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[RP] Les prêtres se cachent pour pleurer

L_aconit
[ Chroniques d'une vie ordinaire. Ordinée. ]




    La chambre est vide.


Dans sa couche, il est l'heure ou les honnêtes gens dorment dejà. Le Montfort Toxandrie lui, n'a pas su s'en remettre au sommeil. Il est des soirs comme ceux là où la vie cléricale se heurte à la nature. Même sous les jeunes robes de bure.

L'insomnie du jeune homme convoque tous les possibles.

Il est là, il est seul. Le silence lui vrille les tempes ce soir. Depuis combien de temps déjà? Les rencontres dans le strict cadre de sa vocation. Depuis combien de temps la solitude des jours, la servitudes des nuits, où l'esprit ne s'autoféconde même plus? Aconit est fourbu de liturgies. Trop jeune pour s'enfermer, aurait dit la Medicis. Pourtant le serviteur, l'écuyer, n'avait-il pas trouvé le plus grand des maitres?

Les mains de céruse font glisser la tenue religieuse le long du torse jusqu'à l'en défaire. Inlassable rituel qui le fait passer d'homme ordinaire, homme de peu à jeune homme de dieu. Elles mouchent la bougie qui éclaire faiblement la chambre et laisse la silhouette androgyne de Nicolas dans la pénombre. La nuit est temps des secrets. Temps des échappatoires. Le dos trouve dans la couche l'appui du mur froid. La peau se pare d'un voile rugueux, la fine chair de poule trouble le lisse du grain. Les cheveux blonds s'étalent sur l’édredon de plumes, la prière du soir est oubliée.

Car Nicolas a été ordiné. Il demeure désormais un très jeune clerc. Jeune et clair. Les pensées vagabondent, cherchant le sommeil. Ne trouvant que l'abscons d'un fatras de pensées s'égrenant crescendo. La vie d'église est dure, pour un jeune homme de son âge. Il s'égare à recenser ce qui lui manque le plus, de sa vie derrière les murs de cette vie de solitude. Revit quelques moments. Revoit quelques instants. Figés à tout jamais dans la bande de son esprit. Les fous rires à la belle étoile, dans le giron du voleur. Le premier éclat du coeur. La première palpitation. Ah .. C'était bon. Les pitreries du jeune duc. Les audaces de jeunes garçons.

Le temps effiloche sa dimension de nuit, et l'esprit s'aventure sur un second versant. Plus pentu. Dans la pénombre bleue de son regard feutré crépitent les feux d'une âme fatiguée par les règles et les lois qu'elle s'est prescrite. Il y a ce corps qui l'excite. Il y a ce souvenir, tiroir ouvert au hasard dans sa recherche psychique. Dans la quête de l'image coup-de-trique. Inexorablement, Le corps joue le jeu. Se joue de lui-même. S'appelle et se répond. Au eaux noires du sommeil impatient, prévenant le péril d'une veillée qui s'étend, se balancent les troupes de ses doigts. Douce déferlante. Il ne lutte pas, à dix huit ans, il faut encore être vivant. Têtues images ardentes lorsqu'il glisse ses phalanges sur la coque de chair et jette l'ancre à jas au plaisir solitaire. Puisqu'il faut en choisir une, ce sera elle. ce sera Lui.

    Evroult.

Il s'appelait Evroult, il s'en souvient très bien.

Il n'est plus là. Nicolas a fait le mur, aidé de ses mains d'albâtre, s'est fait la courte échelle pour un instant d'évasion. De douces illusions comme les vagues se lèvent, qui s'habillent de ces yeux et qui s'ouvrent ces bras. Ceux du Plaisant. Du mignon bel enfant. Cet Evroult impudent qu'il n'a vu qu'une fois, et juste assez pour en garder quelques mirages voluptueux. Abracadabra !

La vie est pénible, quand on sert le seigneur. Nicolas n'en a cure, s'accorde une faveur. Il imagine alors, dans le tri soudain presque ordonné de cette mémoire photographique, et les lèvres et la fièvre du courtisan galant. Seraient-ils allongés sous les draps d'une couche? Poserait-il son coeur là tout contre sa bouche? Se blottirait-il, sien, si gorgé de désir? Bordé dans les fossettes de son saint sourire...

