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Info:
Heure d'être prise par les doutes Heure d'être sous l'emprise d'un intuition Heure de fuir ce que je redoute Heure d'être déchirée par cet abandon Heure de choisir de reprendre la route Heure d'avoir bel et bien pris sa décision

Rebrousser chemin... ou laisser la vie suivre son cours

Frangipane
Extrait du journal de Frang, le 02/07/1465 :




La route est longue, aujourd'hui. Nous marchons en pleine nature, sur les chemins et dans la forêt, rencontrant parfois quelques ruisseaux. Le voyage fut calme, tandis que nous marchions en pleine nuit, repartis bien vite de l'abbaye. Nous sommes tombés sur un feu de camp. A peine avait-on attelé les chevaux que tous s'y sont aussitôt étalés et endormis comme des bûches. Je suis restée assise, éveillée comme à mon habitude lorsque la nuit est encore bien calme et son air bien frais. Les grillons et grenouilles chantaient paisiblement tout autour de nous. Un petit vent jouait avec les hautes herbes tandis que je m'approchai de Gabrien et lui prenais la main. Cette fois-ci, c'est moi, songeais-je. C'est moi qui est totalement éveillée, dans l'obscurité de la nuit. Je l'ai serrée, peut-être un peu trop longtemps. J'étais sûre qu'il dormait, épuisé qu'il était par le voyage. Je l'entendais à sa respiration, et cela me faisait sourire. De toute façon, s'il avait été réveillé à ce moment, il m'aurait suivi. Et il ne l'a pas fait, lorsque j'ai à nouveau emprunté le chemin par lequel on était venus, dans le sens inverse. J'étais à nouveau emportée par cette envie de partir, comme ce jour où j'avais dix ans et où j'avais eu cette intuition, impossible à contrôler. Je voulais y retourner. J'avais longuement réfléchi à notre conversation d'hier. Il ne comprenait pas, et personne ne comprendrait jamais cette peur que j'ai, tout au fond de moi, de tisser des liens. J'ai peur du moment où ça casse, et de ce qui s'ensuit. C'est bête, car je l'ai senti venir, et c'est dire si cela ne m'est presque jamais arrivé. Je ne savais pas comment, exactement, je retrouverai le chemin, mais je le ferai. J'en étais convaincue. Je referai comme toutes ces fois où j'ai disparu, quelques jours à peine après mon retour au village, sans que personne ne sache visiblement pourquoi. Il m'a pourtant dit d'y rester. Que cela était nécessaire, que c'était ma place. Et que je ne le regretterai pas. Mais il m'est difficile de le croire vraiment. J'ai marché ainsi, une heure, peut-être deux, et alors que le chant des oiseaux commençait à se faire entendre, je me suis soudainement arrêtée. C'est trop bête, me disais-je. Je ne peux pas faire de ma vie un aller-retour constant. Cela m'apparaissait à présent comme une évidence. Je ne peux pas ne pas la vivre. Si c'est ma destinée, que de la vivre, si c'est dans ma nature puisque je suis née vivante, je dois la vivre. Je me souviens, il m'a dit que cela ne dépendrait que de mon choix. Uniquement de la décision que je finirait, à un moment ou à un autre, par prendre. Je suis revenue sans réfléchir, j'ai cru que c'était le bon coup, que c'était facile. Je me sentais si légère, en leur compagnie. Mais non, je m'y sens attirée à nouveau, irrémédiablement. Je pouvais le constater, clairement. J'étais partagée, écartelée, je dirais même. Mais au fond, je savais ce qu'il fallait que je fasse. Peut-être que c'était sa voix, venue d'un passé proche qui résonnait en mon esprit, et qui me le conseillait. Ou peut-être que c'était une petite voix dans mon cœur. Peut-être que c'était la sagesse, ou peut-être bien, à l'inverse, de la folie. Toujours est-il que j'ai fait demi tour. Je savais, à cet instant, j'en avais une conviction profonde, que je ne rebrousserai plus chemin. Je me le suis juré. Je n'y retournerai pas. Je ne savais pas si c'était la bonne, mais je l'avais définitivement prise. L'aube devait pointer, lorsque je foulais ce chemin par lequel nous étions déjà tous passés auparavant. Quand on s'engage dans une voie, on la poursuit, et on verra ce qu'il y aura au bout ensuite. Peut-être y aura-t-il quelque-chose, peut-être rien. Peut-être une autre voie. Ou une multitude d'autres. Mais on ne rebrousse pas chemin. Je suis arrivée au feu de camp en sachant que je n'irais plus dans le sens inverse, que je poursuivrai toujours ce chemin que j'avais décidé d'emprunter au tout dernier moment. Je me suis approchée discrètement, me disant qu'ils pouvaient surement me voir, à présent. Mais leur respiration était à eux cinq toujours aussi calme et profonde. Evidemment. La nuit semblait toucher à sa fin. J'étais à nouveau perdue dans des pensées lointaines, quand Gabrien m'a rejoint pour remettre une bûche au feu. Nous avons brièvement échangé quelques mots, puis il est parti terminer sa nuit. Je fus prise d'un doute, me demandant s'il n'avait pas remarqué mon absence... Bah, après tout, cela ne changeait pas grand chose. Qui pourrait bien savoir ce qui me préoccupe depuis tout ce temps... J'ai souri et me suis allongée, pour une fois, à leurs côtés, avec toujours cette pointe de désolation dans le cœur. Parce-que, tandis que le sommeil m'emportait avec lui au lever du jour, bercée que j'étais par la nature agitée tout autour, c'était une nouvelle vie que je commençais, alors que je laissais derrière moi une vie et un passé, durant lesquels je m'étais évertuée à préserver une certaine liberté qui m'est chère.


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Je ne suis peut-être pas voyante, mais je suis réceptive au présent, hé !
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