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[RP] à défaut du corps, il faut bien que l'oreille exulte...

Alphonse_tabouret
Sujet Numéro 5: Alphonse





C’était un monde étrange que le ventre isoloir ; vacillant aux secondes, il contractait ses pans autour de leurs silhouettes, et puis se resserrait encore d’un silence incertain avant d’enfler jusqu’au déploiement, immense, à l’ivresse d’horizons verticaux. Une sensation ancienne nouait au cœur d’Alphonse des parures païennes, timide virtuose dont les orteils légers effleuraient les artères en s’appuyant aux nerfs ; la voix de Poucet en notes intimidées pulsait comme une étoile au creux de l’univers.
Tout aurait été si simple si quelques mois plus tôt, emportés aux torrents, ils avaient conjuré le gel de la nuit à l’ardeur de baisers et au fauve du lit. Consumé, l’orage serait passé sans plus laisser de trace qu’un souvenir de lampe au sein de la tempête et aurait étiolé dans le froid de l’hiver, l’aura d’un aparté aux doigts des parenthèses. Au lieu de ça, le temps s’était figé et avait capturé comme une épine bleue, l’insondable liqueur des yeux de l’Aconit.



Garçons de Mû, vos prunelles givrent et se contaminent ; là, l’azur de la fêlure, ici, le noir de la cassure.
Il se distingue dans l’air des étincelles troubles qui absorbent le vide et dénudent Kairos ; vos yeux, vos yeux dépareillés sont faits pour se répondre.



La main s’avança sans réfléchir, instinctif mouvement dont il ne s’aperçut de la course qu’aux mailles frontières, accrochant pensivement un ongle court à l’une d’elle comme pour en éprouver l’insolubilité.

Quand je te vois, je ne me souviens de rien. Ni de la colère qui clarifie mes peines, ni de demain qui me menace toujours d’une rage nouvelle.
Quand je te vois, je ne me souviens plus comment distinguer la pluie de la tempête. L’eau invariablement, me ramène à tes bleus.


La perspective ébauchée d’un chuchotement embauma l’iris , s’offrant une rondeur amusée quand la mémoire, bâillonnée par un cortège blanc, s’asphyxiait d’indignation en montant au billot ; plus tard, certainement, s’en voudrait-il d’avoir laissé se tendre la potence, et serait dérouté de s’être senti riche que l’heure arrêtée ne soit que le prélude d’un temps à partager. Dans ce confessionnal où s’entêtaient, profonds, les aromes d’encens laissés par quelques messes, Alphonse se découvrait des envies de conteur pour égayer d’ailleurs les oreilles attentives d’une ouaille obligée ; l’imagination toujours, lui avait fait défaut, et pour la première fois, il regretta d’avoir été dédié aux chiffres plutôt qu’aux verbes hauts.

Vingt-cinq années sont bien trop longues à confesser… Dextre rejoignit le genou quand Senestre s’enfonçait brièvement dans les cheveux bruns, ordonnant le pli comme si cela en ordonnerait l’idée ; certaines de ses fautes étaient trop laides pour être entrevues à la faveur du jeu. Il faudra vous contenter de ceux de la journée… J’ai péché, Montfort, commença-t-il, choisissant les accents de l’austérité pour habiller la voix. Ce matin au lever, j’ai menti à l’aubergiste en lui assurant que le repas était bon. A la vérité, je n’ai touché ni au pain, ni au vin. Il n’est pas rare que j’oublie de manger quand ce n’est pas l’appétence seule qui me fait défaut. Les seuls mois qui avaient étoffé sa silhouette avaient suivi la naissance d’Antoine, quand, réfugiés à Tarbes, il grignotait ce qu’il trouvait sur la table pour tromper l’ennui de la lente tétée du nourrisson. En vous cherchant, j’ai à plusieurs occasions, entretenu des pensées déplacées à votre encontre… Il accorda aux coulisses, l’envol d’un filet de secondes ; l’emphase du théâtre nécessitait que l’on attise et trompe l’attente pour mieux cueillir le pli d’un sourire conquis. Il faut avouer, L’Aconit, poursuivit il en brodant au timbre un reproche factice, que vous êtes piètre bailleur à forcer le chemin de vos hôtes jusqu’à vous pour honorer leurs dettes…
Puis, je vous ai trouvé, et patientant à votre asile, j’ai alors prié Dieu pour de mauvaises raisons…
Il s’interrompit de nouveau, pinçant ses lèvres comme pour mesurer le poids des syllabes à venir, jouant d’un air hésitant quand la fossette se creusait à la joue offerte, trahissant l’esquisse d’une vérité iodée, les ébènes s’attardant à un rien le temps d’un silence calculé. Combien pour avoir eu envie de dévoyer un prêtre ?, demanda-t-il finalement en remontant les noirs aux bleus, si bas que le moindre soupir eut masqué la question.
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L_aconit
Sujet numéro 5: Alphonse "Sage. Espoir. Jeunesse ennemie ."


Se lotissant dans la pénombre, les lèvres claires dissimulent le sourire heureux, ému peut-être, de se faire étirer par la vivacité des perspectives. Fauves, miroir, elles s'alternaient les unes aux autres comme dans une galerie des glaces, déclinant à l'infini les moindres postures anatomiques que l'esprit fécond du jeune prêtre s'appropriait aux aveux délateurs. Les fleurs toujours se cachent pour s'ouvrir. Elles profitent d'un détail qui attire vos yeux ailleurs, d'une minute d'inattention et d'un soupçon d'éloignement, et voilà que lorsque vous reposez vos yeux sur elles, elles ne sont plus ce grossier bourgeon. Mais bien corolle, dont les couleurs bien vives caracolent, s'accolent aux nébuleuses fragrances capiteuses.

Assurément, Alphonse restait cet hôte ombrageux mais ce visiteur salvateur, dont l'envie partagée ne faisait seule plus mystère, et dont chaque mot, chaque intonation, provoquait en Montfort une myriade extraordinaire; kyrielle extatique dont le souffle explosait sans peine les parois de cette prison de contours. Confession se partage, duelle, puisque dissimuler ne sait que retarder et entraver.


