Judas s'était compromis, à force, Pour un peu de silence .

Lui offrir la mort des mains si expertes de son jeune limier était un cadeau qu'il se faisait et qu'il pensait lui faire. Il avait entamé leur union dans la violence, et y avait aussi mit fin, despote égoïste, dans la violence . Les noces d'ailleurs n'avaient-elles pas été à l'image de leur vie conjugale? Peuplée de trop de gens, et de trop de faux semblants?

Ah vraiment. Laisser à la terre tout ce qui avait résulté de ce carnage consacré aurait été bien mieux, Isaure...



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Cher Ami, je puis désormais vous appeler ainsi puisque nous en sommes à nous offrir des présents.

Je tenais à vous remercier personnellement du charmant cadeau que vous m’avez fait parvenir de si bon matin.
Quel plaisir à mon réveil de voir que vous aviez pensé à moi. Quelle morbide attention qui se prête si bien aux temps présents.
J’aurais préféré que vous m’offriez là la tête de ce vil usurpateur qui nous pousse à la guerre, et ainsi me prive de mon précieux confort,
mais soit, je me contenterai de ce modeste crâne d’esclave maure.
Quel crime a-t-il donc bien pu commettre pour que vous le punissiez ainsi ?
Il m’avait l’air d’un brave homme.

Souffrez-donc que je vous retourne ce petit morceau de chair maure,
et acceptez de l’enterrer –corps et tête – tel le bon aristotélicien qu’il se devait d’être.
Vous me pardonnerez sûrement la suite.

Que le Très-Haut vous garde,

A ne jamais vous revoir,

Isaure Wagner

PS: Je vous avais sous-estimé.

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De Isaure à Judas , RP
"L'innocence est blanche, l'Arsenic aussi"



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Beaumont
Dans l’obscurité qui les enveloppait, les deux jeunes femmes avançaient dans un funeste silence. Insensible à l’air glacé qui venait leur mordre la peau, Isaure suivait le bretonne, l’air absent, prodiguant toute sa chaleur à ce petit être, petit tas d’os, qui n’en avait plus besoin depuis bien longtemps. Elle fredonnait tout bas, au secret de son cœur, une berceuse, triste complainte d’une mère éplorée, les yeux rivés sur cette couverture qui ne cachait aux rayons d’une lune timide, qu'os et poussières. Les nuages s’étaient étirés et laissaient filtrer en quelques trouées la lumière de l’astre nocturne, éclairant faiblement le chemin de traverse qu’empruntaient les deux complices.

Elles avaient marché longtemps, ralliant un cimetière à un autre, errant entre les tombes à la recherche de l’emplacement idéal. Si les premiers n’avaient présenté aucune opportunité satisfaisante, le quatrième cimetière visité avait offert un espoir. Au pied de l’église, un alignement de tombes fraîchement creusées avait attiré leur attention. Elle avaient alors entrepris de creuser un discret sillon dans la saillie de terre mise à nue. Elles avaient mis tout leur coeur à l'ouvrage et dans l'effort leurs pelles s'étaient heurtées et avaient vibrées d'un sourd aigu, trahissant leurs présences. Un chien du voisinage avait alors lancé l'alarme et bientôt une voix s'était élevée dans la nuit.


- Qui va là ?!

La lueur tremblotante d'une lanterne avait illuminé l'entrée du cimetière et les deux amies, le coeur affolé, avaient ramassé leurs fardeaux de fer et d'os et avaient pris la fuite sans attendre, se cachant derrière les croix pleines jusqu'à sortir enfin du jardin des morts. Usées, transies, elles avaient poursuivi leur route à la recherche d'un nouvel asile. Et c'était là qu'elles en étaient donc, dans un nouveau cimetière, à rechercher la demeure éternelle d'Aliénor-Aurore.

- Isaure...

L'oeil isaurien s'arracha à sa vaine contemplation de la petite couverture pour se river sur la silhouette amie avant de suivre la direction qu'elle indiquait. A l'est d'une petite chapelle fatiguée, sous l'ombre bienveillante d'un vieux pommier, une tombe récemment investie n'attendaient plus que l'enfant. Sur la croix de pierre, l'on pouvait lire:"Ci-gît Josette Langevin, épouse et mère aimante, morte en couches". Leurs regards se croisèrent et d'une entente tacite elles se saisirent de leurs pelles. Le cimetière envahi était éloigné des habitations et après s'être assurées d'être entièrement seules, elles avaient entrepris la violation de la sépulture dans un silence des plus religieux. Quand le trou fut suffisamment profond et qu'elles commencèrent à deviner le linceul de celle qui fut emportée par l'enfantement, elles posèrent leurs outils.

