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[RP] Si je te cherche, tu me trouves.

Cecile.


- Cécile, vous n'avez rien d'autre à faire ?
- Cécile, rendez-vous utile !
- Cécile ? Laissez ce monsieur tranquille.


Autrefois, Cécile avait un vrai nom et une famille. Elle avait un grand-père et une grand-mère, et une Maman aussi. Tous les trois s'occupaient d'elle à tour de rôle, quand ils avaient le temps. À leur manière, ils aimaient cette petite fille aux cheveux blonds et aux yeux verts, mais ils ne pouvaient s'empêcher de la trouver bien encombrante. Voire carrément embarrassante.
Les Sorbier tenaient une auberge en ville qui marchait suffisamment bien pour leur permettre de vivre sans trop d'inquiétude financière. Ils avaient tout pour être parfaitement heureux, exception faite d'une fille qui avait perdu sa réputation dans les bras d'un homme, et de ce rapprochement malvenu était née Cécile. Ce qui n'avait arrangé personne.

Que ce soit Mamie Jeanne, Papi Henri ou sa mère Judith, aucun des trois ne s'étaient vraiment soucié de faire comprendre à Cécile qu'elle n'était pas absolument indésirable. Sa mère l'aimait mais ne pouvait s'empêcher de penser, avec le temps, que la naissance de cette petite lui avait tout à la fois brisé le coeur et ses espérances en vue d'un beau mariage. Elle avait porté aux nues le père de sa fille unique, mais lorsqu'il l'avait quitté, il lui avait fait perdre ses chances de se marier dignement. Elle avait, par la suite, refusé toutes les propositions d'union pratique parce qu'au fond, Judith n'avait jamais perdu espoir, elle attendait toujours son Pierre.

- Cécile ! Regardez ce corsage, il est barbouillé de fusain ! Vous êtes repoussante, allez vous laver.

Cécile avait cherché dans tous les visages d'homme des traits communs aux siens. Elle n'en avait jamais trouvé. Lorsqu'elle était toute petite, elle s'ingéniait à faire le tour de la salle de l'auberge pour demander à chaque homme s'il n'était pas son père. Personne n'avait jamais répondu par l'affirmative.
Pour tenter de découvrir à quoi il ressemblait, elle avait un jour pris un petit miroir appartenant à sa grand-mère et s'était mise à dessiner les traits de son visage qu'elle ne partageait pas avec sa mère. Malheureusement, comme elle ressemblait énormément à Judith, elle n'en avait pas trouvé énormément. Ce jour-là, elle était tombée amoureuse du dessin et n'avait plus jamais cessé de s'adonner à ce passe-temps.

- Cécile ! Mon Dieu, qu'avez-vous fait aux murs de votre chambre ?

Après une punition sévère, on l'avait enfermé dans sa chambre et le résultat n'avait été autre qu'une décoration toute neuve. Des oiseaux, des plantes, des arbres, des fleurs, des animaux en tout genre étaient représentés sur la chaux. Sa mère avait trouvé l’œuvre magnifique, Papi Henri l'avait à moitié félicité par son expression ahurie et émerveillée, mais Mamie Jeanne avait été si furieuse qu'elle l'avait giflé. Il n'y avait aucune trace de fantaisie chez cette femme-là.

- Cécile ? Où allez-vous ? CÉCILE ! REVENEZ IMMÉDIATEMENT !


Elle avait treize ans lorsqu'elle était partie. Sa famille n'avait plus rien à lui offrir. En quittant l'auberge coquette et bien entretenue, Cécile avait rayé de sa vie à la fois ses grands-parents et sa mère, mais aussi son nom. Elle ne serait plus jamais une Sorbier. Elle serait Cécile Pas de Nom. Qui devint avec le temps, Cécile Padnom. Puisqu'elle ne pouvait pas avoir celui de son père et qu'elle ne voulait plus de celui de sa mère, elle n'en aurait aucun. Ou plutôt, elle aurait le sien, bien à elle, qu'elle se serait choisi.