- Si Dieu vous a envoyé à moi, je crains de ne pouvoir lutter.


Car craindre était le terme juste. Combien de temps que le jeune cloîtré n'avait pas éprouvé? Combien de nuits de solitude à s'aliéner le corps pour se faire croire qu'il n'exulterait plus jamais? Anémié de son impatiente jeunesse.

Il avait cru mourir de chagrin, à compter ces petits matins dans sa couche vierge des tendresses rousses. Il avait prié que le soleil même ne se lève plus jamais, si c'était pour le laisser ainsi condamné à ne plus ressentir. Aveugle à la route formidable des directions à venir. A l'anti-condamnation qu'est de n'avoir que dix huit printemps.


- Une nuit Parisienne... Une nuit parisienne aurait suffit à dévoyer. Les condamnations auraient été assurément éternelles, mais dans sa grande bonté, dieu nous a fait faillibles, trop humains pour ne jamais savoir nous retenir de recommencer.


L'ongle rejoint son homologue, là où Dana avait dispensé sa caresse sororale et pansement. Et à voix plus basse que jamais, le timbre abandonné murmura sa supplique. Toute ourlée de vérité, nue et sans détour. Comme ce soir où il s'étaient croisés sous l'averse, avant qu'il ne s'échappe.
Alphonse, ôtez-moi cette robe qui vous déplaît cette nuit, ou laissez-moi mourir dedans. Et partez sur le champ. Si vous venez me tenter, sentez-vous victorieux, mais soyez clément. Le seigneur m'a fait vivant mais restreint, si vous me tentez au pain pour m'y soustraire ensuite, il n'est pas dit que je le resterai bien longtemps.


    Si tu t'égares souvent, te perds-tu Alphonse?
    Moi je connais le goût des Abysses.
    Si tu n'y es qu'une étincelle... Va-t-en. Va-t-en.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Sujet Numéro 5: Alphonse




Comment fais-tu ?

Comment fais-tu ?

La voix distante et le sourire déconcerté dessinaient une interrogation n’existant qu’au travers de rhétoriques subjuguées dont les réponses étaient sues, sans pourtant se déterminer; aux bleus, les prunelles noires sondaient avec un saisissement troublé, le gel et ses coulées de lave.


Drapé d’hémorragies, la lèvre ensanglantée, il s’éveille en sursaut; les arachnides se tendent d’un désir agité et se nouent, dévouées, en un bréviaire profane.
Au fond de la jarre, gisent la corne, et les fruits, et le miel ; l’espoir a les pieds sales mais un prénom aux lèvres.



Comme il était étrange de sentir le vide s’emplir sans s’y attendre, de discerner les résonances d’un cœur que l’on croyait percé et d’en être si doucement désorienté, que l’on ne parvenait pas, malgré les aptitudes, à chasser l’éclat de la pupille et le pli apprivoisé du sourire.
De tous les masques qui édifiaient Psyché, la spontanéité lui avait toujours paru le plus rare, éphémère cadeau de l’anima au corps, gâtant les costumes les mieux arrangés pour les broder, ardent, d’un parfum de lait chaud ; étouffée à la rigueur des leçons, altérée par les esquifs jusqu’au silence, avec l’âge, elle s’étoffait de pudibonderies et finissait, bien souvent, par n’être plus qu’une lutte livrée contre soi-même. Lui, la connaissait plus souvent vêtue de violence, céruléenne et couronnée d’outrages, se souvenant encore que chacune de leur rencontre avait fini au sol et condamné le ciel à la fin de sa course ; pourtant aujourd’hui, dénudée aux terres de l’isoloir, ensorcelant le temps en grignotant les nerfs, elle oscillait, tangible, dispersant aux aubes neuves la délicatesse têtue de ses feuillages tendres.

Je brûle sans comprendre.
D’où vient la matière, où l’as-tu trouvée ? Il ne restait hier encore qu’un tas de gravats, que la mémoire des échecs et leur poids à ma nuque lasse.


J’ai regretté que tu ne restes pas… lui confia-t-il sans se préoccuper des mues saugrenues de la conjugaison, suspendu à ces instants où les pensées et les mots s’emmêlaient au présent. Tu m’as plu…Bien sûr que tu m’as plu… sous cette pluie battante, ton rire jeté aux flots et ta main, ta main tenant la mienne pour entraver le temps …

Tu vivras L’Aconit.
A mes mains, à mes crocs, à mes hanches, tu vivras dévoré, et dans cette furie, tu seras seul coupable d’avoir déversé la sève à mon cœur jusqu’à l’entendre battre.


L’émail fut dévoilé, étirement lupin au visage éclairé, embaumant l’air de braises, de forêts et de lune ; approchant du grillage, le souffle s’enhardit, se dispersant en baume aux doigts froids du garçon.

Cette nuit, j’enlèverai ta robe et tu seras à moi… Au jour, je te céderai à Dieu mais à l’obscurité, au souvenir de ma voix entravée et de ta fièvre choriste, c’est à moi que tu songeras, car ce que j’aurai pris, je l’aurai emporté, assez fort pour que tu t’en rappelles, trop peu, pour qu'invariablement, le manque te ramène jusqu’à moi…


Alors, nous serons funambules, brandons en équilibre, guettant, main dans la main, comme une nuit d’orage, l’instant où consumés, il n’y aura plus rien que la bourrasque vive qui embrase et réchauffe.


Ton prénom, exigea-t-il finalement en guise de promesse, que je sache enfin, à quel saint me vouer...
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L_aconit
Sujet numéro 5 - Alphonse.


Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire


- Aragon-



Et avec la douceur revenue, essuyant l'angoisse d'un revers apaisé, Nicolas avale de ses bleus les abîmes noires, cherchant à les percer comme le premier homme a cherché à percer le secret du feu et de sa lumière. Il ne murmure pas au travers de la grille, dans le souffle qui s'est fait plus court la question subsidiaire:

    Comment fais-je... Quoi?