Beaumont s'agenouilla alors dans la terre fraîche, invitant Dana à la rejoindre. Elles restère immobiles quelques secondes, contemplant cette incision terreuse qui contiendrait bientôt le trésor d'une vie brisée. Glissant ses colbats obscurssies par la nuit sur la couverture, elle chuchota à sa compagne:


- Il n'y a pas meilleur endroit pour qu'elle repose enfin en paix. Elle trouvera ici une mère pour l'aimer dans la mort. Elles ne seront plus jamais seules. Jamais. Ni l'une, ni l'autre. Elle gagne une mère pour la bercer, et elle, une fille pour combler son coeur. Pouvait-on rêver meilleur repos ?

Elle se redressa alors pour aller récupérer les restes de sa fille et revint aux côtés de la Maëlweg.

- Vous serez un peu sa marraine. Pour l'occasion.

Elle plaça sans cérémonie mais délicatement les précieuses reliques dans les bras d'une bretonne au palpitant bouleversé, avant de venir extraire de ses poches un petit flacon d'eau bénite. Elle commença à réciter d'une émotion mal maîtrisée le crédo, invitant d'un regard Dana à l'imiter, poursuivit avec un confiteor saccadé et termina par une prière improvisée.

- Mon... mon... mon P...père, pardonnez-nous aujourd'hui de... de... d'outrepasser nos droits en baptisant ce qui n'a pu l'être. Accueillez dans votre lumière cette petite âme perdue.

Elle écarta les pans de la couverture et vint arroser le trésor dévoilé de l'eau bénite.

- Bénissez cette enfant sacrifiée et pardonnez-lui les péchés de ses parents. Enveloppez-la de votre Amour.... Amen ? Amen.

Elle récupéra avec douceur la couverture qu'elle serra contre son coeur. Le regard se perdit dans ce trou obscur dans lequel elle plongerait cet enfant. Elle imagina, un instant, juste pour quelques secondes, la rondeur d'un corps potelé sous les couvertures, la vigueur de ses petits membres qui s'agitaient, la chaleur de ses yeux pétillants et le son de l'éclat de son rire . Et le regard alors brouillé de larmes, ce ne fut pas un squelette qu'elle déposa tout au fond de cette tombe, mais bien cet enfant dont son esprit lui projetait l'image, trop réelle pour ne pas être douloureuse.

Elle resta longuement les genoux dans la terre à fixer le linceul de la honte, le corps secoué par les sanglots du désespoir, incapable encore de jeter au visage du poupon fanstasmé la première poignée de terre, incapable d'ensevelir définitivement son souvenir. Elle était si belle avec ses fins cheveux bruns, ses grands yeux rieurs et ses charmants babillements. Et le silence se fit dans son esprit: Dana, main salvatrice, la délivrait du premier geste infanticide. Elle l'imita et bientôt, elles en furent à pousser la terre à pleines mains. Enfin, ce fut comme si rien ne s'était passé: la saillie terreuse avait retrouvé sa forme bombée.

Seules la lune et la chouette, témoins discrets de leur méfait aristotélicien, connaîtraient la vérité de cette nuit-là. Et si Isaure resta encore un instant auprès de la tombe, se furent des sanglots libérateurs qui l'ébranlèrent encore quelques minutes. Dana s'était retirée un peu plus loin, la laissant à ses adieux. Après un dernier effort pour se relever, elle contourna la croix neuve, et à l'aide d'un caillou elle vint tracer à son dos, là où personne n'irait jamais voir: "Ci-gît Aliénor-Aurore Von Frayner, petite âme envolée trop tôt".

Elle rejoignit alors Dana, et se retournant une dernière fois, elle contempla la dernière demeure de sa première née. Et l'âme en paix, le coeur en guérison, elle repartit aux côtés de sa fidèle amie, épaule contre épaule, dans un silence pudique.

FIN



RP écrit avec l'accord de JD Dôn.
Merci à JD Don et JD Judas pour ce RP
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