Le corps se tend. Le coeur s'emballe, au diapason de sa respiration qui se saccade. Il lui suffit de tirer le fil, et l'histoire suit. Modulable et tactile. Evroult, était-il seulement mirage, oiseau de passage? Il imagine. A dix huit ans on suppose, on bouillonne, à dix huit ans on ose. Cela ne fait de mal à personne, à personne qui ne le saura jamais.

Cédant à l'envie de ses charmes brûlants, sa main aventureuse glisserait sur son flanc. De son souffle un léger cri chanterait le délice... Et danserait sa force dans le creux de ses cuisses. A l'orée de ses reins.

Une veine trône, palpitante bleuette, sur son front. Signe d'une activité artérielle intense, où Dieu, Christos et tous les saints ne font plus le poids. l'abandon est le plus puissant des anabolisants spirituels. Surchargé, encombré, obstrué, son esprit étouffe. La froideur des statues n'a d'égale que la vie qui boue derrière la façade de ses beaux bleus. La foi n'est pas encore venue. Sa quête paralyse ses membres, tétanise ses envies. La machine s'enraye, il faudrait la vider, trier, rayer, archiver, inciser, extraire, déverser.

Et c'est Evroult ce soir, dans sa nudité toute inventée qui l'exige. C'est son corps qui le lui inflige. Les lèvres s'entrouvrent, figées entre deux temps semblent suspendues à la détonation. Le cri d'expiation. Dans cet instant égoïste de bonheur ferme, vide de toute culpabilité où les mains s'agitent, s'occupent à extraire l'humeur qui tourmente, Nicolas est beau. Si beau d'être si faible, et si lutteur à la fois.

Il imagine les fesses, les mains qui les pétrissent. Le combats des corps, les lois qui le régissent. Evroult est si puissant, si puissant qu'il le paralyse. Et lorsqu'il souille les draps d'une semence qui abonde, et que s'enfoncent les doigts dans l'épaisseur de la laine... Il se sent encore libre. Tremblant de quelques larmes, fertiles et claires dans leur viscosité. Libre en presque secret. D'une presque liberté. Car s'il est un secret des moins bien gardés... C'est bien qu'eux aussi, les prêtres, chaque jour se cachent pour pleurer.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
L_aconit
L'étude avait commencé.

Depuis son entrée dans les ordres et après avoir quasiment été réquisitionné dans tous les domaines, Nicolas avait naturellement trouvé le moyen qui lui correspondait le mieux pour s'évader un peu: l'apprentissage théologique et linguistique des enfants et des jeunes vicaires.

Là où quelques mois auparavant, la main dure et rêche d'un prélat venait lui claquer la trogne pour s'obstiner à réciter le credo en Breton, Aconit n'était que patience, enseignant le dogme aux jeunes novices avec rigueur mais pédagogie. Parfois même, des cours de survie en milieu clérical...

Se tournant avec intérêt vers Salomon, intrépide petit oblat, neveu de Nicolas de son état... Le Montfort Toxandrie pointa un index redouté de tous sur lui.


- Salomon? Comment dit-on "non" à un Evêque?
- ...
- C'est cela. Et que devez-vous faire, lorsque l'Evêque vous demande un service?

- Lui servir du vin jusqu'à ce qu'il oublie sa demande!
- Bien! Parfait! Que de progrès. Votre mère en entendra parler.


Car oui, si Dana avait été assez folle pour envoyer Salomon de Ste Illinda directement au diocèse de Perigueux... Elle ne doutait pas que son oncle veillerait sur lui comme sur la prunelle de ses cheveux. Loin des appétences de l'Evêque pour les petits enfants, Nicolas mettait en garde farouchement la marmaille de l'église, petits vicaires et enfants de choeur, contre ses traquenards mal dissimulés.

L'assistance, un peu trop disciplinée pour son âge, prenait des notes avec engouement, tandis qu'il se penchait au dessus pour pointer les erreurs et les vilaines ratures. Lorsqu'après quelques instant, les petits scribes eurent terminé leurs copies, le blond leur fit face d'un air solennel.


- Et maintenant, cours de langue!


Un murmure de stupeur parcouru les rangs, laissant le jeune prêtre face à des paires d'yeux dejà quasi larmoyantes et des joues soudaines rosies. Les sourcils de Nicolas s'arquèrent un peu, comprenant la méprise. Les paumes s'élevèrent en avant pour calmer les esprits.