Il reste là, figé par les mots et leur portée. Figé comme l'homme gelé qui sent un à un les synapses se reconnecter, et capter la chaleur qui lui a tant manqué. Il reste là, observant de deux billes édifiées leurs audaces en résonances, et leur félicité. Le visage de l'Aconit est une toile vierge, où ne se niche jamais d'arrière pensée. Les émotions y passent en jets, tâchant d'ombres ou de lumineuses éclaboussures sa gueule de gosse. Et sur les lèvres s'écossent les perles de ses pensées. Elles rebondissent entre deux échanges, deux murmures glissées au secret d'une esgourde, et s'égarent parfois à piquer d'une audace effrontée.



- Faust Nicolas. Je m'appelle Faust Nicolas.


    Ah, Alphonse... Que tu arrives à point. Juste avant que l'espoir ne s'échappe de mes mains, de mon corps, de mon âme. Juste au moment où je m’éteins. Mon âme d'ailleurs, la sais-tu? Sais-tu tout ce qui gronde et dégringole des collines de ma vertu? Sais tu la pureté de mes actes, de mes dévouements éternels? Les déchirements intenses, les attachements vermeils... Et les douleurs obtuse.

    Tes belles paroles, faune, cachent-elles des éclairs dans ce noir de néant où le mystère et les vérités absolues défont leurs amours violentes? Quand je t'écoute, je suis pris au filet de tes aveux de mante comme un marin qui meurt en mer en plein coeur d'un mois d'août.

    J'ai retiré ma pudeur bien avant de retirer ma robe, et pour toi j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu, ce paradis cent fois retrouvé et reperdu. Tes yeux seront ma fin, un peu avant l'aube. Et les miens ne seront jamais aussi bleu que lorsque tu les coucheras sur les blés.

    Je veux tout de toi, jusqu'à la moelle de tes os, la sève de ton cou. Tes mains de Satan me feront tourner le dos. L'amour est un sacrement qui doit être pris à genoux. Je veux tout de ta bouche de géhenne, me damner le soir et le matin avant de ne m'agenouiller pour joindre mes mains. Je veux tout de ta bouche, avant qu'ils ne me la prennent.

    Je crois que je veux t'aimer, ou que tu m'aimes un peu, jusqu'à ce que tu te lasses en sonnant mon A-dieu. Je ne chercherai rien sous tes hématomes, sous tes brûlures , sous tes passés, tu sais, on a tous quelques fantômes, on se percute pour se faire croire ...
    Se faire croire qu'on saura les oublier un peu.


- ... Et je t’absous Alphonse, ta pénitence sera de m'évader, sans défaillir de ne jamais y arriver.


Nicolas se signe à l'égard de ces confessions inédites, et le coeur se serre de savourer par avance les dimensions interdites de cet enfer nouveau.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Alphonse_tabouret
Sujet Numéro 5: Alphonse






Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

Aragon



Les syllabes accordées s’emportèrent, sonnant comme un trésor aux lacis aurifères, les lèvres ensorcelées de leur prononciation, silencieuse magie vouée à leurs secrets salant de ses attraits la bouche et les papilles.

La verdure chante sous les sabots légers et divulgue aux empreintes, les vignes et le raisin ; printemps, corolles aux vents, essaime les plaines et de fleurs et d’encens.
Chloto au saut du lit, a sorti le rouet.


Sans mystère et sans fard, le songe se désagrège et ne laisse au matin qu’un parfum de lavande. Ainsi passent les choses, et ni toi, ni tes yeux ne peuvent contester pareilles destinées. Le feu, toujours s’éteint, n’est-ce pas ?
Qui serions-nous pour percer les mystères où tous ont échoué ?


Le bruit d’une rivière aux oreilles laineuses enfante les nouveaux nés d’un chant ensoleillé ; été dans ses chaleurs, n’épargne que les berges des sous-bois oubliés.
Lachésis, en baillant, a brouillé les pelotes.


Nous ne croirons pas aux éternelles nuits, complices dans le crime, coupables volontaires, et tout sera plus simple lorsqu’au petit matin, ton absence pontifiée et ton Dieu exigeant jetteront mes travers sur les carcasses d’autres.
Qui serions-nous pour apprivoiser le temps et ses chagrins ?


La narine s’épice des parfums de l’ozone : automne et ses eaux pleines grêlent de fleurs nouvelles les cimes de la futaie.
Atropos, voyant l’ouvrage emmêlé, délaisse les ciseaux.


C’est le désir qui nous anime, l’envie qui nous subjugue. A cet instant, pour toi, je suis capable de tout, d’évider le ciel pour faner le soleil, de couronner la lune sur la terre des Hommes pour simplement poser à ton épaule blanche, la douceur de mes lèvres, la marque de mes dents et m’endormir ainsi, à ta plainte joyeuse de tromper Solitude.
Qui serions-nous pour être mieux intentionnés que les autres ?


Enfants, aux fils de vos destins, les Moires ont fait des nœuds ; les obliques sur la table, l’œil au fond de la poche, elles se penchent toutes trois sur vos visages heureux.
L’hiver vous couve et assourdit les sons ; Sylvains à la paille du nid, tressent leurs doigts jumeaux d’un baiser mâtiné.


Je t’aimerai un peu pour ne souffrir qu’un peu. Tu m’aimeras un peu, pour n’oublier qu’un peu.
Et si je t’aime trop, alors… alors… A Dieu vat.


Amen, répondit-il lentement au signe de la croix sans plus quitter les yeux qui bientôt le noieraient. A ce soir, Montfort, conclut-il en se levant pour quitter l’isoloir, ne réservant le pacte du prénom qu’aux lueurs des étoiles.
Montfort Toxandrie serait-ce que le destin avait prévu pour lui ; Faust, à son cœur amoindri, serait ce que le ciel et ses tempêtes lui avaient promis.

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Roksanne
Sujet numéro 6 - Roksanne
𝑱𝒆 𝒅𝒐𝒖𝒕𝒆, 𝒅𝒐𝒏𝒄 𝒕𝒖 𝒆𝒔.


    Il fait calme au creux des églises. Il fait suffisamment silence pour que se chuchotent les péchés, et que sous les crânes se déclenchent les tumultes. Et soucieuses séries de questions sans réponses se bousculent au bord des yeux gris pâles d'une Rochechouartaise. L'assourdissant vacarme entre les tempes remplit à lui seul tout l'espace. Il fait calme au creux des églises, parce qu'il fait tempête dans les têtes des fidèles. Il faut bien équilibrer le volume général...