Cécile avait erré durant des années, vivant de son art, en apprenant un autre, la poterie. Elle s'était faite portraitiste, copiste, potière, gagnait sa vie comme elle pouvait, ne grignotant que de petites choses, marchant toujours plus loin et cherchant, dans chaque visage, l'homme qui était responsable de sa naissance.
Cécile ne savait pas ce qu'elle ferait, si elle le retrouvait. Serait-elle heureuse ? Lui hurlerait-elle dessus ? Elle n'en avait aucune idée. Tout ce dont elle était certaine, c'était de son nom, à lui. Pierre Maselier, qu'il s'appelait. Tout de même, elle avait mis trois ans à se décider à chercher activement, et une année entière à le localiser. Mais quand on était peintre et copiste qui plus est, on côtoyait tout un tas de gens qui côtoyait tout un tas de gens qui avaient des services à rendre à telle ou telle personne... et de fil en aiguille...

C'était la veille du réveillon de Noël et Cécile Padnom se trouvait plantée devant la porte de l'auberge des Quatre Pissenlits, sa sacoche à l'épaule. Elle portait sa seule robe, bleu ciel un peu usée aux coins, sous son châle vert bouteille. Ses bottines qui commençaient à en avoir marre de vivre aux pieds, un pinceau planté dans les cheveux pour les relever en partie, elle n'avait pas l'air de vivre dans l'opulence et même si elle était jolie, le froid qui avait rougi son nez et l'absence de l'éternel sourire sur son visage lui donnait un air un peu renfrogné. Dans son esprit, tout un tas de possibilités s'offraient à elle et le plus délicat était de prévoir ce qui allait se passer parmi tout ce champ de probabilités.

1) Il regrette profondément et sera ravi de la revoir
2) Il ne regrette rien et est fâché de la voir
3) Il a une bonne grosse famille avec dix enfants et sera content de lui offrir le tout pour un prix modique
4) Il est curé et la forcera à prendre le voile
5) Il ne voudra même pas entendre parler d'elle

Les suppositions s'allongeaient, interminables, toutes plus angoissantes les unes que les autres. Cécile serait peut-être restée la soirée entière plantée devant les Quatre Pissenlits si un promeneur ne l'avait pas bousculé en rouspétant. Cécile fronça les sourcils, carra les épaules, prit son courage à deux mains, et poussa la porte de l'auberge.
Plusieurs hommes se tenaient là, à table, au comptoir, avec des femmes, avec des hommes, tout seul, plus ou moins vieux ou jeunes. Elle ne savait pas à quoi il ressemblait, n'était même pas sûre qu'il se trouvait bel et bien là, mais tant pis. La chance souriait aux audacieux, après tout, non ? Cécile fit quelques pas dans l'auberge, s'arrêta devant le comptoir, gonfla les poumons et lança à voix haute et forte :

- Est-ce que quelqu'un parmi vous s'appellerait Pierre Maselier, par hasard ?
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Pierre...
Le grand barbu s'était calé à une table du fond, près d'une fenêtre, dos au mur, étendant ses longues jambes croisées sur la table. Il avait résisté aux assauts du tavernier, qui était venu lui faire savoir de façon répétée que ça n'étaient pas les manières de la maison, pas plus que les effluves de sa pipe qui incommodaient les autres clients. Les bonnes gens, ceux qui savent se tenir. Ceux qui savent que le chanvre est de bien meilleur usage lorsqu'on veut se tisser une bonne chemise que lorsqu'on qu'on tient à y foutre le feu dans une pièce où les fenêtres sont closes pour échapper à la bise hivernale.

Pierre avait momentanément dérogé à ses habitudes et échangé la salle d'auberge de ses amis pour celle des Quatre Pissenlits. Parfois, les Ponthieu, on les aimait mieux de loin, et le muet n'était pas sûr encore d'avoir digéré cette histoire de mariage. S'il n'était pas du genre à s'épancher, il gardait ses ressentiments longtemps, et d'aucunes mauvaises langues diraient qu'il était parti bouder dans son coin.
Ici, au moins, il avait la paix (hormis le tavernier), et il évitait les emmerdes.

Du moins c'est ce que le taiseux croyait jusqu'à ce qu'il entende la porte de la taverne claquer. Il leva à peine les yeux, absorbé par le rond de fumée qu'il venait de souffler. Une donzelle seule, à peine sortie de l'enfance, échevelée, sans danger. Aucun intérêt. Pierre reporta son attention sur son rond de fumée, qui était parfait.

Jusqu'à ce qu'une petite voix claire s'élève dans la salle.


- Est-ce que quelqu'un parmi vous s'appellerait Pierre Maselier, par hasard ?