- ...De latin et de grec, tudieu! Pas ceux de Monseigneur...


Oui, blasphémer aussi restait un plaisir simple...
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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
Salomon_du_salar_hinhin
Oblat aux yeux cobalts, Salomon dont le nom se voulait présage d'une royale destinée n'était bon en rien si ce n'est l'impertinence. Jamais celle-ci ne lui avait été utile jusqu'au jour de sa rencontre avec le frère de sa mère. L'oncle estimé, pour qui il vouait une admiration sans failles depuis leur première rencontre.
Et pour cause, l'Aconit était la représentation parfaite du père qu'il n'avait pas. Bien sûr, Equemont fut bien l'idéal chevalier, fort trempé et au lourd élan, rien en commun avec son inconnu beau-frère. Mais dans l'esprit visiblement erroné du petit Kerdraon, Montfort était égal à Salar, de taille bien sûr et de fermeté aussi. Fermeté que l’effronté espérait souvent faire céder. Parfois souple, souvent moins, l'enfant se destinait à devenir la plaie d'un Nicolas pourtant méritant.

Pour l'heure, telle une mite logée dans la bure de "tonton Nicolas", l'enfançon n'avait qu'une seule idée, celle de grignoter. Autrement dit : Grappiller sur le temps de manière à s'amuser, et non à écouter les recommandations d'un homme inutilement prévoyant.

Ils y passeraient tous, qu'ils le veuillent ou non.

Pour se faire, rien de mieux qu'ennuyer son voisin de table. Jolie mise en bouche, adéquate avec le thème lancé par le confesseur à l'application blasphématrice.
Téméraire, c'est un Salomon pensant échapper aux obligations de la journée puisqu'il a répondu à deux ou trois questionnements embarrassants, qui gonfle ses joues prêt à dégainer un trop plein de salive volontairement conservée. Un crachat s'échappe, vif et bien ciblé puisqu'il ne tarde pas à attérir sur l'arrondi d'une oreille adjacente.
Le cours de langue commence bien, l'élève le plus assidu se voit pourtant loin d'être couronné, réservant au pauvre Damien à ses côtés, ce gluant privilège.

Il s’esclaffe l'insolent, il s'esclaffe sans s'arrêter.


L_aconit
[ Complies ]

Voilà des mois que l'église avait posé sa griffe sur le jeune écuyer, polissant les arrêtes encore existantes, façonnant dans le meuble de sa jeunesse une abnégation déjà latente, là, sous la glace du passé.

Lentement mais surement, Montfort Toxandrie avait appris à se plier, sans heurts, sans rechigner aux rituels éternels de sa vie de prêtre.

D'abord, il priait.
Ensuite, il préparait la messe, à l'aide de ses vicaires, pas si haut que trois pommes, tendron qui avait le mérite d'égayer.
Enfin, il officiait.

Rapidement, les villageois s'en était remis à lui. Rapidement, Nicolas était devenu le pasteur que Lotx attendait qu'il devienne. Un pasteur jeune et rompu à l'exercice de la solitude, qui avait abandonné comme les feuilles tombent de l'arbre, une à une, les rives aux écueils tranchants des souvenirs plaisants. Les courriers avaient cessé d'être écrits à l'autel de ses regrets surannés, avec l'aide sacerdotale de la prière. Quelques tourments subsistaient encore, et comme chaque soir avant de se coucher, Aconit ployait le genoux et joignait les mains, dans un espoir qui semblait vain. Abnégation ne sacrifiait rien au dieu des amnésiques.

Conscience cherchait encore du sens au culte, occulte, pour ne pas crever de désintéressement. Dévotion larmoyait à grand peine de ne troquer fidélité contre félicité et contre foi qui continuait à manquer, asséchant de sa malédiction les ruisseaux loyaux de Nicolas.


- Seigneur, donne-moi la foi.

    Tu me veux serviteur, champs en fleur, mais ne plante rien en moi. Tu me laisse comme cela, à mes landes stériles.


- Si elle peut tuer en moi ces dernières épines, arracher de ma tête ces pensées qui m'assassinent... Donne-moi la foi. N'importe quoi. Un signe. Occupe-moi.



L'ultime prière tendait à se reconduire. Le lendemain. Et le jour d'après.

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    (En Bleu italique, les pensées Laconiques.) -Recueil
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