    A la génuflexion devant l'autel suit l'entrée dans le confessionnal. Roksanne ne connaît personne en Périgord : clerc ou laïc, civil ou religieux, païen ou dévot... Personne. Alors ici mieux qu'ailleurs, elle imagine le secret des aveux bien gardé. Comme elle s'y attend donc, la voix qui lui expose la tournure de l'entretien n'éveille aucun souvenir, seulement un intérêt mitigé. Elle paraît jeune, mais que peut-elle en savoir au fond ? La sienne est grave, profonde, comme marquée par quelques éternités déjà vécues à l'aube de ses vingt-trois ans seulement. Tout ce qu'elle semble retenir de ce qu'elle entend, c'est d'éviter Père. Elle acquiesce silencieusement, tandis que sur ses cuisses se posent ses mains blafardes. Et que vogue la galère.


    ― Pardonnez-moi mon Frère, car j'ai...

    Vague hésitation. Elle pince les lèvres, relève les yeux vers la grille qui déteint sur le visage de son vis-à-vis. Comme si les tissus de sa peau s'étaient mêlés d'alliage. Les iris croisent le fer plutôt que ce qu'il y a derrière. A défaut d'être vraiment timide, la jeune femme est indécise.

    ― J'ai peur. Est-ce que la peur est un pêché ?

    Elle semble se poser la question à elle-même plus qu'au confesseur. La bouche se tord sous l'interrogation. Il faut que ses yeux accrochent enfin ceux du Montfort pour qu'elle réalise, confuse, que c'est bien un homme fait de chair et de sang qui prête l'oreille. Le métal a laissé place à des nuances d'océan. Elle s'apaise au bruit rêvé du flux et du reflux, et reprend le fil un peu plus tôt abandonné :

    ― Comment le Très-Haut vous a-t-il appelé à Le servir ? Parce que je crois qu'Il m'appelle. Et tout abandonner pour Lui...

    Elle sourit, un peu maladroitement, et les tâches de rousseur sur les ailes de son nez s'agitent avec la peau qui se tend. Des hasards de la vie, elle a réussi à provoquer le seul qui lui fait poser la mauvaise question, au mauvais moment, à la mauvaise personne.

    ― Ça me terrifie.

    Voilà, Nicolas. Tu ne la connais pas. Elle ne te connaît pas. Mais dans le chuchotement de sa voix grave, dans la rauque douceur de ses inflexions, avec l'appréhension d'être jugée et des abysses de doute au fond de ses yeux gris, elle met les pieds dans le plat.

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L_aconit
Sujet numéro 4: Jeannine. Dicte l'indécrottable .




Même pas un p'tit baiser? Un ... Baiser? Sur sa bouche de... Fille?! Gast. Infâmie. Nicolas relève le menton, la bouche se tord un peu à la dégoûtante perspective, et le front se froisse de petits plis, vaguelettes sur la houle de sa nausée. Jeannine n'était qu'une drolesse qui n'avait l'heur que de s'amuser à le déconcentrer. Pas une minute, une seconde même, Nicolas ne réalise que peut-être, peut-être... Que Jeannine a le béguin. Il faut dire que les filles, Nicolas ne les connait guère. Ne les pratique pas. Et ne parle pas le même langage qu'elles. Aussi le message qui n'est même plus subliminal a du mal à passer et il se pince l'arrête du nez de deux doigts blanchis. Jusqu'à ce que... Jusqu'à ce que... ENFIN, la damoiselle daigne bien faire ce pourquoi tous les drôles de zèbres avaient franchi la porte du confesionnal depuis le matin, autrement dit: se confesser.

Soulagement. De l'autorité. Voilà ce qu'il faut pour tenir les filles. Si l'on a vraiment pas l'opportunité de fuir à toutes jambes. Disons.

Il s'appuie nonchalamment au petit rebord qu'offre la paroi grillagée, prêt à en découdre. Après tout plus vite elle avouerait, plus vite elle s'en irait.


- Commence par le commencement, déjà.

Derrière la cloison, Nicolas fait mine de l'écouter et s'entête à décorner le pénitenciel, qu'un prédécesseur - certainement Lotx ou Mahaut - a très sérieusement marqué à des chapitres bien précis. Sévices corporels, tribunal de la sainte Inquisition et aussi, étrangement, recettes à l'eau bénite. Il argument de Mhhh Mhh, tandis que Jeannine débite. Gourmandise. Friandises. Engloutir.. Mhh. Seins gonflés.

Il tique involontairement sur la confession, laissant la page " Comment purifier un enfant de choeur par l'eau bénite " écornée, bien malgré lui. Les bleus suivent la trajectoire de la praline. Silence. Jeannine reprend.

Fille. Envie. Plaisirs s...

Le jeune curé devient aussi rouge qu'un gratte-cul. Et au mot " tripoter", une grosse goutte se met à couler sur le front pâle de l'Aconit. Imitant son mouvement, il regarde ladite praline puis Jeanine.

A-t-il cessé de respirer? Si les filles s'adonnent elles aussi à ce genre de pratique, où va le monde? Il pourrait au moins se coucher moins bête, et qui sait. Se servir de cet état de fait pour ses prochaines pénitences. Il ne s'imagine pas d'ailleurs que la prochaine à en subir l'illumination sera sa propre soeur. Le feu aux joues, il approche mécaniquement le visage à la grille et y colle ses lèvres, un peu entrouvertes mais entravées par le fer. Un petit remontant est soudain bien nécessaire. Et se faisant réceptacle d'un suçage de praline en règle, il murmure:


- Fassy' . Envoie Cheanine...

Il faut au moins cela pour tenir jusqu'au soir. C'est que le Montfort n'aurait pas imaginé non plus découvrir les secrets intimes des filles en rentrant dans les ordres...