D'abord, cela ne lui évoqua rien, à Pierre. Il ne se sentit pas concerné. Maselier. Un patronyme qu'il n'avait pas entendu depuis plus de quinze ans, qu'il avait abandonné alors qu'il était encore jeune et con, qu'il ne réalisait pas encore que lorsqu'on fait un métier qui nécessite de briser les phalanges d'autrui ou de planter quelqu'un dans son lit, il ne valait mieux pas être connu de son vrai nom. La vie s'empressait vite de vous le rappeler, à grands coups dans la gueule. Il ne s'associait même plus à ce nom. Dans sa tête, il n'était que Pierre. Pierre le muet. C'était bien assez.

Puis il percuta. Un instant, ses mirettes couleur d'encre accrochèrent celles, d'un vert franc, de la gamine. Elles s'en détournèrent aussitôt, alors que le muet se renfonçait sur sa chaise et tira une nouvelle fois sur sa pipe.

Pas concerné. Pas ses affaires.
Il ne voulait même pas savoir ce qu'elle lui voulait, ni même comment elle le connaissait.
Qu'elle aille se faire foutre.

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Cecile.
L'absence totale de réponse à sa question pourtant lancée fort laissa Cécile dans un état de profonde incertitude. Bien sûr, elle ne s'était pas vraiment attendue à ce qu'il soit vraiment là exactement au bon moment et au bon endroit. C'eut été avoir un peu trop de chance. Mais quand même ! Quelqu'un, ici, aurait pu le connaître et lui indiquer le meilleur endroit où le trouver. La foule, cependant, restait silencieuse. Cécile fut parcourut d'un frisson et resserra les pans de son châle autour d'elle, comme pour se protéger de ce silence glacial.

- Dégage, fillette, t'importunes.

Cécile sursauta à demi lorsque ce qu'elle supposa être l'épouse du tavernier la poussa légèrement d'un coup de plateau de bois. Elle était toujours au milieu du passage et sans doute gênait-elle le service. Ou bien sa demande avait agacé certaines personnes. Cécile n'en savait rien et à dire vrai la résolution de ce mystère lui semblait très secondaire. Elle se gratta une oreille et poussa un profond soupir. Maintenant, elle n'avait plus d'autres pistes et il était probable qu'elle mette des jours à en apprendre plus. Elle n'avait plus nulle part où aller et il faisait froid, dehors. Alors, sans faire d'histoire, elle se glissa entre les tables et partit s'asseoir dans un coin tranquille, près d'un homme qui faisait des ronds de fumée.

L'endroit lui paraissait tranquille. Les autres étaient retournés à leurs occupations et son voisin ne semblait pas du genre à vouloir se lier à tout prix avec tous les inconnus qu'il pouvait bien croiser dans sa vie. C'était parfait. La lumière était bonne, la chaleur douce, et lorsqu'elle eut commandé la boisson la moins chère de la carte (à savoir un bock de lait aux épices) Cécile s'estima la personne la plus gâtée de l'univers. Il ne lui en fallait pas beaucoup.

Puisqu'elle n'avait rien d'autre à faire et qu'elle non plus n'était pas du genre à vouloir être la meilleure amie de tout un chacun, elle sortit de sa besace une feuille de papier, une fine planche de bois, un fusain et un morceau de tissu blanc. Pendant qu'elle installait tout son matériel, la poche de son tablier s'agita un peu lorsqu'un jeune chat sortit la tête de là, avant de se retourner et de se rendormir en ronronnant. Cécile grattouilla une ou deux fois la tête de Bouboule avant de redresser le nez. Elle était bien décidée à rester là le plus longtemps possible. Chaque homme qui passerait le seuil de cette auberge se verrait poser la même question. On lui avait assuré que son père traînait dans cette ville, Cécile n'en partirait qu'après l'avoir trouvé. Demain, elle ferait la même chose ailleurs, quitte à aller voir le registre des voyageurs, ou à consulter la liste des habitants de la cité. Maintenant qu'elle avait commencé à le chercher activement, elle n'abandonnerait pas de sitôt.

Presque sans réfléchir, sa main traça les premiers traits de ce qu'elle avait sous les yeux. Une simple scène de la vie quotidienne, le visage affairé du tavernier en train d'emplir des chopes et celui de sa femme en train de disposer quelques pintes sur son plateau. Cécile adorait s'adonner à ce genre d'activité. Cela ne nécessitait pas grand matériel, et les modèles étaient nombreux. Ses joues se teintaient de rose tandis qu'elle prenait visiblement plaisir à dessiner. Un mouvement d'épaule fit glisser son châle qui glissa dans son dos ; la jeune fille oubliant le temps qui passait et reléguant presque en second plan la raison de sa venue ici.