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
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L_aconit

Sujet numéro 6 - Roksanne . " Équation à deux inconnues "


Elle était arrivée comme une brise fraîche apaisant l'émotive chaleur exsangue du clerc, juste après le départ d'Alphonse. Un instant, il resta prostré au fond de sa boite, encore sous le coup de cette extra ordinaire visite. Dieu avait été bon avec lui ce jour, et surprenant aussi. La Foi donc, avait commencé à suinter, drainée par l'apparition inattendue, réponse à ses dernières prières. Le visage était pourtant presque grave, égaré dans de bien vifs ressentis. L'homme qui avait quitté le confessionnal avait emporté avec lui la temporalité morne et lente de l'église, et avait comme suspendu le temps aux lèvres pâles de Nicolas.

Les mots étaient venus machinalement, prononcés comme dans l'habitude d'une prière quotidienne, et sans vraiment se connecter aux mots. A leur poids. A son nouveau confessé. La voix qui lui répondit en écho pourtant, féminine, lui fit reprendre peu à peu la mesure de sa réalité.

Ils étaient là. Alphonse était parti. Une jeune femme s'adressait à lui.

Ses yeux croisèrent les siens brièvement , lorsqu'il lui jetta un regard comme on jette l'ancre. Reprendre corps avec la réalité. La dure réalité. Car sa journée de confesse n'était pas terminée. Il se tenait assis là deux fois par semaine, jeûnant, et absolvant les péchés les plus fous, les plus lourds, ou les plus intolérables sans relâcher un instant son attention du sacerdoce... L'Aconit venait de réaliser qu'avec son dernier visiteur, il avait failli à sa tâche. Et s'était égaré. Il avait perdu le fil.

La colonne vertébrale s'étira un peu, Nicolas redressa le buste et de ses mains tira sur la longueur de sa bure pour défroisser un pli imaginaire. L'oreille alors seulement se fit attentive et répondit dans la foulée, coupant la parole à l'inconnue une remarque distraite.


- La peur n'est pas un péché.


La peur est une épreuve. Une épreuve qu'il avait affrontée des mois durant jusqu'à... Ce jour. Où les mots-pansements et les phrases-égarements murmurés quelques instants plus tôt l'avaient tuée de leur lance.

Non. Il n'avait plus peur. Il se sentit presque gonflé d'arrogance, de force, de combativité. Peut-être des formes bien déformées de Foi. Lui qui avait imaginé que sa vie s'arrêtait avec celle qu'il laissait derrière, dramatique. Où comment dix huit ans restait le berceau d'un nombrilisme encore accroché à son cordon de croyances.

Alors lorsqu'elle eut terminé de confesser sa peur, cette peur qu'il avait bien connue pour s'en être laissé paralyser, le jeune clerc se signa et répondit cela.


- Le Très Haut m'a appelé par l'épreuve. Et abandonner n'est pas le plus difficile. C'est de vivre avec les souvenirs d'une vie qui n'a plus rien en commun avec la nouvelle, qui l'est. Ainsi, le Tres Haut appelle par l'épreuve et garde ses meilleurs serviteurs par l'épreuve.


Il cale sa nuque sur la paroi derrière lui, la tête se renversant encore un peu.


- Tout n'est qu'épreuves. Rien n'est insurmontable, finalement.


    A celui qui s'accommode avec les règles...

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
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Roksanne
Sujet numéro 6 - Roksanne
𝐸𝓉 𝓋𝑜𝒾𝓁𝒶̀ 𝓆𝓊𝑒 𝒹𝓊 𝓈𝑜𝓁 𝑜𝓊̀ 𝓃𝑜𝓊𝓈 𝓈𝑜𝓂𝓂𝑒𝓈
𝒩𝑜𝓊𝓈 𝓅𝒶𝓈𝓈𝑜𝓃𝓈 𝓃𝑜𝓈 𝓋𝒾𝑒𝓈 𝒹𝑒 𝓂𝑜𝓇𝓉𝑒𝓁𝓈
𝒜 𝒸𝒽𝑒𝓇𝒸𝒽𝑒𝓇 𝒸𝑒𝓈 𝓅𝑜𝓇𝓉𝑒𝓈 𝓆𝓊𝒾 𝒹𝑜𝓃𝓃𝑒𝓃𝓉
𝒱𝑒𝓇𝓈 𝓁𝑒 𝒸𝒾𝑒𝓁 *


    Imperceptible exhalaison de soulagement. Expiration d'expiation. La senestre délicate de la nouvelle confessée ne tremble pas lorsqu'elle vient repousser quelques mèches rousses égarées devant ses yeux grisés. L'arrière de la tête va reposer contre le bois tandis que les iris cendrés vont se perdre au plafond de ce coffre qui ne recèle ni richesse ni trésor, sinon celui du pardon même. Elle n'en aura pourtant pas besoin, si de péché commis, elle n'a point. Sans doute en traîne-t-elle quelques-uns dans son ombre, à la semelle de ses chausses, dans l'angle-mort de sa vision ; mais ce n'est pas cela qui l'occupe aujourd'hui, et qui saccage ses nuits jusqu'à l'empêcher de trouver le repos. Ses traits tirés en témoignent. A presque vingt-trois ans, elle en paraît à la fois cinq de moins et dix de plus, comme si le temps lui-même hésitait dans le traitement qu'il convenait de lui réserver. Et pour ne rien gâcher, comme si sa condition mortelle ne lui suffisait pas, elle rêve aussi d'éternité.

    ― Il doit avoir bien plus foi en l'Homme que l'Homme ne semble avoir foi en Lui pour risquer de tous les perdre et, finalement, n'en garder que si peu. Vous conviendrez qu'il est plus facile de capituler...

    ...et de se laisser faire prisonnier. C'était la notion même d'épreuve. Et ils sont cinq, les sens capables d'emporter non seulement la bataille contre l'esprit, mais aussi la guerre contre la Foi. Liés comme les doigts de la main, noués ensemble pour mieux vous gifler, serrés parfois en un poing brutal s'abattant sans vergogne sur vos résolutions comme d'autres s'abattent sur le minois des marmots. Oh, comme il était difficile de conquérir la victoire sur cette implacable armée, pour qui ne semblait avoir que de vacillantes prières pour tout bouclier !

    ― Alors comment s'arme-t-on, mon Frère ? La prière bien sûr, la prière... Mais que sont quelques mots chuchotés à l'Invisible dans le noir d'une chambre, quand on souhaiterait entendre un tout autre discours, murmuré par une toute autre présence, et que l'on voudrait toucher d'une toute autre manière...

    Comment peut-on s'habituer à ces journées remplies de tant de visages de fidèles, alors qu'ils vous désertent la nuit venue ? S'endormir gorgé de confessions, de baptêmes, de mariages et de célébrations, mais infiniment seul et le corps froid ? La tête pleine, mais le cœur vide ? Combien de nuits, seul face à soi-même, et à l'épreuve sans cesse renouvelée de n'avoir aucune main à serrer  ?

    Un léger soupir trouve à franchir la barrière de ses lèvres alors qu'elle se redresse un peu, et raccroche le bleu des yeux du jeune curé. Elle lui sourit à travers le fin grillage, ne s'imagine ni pire ni meilleure que celui qui l'a précédé ici ou que celui qui lui succédera. Elle ne manque pas d'envie ni de volonté, l'espoir même ne lui fait pas défaut. Mais elle se sait bassement humaine, et assurée de fauter au premier caillou qui viendra contre sa bottine buter.


    ― Vous devez me trouver bien inconstante pour mettre la chair dans la balance. Pourtant, je ne cherche pas à être convaincue que la voie de Dieu est la bonne. Je ne cherche que... des outils pour réussir l'épreuve.


    A ceux qui pensaient trouver là une confession, passez votre chemin. Finalement, ce n'est ni plus ni moins que le récit d'un soldat s'abreuvant aux paroles d'un potentiel maître d'armes, d'un chevalier aux balbutiements de ses classes militaires. Et Dieu qu'elle a bien choisi son instructeur...


Spoiler:
* La robe et l'échelle, Francis Cabrel

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L_aconit
Sujet numéro 6 - Roksanne . La disciple inconnue.


Oui. Dieu sait tout. Mais heureusement parfois, il regarde ailleurs. N'est-ce pas?



- Il met à l'épreuve les hommes, leur laissant le choix du chemin. La facilité n'est pas de l'ordre de la vertu. L'homme n'y trouvera nul salut.


Qu'aurait-il trouvé lui, en la facilité de quitter le Périgord, sans empêcher le Duc de périr sous les lames de la sainte armée? Le désarroi. Nicolas aurait pu simplement se laisser mourir. Mourir de chagrin. Ici, reclus, l'honneur était sauf, et quelque part là bas, le Lioncourt vivait encore. Prenez son corps, faites le prêtre, castrez-le de prières. Le salut réside là. Dans le sentiment du devoir accompli. Du dévouement le plus ultime, de la preuve d'amour la plus intime.

- Pour suivre la vertu, il faut s'armer d'amitié. De bonté et d'abnégation. Se mettre au service des autres. Pour suivre Dieu et oeuvrer pour l'église, il faut quitter les chemins ordinaire des hommes sans pour autant s'en éloigner... Accepter de tout abandonner, et de marcher en marge. Ou ne garder si peu.


Mot est lâché. Bien sûr, le clerc ne dira jamais à une villageoise qu'il n'a pas tout abandonné. Et ne la conseillera pas en ce sens, de peur d'être jugé. Maitre d'armes n'a pas encore tout assimilé, dans sa peur de la justice des hommes plus que celle de Dieu. Mais à son jeune âge, l'erreur est pardonnable. D'autres n'ont après tout jamais trouvé la route. L'évêque Lotx aimait les enfants, et s'égarait même parfois au seuil des cellules de ses jeunes prêtres, sans attendre quelconque consentement. Le père Sifflard lui, jouissait de ses amours contre nature. Les vices de l'alcool les tenaient tous, et le mensonge, oh, le mensonge... Un jour il mourra au gibet d'avoir été démasqué. Mais en attendant, Nicolas vit. Et accueille le repentir sincère et les âmes aussi égarées que lui. La foi s'est installée, nichée là, quelque part. Etrange hôte qu'il n'attendait plus. Aussi, fallait-il la couver un peu. La laisser pousser. Comme une brioche prend son temps pour lever.


- Mais les chemins sont multiples. Nul besoin de devenir clerc. Etre moine permet de mettre sa foi à l'épreuve de ses forces... Et de retourner à la vie de laic si l'on en a trop présumé.

    Pas comme moi . Moi, j'ai pris la voie la plus radicale de toutes.
    Celle qui ne souffre d'aucun retour en arrière possible.
    Tant qu'à se damner, autant le faire avec application.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
(En Bleu italique, les pensées Laconiques.) galerie d'avatar-Recueil
Roksanne
Sujet numéro 6 - Roksanne
𝐸𝓉 𝓁𝒶 𝓃𝒶𝓉𝓊𝓇𝑒 𝑒𝓃𝓉𝒾𝑒̀𝓇𝑒 𝓈𝑒 𝓉𝑜𝓊𝓇𝓂𝑒𝓃𝓉𝑒
𝐸𝓃𝓉𝓇𝑒 𝓈𝑜𝒾𝒻 𝒹𝑒 𝓇𝑒𝓅𝑜𝓈 𝑒𝓉 𝓈𝑜𝒾𝒻 𝒹𝑒 𝓋𝑜𝓁𝓊𝓅𝓉𝑒́. *


    Amitié. Bonté. Abnégation. Les mots sonnent à ses oreilles comme ces chansons d'automne ; celles que l'on écoute avec assiduité, mais que l'on craint un jour de dés-aimer. Et auxquelles on revient, inlassablement, à chaque été qui meurt aux aux derniers jours de septembre. Ce que lui conseille son vis-à-vis, dans l'étroit encadrement d'une grille en fer qui ne sépare finalement pas plus qu'elle n'interfère, confère tout à la fois au grandiose et au regrettable. S'établir à la droite de Dieu et à la gauche de l'Homme, transmettre la parole de l'un et laisser l'autre s'appuyer tout au long de sa route, n'appartenir ni au ciel ni à la terre, et ne rien revendiquer sinon l’œuvre toujours renouvelée d'attacher les uns à l'Autre. Quelle tâche stérile au nombre d'âmes perdues aux carrefours ! Et quel singulier miracle pour l'unique brebis perdue et retrouvée !