Jusqu'à ce que la porte s'ouvre.
Un homme fit son entrée, le coeur de Cécile manqua un battement. C'était peut-être lui ?
Le fusain lui échappa des doigts. Elle se redressa, l'estomac noué. La planche de bois et le dessin tombèrent par terre dans un bruit sec, entre sa chaise et celle de son voisin.
Elle inspira profondément pour se donner du courage tout en se parlant à elle-même.

- Demande-lui si c'est lui, demande-lui s'il est Pierre Maselier. C'est pas compliqué. Courage ma fille.

Elle attendrait qu'il s'assoit. Pour ne pas attirer l'attention. Dès qu'il serait assis. À la seconde où il aurait pris place, elle irait. C'était décidé.
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Pierre...
Merde. La fouineuse avec un pinceau sur la tête se dirigeait vers lui.
Il n'aurait pas dû croiser son regard. Avait-elle pris ce bref échange pour un assentiment ?

Mais non, et le grand muet se détendit légèrement. La donzelle se contenta de s'asseoir à côté de lui et de commander à boire. Pierre l'observa à la dérobée à travers les volutes qui s'échappaient de sa pipe, alors qu'elle s'affairait. La voyant sortir papier et planchette de bois, il crut qu'elle allait se mettre à écrire («
Chère journale », s'attendait-il presque à lire par-dessus son épaule.* « Les gens, il sont pas gentil, il veulent pas parlé avec moi... »).
Au lieu de ça, elle se mit à dessiner. Croquer, à grands coups de fusain, la faune tranquille de l'auberge. En un trait, le geste sûr du tavernier qui versait la bière, la façon dont sa bonne femme tournait des hanches de table en table et remettait une mèche dans son bonnet alors qu'un homme au gros nez la hélait pour une autre tournée... En peu de choses, la blondinette couchait la vie sur le papier, si absorbée et si sûre dans son geste qu'elle semblait avoir perdu toute la gaucherie qu'elle avait en entrant ici.

Voilà un passe-temps peu commun. Les seuls portraits auxquels le taiseux avait été confronté étaient des avis de recherche. Il fronça les sourcils, méfiant. Et si la donzelle le cherchait pour faire le sien ? Ça n'avait pas de sens. Les habitués de cette taverne comme leurs tenanciers semblaient être de braves gens, et lui-même était resté sage, ces derniers temps. Il n'avait pas eu de contrat depuis une éternité.

La porte s'ouvrit à nouveau, dévoilant un homme aux membres secs, à la tignasse blondie par le soleil. Un paysan, sans doute. La fille sursauta si fort qu'on l'aurait presque entendue couiner, et envoya valser tout son matériel à dessin. Charme rompu, elle semblait de nouveau parfaitement idiote.

Pierre grinça des dents alors qu'elle marmonnait, presque hystérique :

Demande-lui si c'est lui, demande-lui s'il est Pierre Maselier. C'est pas compliqué. Courage ma fille.

Humpf. Ce bouseux lui ressemblait même pas. Mais il fallait reconnaître que la gamine avait de la suite dans les idées.
Le muet soupira, mâchonnant l'embout de sa pipe avec mauvaise humeur. Elle risquait de faire la même scène à chaque entrant mâle des lieux. Il fallait qu'il sache ce que cette fille lui voulait, qu'il le veuille ou non. C'était plus prudent. Quelqu'un qu'il connaissait pouvait le dénoncer, et il perdrait l'avantage de l'anonymat. Il ne pourrait plus esquiver les emmerdes s'il s'en présentait. Et il y avait toujours des emmerdes. Toujours.

Pierre déplia sa grande carcasse et ôta ses pieds de la table pour venir attraper la planchette de bois et le fusain abandonnés au sol. Rapidement, quelques mots furent esquissés, couvrant sans gêne un des croquis.


Citation:
Qu'est-ce que tu lui veux à ce Maselier ?


Il tendit son bien à la jeune dessinatrice, haussant un sourcil inquisiteur.

* Pierre ne s'était jamais senti concerné par l'intimité épistolaire d'autrui.
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