    Ses mains se sont jointes alors qu'il parlait. Presque étonnée, Roksanne les observe, les soupçonne, les accuse de s'être prononcées avant qu'elle ne leur en ait donné l'occasion. Les voilà qui la narguent, plus résolues qu'elle-même. Les voilà qui décident, et se prennent au jeu des réflexes qui imposent à l'esprit. Bien sûr : la vie monastique, elle y a certes pensé. Mais sa jeunesse la trompe sans doute, et elle y voit là une forme de lâcheté. Revenir en arrière, c'est tout comme abandonner. « Tant qu'à se damner, autant le faire avec application ». Ah, qu'il ne croit pas si bien penser ! Sous la chevelure indisciplinée aux reflets orangés se trament les mêmes sentences. C'est alors qu'elle saisit, c'est alors qu'elle comprend : qu'il y a trop de violence en elle pour ne choisir qu'à moitié, qu'il y a trop de fureur pour longtemps hésiter.

    Les iris cendrés délaissent enfin les mains. L'une d'elle pose le plat de la paume sur les veines du bois : de l'autre côté, ce sont des veines de sang qui charrient en Nicolas la liqueur carmin de la vie. Il doit en être tellement plein - de vie, d'amour, d'espoir - pour avoir choisi cette voie là. N'est-ce pas ? N'est-ce pas, Nicolas ? Il suffirait que tu y croies un peu, que tu y croies un peu pour deux.


    ― Peut-être, oui... Sans doute. Mais c'est alors un peu biaisé, un peu facile. Et « la facilité n'est pas de l'ordre de la vertu ». C'est un homme d'église qui m'a dit cela... Enfin, mieux vaut prévenir que guérir, j'imagine.

    Elle sourit du bout des lèvres, et relève enfin les yeux. Les tâches de rousseur viennent combler les trous du grillage alors qu'elle s'approche près, si près qu'elle pourrait y fondre son visage. Les yeux se plissent, comme si s'il suffisait de bien voir pour voir vrai. Et, presque comme en écho à celui qui l'a précédée, elle demande :

    ― Quel est votre nom ?

    Oh, rassure-toi Nicolas, les raisons sont bien différentes. Nous savons toi et moi que ta robe, jamais elle n'enlèvera... Mais si un jour, rendue au même point que toi, habillée des mêmes serments, elle doit remercier au maudire, échanger ou demander, s'inquiéter ou s'étonner, elle ne sera pas fâchée d'avoir un nom à associer à ta voix et à ce qu'elle voit de ton visage, d'avoir un endroit où simplement envoyer un parchemin.


Spoiler:
* Les nourritures terrestres, André Gide

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L_aconit
Sujet numéro 6 - Roksanne . Inconnue tout court?


- Ah, bien au contraire, il n'y a rien de pire qu'un homme qui sait sa liberté à portée de main, plutôt que celui qui en fait le deuil décisif, sans opportunité de la saisir de nouveau...

Et j'en sais quelque chose. Sans quoi, je ne serai plus là. Où serais-je? En Alençon, sans doute. A paris, possiblement. Partout ailleurs que dans les bras du seigneur, car il n'est pas un homme comme les autres...

Nicolas détourna les mirettes vers ses chausses. Et après un instant de silence, de nouveau, il déclina son nom. Mais pas celui des intimes. Celui des villageois. Des voyageurs. Des enfants. Ha, les enfants. Jusqu'ici son unique source de joie, si ce n'est les rares lettres de sa sœur ou d'Isaure. Protéger les enfants des griffes de cet évêque tyrannique et despote était la plus pérenne occupation que l'église lui avait donné. Comme une ineffable destinée, qui l'aurait si bien nommé. Nicolas, ami des petits enfants. Il se demanda ce que faisait Salomon à cet instant. Le fils de Dana lui, ne connaissait pas sa chance. Comme un oiseau né dans une belle cage, il ne manquerait jamais de la liberté qu'il n'avait pas connue. Petit oblat suivrait son destin dans le giron de son oncle... Cet oncle bien singulier qui lui porterait toujours l'affection qu'il rechignait souvent à apporter , en plus de l’intérêt, à l'autre sexe. Les ordres n'étaient jamais ici bas qu'une histoire de garçons.


- Appelez-moi l'Aconit.

Par respect pour le voile du secret, il ne le tira pas jusqu'à demander le sien. Souvent, les confessés se présentaient d'eux-même, lorsqu'ils estimaient la légèreté de leur péché suffisante. Il capta chacun de ses traits pour les garder soigneusement en mémoire, et chacune des pépites ornant son nez. Les nuances de ses yeux, et les tonalités graves de sa voix. Et ajouta avec un arrière gout de malice:


- Et si d'aventure vous prenez le voile, ma foi, faites-le dans mon village.


    Que je puisse t'adoucir le crime.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
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Roksanne
Sujet numéro 6 - Roksanne
Aconit. Nom commun : Capuche de moine. Ah, tiens.

    Son nom résonne un instant entre les planches, au cœur du bois. Quel drôle de nom. De surnom. Nom de plume, de théâtre, ou de guerre ? Plante toxique et magie noire, ou antidote et religion ? A l'ambivalence, la rouquine se remet. Elle n'est elle-même ni tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre. Au flamboiement de ses cheveux répond la placide sérénité de ses yeux gris. A la diaphane pâleur de sa peau s'accrochent les tâches rousses, se froissent les vêtements souvent pourpres. Le contraste est habituellement saisissant ; et pourtant la rouquine est discrète. Souvent, on l'oublie sitôt remarquée : à charisme lacunaire, avantage de la furtivité...

    ― L'Aconit. C'est joli.

    Dieu que les mots sont banaux, quand tout a été dit ! A nouveau, Roksanne sourit, et regroupe ses jupons comme on rassemble ses pensées. Maintenant, elle doit filer d'ici, et mener jusqu'au bout sa résolution. Elle inspire longuement, comme pour se donner du courage avant une grande bataille. Elle affûte ses armes, compte ses chances, rajuste son équipement, vérifie la vigueur de sa soudaine vaillance. Et puis, bien sûr, elle fait quelques prières, et répond :

    ― Merci, je n'oublierai pas cela. Cela vous fera un peu de roux pour égayer le paysage.

    Dehors, il fait encore hiver, et tout est blanc. Quelques mèches cuivrées auraient au moins l'audace de raviver les couleurs. Même si d'ici là, l'été sans doute sera arrivé.

    C'est en souriant qu'elle quitte le confessionnal.
    Un "A bientôt" est murmuré.
    Et l'Alezane disparaît.

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Yohanna.
Sujet N°7 - Yohanna.
Chiffre 7 : symbole d’esprit, d’absolu, de connaissance,
d’analyse, de recherche, de vie intérieure, d’originalité,
mais aussi de solitude, de renoncement.
C'est bien ça. On y est totalement.



Ce paradis, je n’y crois guère. L’enfer est juste dans ma tête.
Croupir ici, deux pieds sur terre, A de quoi rendre malhonnête...*


L'âme lourde comme une meule de moulin, tu traînes les bottes jusqu'au confessionnal.
Tu n'as plus le choix aujourd'hui, il faut que tu t'épanches, avant d'étouffer sous la nappe phréatique de la noirceur de tes actes. Il te faut une bouffée d'air frais pour repartir sur de bonnes bases.
C'est simple. Tu as échoué. Ils t'avaient dit, là-haut, quand tu as demandé d'entrer au paradis solaire ! Ils te l'avaient bien dit ! ''Faire le bien ! Racheter tes erreurs !'' Tu as échoué. Tu as échoué car l'enfer est déjà là. Sous tes pieds. Et que tu n'arrives plus à envisager une issue pour la voie du salut. C'est fini, Yohanna, on ne peut plus revenir en arrière quand on est allé si loin. Mais peut-être que soulager ta conscience te permettra d'arrêter un brin les dégâts.
Parce que tant que tu n'arrives pas à te foutre en l'air, chaque fois que tu passes quelque part, il faut qu'il y ait de la casse. La dernière fois, c'était une bouteille. Bon, la différence, c'est que c'est toi qu'elle a salement amoché. Mais sans parler de ça, ton palmarès ces trois dernières semaines se monte à facile six personnes blessées. En actes, en paroles, en coups de hache. Même Isaure va encore plus t'en vouloir d'avoir fait voler sa table de taverne en éclats.

Cette pauvre table n'a subi que les affres de l'un de tes plus grands échecs. Si tu y réfléchis bien, la table était le salut d'une pauvre gamine à la langue trop pendue. Mais voilà. Tu n'as pas pu t'empêcher encore une fois de détruire. De casser. De sentir sous ta hache le bois qui se fend, de sentir dans l'air les échardes voler dans tous les sens. Et imaginer à leur place le squelette, le sang, la chair se détacher. Et de ta colère a découlé deux disputes d'une rare violence.

Il faut que tu évacues. Il faut que quelqu'un te pardonne ta rage, qu'on éponge ton amertume, et cette douleur qui s'étire, béante dans ta poitrine.
Il faut… Il faut…

La cathédrale se tient devant toi, lourde, imposante, pour te rappeler que tu n'es rien. Que ta vie n'est qu'un trait sur la grande histoire de la vie. Un point même. Insignifiant, parmi toutes les autres personnes qui ont déjà franchi cette porte. Tu seras une inconnue. Tu seras anonyme même une fois ton péché avoué. Elles ont beau écrire des chansons sur toi, tes amies troubadoures, tu n'auras pas plus de place dans l'histoire que ce que tu veux te permettre d'atteindre.

Un soupir profond répond en écho à l'air qui s'engouffre à ta suite. Le calme soudain, la plénitude du lieu t'emporte et déjà tu te sens plus légère. Mais tes pas résonnent jusqu'au petit placard de bois ou un prêtre attend. C'est ton tour il semblerait. Alors tu y vas, et là, enfin, cachée par le rideau, les mains jointes en prière, tu lâches les mots cent fois répétés par toi et d'autres, mais qui aujourd'hui sont si lourds de sens.



Bénissez-moi mon père, parce que j'ai péché.


Pardonnez-moi mon père, Et ne soyez pas si méfiant
J’ai péché je n’en suis pas peu fier, La prochaine promis je tire à blanc*



*Ycare - Confessions
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L_aconit
Sujet N°7 - Yohanna.



Il répéta doucement, à la pénitente qui ne l'avait pas entendu:


- ... Et surtout, ne m'appelez pas mon père...

Il sourit doucement, de ce sourire tendre et miséricordieux qu'il avait naturellement au visage lorsqu'il confessait.
L'exercice du pardon était un sacerdoce devenu commun, et depuis le matin les oreilles du jeune prêtre n'avaient plus rien à redouter des nouvelles exactions des petites ouailles du seigneur.
Etaient-elles dejà mortes? Assourdies? Obscurcies peut-être? Sans doute un peu de tout cela.
Il massa un peu ses reins qui commençaient à être raides de ne pas se mouvoir assez depuis l'aube, et changea son assise pour que son fessier ne devienne pas aussi plat que les seins d'Isaure.


- Appelez-moi l'Aconit.

Il glissa la plus grosse perle du rosaire contre la pulpe de ses doigts et continua d'une voix claire et rassurante.

- Je vous bénis, et vous écoute pour vous absoudre de vos péchés. Qu'avez-vous fait qui mérite le pardon de dieu?

Crimes et châtiments n'avaient plus de secrets pour la fleur d'église, et si ses talents en numérologie étaient nuls, son don d'écoute n'avait pas son pareil...
Montfort Toxandrie but une gorgée d'eau bénite à la flasque qui trônait peu avant à ses pieds. Il n'était pas aussi gourmand que l’évêque Lotx, ses péchés eux se trouvaient ailleurs. Dehors, à attendre quelque part qu'il sorte et les rejoigne, les embrasse, les embrase. A faire diable savait quoi en patientant qu'il ne termine sa journée...
Ses péchés avaient deux bras, deux jambes et un saint calice au milieu... Machinalement ses lèvres distillèrent ce sourire niais et sibyllin des jeunes âmes qui brûlent, incendiaires, de s'apprêter à commettre un crime.

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Chapelain de l'Ostel Dieu à Paris, Evêque de Perigueux, apprenti exorciste
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